Grégoire de Narek

moine arménien, théologien, philosophe, poète, saint et père de l'Église

Grégoire de Narek, Grigor Narekatsi ou Krikor Naregatsi (en arménien Գրիգոր Նարեկացի), né entre 945 et 951, et mort à Narek en 1003 ou vers 1010, est un moine, un poète mystique et un compositeur d'Arménie. Né dans le Vaspourakan des Artzrouni, il passe la plus grande partie de sa vie au monastère de Narek, non loin du lac de Van, près de l'église d'Aghtamar, où il est notamment enseignant.

Grégoire de Narek
Image illustrative de l’article Grégoire de Narek
Grégoire de Narek, Livre des Lamentations, monastère de Skevra[1], 1173, folio 7b par Grigor Mlichetsi (Ms. 1568, Matenadaran, Erevan)[2],[3] ; l'inscription dit « philosophe »[1].
Saint, compositeur, Docteur de l'Église
Naissance entre 945 et 951
Décès 1003 ou v. 1010 
Narek, Vaspourakan
Nationalité Arménien
Docteur de l'Église 12 avril 2015 basilique Saint-Pierre, Vatican
par François
Vénéré par Église apostolique arménienne
Église catholique
Fête 2e samedi d'octobre (Église apostolique arménienne)
27 février (Église catholique)

Vers la fin de sa vie, ce grand mystique[4] a écrit en langue arménienne classique un poème intitulé Livre des Lamentations, chef-d'œuvre de la poésie arménienne médiévale. Ce maître de la discipline[Note 1] a pour ce faire, tiré la langue arménienne classique de la liturgie pour lui donner, après l'avoir remodelée et sculptée, une autre forme et un autre sens, la poésie arménienne médiévale[5]. Narek a aussi rédigé des odes célébrant la Vierge, des chants, et des panégyriques. Selon Bernard Coulie, « il introduisit à cette époque le vers monorime dans la poésie arménienne »[6]. Son influence a marqué la littérature arménienne et se retrouve chez d'autres poètes, comme Sayat-Nova, Yéghiché Tcharents et Parouir Sévak. Par son dialogue avec l'invisible et sa sotériologie, son œuvre est l'un des sommets de la littérature universelle[7].

Saint de l'Église apostolique arménienne et de l'Église catholique, sa proclamation comme docteur de l'Église est annoncée le par le pape François. Le suivant, soit douze jours avant le centième anniversaire du génocide arménien, il devient ainsi le 36e docteur de l'Église.

Sa fête est célébrée le 27 février par l'Église catholique[8].

Contexte historique

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La Grande-Arménie vers l'an mil, avec ses provinces historiques.

Grégoire de Narek est contemporain du « lumineux Xe siècle », l'une des rares périodes presque paisibles de l'histoire arménienne[9]. Deux royaumes s'affrontent alors : les Bagratouni au Nord, et les Artzrouni au Sud, qui dominent le Vaspourakan. Le protectorat de Constantinople et le protectorat des Arabes exercent leur pouvoir sur ces nouvelles monarchies. « En 884, Achot Bagratouni n'a pu se faire couronner qu'avec l'assentiment de Basile Ier et du calife de Bagdad. Quelque vingt-cinq ans plus tard, c'est par l'émir d'Azerbaïdjan que Gagik Artzrouni sera autorisé à se proclamer roi du Vaspourakan, avant d'être reconnu comme tel par l'empereur byzantin[9]. »

Au cours de ce siècle relativement prospère, ces deux royaumes connaissent un large essor économique et culturel, ainsi que politique et religieux. Ceci se manifeste par le grand nombre d'églises et de monastères édifiés, ainsi que par les réalisations des enlumineurs et sculpteurs de khatchkars. Dans la ville d'Ani, capitale des Bagratouni, ou au Vaspourakan, Gagik édifie une cathédrale, un joyau d'architecture, le monastère Sainte-Croix et l'église de la Sainte-Croix, sur l'îlot d'Aghtamar, au Sud du lac de Van[10]. C'est non loin du sanctuaire d'Aghtamar, sur le haut-plateau arménien, qu'en 935 est fondé Narekavank, le monastère de Narek[11]. « Narek où sans doute se réfugient, chassés de Cappadoce, victimes de l'intolérance byzantine, un certain nombre de religieux arméniens, fidèles à saint Grégoire l'Illuminateur et à saint Mesrop le « Scripteur » ; Narek, citadelle de l'Âme, foyer brûlant, dont la gloire et le nom vont s'immortaliser grâce à ce Livre de Prières que le moine Grégoire achève de composer vers la fin de sa vie »[12].

Biographie

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Monastère de Narek avant sa destruction en 1915, pendant le génocide arménien.

Né entre 945 et 951 dans la région d'Andzévatsiats, dans la province du Vaspourakan (Arménie historique), et ayant perdu sa mère alors qu'il est encore un enfant[4], Grégoire de Narek est éduqué par son père, l'évêque Khosrov Andzévatsi (le Grand) qui composa d'importants ouvrages théologiques[13]. Son éducation est ensuite prise en charge par son oncle, Anania Narékatsi, qui dirige le monastère de Narek. Ces tuteurs ont une position critique envers les méthodes de l'Église arménienne de l'époque, et développent l'idée d'un contact direct avec Dieu[14].

En effet, l'adresse à ce « Dieu Lumière » est faite selon un ton très lyrique et fort singulier, marqué par un vrai sentiment de solitude de l'auteur, paradoxalement déchiré dans l'abîme de ses vices, dans le labyrinthe de son âme obscure et à la fois éperdu d'amour[15]. Cette éducation religieuse et la formation hellénisante qu'il reçoit, obligent par la suite Grégoire à se défendre d'accusations d'hérésie à Ani, la capitale bagratide[16] : on le taxe de « chalcédonisme », comme son père, excommunié pour cette raison par le Catholicos Ananias Ier de Moks[17].

Grégoire a deux frères aînés[4], dont l'un, Jean ou Hovhannès, un moine copiste, l'aide à parachever son œuvre. Godel tente une piste biographique : « En épousant l'Église, peut-être comblèrent-ils le vide créé par la mort de leur mère — par l'absence de la Femme »[18]. Cette absence de la mère se retrouverait dans sa Prière à la Sainte Vierge qu'il loue en ces termes : « Toi la seule bénie par les lèvres chastes des bouches bienheureuses, une seule goutte du lait de ta virginité, pleuvant en moi, me donnerait la vie… »[19]. Vahé Godel poursuit son analyse : « Mais dans l'expérience conjugale de Grégoire l'Éveillé, de Narek le Veilleur, l'amour de Dieu — la folie de croire — allait devenir inséparable de la passion poétique du Verbe — de la folie d'écrire[18]. » La vie de l'autre frère, Sahak, est largement inconnue[5].

Grégoire passe sa vie au monastère de Narek[Note 2]. Il y devient prêtre en 977, puis vardapet et enseignant[5]. Il vit à l'une des rares périodes relativement paisibles[Note 3] de l'histoire de l'Arménie[Note 4]. Il meurt à Narek en 1003[4] ou aux environs de l'an 1010[17]. Un mausolée lui est consacré à Narek, mais il est détruit lors du génocide arménien[20].

 
Saint-Grégoire-de-Narek, Vanadzor, Arménie.

Grégoire de Narek est ultérieurement canonisé par l'Église arménienne[21] ; il est fêté avec les saints traducteurs (Mesrop, Sahak, Yéghichê, Moïse de Khorène, Davit Anhaght et Nersès Chnorhali) le deuxième samedi d'octobre[22]. L'Église catholique l'a également proclamé saint (fête le , description au Martyrologe romain : « Au monastère de Narets en Arménie, vers 1005, saint Grégoire, moine, docteur des Arméniens, illustre par sa doctrine, ses écrits et sa connaissance mystique »[8]).

Le , conformément à son annonce du , le pape François le proclame officiellement docteur de l’Église lors d’une messe célébrée en la basilique Saint-Pierre à l'occasion du centième anniversaire du génocide arménien. Saint Grégoire devient ainsi le 36e docteur de l'Église et le second à provenir d’une Église orientale après Éphrem le Syrien, élevé au doctorat en 1920 par le pape Benoît XV[23],[24].

Œuvres

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Monument « Narek », inauguré en 2010, Erevan[25].

Selon Serge Venturini, ses œuvres recèlent un profond savoir doublé d'un grand pouvoir créateur ; il a ainsi ouvert les portes à la poésie arménienne et il est celui qui représente, à lui tout seul, la « Renaissance arménienne ». Situé entre Moïse de Khorène (VIIIe siècle[Note 5]) et Nersès le Gracieux (1102-1173), son influence s'étend depuis à toutes les époques[Note 6]. « Je suis un livre vivant où sont accumulés, dedans comme dehors, lamentations, cris, gémissements, comme le livre dont Ézéchiel eut la vision… »[26].

Le Mémorial sur la composition de son livre, écrit en l'an 451 de l'ère arménienne (en l'an 1002 du calendrier grégorien)[27], fournit plusieurs repères chronologiques : « c'est donc trois ans plus tard, après l'écrasement total des ennemis de notre Église, que j'entrepris de composer ce livre, à la faveur d'une paix provisoire... » Il ajoute à propos de son œuvre maîtresse de cinq cents pages, le Livre des Lamentations (Մատեան ողբերգութեան (Matean Ołbergout‘ean)) : « Je l'ai fondé, construit, meublé, poli, ornementé, conclu, parachevé ; en une œuvre bellement homogène, j'ai rassemblé tous mes écrits, moi, Grégoire, moine cloîtré, poète dérisoire, savant de peu de poids, avec l'appui de mon saint frère Jean, moine lui-même du très honorable et très glorieux monastère de Narek… »[28].

Krikor Beledian décrit ainsi cette œuvre : « [c]e long dialogue composé de quatre-vingt-quinze chapitres en prose rythmée ou en vers libres est une somme poético-théologique pendant longtemps vénérée par la piété populaire comme une œuvre sacrée[29]. » Vahé Godel pointe ce qu'il ressort d'une lecture en grabar (en arménien ancien) : « Sans doute, ce qui frappe d'abord dans le Livre des Prières, ce qui d'emblée subjugue l'œil et l'oreille, ce sont les éruptions, les déferlements, les ressassements, les convulsions, les supplications »[30].

Outre le Livre des Lamentations, Grégoire de Narek a laissé un Commentaire sur le chant des chants de Salomon (977)[5], une Histoire de la croix d'Aparan, un traité contre les Thondrakiens, ainsi que plusieurs chants, prières et tagher (équivalent arménien du lai)[31].

De récentes recherches en arménologie tendent à montrer que Narek aurait eu connaissance des œuvres de l'Antiquité et de la période hellénistique déjà traduites en arménien classique.

 
Grégoire de Narek, Livre des Lamentations, monastère de Skevra[1], 1173, folio 117b (Ms. 1568, Matenadaran, Erevan)[2],[3] ; l'inscription dit « Saint Grégoire l'Ermite »[1].

Jean Mécérian, parlant du style de Grégoire de Narek qui de prime abord est d'intelligence difficile, précise : « En périodes tumultueuses, dans un langage rythmé et même souvent rimé, avec des allitérations et des néologismes qui abondent dans le texte original arménien, les mêmes pensées, les mêmes sentiments se répètent sous des formes nouvelles ; ou plutôt, ils dévalent devant nous, comme un torrent, en images, en tableaux d'un saisissant réalisme »[32]. « Tel un homme violemment bouleversé par une interminable et torturante agitation dans la mer aux vagues périlleuses tourmentées par le vent, et qui serait entraîné et roulé en un torrent sauvage, remuant çà et là les doigts des mains dans le courant impétueux grossi par les pluies du printemps, emporté malgré lui en une lamentable dégringolade, avalant l'eau trouble étrangleuse, poussé en des douleurs mortelles dans la vase fétide, moussue et embroussaillée, où il se noierait écrasé sous les flots : Tel moi, misérable, on me parle et je ne comprends plus ; on me crie, et je n'entends plus ; on m'appelle, et je ne me réveille plus ; on sonne, et je ne reviens plus à moi-même ; je suis blessé, et je ne me sens plus »[33]. Archag Tchobanian dans son ode à la langue arménienne écrivit de Constantinople, le  : « Un jour, un orage t'ébranla, et tes eaux écumantes, tourbillonnantes, rugissantes, ténébreuses et déchirées d'éclairs, élevèrent un étrange chant, frénétique et harmonieux, noblement âpre et suavement terrible, un chant qu'on eût dit entonné par la trompette d'un archange saisi d'épouvante et de pitié au-dessus des horreurs de l'enfer béant. C'était l'âme du moine de Narek qui passait sur toi »[34].

Isaac Kéchichian, dans son introduction aux Prières ou Élégies sacrées de Narek remarque : « Au point de vue littéraire, la grammaire, la rhétorique, la prosodie, la variété et la majesté du style, l'éloquence n'ont pas de secret pour lui ; une imagination puissante, un esprit curieux, une sensibilité délicate font de lui un grand écrivain, un grand poète — justement appelé “le Pindare de l'Arménie” — et un orateur de classe »[35]. Son style est construit sur le rythme du martèlement, même si souvent il critique et passe au crible son art d'écrire. Il doute : « À quoi bon ces syllabes, ces rythmes dérisoires, ces minables combinaisons de vocables morbides ? » (5/IV) ou « Pourquoi donc, sous tes Yeux, m'obstinerais-je à fabriquer de longs poèmes alambiqués, insaisissables, truffés de métaphores, de symboles ? »[36]. Il prend peur : « Nul être, nulle créature, rien ne peut recueillir le fuyard que je suis : ni les crevasses, ni les gouffres sans fond, ni les plus hautes cimes, (...) ni les cris, ni les râles, ni les déluges de larmes, ni les doigts qui remuent, ni les bras qui se tordent, ni les bouches qui prient… »[37]. Sa pensée[Note 7] est fondée sur l'utilisation complexe de comparaisons, de métaphores et d'allégories : « Pour dire ma démarche obscure et tortueuse, j'userai comme il convient de la forme visible des allégories... » ; et, dans la prière suivante, « Une fois encore je m'en vais avoir recours aux métaphores pour accabler, pour humilier mon âme condamnée... dans ce seul but je vais multiplier les comparaisons synonymes… »[38].

Ce style incantatoire utilise la synonymie jusqu'à l'ostinato. L'un des traducteurs, Luc-André Marcel, note : « Sa manœuvre serait d'atteindre à un total chromatique du langage. Il veut combler ce vide immense qui réside entre un mot et tel autre. De là, cet art de la synonymie, entre autres, dont il use inlassablement avec une outrance sans égale, même en Orient, à seule fin de souder les pouvoirs des termes, de les totaliser jusqu'à ce qu'un événement se produise »[39]. Ce style est réputé posséder des vertus médicinales et roboratives : « Tout vieil Arménien vous contera les miracles du Livre, et que lui-même, tel jour, en telles circonstances frappé de tel mal, il fut guéri... Et certes, il le fut soit par auto-suggestion, soit que ce livre ait un réel pouvoir magique... le verbe seul fortifie-t-il la confiance et la volonté du malade »[40]. « Répétitions interminables, énumérations obsédantes, martèlements impitoyables, parole lapidante, flagellation verbale » pointe Vahé Godel, avant d'ajouter : « On songe à Job, bien sûr, à Jérémie... mais aussi à Artaud, à Michaux, à Beckett... à tous les grands exorcistes de ce siècle »[41]. Grégoire de Narek décrit ainsi la construction de son œuvre : « le rythme et le nombre auxquels j'ai recouru dans le poème précédent n'avaient d'autre fin que d'aviver la douleur, la plainte, les soupirs, l'amère litanie des larmes... je m'en vais donc reprendre ici la même forme, dans chaque phrase, comme anaphore et comme épistrophe[Note 8], et faire en sorte que le ressassement figure avec fidélité l'esprit, le pouvoir vivifiant de la prière… » (27/I).

Postérité

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Grégoire de Narek et l'élève Siméon. Vignette du livre de chansons douloureuses. Maître Tserun, Vaspourakan, vers 1391 (mat. 1874. L. 1 vol.).

Dans sa présentation de l'œuvre de Grégoire de Narek, L.-A. Marcel témoigne : « L'œuvre de Grégoire de Narek apparaît comme un de ces monolithes que le retrait des eaux diluviennes découvre. Il est cimenté des limons, des coquillages et des algues qu'y laissèrent les ressacs et le sombre pullulement des fonds marins. C'est un roc de langue morte, parfaitement isolé de tout et dissemblable. Mais à le toucher, le cœur s'éclaire »[42]. « Quand il compose son Livre, Grégoire de Narek sait fort bien qu'il innove, car la tradition littéraire arménienne ne lui fournit aucun modèle. Les lamentations bibliques et les rituels des pleureuses sont des analogons. Grégoire invente un genre — une espèce de thrène sur une âme en détresse extrême — et un type de livre — une chaîne de prières. Colloque avec Dieu, les discours du Veilleur se meuvent dans un espace de parole où le Moi de l'homme “à la triste beauté” et le silence éloquent de Dieu se croisent, se conjuguent et se répondent. Ils feront école et seront imités tout au long de la littérature arménienne »[43].

« Ce ton personnel, cette audace de l'appel, cette alternance continuelle entre la flagellation de soi et l'exaltation, ce sentiment de perte totale, de désastre, dû à l'éloignement divin, cette tension perpétuelle, ce désir inconsumable de la présence de Dieu, lié à la sensation contraire de proximité immédiate (en arménien : anandmidjeli merdzavor) du divin, donné comme une expérience en l'absence de tout médiateur, enfin cet espoir répété de parvenir à “Le voir Lui-même” sont exceptionnels et ont fait considérer Grégoire de Narek comme un poète mystique, dans la tradition de saint Éphrem le Syrien, ou parfois comme un devancier de saint François d'Assise »[44].

La poésie de Narek influença de très nombreux poètes et musiciens de toutes les époques. En Arménie, cette influence se retrouve notamment chez Sayat-Nova[45], Yéghiché Tcharents[46], Parouir Sévak[Note 9]… « On croirait la mer qui, chez Narek, parle, chante, s'émeut, gronde », écrivait dans ses carnets le poète Avetik Issahakian[47]. « Un interprète moderne (Krikor Bélédian) a ainsi cherché à lire dans Grégoire de Narek une théologie du langage, montrant que la venue de Dieu dans la langue provoque une mise en évidence des limites de celle-ci, c'est-à-dire aussi une révélation de son essence »[44].

Enfin, en 1984-1985, le compositeur Alfred Schnittke écrit un Concerto pour chœur, s'inspirant de la musique liturgique orthodoxe russe de la période présoviétique, mettant en musique le Livre des Lamentations dans une traduction russe de Naum Grebnev[48].

Grégoire, l'Éveillé (au sens grec), « religieux et poète arménien dont le Livre des Lamentations reste le chef-d'œuvre de la langue arménienne »[49].

Prix littéraire

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Le ministère de la culture d'Arménie décerne chaque année un prix international sous forme de médaille pour la reconnaissance du travail concernant un auteur, pour son respect envers la culture et l’identité arménienne, de la justice et des valeurs humaines. Les derniers lauréats du prix Grégoire de Narek (Grikor Narekatsi) sont :

Manuscrits

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  • Le Ms. 1568, conservé au Matenadaran d'Erevan, est un exemplaire du Livre des Lamentations daté de 1173, sans aucun doute réalisé au monastère de Skevra (Cilicie) par Grigor Mlichetsi ou Skevratsi à la demande de l'archevêque Nersès Lambronatsi[1]. Accompagné d'une hagiographie par Nersès Lambronatsi, il s'agit du plus ancien exemplaire connu de ce livre[53]. Le manuscrit compte quatre portraits de Grégoire : écrivant (voir l'infobox), priant (voir ci-contre), tenant un livre et une croix (cf. section « Style » ; vraisemblablement d'un autre artiste), et se prosternant devant le Christ, le tout en référence à l'élégie 72[1].
  • En août 2013, Arthur Djanibekian, propriétaire du Comedy Club Production (CCP) en Russie, a acquis sur eBay un manuscrit des œuvres de Grégoire de Narek avant de remettre ce manuscrit au Matenadaran, nouveau propriétaire[54].

Notes et références

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  1. « Il est rare qu'un ouvrage résume à ce point toute la tradition d'un peuple et d'une église. Le Narek est une véritable somme, une clef pour pénétrer ce qu'il y a de plus intime et de plus singulier dans la spiritualité arménienne. » Narek 2007, p. 29.
  2. « Narek, citadelle de l'Âme, foyer brûlant, dont la gloire et le nom vont s'immortaliser grâce à ce livre des Prières que le moine achève d'y composer vers la fin de sa vie. » Narek 1990, p. 8.
  3. Comme le rappelait Avetik Issahakian, célébrant les chroniqueurs du Ve siècle, le « Siècle d'or », cité dans Narek 1990, p. 12 : « …Dans le secret d'un sanctuaire ou d'une crypte, / à la douce clarté d'une lampe d'argile, / entre l'eau et le pain, durant de longues nuits, /sur des parchemins gris, nos chroniqueurs / écrivaient notre Histoire : meurtres, carnages, trahisons, patrie / transpercée par des sabres féroces… »
  4. Vahé Godel ajoute dans sa préface, intitulée « L'Arche de la Parole » : « Les plus terribles dévastations terrestres (invasions, massacres, séismes...) y alternent avec de prodigieuses explosions spirituelles. En Arménie, le sol et le ciel ont toujours cultivé de singulières correspondances. C'est trop peu dire : selon la tradition monophysite de l'Église grégorienne (fondée par saint Grégoire), la Matière participe de l'Esprit, le Corps est l'expression de l'Âme, la figure du Verbe. » Narek 1990, p. 9.
  5. La datation est cependant discutée, voir Moïse de Khorène.
  6. « Aujourd'hui comme naguère, dans la Diaspora comme en Arménie, le poète arménien continue de se sentir intimement liés aux héroïques hérauts, aux véritables porteurs d'eau et de feu qui, en toutes circonstances, surent sauver du désastre l'Arche lumineuse de la Parole : Moïse de Khorène, Nahapet Koutchak, Sayat-Nova, Hovhannès Toumanian, Daniel Varoujan, Tcharents sont des frères ; Mesrop Machtots, son patron ; Grégoire de Narek, sa conscience écartelée, sa sagesse délirante. » Narek 1990, p. 12.
  7. Pour Godel, « Il faut rendre visible, révéler, refléter, faire du texte un miroir aussi fidèle que possible. » Narek 1990, p. 17.
  8. « Répétition d'un mot ou d'un groupe de mots à la fin de plusieurs membres de phrases, pour obtenir un effet incantatoire ou insistant. Antonyme : anaphore. » Cf. « épistrophe », sur TLFI (consulté le ).
  9. Sévak qualifie ainsi l'œuvre de Narek de « temple de la poésie, sur lequel l'action destructrice du temps n'a pas eu d'effet » ; cité dans Hacikyan 2002, p. 279.

Références

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  1. a b c d e et f Nersessian 2001, p. 162.
  2. a et b Kouymjian 1992.
  3. a et b (hy) « Ս. Գրիգոր Նարեկացի (951-1003) », sur sacredtradition.am (consulté le ).
  4. a b c et d Hacikyan 2002, p. 274.
  5. a b c et d Hacikyan 2002, p. 275.
  6. Coulie 2010.
  7. Mélik 1973, p. 447.
  8. a et b « Saint Grégoire de Narek », sur nominis.cef.fr (consulté le ).
  9. a et b « L'Arche de la Parole », présentation des Prières par Vahé Godel, Narek 1990, p. 7.
  10. Donabédian 2007, p. 130.
  11. Thierry 2007, p. 281.
  12. Narek 1990, p. 8.
  13. Godel 1987, p. 76.
  14. Mélik 1973, p. 48.
  15. Marcel et Poladian 1980, p. 18-19.
  16. Garsoïan 2007, p. 258.
  17. a et b Thierry 2007, p. 290.
  18. a et b Godel 1987, p. 117.
  19. Traduction par Archag Tchobanian dans Mélik 1973, p. 62.
  20. Hampikian 2000, p. 103.
  21. Hacikyan 2002, p. 278.
  22. (en) « Feast of the Holy Translators »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Western Diocese of the Armenian Church, (consulté le ).
  23. (it) « San Gregorio di Narek Dottore della Chiesa Universale », sur press.vatican.va, (consulté le ).
  24. « Saint Grégoire de Narek, nouveau docteur de l'Eglise », sur radiovatican.fr, (consulté le ).
  25. (en) « President Serzh Sargsyan participated at the inauguration of Armenia’s Football Academy located in Avan administrative community », sur President of the Republic of Armenia, (consulté le ).
  26. 39/II, cité dans Narek 1990, p. 17.
  27. Narek 1990, p. 113.
  28. Narek 1990, p. 115.
  29. Cité dans Didier 1997, p. 1406.
  30. Narek 1990, p. 15.
  31. Hacikyan 2002, p. 276.
  32. Narek 2000, p. 7.
  33. Traduction par Archag Tchobanian, cité dans Mélik 1973, p. 60.
  34. Archag Tchobanian, « Ode à la langue arménienne », sur ACAM, (consulté le ).
  35. Narek 2000, p. 33.
  36. 93, VII, Narek 1990, p. 17.
  37. Extrait de la 40e prière, II, Narek 1990, p. 87.
  38. 22/I, Narek 1990, p. 17.
  39. Narek 1990, p. 26.
  40. Narek 1990, p. 28.
  41. Narek 1990, p. 18.
  42. Marcel et Poladian 1980, p. 24.
  43. Narek 2000, 4e de couverture.
  44. a et b Cité dans Le Nouveau dictionnaire des œuvres, tome IV, Éditions Bouquins, chez Robert Laffont (ISBN 9782221077122), p. 4166.
  45. Venturini 2007, p. 135.
  46. Russell 2005, p. 203.
  47. Cité dans Colloque international 12-13 décembre 2003, Millénaire du Livre de Lamentation, Communications publiées par l'Institut des Langues Orientales, 2003, p. 34.
  48. (en) « Choir Concerto », sur Hyperion (consulté le ).
  49. Ekmekdjian 1992, p. 51.
  50. L'écrivain Yasar Kemal, l'une des plus grandes plumes de la littérature turque contemporaine et défenseur infatigable des minorités, notamment kurde.
  51. En Arménie, un vieil amour de la langue française.
  52. Association Culturelle Arménienne (Essai en poésie).
  53. (en) Thomas J. Samuelian, « St. Grigor Narekatsi: Introduction », sur stgregoryofnarek.am, Erevan, (consulté le ).
  54. Krikor Amirzayan, « Arthur Djanibekian a acquis sur eBay le manuscrit de Krikor Narégatsi puis remis au Madenataran », sur Nouvelles d'Arménie Magazine, (consulté le ).

Annexes

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Traductions

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  • Grégoire de Narek (introduction, traduction et commentaire d'Annie et Jean-Pierre Mahé), Paroles à Dieu, Paris-Louvain, Peeters, , 486 p. (BNF 41193446).(Édition de référence)
  • Trésor des fêtes. Hymnes et odes de Grégoire de Narek (introduction, traduction et notes, avec Annie Mahé), Paris (Peeters), 2014, 295 p.
  • Grégoire de Narek (introduction, traduction et notes d'Issac Kéchichian), Le Livre de Prières, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Sources chrétiennes », (1re éd. 1961), 575 p. (ISBN 2-204-06645-1).
  • Grégoire de Narek (adapté de l'arménien et présenté par Vahé Godel, éd. bilingue), Prières, Paris, Éditions de la Différence, coll. « Orphée », , 128 p.
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  • Luc-André Marcel, Grégoire de Narek et l'ancienne poésie arménienne, éd. Cahiers du Sud, , 145 p.
  • Grégoire de Narek, Le livre de prières, Les Editions du Cerf (Réimpr. de la 1re éd.), coll. « Sources chrétiennes », , 566 p. (ISBN 978-2204066457)  
  • Grégoire de Narek et Vahé Godel (Traduction), Odes et Lamentations, Ad Solem, coll. « Poésie », , 228 p. (ISBN 978-2884820240)

Bibliographie

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  • Serge Venturini, Éclats d’une poétique du devenir posthumain, 2000-2007, Paris, Éditions L’Harmattan, coll. « Poètes des cinq continents », , 159 p. (ISBN 978-2-296-03301-6, lire en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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