Insurrection du 1er prairial an III

révolte parisienne du 20 mai 1795 dont l'échec mit un terme au projet de restauration d'un gouvernement révolutionnaire dominé par les Montagnards

L'insurrection du 1er prairial an III (20 mai 1795) est une révolte des habitants faubourgs de Paris contre la Convention nationale, qui revendiquent à la fois des mesures frumentaires et la mise en place d'un gouvernement révolutionnaire qui applique la constitution du 24 juin 1793. L'insurrection, au terme de laquelle le député Jean-Bertrand Féraud est assassiné, se solde par un échec.

Journée du 1er prairial de l'an IIIe, gravé par Helman d'après Monnet.
Estampe, Paris, BnF, département des estampes, 1796.

Insurrection

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Le 1er prairial an III (le 20 mai 1795), les habitants des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel investissent la Convention nationale pour réclamer « du pain et la constitution de l'an I ».

Jean-Bertrand Féraud (député des Hautes-Pyrénées, Plaine), qui est notamment chargé de contrôler l'arrivage des subsistances dans Paris, est assassiné par les émeutiers en tentant de les empêcher de se rendre à la tribune. Sa tête est tranchée, placée au bout d'une pique et présentée à François-Antoine Boissy-d'Anglas (député de l'Ardèche, Plaine) qui a remplacé Théodore Vernier (député du Jura, Girondin) au fauteuil de président. Boissy-d'Anglas salue la tête du député assassiné, se rassoit et se couvre, et refuse de céder aux revendications des émeutiers.

Dans la nuit du 1er au 2 prairial (du 20 au 21 mai), la garde nationale et les troupes commandées par les généraux Jacques-François Menou et Joachim Murat, et par les députés François Bergoeing (député de la Gironde, Girondin) et Augustin de Kervélégan (député du Finistère, Girondin) libèrent la Convention et rétablissent l'ordre. Les sections sont désarmées après l'insurrection du 1er prairial, qui apparaît comme la dernière insurrection populaire de la Révolution française, voire comme la dernière jusqu'à la révolution de Juillet (1830)[1],[2].

Au terme de l'insurrection, quatorze députés qui siègent parmi les « derniers Montagnards » sont décrétés d'arrestation[3] :

Jean-Baptiste Louvet (député du Loiret, Girondin) rend compte de l'évènement dans sa correspondance avec Mathieu Villenave[4]. Le 14 prairial (2 juin), il prononce l'oraison funèbre de Féraud[5].

Dans leurs mémoires rédigés au dix-neuvième siècle, d'anciens conventionnels Marc Antoine Baudot (député de Saône-et-Loire, Montagnard)[6] ou Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux (député du Maine-et-Loire, Gironde)[7] affirment que Féraud a été assassiné par méprise, ayant été confondu avec son collègue et paronyme Louis Fréron. L'historien Albert Mathiez réfute cette théorie : « Féraud était haï du peuple de Paris parce qu'il était charge, avec Barras et Rouyer, du service du ravitaillement » et parce qu'il « avait tenu tête aux insurgés et s'était battu avec eux »[8]. L'historien Pierre Serna abonde également en ce sens : « Le peuple en colère n’a pas tué au hasard. Féraud, ce jour-là, non seulement multiplie les coups de main et de poings contre les émeutiers, [...] mais de plus, il est bien connu de la foule parisienne, pour son rôle dans la police d’approvisionnement de Paris dont il a en partie la charge, [...] ce qui le rend détestable »[1].

Représentation dans les arts

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Le président de la Convention, Boissy d'Anglas, salue les restes du député Jean Bertrand Féraud, mutilé par les sans-culottes.
 
Charles Ronot, Les Derniers Montagnards, 1882,
(musée de la Révolution française).

Peinture

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Le , sous la monarchie de Juillet, François Guizot, alors ministre de l'Intérieur, organise un concours de peinture visant à décorer le palais Bourbon d'un triptyque. L'un des trois sujets proposé est Boissy d’Anglas tenant tête à l’émeute.

Cinquante-trois peintres répondent au concours et treize toiles demeurent encore référencées. Parmi elles[9] :

Un autre tableau, de Charles Ronot (1820-1895), Les Derniers Montagnards[10], réalisé en 1882, représente les suicides ou tentatives de suicide héroïques des six députés condamnés à la guillotine, le 17 juin 1795, pour avoir soutenu l'insurrection : Romme, Goujon, Duquesnoy, Bourbotte, Duroy et Soubrany.

Littérature

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En 1869 dans un roman inachevé, resté longtemps inédit, Le Chevalier de Sainte-Hermine, Alexandre Dumas père brode en inversant les données politiques. Sous Napoléon des martyrs se suicident collectivement selon le même mode opératoire que ceux de l'an III pour échapper à la condamnation à mort : mais ce sont des chouans contre-révolutionnaires.

Bibliographie

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Notes et références

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Sur les autres projets Wikimedia :

  1. a et b Pierre Serna, « Comment peindre l’assassinat du député dans l’Assemblée nationale et la présentation de sa tête au président », Parlement[s], Revue d'histoire politique, vol. 16, no 2,‎ , p. 135–143 (ISSN 1768-6520, DOI 10.3917/parl2.hs16.0135, lire en ligne, consulté le )
  2. Pierre Serna, « « Les hommes ne meurent pas libres et égaux… » ou la face cachée des tableaux du Ier prairial en 1830 », La Révolution française, no 10,‎ (ISSN 2105-2557, DOI 10.4000/lrf.1584, lire en ligne, consulté le )
  3. Françoise Brunel, « Les derniers Montagnards et l'unité révolutionnaire », Annales historiques de la Révolution française, vol. 229, no 1,‎ , p. 385–404 (DOI 10.3406/ahrf.1977.1009, lire en ligne, consulté le )
  4. Louvet, Jean-Baptiste (1760-1797), « À Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave »  , sur https://fr.wikisource.org, (consulté le )
  5. Louvet de Couvray, Jean-Baptiste (1760-1797), « Discours prononcé par le représentant du peuple J.B. Louvet, dans la séance du 14 prairial, an IIIe., pour célébrer la mémoire du représentant du peuple Féraud, assassiné dans ses fonctions, le premier de ce mois »  , sur www.archive.org, 14 prairial an 3 (2 juin 1795) (consulté le )
  6. Baudot, Marc-Antoine (1765-1837), « Notes historiques sur la Convention nationale, le Directoire, l'Empire et l'exil des votants »  , sur www.gallica.bnf.fr, (consulté le )
  7. La Révellière-Lépeaux, Louis-Marie de (1753-1824), « Mémoires de Larevéllière-Lépeaux, membre du Directoire exécutif de la République française et de l'Institut national, publiés par son fils [...] »  , sur https://gallica.bnf.fr, (consulté le )
  8. Mathiez, Albert (1874-1932), « La réaction thermidorienne »  , sur www.gallica.bnf.fr, (consulté le )
  9. « Boissy d'Anglas à la Convention (1er prairial an III) »  , sur https://diacritiques.blogspot.com, (consulté le )
  10. DUPUY, Pascal, « Les martyrs de prairial - Histoire analysée en images et œuvres d’art | https://histoire-image.org/ »  , sur L'histoire par l'image, (consulté le )