Les manāzil al-qamar (arabe : منازل القمر) forment un système de mansions lunaires utilisé par l'astronomie arabe pour représenter le parcours de la Lune sur l'écliptique. Au nombre de 28 pour marquer chaque jour que l'astre passe durant son cycle autour de la Terre, elles sont chacune symbolisées par une étoile ou un astérisme caractéristique de la section traversée.

Carte céleste ottomane du XVIe siècle représentant les planètes, le Zodiaque, les phases de la Lune et les 28 mansions lunaires.

Nota bene: en fait, l'arabe manzil(a), pluriel manāzil, est un terme hérité de Babylone, soit "manzaltu", utilisé dans les tablettes astronomiques pour indiquer la « localisation, place ou position » d’une étoile ou d’une constellation, qui a aussi donnée l'araméen manzala et l'hébreu mazalot, « corps céleste ». C'est à tort que les philologues arabes l'ont vu comme dérivant de la racine arabe NZL, qui donne aussi manzil, « demeure », et qu'en suivant leur interprétation, les clercs latins on rendu par mansio[1]. Le terme le plus juste pour parler des manāzil al-qamar est donc stations lunaires.

Origines

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La question est très débattue quant à savoir si les manāzil sont d'origine mésopotamienne ou indienne. Ces deux civilisations utilisaient en effet des systèmes de mansions lunaires présentant de troublantes similitudes avec celui des Arabes. En fait, il semble bien que le système soit d'origine proprement arabe[2].

Datation

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La plus ancienne liste connue est celle donnée par Mâlik ibn Anas dans son « Livre des étoiles » vers 780, mais il y a fort à penser que le système a été établi bien plus tôt. Le Coran cite le terme de « manāzil » à deux reprises :

  • Dans la sourate Ya Sin (36, XXXIX) : « Et la lune, Nous lui avons déterminé des phases (manāzil) jusqu’à ce qu’elle devienne comme la palme vieillie. »[3]
  • Dans la sourate Yunus (10, V) : « C’est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a déterminé les phases (manāzil) afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul (du temps). [...] »[4]

Il est cependant difficile de déterminer si ces textes font bien allusion aux mansions lunaires et pas aux mois lunaires du calendrier musulman.

Influences

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Les 28 manāzil d'après la liste attribuée à Mâlik ibn Anas[5]
Nom arabe Translitération Signification Identification Nom moderne dérivé
1 الشرطان al-šaratān Les Deux Marques β + γ du Bélier Sharatan (= β du Bélier)
2 البطين al-buṭayn Le Petit Ventre δ + ε (+ ρ) du Bélier Botein (= δ du Bélier)
3 الثريا al-ṯurayyā L'Abondante M45 (Pléiades) du Taureau Al Thuraya (astrologie)
4 الدبران al-dabarān La Suivante α du Taureau Aldébaran (= α du Taureau)
5 الهقعة al-haqʿa La Touffe de crins λ + φ1 + φ2 d'Orion Heka (= λ d'Orion)
6 الهنعة al-hanʿa La Marque au fer rouge γ + ξ des Gémeaux Alhena (= γ des Gémeaux)
7 الذراع al-ḏirāʿ La Patte [du Lion] α + β des Gémeaux Dirah (= ξ des Gémeaux, astrologie)
8 النثرة al-naṯra Le Sillon subnasal [du Lion] ε ou M44 du Cancer Alnatra (= ε du Cancer, nom 2nd) -
9 الطرف al-ṭarf Le Regard [du Lion] κ du Cancer + λ du Lion Alterf (= λ du Lion)
10 الجبهة al-jabha Le Front [du Lion] ζ + γ + η + α du Lion Algieba (= γ du Lion)
Al Jabhah (= η du Lion)
11 الزبرة al-zubra La Crinière [du Lion] δ + θ du Lion al-Zubra (= δ du Lion, nom 2nd)
12 الصرفة al-ṣarfa Le Changement [de temps] β du Lion Serpha (= β Leonis, nom 2nd)
13 العواء al-ʿawwāʾ Le Chien hurleur β + γ + δ + ε + η de la Vierge Auva (= δ de la Vierge)
14 السماك al-simāk Le Soutien [céleste] α de la Vierge Azimech (= α de la Vierge)
15 الغفر al-ġafr Les Crins de la Queue [du Lion] ι + κ + λ de la Vierge Elgafar (= φ de la Vierge)
16 الزبانان al-zubānā La Balance α + β de la Balance Zubenelgenubi(= α de la Balance)
Zubeneschamali (= β de la Balance)
Zubenelhakrabi (= γ de la Balance)
17 الإكليل al-iklīl La Couronne [du Scorpion] β + δ + π du Scorpion Iclarcrau (= δ du Scorpion)
18 القلب al-qalb Le Cœur [du Scorpion] α du Scorpion Calbolacrab (= α du Scorpion, nom 2nd)
19 الشولة al-šawla Le Bout de la Queue [du Scorpion] λ + ν du Scorpion Shaula (= λ du Scorpion)
20 النعائم al-naʿāʾim Les Autruches γ + δ + ε + η et
σ + ϕ + τ + ζ du Sagittaire
21 البلدة al-balda Le Lieu vide π du Sagittaire Albaldah (= π du Sagittaire)
22 سعد الذابح saʿd al-ḏābiḥ La Propice du Sacrificateur α + β (+ ν) du Capricorne Dabih (= β du Capricorne)
23 سعد بلع saʿd al-bulaʿ La Propice des Pâtures ε + μ (+ ν) du Verseau Albali (= ε du Verseau)
Albulaan (= μ et ν du Verseau)
24 سعد السعود saʿd al-suʿūd La Propice des Propices β + ξ du Verseau Sadalsuud (= β du Verseau)
25 سعد الأخبية saʿd al-aḫbiya La Propice des Caches γ + ζ + η + π du Verseau Sadachbia (= γ du Verseau)
26 الفرع المقدم al-farġ al-mukaddam Le Déversoir antérieur α + β de Pégase -
27 الفرع المؤجر al-farġ al-ṯānī Le Second Déversoir γ de Pégase + α d'Andromède Alpherg (= η des Poissons)
28 بطن الحوت baṭn al-ḥūt Le Ventre du Poisson β d'Andromède -

Notes et références

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  1. « Roland Laffitte, Éléments de terminologie astrale dans les textes sacrés en langues sémitiques : Enūma eliš, Bible, Coran, in Lettre SELEFA n° 10 (décembre 2021), notammest p. 29. ».
  2. « Roland Laffitte, Le comput arabe des manāzil al-qamar ou « stations lunaires » sur le site URANOS. ».
  3. Traduction de Muhammad Hamidullah (1959), consultable sur Le Coran, « Ya-Sin », XXXVI, (ar) يس.
  4. Traduction de Muhammad Hamidullah (1959), consultable sur Le Coran, « Jonas (Yunus) », X, (ar) يونس.
  5. (en) Paul Kunitzsch, « Lunar mansions in islamic astronomy », dans Encyclopaedia of the History of Science, Technology, and Medicine in Non-Westen Cultures, Helaine Selin, , 1117 p. (lire en ligne), p. 521