Bataille de la Vieuville

La bataille de la Vieuville ou combat du Rocher de Bouliers a lieu le lors de la Chouannerie. Elle s'achève par la victoire des chouans qui écrasent un convoi républicain qui regagnait Fougères après avoir ravitaillé Saint-Georges-de-Reintembault.

Bataille de la Vieuville
Description de cette image, également commentée ci-après
Vue du manoir de La Vieuville en 2014.
Informations générales
Date
Lieu Entre Le Châtellier et Parigné
Issue Victoire des chouans
Belligérants
Drapeau de la France République française Drapeau des armées catholiques et royales Chouans
Commandants
• Joré Aimé Picquet du Boisguy
Forces en présence
300 hommes[1] 900 hommes[1]
Pertes
49 morts[1]
30 blessés[1]
27 morts[1]
60 blessés[1]
2 prisonniers (fusillés)[1]

Chouannerie

Batailles


Coordonnées 48° 25′ 09″ nord, 1° 14′ 02″ ouest
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Prélude

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Pendant l'automne 1795, la ville de Fougères reçoit des appels à l'aide du bourg patriote de Saint-Georges-de-Reintembault, qui est encerclé et régulièrement attaqué par les chouans. Le 5 frimaire de l'an IV, soit le , le général Jean Humbert, commandant des forces républicaines dans l'est de l'Ille-et-Vilaine, arrive à Fougères avec 500 hommes[2],[1],[3]. L'adjudant-général Bernard, commandant de la garnison de Fougères, forme alors une colonne de 300 hommes et lui donne pour instruction de se rendre à Louvigné-du-Désert, d'y prendre une cargaison de fusils et de munitions et de la transmettre au cantonnement de Saint-Georges-de-Reintembault[2],[1],[3].

Dans ses mémoires, l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand affirme que le commandant Joré, chef des carabiniers, emploie une ruse en déclarant publiquement à Fougères qu'il compte attaquer les chouans à Parigné[1],[4]. Aimé Picquet du Boisguy, le chef des chouans du pays de Fougères, en est informé et arrive le soir même à Parigné, où il place ses hommes en embuscade pour attendre les républicains[1],[4].

Le matin du , le convoi se met en route, tandis que le général Humbert regagne Vitré avec 100 hommes[2],[1],[3]. Cependant, la colonne prend une tout autre route que celle annoncée par Joré[1],[4]. Les républicains s'engagent dans la forêt de Fougères et arrivent sans encombre à Louvigné-du-Désert, d'où ils gagnent ensuite Saint-Georges-de-Reintembault[2],[1],[3].

Les chouans apprennent dès l'aube que les républicains les ont contourné et qu'ils ont pu ravitailler Saint-Georges[1],[3]. Boisguy gagne alors la route de Louvigné-du-Désert à Saint-Georges-de-Reintembault, où il prend position pour attendre le retour de la colonne[1],[3]. Toutefois l'attente dure 24 heures et toutes les ordonnances envoyées par les chouans reviennent sans nouvelles[1],[3]. Boisguy estime alors que les républicains ont probablement emprunté la route de Saint-James pour regagner Fougères par l'ouest[1],[3]. Il se porte donc à La Vieuville, entre Le Châtellier et Parigné, et donne l'ordre de distribuer les logements pour faire reposer ses hommes[1],[3]. Cependant, les républicains sortent à ce moment de Saint-Georges-de-Reintembault et s'engagent sur le chemin Moutais pour regagner Fougères par la voie la plus directe[2],[1]. Alors que Boisguy et trois de ses officiers — Jean de Saint-Gilles, Julien Saulcet, dit Duval et Marie-Eugène Tuffin de La Rouërie — chevauchent eux-mêmes en éclaireurs, ils apprennent rapidement que les républicains sont à La Bataillère, à seulement deux kilomètres au nord de La Vieuville[1],[3].

Forces en présence

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Selon le rapport adressé par les administrateurs du district de Fougères au député Louis Anne Esprit Rallier, membre du Conseil des Anciens, la colonne républicaine envoyée par le commandant Bernard n'est forte que de 300 hommes, tandis que les chouans sont estimés entre 3 000 et 4 000[2],[1],[3]. La colonne républicaine est en partie composée d'hommes du 9e bataillon de volontaires de Paris[5].

Dans ses mémoires, l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand affirme que Aimé Picquet du Boisguy est à la tête d'une troupe de 900 hommes[1],[3],[4]. Selon Pontbriand, la colonne républicaine est quant à elle constituée d'environ 650 hommes, dont 400 carabiniers à pied sous les ordres du chef de bataillon Joré, 200 grenadiers commandés par le capitaine Hagré et 50 à 60 gardes territoriaux de Saint-Georges-de-Reintembault[1],[3],[4].

De son côté, l'officier royaliste Marie Eugène Charles Tuffin de La Rouërie semble évoquer très brièvement ce combat dans un mémoire rédigé quelques mois plus tard en Grande-Bretagne, dans lequel il affirme qu'il opposa 400 chouans à 400 républicains[3].

Déroulement

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Les sources républicaines n'évoquent le combat que très brièvement. Le rapport du district de Fougères indique que les chouans, « embusqués dans les positions les plus avantageuses », attendent et surprennent la colonne « en l'attaquant dans tous ses points par la fusillade la plus vive »[2],[1]. Ils y jettent alors « le désordre » et la mettent « en déroute complète »[2],[1].

Le récit le plus détaillé est donné par l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand, dans ses mémoires[Note 1]. Celui-ci place le combat en octobre 1795, mais les sources républicaines donnent la date du 7 frimaire de l'an IV, soit le 28 novembre 1795[4]. D'après le récit de Pontbriand, Boisguy et ses officiers chevauchent en direction de La Bataillère, lorsqu'ils tombent sur les gardes territoriaux de Saint-Georges-de-Reintembault, placés à l'avant-garde de la colonne républicaine[1],[4]. Comme ces derniers ne portent pas d'uniformes, les officiers royalistes pensent rencontrer un détachement ami, mais ils sont accueillis par une décharge à une demi-portée de fusil et prennent la fuite au galop[1],[4].

L'embuscade étant découverte, Boisguy rassemble ses forces sur la hauteur des Tombettes et marche à la rencontre des républicains[1],[4]. Il donne pour instruction à Saint-Gilles et à Tuffin de La Rouërie de se mettre à la tête de son aile droite et de son aile gauche pour envelopper la colonne[1],[4]. Une compagnie commandée par le capitaine Joseph Boismartel, dit Joli-Cœur, reçoit également pour instruction de contourner la colonne républicaine par la gauche et de lui couper la retraite[1],[4]. Au centre, les gardes territoriaux sont mis en déroute par du Boisguy avant d'avoir eu le temps de s'embusquer et ils jettent la confusion dans les rangs des carabiniers[1],[4]. Les républicains sont ensuite attaqués sur leurs ailes par Saint-Gilles et Tuffin de La Rouërie et se retrouvent dans une position désavantageuse, resserrés dans un trop petit espace, sans possibilité de s'étendre[1],[4]. Joré tente alors à deux reprises une attaque à la baïonnette au centre, sans succès[1],[4]. Il donne ensuite l'ordre au capitaine Hagré, le commandant des grenadiers, de s'emparer sur son flanc gauche du rocher de Bouliers, qui pourrait offrir une excellente position[1],[4]. Cependant, l'attaque des grenadiers se heurte à deux compagnies royalistes commandées par le capitaine François Poirier, dit Sans-Chagrin, et est repoussée[1],[4]. Au même moment, les carabiniers sont attaqués sur leurs arrières par la compagnie du capitaine Joseph Boismartel, dit Joli-Cœur[1],[4].

Joré constate alors qu'il est sur le point d'être encerclé et donne l'ordre d'abandonner la grand route et de prendre position sur un plateau, situé près du Rochers de Bouliers[1],[4]. Les grenadiers de Hagré le rejoignent et les républicains se mettent en formation carrée[1],[4]. Désormais dans une position un peu plus favorable, ils parviennent à tenir à distance les chouans qui s'embusquent de tous côtés pour rester à l'abri et qui poursuivent la fusillade depuis des positions trop éloignées[1],[4].

Boisguy et les officiers Saint-Gilles, Poirier, Duval et Renou réunissent alors leurs meilleurs combattants et s'avancent à l'abri d'un fossé qui se prolonge obliquement jusqu'au plateau[1],[4]. Les chouans lancent ensuite une charge à courte distance sur le carré des républicains et engagent un combat acharné à la baïonnette[1],[4]. Selon Pontbriand, les carabiniers « ne pouvaient plus faire usage de leurs armes tant ils étaient pressés ; on se prenait aux cheveux et ni l'un ni l'autre des deux partis ne voulait céder »[1],[4]. N'ayant plus que deux lignes intactes, Joré tente alors une percée par la route de Fougères[1],[4]. Elle réussit, mais les républicains sont vivement poursuivis et ne peuvent opérer la retraite en bon ordre[1],[4]. D'après le rapport des administrateurs du district, 400 hommes de la garnison de Fougères viennent au secours de la colonne et parviennent à couvrir la retraite des fuyards[1],[2]. Dans ses mémoires, Pontbriand affirme que les troupes de Joré ne reçoivent aucun secours, cependant il indique que les républicains se rallient aux buttes de la Houlette et rentrent le soir à Fougères[1],[4]. La bataille s'achève après avoir duré sept heures[1],[4].

D'après le rapport des administrateurs du district de Fougères adressé au député Rallier[Note 2], les pertes républicaines sont de 49 hommes et de 30 blessés[2],[1],[3]. Le même bilan est donné le 21 décembre dans une lettre du district de Fougères adressée au Directoire exécutif[Note 3]. Le registre du 9e bataillon de volontaires de Paris fait également mention de la mort de onze de ses hommes et de la blessure du capitaine Potentier, touché par un coup de feu au pouce gauche, lors d'un combat contre les chouans entre Saint-Georges-de-Reintembault et Fougères, le 28 novembre 1795[5].

Selon les mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand, les pertes des chouans sont de 27 morts et de 60 blessés, contre 300 hommes et un grand nombre de blessés du côté des républicains[1],[4]. Il indique également que deux chouans sont capturés à La Bataillère et fusillés par les républicains peu avant le début du combat[1],[4].

Dans son mémoire rédigé en Grande-Bretagne en 1795, Marie Eugène Charles Tuffin de La Rouërie semble évoquer brièvement ce combat quand il écrit qu'« à la Vieuxville, quatre cents chasseurs ont battu quatre cents Républicains, avec perte de deux cent cinq hommes[3]. »

Notes et références

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  1. « Joré ne laissait aucun repos à du Boisguy. Il venait de recevoir un renfort de deux cents grenadiers, commandés par le capitaine Hagré, et il se flattait de détruire d'un seul coup toutes les forces des Royalistes de Fougères ; mais il redoutait les embuscades, où il perdait toujours beaucoup de monde, ce qui démoralisait ses troupes. Les habitants et la garnison de Saint-Georges-de-Reintembault demandaient des munitions et des vivres ; il se chargea de conduire le convoi ; mais il voulut être le seul à fixer le jour et l'heure du départ, dans la crainte que l'ennemi ne fût prévenu. Ayant reçu avis que Boismartel était au village de la Tendrais, en Parigné, avec sa seule compagnie, il dit hautement sur la place, à Fougères, qu'il irait l'enlever pendant la nuit. Du Boisguy en fut instruit le soir même ; il fit donc prévenir Boismartel et lui ordonna de s'embusquer en avant du village, d'y attendre l'ennemi et de ne tirer qu'à bout portant, l'informant que lui-même partait avec toute sa colonne pour le soutenir. Il arriva, en effet, peu d'heure après, plaça ses troupes dans la position la plus favorable et alla visiter l'embuscade de Joli-Cœur (Boismartel), auquel il recommanda de se replier peu à peu sur lui, pour attirer Joré dans celle qu'il lui avait préparée. Il passa ainsi toute la nuit, et ce ne fut qu'au point du jour qu'il apprit que Joré, avec quatre cents carabiniers et deux cents grenadiers, avait traversé la forêt de Fougères, avec le convoi, et se rendait à Saint-Georges par Louvigné. Voyant que Joré avait trop d'avance sur lui pour qu'il put le joindre, du Boisguy résolut de l'attendre à son retour. Il demeura vingt-quatre heures à surveiller cette route, mais n'en ayant aucune nouvelle, il pensa que les Républicains prendraient en revenant, celle de Saint-James. Il conduisit donc ses troupes à la Vieuxville, mais toutes les ordonnances qu'il avait envoyées à la découverte étant de retour sans nouvelles, il ordonna de faire des logements, afin de faire reposer ses soldats. Cependant, il était toujours inquiet et voulut s'assurer par lui-même de l'exactitude des rapports qui lui avait été faits. Il monta à cheval et, suivi du chevalier de Saint-Gilles, de Duval et de Tuffin, il s'avança sur la route de Saint-James. Il n'avait pas fait une demi-lieue, quand il apprit que Joré était au village de la Bataillère, où il avait surpris deux de ses soldats qu'il avait fait fusiller. A cette nouvelle, du Boisguy retourna au galop à la Vieuxville, où déjà on commençait à distribuer les logements. Il réunit toutes ses troupes et les conduit sur la hauteur des Tombettes, à peu de distances de la Vieuxville.

    Arrivé là, il parcourt rapidement le terrain où il veut combattre et prend les dispositions nécessaires ; il place à sa droite le chevalier de Saint-Gilles et Duval, Tuffin de La Rouarie et Louvières, à sa gauche, et envoie Boismartel, avec sa compagnie, en lui donnant l'ordre de marcher un peu dans les terres, sur la gauche, afin de prendre l'ennemi en flanc lorsque le combat sera engagé. Il laisse Renou et Sans-Chagrin au centre, et s'avance lui-même, avec quelques cavaliers pour reconnaître l'ennemi.

    Joré avait placé à son avant-garde cinquante à soixante gardes territoriaux de Saint-Georges, dont les vêtements étaient semblables à ceux des Royalistes ; du Boisguy y fut trompé et ne reconnut son erreur qu'à une demi-portée de fusil, au moment où il reçut la décharge de toute cette avant-garde. Il fit aussitôt volte-face et courut se mettre à la tête du centre de sa troupe, mais jugeant bien que Joré ne viendrait pas donner dans son embuscade, il la fit sortir de sa position et marcher à l'ennemi, sans donner à celui-ci le temps de se reconnaître, et envoya l'ordre à Saint-Gilles et à Tuffin de suivre son mouvement, en s'étendant un peu pour envelopper les Républicains ;—il avait environ neuf cents hommes.— Sa première attaque culbuta facilement l'avant-garde, et il joignit les carabiniers au moment où Joré leur donnait l'ordre de s'embusquer ; leur longues files se voyaient au loin sur la grande route, car ils n'avaient pas eu le temps de se former ; néanmoins, comme ces troupes étaient excellentes, le feu fut bientôt engagé sur tous les points; mais Saint-Gilles et Tuffin, arrivant des deux côtés, en leur permirent jamais de s'étendre et, se trouvant resserés dans un trop petit espace, ils eurent toujours un désavantage. Deux fois Joré voulut traverser les lignes de du Boisguy à la baïonnette, deux fois il fut repoussé avec beaucoup de pertes.

    Il (Joré) donna l'ordre au capitaine Hagré de s'emparer du Rocher de Bouliers, position excellente sur sa gauche ; ce capitaine s'y porta avec ses grenadiers, mais il y trouva Sans-Chagrin, avec deux compagnies, qui repoussa toutes ses attaques. Dans ce moment, une nouvelle fusillade se fit entendre sur les derrières des carabiniers ; c'était Boismartel qui arrivait avec sa compagnie. Joré, se voyant sur le point d'être cerné de toutes parts, abandonna subitement la grande route par un mouvement à gauche, et fut prendre position sur un plateau qu'il avait aperçu près du Rocher de Bouliers, où il fut rejoint par les grenadiers. Il forme aussitôt un bataillon carré qui fait un feu terrible sur les Royalistes. Ceux-ci s'embusquent de tous côtés pour se mettre à l'abri. Du Boisguy, voyant que ses troupes tiraient de trop loin et sans résultat, réunit ses meilleurs soldats et, accompagné de Saint-Gilles, Duval, Renou et Poirier, il s'avance à l'abri d'un fossé, qui se prolongeait obliquement jusqu'auprès du plateau, et, tous ensemble, ils se précipitent si vivement sur le carré, qu'ils y pénètrent dans un instant. Alors un nouveau combat corps à corps recommence avec ces braves carabiniers, qui ne pouvaient plus faire usage de leurs armes tant ils étaient pressés ; on se prenait aux cheveux et ni l'un ni l'autre des deux partis ne voulait céder. À la fin, Joré, qui avait encore deux lignes intactes, voyant qu'il ne pouvait tirer sans tuer ses propres soldats, et se trouvant enveloppé de toutes parts, se décida à la retraite. Il se précipita sur la ligne qui fermait la route de Fougères et réussit à la percer, mais il fut poursuivi si vivement, jusqu'aux buttes de la Houlette, qu'il ne put conserver aucun ordre. Il s'arrêta dans cette forte position pour rallier les fuyards, et réussit à rentrer le soir à Fougères.

    Les Républicains perdirent trois cents hommes dans cette action; le corps des carabiniers surtout avait fait de grandes pertes dans la déroute et il avait de plus un grand nombre de blessés. Le combat avait duré sept heures et on n'avait rien entendu ni reçu aucun avis à Fougères. Les Royalistes eurent vingt-sept hommes tués et près de soixante blessés, entre lesquels Gabriel Renault, de Montpellier, lieutenant; Julien Gautier, de Saint-Germain ; André Faligot, de Coglès ; Jacques Deshayes et Pierre Châtelain, de Fleurigné ; Jean Louvet, de Saint-Étienne ; Jean le Lièvre, de Parigné ; François Hélot, de Parcé ; Pierre Pannetier et Pierre Chapelier, de Fougères ; Pierre Brault et Jean Lallier, de Montaudin; Pierre le Ray, de Larchant ; Michel Boisset et François Renard, de Laignelet ; Pierre Boismartel, Guillaume Tison et Jean Petitpas, du Châtellier, le furent grièvement.
    Cette affaire fut bien conduite ; du Boisguy avait environ trois cents hommes de plus que Joré, mais les talents de ce chef et la discipline de ses soldats pouvaient compenser le nombre ; le terrain lui fut toujours contraire, et il ne put réparer la faute immense qu'il avait fait de placer à son avant-garde les mauvaises troupes de Saint-Georges, qui prirent la fuite au premier choc, mirent le désordre dans les rangs, et dont on ne vit plus un seul homme pendant le combat. Sa colonne était trop allongée. Les carabiniers et les grenadiers, accoutumés à entendre leurs officiers parler avec mépris des soldats-paysans royalistes, croyaient que leur présence suffirait pour les mettre en fuite et ne se tenaient pas sur leurs gardes ; au moment où la fusillade commença, il y avait encore des grenadiers dans un cabaret à une demi-lieue en arrière. Le commandant Joré, qui avait fait la guerre d'Amérique et combattu les Prussiens et les Autrichiens, disait qu'il n'avait pas vu une affaire plus rude, ni combattu d'aussi brave ennemis.
    Tous les partis rendaient justice à la valeur de Joré ; mais il s'était rendu odieux par ses cruautés. Non seulement il fusillait les prisonniers, mais il faisait tuer les paysans dans leurs propres maisons, sous le plus léger pretexte.
    Le chevalier de Saint-Gilles prouva qu'il était digne du nom des du Guesclin, ses aïeux, qu'il avait pris comme surnom ; il fut le premier à pénétrer dans le formidable carré des carabiniers, où Duval, Renou, Poirier, Tuffin, Montembault, deux Boismartel, Louvières, Oger, Javailles, Mezerai et cent autres le suivirent, avec leur brave général, qui déclara, devant toute sa colonne, qu'on devait à Saint-Gilles la gloire de cette journée[4],[1]. »

    — Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand

  2. « Le 5, le général Humbert vint à Fougères avec une colonne de cinq cents hommes. Le commandant Bernard profita de ce renfort pour envoyer de concert avec lui, le 6, trois cents hommes à Louvigné prendre des fusils et des munitions destinées à Saint-Georges et de les transférer à ce cantonnement. Ce même jour, 6, Humbert repartit pour Vitré avec cent hommes ; la colonne de trois cents hommes se rendit à Saint-Georges sans aucune rencontre.

    Le 7, le chef qui la commandait et qui avait dans son ordre le pouvoir de se porter partout où, d'après les renseignements, il jugerait sa présence nécessaire, se mit en route pour rejoindre la garnison par le chemin Moutais. Trois ou quatre mille chouans, embusqués dans les positions les plus avantageuses les attendaient. Ils surprirent la colonne et, en l'attaquant dans tous ses points par la fusillade la plus vive ils y jetèrent le désordre et la mirent en déroute complète.

    Nous avons perdus quarante-neuf hommes, nous avons eu trente blessés, et si la retraite précipitée et la rentrée des blessés n'avaient été protégées par une colonne de quatre cents hommes que le commandant envoya de la place aussitôt qu'il fut instruit de l'attaque, la première colonne eût été taillée en pièces. Voilà une preuve irréfutable qu'il y a des chouans dans notre district et qu'ils sont en grand nombre. La troupe de Humbert n'en doutera certainement pas, puisqu'elle a elle-même souffert dans cette rencontre ; mais le général, plein de mauvaise volonté pour notre pays, et qui était parti le 6, en doutera peut-être encore, si surtout il en juge par la facilité qu'il a eue de venir à Fougères avec trente hommes et de s'en retourner avec cent. Depuis ce moment, pour ajouter à la consternation publique, Humbert a retiré toutes ses troupes[2]. »

    — Rapport des administrateurs du district de Fougères adressé au député Louis Anne Esprit Rallier

  3. « Le 7 frimaire, trois cents hommes de troupes de ligne et d'élite qui avaient porté au cantonnement de St-Gcorges ce dont il avait le plus pressant besoin furent attaqués à leur retour par deux ou trois mille brigands. Le courage fut écrasé par le nombre et outre trente blessés nous avons à regretter quarante neuf militaires »

    — Lettre des administrateurs du district de Fougères, adressée au Directoire exécutif et datée du 30 frimaire.

Références

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  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al am an ao ap aq ar as at au av aw ax ay et az Le Bouteiller 1988, p. 459-462.
  2. a b c d e f g h i j et k Lemas 1994, p. 223-224.
  3. a b c d e f g h i j k l m n o et p Pontbriand 1904, p. 214-220.
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac et ad Pontbriand 1897, p. 209-215.
  5. a et b Chassin et Hennet, t. II, 1902, p. 19-20.

Bibliographie

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  • Charles-Louis Chassin et Léon Hennet, Les volontaires nationaux pendant la Révolution, t. II, Paris, Librairie Léopolod Cerf et librairie Noblet, (lire en ligne).  .
  • Christian Le Bouteiller, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , 839 p.  .
  • Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, (réimpr. 1994), 371 p. (ISBN 978-2-906064-28-7, lire en ligne).  
  • Paul-Marie du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy : Fougères-Vitré, Basse-Normandie et frontière du Maine, 1793-1800, Paris, Honoré Champion éditeur, (réimpr. La Découvrance, 1994), 509 p. (lire en ligne).  
  • Toussaint du Breil de Pontbriand, Mémoires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, Plon, (réimpr. Éditions Yves Salmon, 1988), 629 p. (lire en ligne).