Zéphirin Camélinat
Zéphirin Camélinat, né le à Mailly-la-Ville (Yonne) et mort le à Paris, est un syndicaliste et homme politique français.
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Biographie
modifierCarrière professionnelle
modifierNé en 1840[1], fils d'un vigneron carrier tailleur de pierres surnommé Camélinat le rouge, Rémi Zéphirin Camélinat déménage à Paris à l'âge de 17 ans et travaille chez un fabricant de tubes de cuivre, puis comme ouvrier bronzier. Tout en se formant professionnellement (il suit des cours aux Arts-et-métiers et apprend l'anglais[2]), il devient l'un des principaux dirigeants syndicaux des ouvriers du bronze, dont il anime, en 1867, une grève victorieuse. Reconnu professionnellement, il travaille durant cinq ans pour des entreprises qui participent à la construction et la décoration de l'Opéra Garnier à Paris[3],[4].
Lors de la Commune, en remplacement de Alfred Renouard de Bussierre parti le à Versailles, Zéphirin Camélinat est nommé directeur de la Monnaie de Paris[5] le . Il réorganise l'entreprise[6] et fait frapper, avec la fonte d'une partie de l'argenterie impériale récupérée dans les palais, des pièces de 5 francs au type Dupré, dites Hercule au trident, son différent de directeur de la monnaie étant un trident, lequel symbole remplace l'abeille, qui est celui de Bussierre. Une partie de ces pièces portent sur la tranche une nouvelle devise : « Travail, Garantie Nationale ».
Mises en circulation durant la courte période de la Commune, elles sont restées célèbres et recherchées jusqu'à aujourd'hui dans le monde de la numismatique. 256 410 exemplaires ont été frappés, mais seulement 76 013 ont été mis en circulation. On peut remarquer qu'il fut d'une honnêteté rigoureuse et que, lors de son départ pour l'exil, pas un sou n'a manqué dans les caisses ni une monnaie dans les collections[7].
Parcours politique
modifierAmi de Pierre-Joseph Proudhon, il est l'un des signataires du Manifeste des Soixante (1864). Fondateur de l'Association internationale des travailleurs (AIT), il participe, en 1866 à Genève au 1er congrès de celle-ci. Il est mobilisé pendant la guerre de 1870. Dès , il est un des membres actifs du Comité central républicain des Vingt arrondissements de Paris[8]. Membre du conseil fédéral parisien de l'AIT[9], il prend part activement à la Commune.
Après l'épisode de la Monnaie, il participe aux derniers soubresauts de la Commune. Ainsi, Jules Vallès relate dans L'insurgé, le début de la journée du :
- « On est resté debout toute la nuit. À l'aube, Cournet, Theisz, Camélinat et moi, nous sommes redescendus vers Paris. La rue d'Angoulème tient encore. C'est le 209e, le bataillon dont Camélinat est le porte-drapeau, qui se défend là en désespéré. Quand ils ont vu le camarade arriver, ils lui ont payé une vraie tranche d'ovation. »[10]
Il échappe à la répression versaillaise et doit s'exiler à Londres puis (en 1873) à Birmingham, où il exerce son métier. Condamné à la déportation par contumace en , il est gracié en 1879. De retour en France en 1880, il rejoint l'Alliance socialiste républicaine de Charles Longuet, gendre de Karl Marx. Il contribue à la renaissance du socialisme et participe à la formation de la SFIO. Redevenu dirigeant « syndical » des ouvriers bronziers, il organise, en octobre 1882, une grève de ceux-ci[11].
Député de la Seine (1885-1889), élu sur une liste de concentration républicaine, coalition de socialistes indépendants et de radicaux socialistes, comprenant notamment Georges Clemenceau, Stephen Pichon, et Henri Rochefort[12] son élection est saluée comme « un grand événement » par Friedrich Engels[13]. Camélinat obtient 269 093 suffrages sur 564 333 inscrits et 416 888 votants[14]. Il se présente ainsi :
- « Ancien militant de l'Internationale, ancien combattant de la Commune, je m'efforcerai d'être à la Chambre l'homme de mon passé communaliste et socialiste »
À la Chambre des députés, il siège à l'Extrême gauche, puis participe, en 1886, à la création du Groupe ouvrier, qui rassemble, à la fin de la législature, une vingtaine de députés[15]. Il défend la révision de la Constitution dans un sens « républicain socialiste », l’indemnisation des accidents de travail, l'aide sociale pour les personnes handicapées, la limitation du travail des enfants, la séparation de l’Église et de l’État et la gratuité de la justice[16]. Il soutient les mineurs de Decazeville en grève. Mais lors des élections de 1889, qui se déroulent au scrutin d'arrondissement, il est devancé dans le XXe arrondissement de Paris[17] au 1er tour du scrutin par le possibiliste Jean-Baptiste Dumay, élu au 2e tour. Toujours « socialiste indépendant », il est de nouveau battu dans cette circonscription de Belleville-Saint-Fargeau, aux élections de 1893, par Victor Dejeante, un autre socialiste, présenté comme plus « révolutionnaire »[18].
En 1892, il participe au journal Le Cri du peuple.
Candidat socialiste indépendant à plusieurs élections législatives (dans le Nord, en 1898, dans l'Yonne en 1902 et 1906), ou municipales (à Paris) de 1893 à 1907, sans succès, il prend part au processus qui mène les diverses organisations se réclamant du socialisme vers l'unité. En 1900, après le congrès de celles-ci, tenu salle Japy à Paris (3-)[19], il est l'un des 48 membres du Conseil général d'unité socialiste, où siègent Jean Allemane, Paul Brousse, Jules Guesde, Jean Jaurès, Édouard Vaillant[20].
Membre du Parti socialiste français en 1902, il participe à la création du Parti socialiste, unifié sous le nom de Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO). Le , il préside la première séance du congrès d'unité socialiste, salle du Globe à Paris[21]. Il devient le trésorier appointé du nouveau parti[22]. En 1914, comme la majorité du parti, il approuve l'Union sacrée. Quittant son poste de trésorier en 1919, il se rallie aux majoritaires communistes du congrès de Tours en 1920, et favorise la naissance du communisme en France.
En 1921, il transmet celles des actions du journal L'Humanité (fondé par Jean Jaurès) qu'il détient personnellement (4), au Parti communiste (Section française de l'Internationale communiste). Il partage les 2 224 actions, qu'il possédait pour le compte du Parti socialiste, au prorata des suffrages obtenus par les protagonistes du congrès de Tours (70% - 30%). Mais contrairement à une histoire « officielle » longtemps sélective, ce n'est pas lui qui « apporte L'Humanité au Parti communiste »[23]. Le choix décisif est le fait de l'administrateur du journal, l'ingénieur Philippe Landrieu[24], qui transmet intégralement aux majoritaires les 1 080 actions souscrites en 1907 par des partis socialistes étrangers[25]. Landrieu est exclu du parti communiste en 1923 et n'est pas « ouvrier ». Le nom de « Camélinat-le-Communard » est alors, seul, mis en avant par son parti[26].
En , à 84 ans, il devient le premier communiste à se présenter à une élection présidentielle en France. Lors de l’unique tour de scrutin, remporté par le radical Gaston Doumergue, il obtient 21 voix de parlementaires, soit 2,5 %. Ce score est inférieur au nombre de députés communistes (26) élus lors des élections législatives de [27], cinq d'entre eux étant absents lors du vote.
Il se porte candidat à l’élection sénatoriale partielle du dans le département de la Seine. Sa candidature est avant tout symbolique alors que se présente également l'ancien président de la République et figure de droite Alexandre Millerand : celui-ci l’emporte dès le premier tour, Zéphirin Camélinat arrivant en cinquième position avec 71 voix, soit 7 % des suffrages exprimés[28].
En 1922-1923, selon les conditions de Moscou, et comme André Marty le fait, les communistes doivent résilier leur affiliation à la franc-maçonnerie. Quant à lui, Camélinat, admis à la loge « Les Trinitaires » en 1889, était radié de cette loge depuis , pour défaut de paiement[29].
En 1929, il devient président de l'Association des anciens combattants et amis de la Commune de Paris[30].
Il participe à la première édition de la Fête de l'Humanité en 1930[31].
Sa longue vie et son parcours en font une figure tutélaire du Parti communiste jusqu'à sa mort, en 1932[32],[33]. Ses obsèques, organisées et célébrées à Paris le — avant son inhumation à Mailly-la-Ville[34] trois jours après —, donnent lieu à un cortège militant imposant[35] entre son domicile de Belleville et la Gare de Lyon. L'Humanité annonce le lendemain[36] « 120 000 ouvriers dans la rue derrière Camélinat », chiffres sans doute exagérés, mais montrant une importante participation.
Famille
modifierIl vit hors mariage avec Zoé Angélina Garancher, ouvrière passementière, qui le rejoint en Angleterre, où elle meurt de phtisie, à Birmingham, âgée de 30 ans, le [37]. Le couple a six enfants : cinq naissent à Paris[38], une fille Aline, en , un fils, Georges Zéphirin en , une fille, enfant mort-né, en , un fils, Eugène, en , une fille, Georgette Eugénie, en ; un autre fils, Albert, naît à Londres en 1872 mais ne vit que deux mois. Eugène, reste à Birmingham, lors du retour en France de son père, et y devient un industriel prospère.
Zéphirin Camélinat se marie le avec Emma Aston, une Anglaise née en France. Ils ont deux filles[39], nées à Birmingham, Zélie, en 1875, Berthe, en 1878, qui deviendront ouvrières de la haute-couture à Paris, servies par leur connaissance de la langue anglaise. Emma Aston meurt à Paris, à l'âge de 52 ans, le .
Réalisation
modifier- 1871, pièce de 5 francs dite « Camélinat », en circulation en France à partir de 1871 ; thésaurisée après 1914.
Hommages
modifierPlusieurs villes de France ont donné le nom de Camélinat à une de leurs voies (rue, boulevard, avenue, allée, square), telles :
- Le Havre, Saint-Étienne,
- et en Île-de-France : Alfortville, Athis-Mons, Aulnay-sous-Bois, Bagnolet, Bezons, Le Blanc-Mesnil, Bois-d'Arcy, Gennevilliers, Goussainville, Malakoff, Montreuil, Mantes-la-Ville, Nanterre, Pierrefitte-sur-Seine, Rosny-sous-Bois, Saint-Denis, Savigny-sur-Orge, Sevran, Villejuif, Viry-Châtillon, Vitry-sur-Seine, etc.
- son village natal.
En chanson
modifierEn 1887 Camélinat apparaît sous la plume du chansonnier Mac-Nab, au troisième couplet de sa célèbre chanson « Le Grand métingue du Métropolitain » :
« Y avait Basly, l'mineur indomptable,
Camélinat, l'orgueille du pays…
Ils sont grimpés tous deux sur une table,
Pour mettre la question sur le tapis. »
Notes et références
modifier- Acte de naissance no 22 du , Archives départementales de l'Yonne
- Notice « CAMÉLINAT Zéphirin, Rémy », Le Maitron en ligne.
- Michel Cordillot, Aux origines du socialisme moderne, « Camélinat le communard, de Mailly-la-Ville à l'exil outre-Manche », p. 79-80, in Aux origines du socialisme moderne, éditions de l'Atelier, 2010
- Rosa Moussaoui, « Zéphirin Camélinat (1840-1932) Un long chemin de la Commune au communisme », L'Humanité,
- Paul Delion, Les membres de la Commune et du Comité central, « Fonctionnaires et délégués », p. 411-412, notice « Camélinat ».
- Michel Cordillot, La Monnaie sous la Commune, p. 492-494, in La Commune de Paris 1871. Les acteurs, les événements, les lieux, éditions de L'Atelier, 2021, (ISBN 978-2-7082-4596-9)
- «La 5 francs Camelinat», in: Bulletin numismatique, 13 septembre 2019 — en ligne.
- Jean Dautry, Lucien Scheler, Le Comité central républicain des vingt arrondissements de Paris (septembre 1870-mai 1871), éditions sociales, 1960, p. 56 et suiv.
- 5 janvier 1871, le conseil fédéral de l'Association internationale des travailleurs se réunit, Michèle Audin, Ma Commune de Paris
- Jules Vallès, L'insurgé, chapitre XXXIV. Vallès et ses compagnons « redescendent », alors, de Belleville.
- Notes, in Œuvres de Jean Jaurès, tome 2, Le passage au socialisme, 1889-1893, books.google.f.
- Sylvie Rémy, Jean, Jules, Prosper et les autres. Les socialistes indépendants en France à la fin du XIXe siècle, Septentrion, p. 74
- « Zéphyrin Camélinat. Un long chemin, de la commune au communisme », L'Humanité, (lire en ligne)
- Georges Lefranc, Le mouvement socialiste sous la Troisième République, Payot, Paris, 1963, p. 87.
- Daniel Ligou, Histoire du socialisme en France 1871-1961, PUF, 1962, p. 102-103
- Bruno Fuligni, La France rouge. Un siècle d’histoire dans les archives du PCF, Les Arènes,
- L'Écho de Paris, 24 septembre 1889.
- Gilles Candar, « Un militant socialiste », p. 84-96, in Michel Cordillot (dir.), Zéphirin Camélinat (1840-1932) une vie pour la Sociale, Adiamos-89, Auxerre, 2004.
- Georges Lefranc, op. cit. , p. 107-109.
- Le Socialiste, N° 70-71, 24-31 décembre 1899, p. 5. Édition reprint par André Rossel, éditions Hier et demain, Paris, 1975, volume 8 (1898-1900), introductions de Jacques Girault et Claude Willard.
- Compte-rendu du 1er Congrès du Parti socialiste SFIO, 23-25 avril 1905.
- Compère-Morel et Jean Lorris, Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l'Internationale ouvrière, 1912, Librairie Aristide Quillet, volume La France socialiste, par Hubert Rouger, p. 114, biographie « Louis Camélinat ».
- « 1920 le congrès de Tours, par Alexandre Courban, historien », L'Humanité, 8 mai 2004.
- Notice « LANDRIEU Philippe », le Maitron en ligne.
- Alexandre Courban, L'Humanité de Jean Jaurès à Marcel Cachin 1904-1939, éditions de l'Atelier, 2014, p. 134-135. L'historien ajoute aussi l'abstention des héritiers de Jean Jaurès (sa femme et sa fille) dans le processus de transmission du journal
- Histoire du Parti communiste français (manuel), éditions sociales, 1964, p. 742 : « Camélinat (…) remit au Parti communiste le lot important d'actions de L'Humanité, qu'il détenait, ce qui permit au Parti de garder le journal. »
- Pascal Guillot, « Camélinat et les débuts du Parti communiste », p. 107-116, in Michel Cordillot, op. cit.
- « M. Millerand élu au premier tour sénateur de la Seine », Le Petit Parisien, no 17569, , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- André Combes, « Camélinat et la Franc-maçonnerie », p. 71-82, in Michel Cordillot, op. cit.
- Rémi Morvan, "Elle n'est pas morte" : une histoire de l'association des amis de la Commune (1881-1971), p. 101-116.
- « Mathilde Larrere on Twitter », sur Twitter (consulté le ).
- André Marty, « Camélinat est mort ! Vive la Commune ! », L'Humanité, no 12136, , p. 1 (lire en ligne sur Gallica)
- « Nécrologie », Le Temps, no 25761, , p. 3 (lire en ligne)
- Bertrand Beyern, Guide des tombes d'hommes célèbres, Le Cherche midi, , 385 p. (ISBN 978-2-7491-2169-7, présentation en ligne), p. 273.
- Jean Vigreux, « Liturgie, symbolique et mémoire : les commémorations de Camélinat », p. 116-130, in Michel Cordillot, op. cit.
- L'Humanité, 11 mars 1932.
- Michel Cordillot, « Camélinat-le-communard, de Mailly-la-Ville à l'exil outre-Manche », op. cit. p. 47-49
- Archives de Paris, naissances du Xe arrondissement : acte 1925/1865, acte 1189/1866; décès du Xe arrondissement, acte 2432/1867; naissances du XIe arrondissement : acte 3282/1868, acte 3411/1869. La mère est nommée Angele Menard dans le 3e acte, Zoé Garanché dans le dernier acte ; consultés le 31 janvier 2021.
- Toutes deux sont inhumées à Mailly-la-Ville : cf Michel Cordillot, allocution à Mailly-la-Ville, le 12 octobre 2003.
Voir aussi
modifierSources
modifier- « Zéphirin Camélinat », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition]
- Sylvie Rémy, Jean, Jules, Prosper et les autres. Les socialistes indépendants en France à la fin du XIXe siècle, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2011 (ISBN 978-2-7574-0182-8)
- Michel Cordillot, Aux origines du socialisme moderne. La première Internationale, la Commune de Paris, l'exil, éditions de l'Atelier, Paris, 2010, 252 p., (ISBN 978-2-7082-4096-4)
- (Direction Michel Cordillot) Zéphirin Camélinat (1840-1932) Une vie pour la sociale, ADIAMOS-89, Auxerre, 2004
Articles connexes
modifierLiens externes
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