Justice chez les zapatistes
Au sein des territoires zapatistes, la justice consiste à gérer collectivement les litiges en s'orientant sur les valeurs de liberté et de démocratie. Les gens s'évertuent généralement à jouer un rôle de médiateur dans les différends entre leurs voisins, et sinon les comités auto-organisés locaux peuvent être saisis en tant que juridictions.
Histoire
modifierLes accords de San Andrés prévoyaient la reconnaissance des juridictions autonomes zapatistes[1].
Bases
modifierLes modes d'organisation politique au sein du mouvement zapatiste sont fortement marqués par le principe du mandar obedeciendo (commander en obéissant) conformément à la devise fréquemment affichée à l'entrée des communes zapatistes : El pueblo manda y el Gobierno obedece (es)[2]. Ainsi, les principales valeurs qui sont revendiquées de manière normative en pays zapatiste sont la démocratie, la liberté et la justice[2]. Bien que la justice pratiquée parmi les communautés zapatistes s'apparente par plusieurs aspects aux idées de la justice réparatrice, Ronnie Lippens souligne que leur révolution a toujours explicitement déclaré ne proposer aucune idéologie ni modèle à reproduire, promouvant plutôt l'auto-détermination[3].
Organisation
modifierLes structures mises en place pour faire vivre ces principes sont jusqu'à la réorganisation de 2023 les Juntas de Bien Gobierno (conseils de bon gouvernement) au sein des municipalités autonomes rebelles zapatistes[2].
Dans les communautés, les problèmes sont d'abord pris en charge par les gens eux-mêmes, en tentant de faire de la médiation, particulièrement avec l'aide des gens les plus anciens localement. Sinon, le premier niveau de juridiction est celui des conseils des Juntas de Buen Gobierno, puis, en cas de désaccord persistant, l'affaire en renvoyée en deuxième instance aux Comisiónes de honor y justicia de chaque municipalité. Dans de rares cas, les litiges vont jusqu'au conseil du Caracol[4].
Fonctionnement
modifierLes manières dont ces conseils autonomes gèrent les litiges varient de lieu en lieu, car la diversité est considérée comme une bonne chose voire un atout par les zapatistes. Les conceptions de la justice peuvent ainsi être proches de celles des (autres[n 1]) communautés tzeltal chiapanèques: les conseils zapatistes jouent souvent un rôle de médiateurs semblable à celui des jMeltsa’anwanejetik tzeltal[5],[6].
Quand quelqu'un est reconnu fautif, cela l'oblige généralement à accomplir un travail d'intérêt général[7].
Droit comparé
modifierLes zapatistes conçoivent leur manière de rendre la justice comme opposée à la justice punitive pratiquée par les institutions européennes[8]. Selon María Luisa Soriano González, les conceptions zapatistes de la justice seraient apparentés à celles d'auteurs de certains pans de théorie du droit en Europe – François Gény, Hermann Kantorowicz, Eugen Ehrlich)[9].
Selon Mariana Mora, les pratiques zapatistes de justice subvertissent les conceptions judiciaires dominantes héritées du colonialisme espagnol au Mexique[10]. La justice chez les zapatistes a été comparée à la justice au Rojava[11].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Une partie des zapatistes sont Tzeltal.
Références
modifier- (pt) María Magdalena Gómez Rivera, « El derecho indigena en el marco de la negociacion del Ejercito Zapatista de Liberacion Nacional y el Gobierno Federal », Abya-yala: Revista sobre Acesso à Justiça e Direitos nas Américas, vol. 1, no 1, , p. 11–27 (ISSN 2526-6675, lire en ligne, consulté le )
- Júnia Marúsia Trigueiro de Lima, « “Liberdade, Justiça e Democracia”: construções de uma “sensibilidade jurídica” no discurso zapatista », CAMPOS - Revista de Antropologia Social, vol. 10, no 1, (ISSN 1519-5538 et 1519-5538, DOI 10.5380/cam.v10i1.16266, lire en ligne, consulté le )
- (en) Ronnie Lippens, « The Imaginary of Zapatista Punishment and Justice: Speculations on the ‘First Postmodern Revolution’ », Punishment & Society, vol. 5, no 2, , p. 179–195 (ISSN 1462-4745 et 1741-3095, DOI 10.1177/146247450352003, lire en ligne, consulté le )
- Mora, Mariana. “La Politización de La Justicia Zapatista Frente a La Guerra de Baja Intensidad En Chiapas.” Justicias Indígenas y Estado: Violencias Contemporáneas, edited by María Teresa Sierra et al., 1st ed., FLACSO-México, 2013, pp. 195–228. lire en ligne
- (es) Lola Cubells-Aguilar, « Pluralismo jurídico e interculturalidad en México: los jmeltsa’anwanejetik y las juntas de buen gobierno zapatistas », Revista Internacional de Pensamiento Político, vol. 14, , p. 209–228 (ISSN 2695-575X, DOI 10.46661/revintpensampolit.4777, lire en ligne, consulté le )
- Giovanna Gasparello, « Nuestra justicia es la alegría del corazón. Justicias indígenas e interculturales en el sur de México », Revista de Paz y Conflictos, vol. 10, no 2, , p. 143–164 (ISSN 1988-7221, lire en ligne, consulté le )
- (es) Gabriel Sotomayor Rivera et Juan Pablo Carbajal-Camberos, « 30 Años del movimiento Zapatista: desafíos a la imposición cultural de las prácticas punitivas en las comunidades indígenas », Alétheia. Anuario de Derechos Humanos y Filosofía del Derecho, vol. 2, no 02, , p. 42–65 (ISSN 2954-5099, DOI 10.32870/aletheia.v2i02.32, lire en ligne, consulté le )
- Paulina Fernández Christlieb, « Justicia autónoma frente a justicia oficial », Estudios políticos (México), no 26, , p. 37–55 (ISSN 0185-1616, lire en ligne, consulté le )
- María Luisa Soriano González, « La teoría sociológica del derecho europea y las concepciones jurídicas del zapatismo mexicano | The European sociological theory of law and the legal conceptions of the mexican zapatismo », Cuadernos Electrónicos de Filosofía del Derecho, no 40, , p. 238–260 (ISSN 1138-9877, DOI 10.7203/CEFD.40.13684, lire en ligne, consulté le )
- Mariana Mora, « The Politics of Justice: Zapatista Autonomy at the Margins of the Neoliberal Mexican State », Latin American and Caribbean Ethnic Studies, vol. 10, no 1, , p. 87–106 (ISSN 1744-2222, DOI 10.1080/17442222.2015.1034439, lire en ligne, consulté le )
- (pt) Alexandre Pinto Mendes, Patrick de Almeida Saigg et Paolo Ricci Galvão de Azevedo, « Pluralismo Jurídico e Autonomias - Contribuições dos Zapatistas e da Revolução Curda para a Refundação do Direito », Revista Estudos Libertários, vol. 1, no 1, , p. 72–93 (ISSN 2675-0619, lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
modifierMonographies
modifier- (es) Paulina Fernández Christlieb, Justicia autónoma zapatista: zona selva Tzeltal, Ediciones Autónom@s, (ISBN 978-607-96565-0-8, OCLC 953147733, présentation en ligne)
- (es) Giovanna Gasparello, Justicias y pueblos indígenas en Chiapas: de la violencia a la autonomía, Universidad Autónoma Metropolitana, Unitad Iztapalapa, coll. « Plural », (ISBN 978-607-28-1291-8, lire en ligne)
Articles de colloques
modifier- (es) Bárbara Zamora, « La nueva justicia y la palabra del EZLN », in: SEMINARIO INTERNACIONAL DE REFLEXIÓN Y ANÁLISIS, 2010, Enlace Zapatista (lire en ligne)
Chapitres de recueils scientifiques
modifier- (en) Shannon Speed, « 7. Improving the Paths of Resistance : The Juntas de Buen Gobierno and Rights in Their Exercise », dans Rights in Rebellion, Stanford University Press, , 155–173 p. (ISBN 978-1-5036-2679-9, DOI 10.1515/9781503626799-011), aussi publié dans (en) Shannon Speed, « Exercising rights and reconfiguring resistance in the Zapatista Juntas de Buen Gobierno », dans The Practice of Human Rights: Tracking Law between the Global and the Local, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in Law and Society », , 163–192 p. (ISBN 978-0-521-86517-3, DOI 10.1017/CBO9780511819193.007), [présentation en ligne]