La loi polytropique peut représenter diverses conditions de transformation. La loi de Laplace en est le cas particulier applicable aux transformations isentropiques (à entropie constante, c'est-à-dire adiabatiques, à échange de chaleur nul). Elle couvre également les transformations isobares (à pression constante), isothermes (à température constante) et isochores (à volume constant) ; elle revient alors aux diverses lois qui composent la loi des gaz parfaits.
La loi polytropique n'est en théorie applicable qu'aux gaz parfaits, sous l'hypothèse que leurs capacités thermiques sont constantes et en l'absence de réaction chimique. Elle offre cependant un modèle idéal de référence pour l'étude de procédés réels. Elle est utilisée dans l'étude des explosions. Elle sert dans l'établissement du rendement des compresseurs et des turbines. En astrophysique, un polytrope est une forme de matière dont l'équation d'état s'écrit sous la forme d'une loi polytropique.
La constante de la loi polytropique (différente d'une forme à l'autre) ne dépend que des conditions initiales de pression, température et volume de la transformation. Cette constante est positive quelle que soit la forme de la loi.
On obtient donc, pour les gaz parfaits uniquement :
Transformation quelconque - gaz parfaits
(d)
et pour une transformation polytropique :
Transformation polytropique - gaz parfaits
d'où finalement :
On considère que lors de la transformation est constant (en toute rigueur, pour un gaz parfait, il dépend de la température). On intègre entre un état initial et un état final , on obtient :
Le cas concerne des phénomènes dans lesquels une augmentation de pression coïncide avec une augmentation de volume. On a :
Le deuxième principe de la thermodynamique induit qu'un coefficient de compressibilité, quelle que soit , ne peut être que positif pour un corps stable : le volume ne peut que diminuer sous une augmentation de pression. La relation (c) induit que ne peut pas être négatif pour un corps stable. Le cas représente donc un état instable de la matière[15]. Ce cas implique d'autres phénomènes que la seule force de pression, par exemple une réaction exothermique qui génère de la chaleur au cours de la transformation.
Si la transformation est isotherme, la température est constante, . L'équation des gaz parfaits donne . La chaleur produite par la transformation vaut, selon la relation (d), puisque :
De même, le gaz étudié étant un gaz parfait, il répond à la deuxième loi de Joule : son enthalpie ne dépend que de la température. L'enthalpie varie selon :
Un compresseur est une machine permettant d'augmenter la pression d'un gaz en lui apportant du travail. Une turbine au contraire produit du travail en détendant un gaz. Soient les conditions réelles de fonctionnement, mesurées aux bornes de la machine :
à l'admission (entrée) ;
au refoulement (sortie).
Pour un compresseur et . Pour une turbine et . On note le taux de compression, ou de détente[27] :
Taux de compression ou de détente
Ce taux est supérieur à 1 pour un compresseur et inférieur à 1 pour une turbine.
Soit la puissance (en watts, W) que la machine consomme (pour un compresseur) ou délivre (pour une turbine) en opérant un débit massique de gaz (en kilogrammes par seconde, kg/s). Le travail technique massique (en joules par kilogramme, J/kg) est le travail consommé ou produit par l'opération d'un kilogramme de gaz[28] :
Travail technique
Ce travail est positif pour un compresseur (un compresseur reçoit du travail), négatif pour une turbine (une turbine produit du travail).
Dans tout type de machine réelle, de la chaleur « irréversible » est produite par les frottements mécaniques et la viscosité du gaz. La machine échange également de la chaleur avec l'extérieur. Une machine « adiabatique » est une machine sans échange de chaleur avec l'extérieur[29] : la chaleur irréversible est exclusivement évacuée par le gaz sortant, le processus est dit « adiabatique irréversible[30],[31] ». Le refroidissement d'un compresseur permet de diminuer le travail à lui fournir. Le réchauffement d'une turbine permet d'augmenter le travail récupérable[8]. Il est cependant économiquement et techniquement plus facile de refroidir un compresseur que de réchauffer une turbine[32]. L'échange de chaleur peut s'effectuer de façon continue pendant l'opération de changement de pression, par exemple via les parois internes de la machine en contact avec le gaz parcourues par un fluide frigoporteur ou caloporteur. Dans certains compresseurs, une fraction de liquide (huile ou gaz liquéfié) est injectée dans le flux entrant. Le réchauffement, voire l'évaporation, de ce liquide dans la machine absorbe une partie de la chaleur dégagée par le processus de compression.
On associe à la transformation réelle (irréversible sur un gaz réel) une transformation polytropique (réversible sur un gaz parfait) ayant les mêmes conditions d'admission et de refoulement que la machine réelle. La loi polytropique donne , d'où :
On peut ainsi calculer l'indice polytropique[33],[26] :
Indice polytropique
Pour tout type de machine, une transformation isotherme () donne .
est une compression isentropique (adiabatiqueréversible[9]). La machine n'échange pas de chaleur avec l'extérieur (machine adiabatique) et le refroidissement compense exactement la chaleur irréversible ;
est une compression réchauffée. La chaleur provient de l'irréversibilité du processus. Ce cas apparait dans les machines sans refroidissement ou insuffisamment refroidies. Le réchauffement volontaire d'un compresseur est sans intérêt car il augmente le travail à fournir.
est une détente réchauffée. La chaleur provient de l'irréversibilité du processus et d'un éventuel réchauffement additionnel ;
est une détente isentropique (adiabatique réversible[9]). Ce cas est sans intérêt car il faudrait refroidir la machine pour compenser la chaleur irréversible, ce qui diminue le travail récupérable ;
est une détente refroidie. Ce cas est sans intérêt.
Soit une masse de gaz entrant dans la machine, subissant un changement de pression, puis sortant de la machine. Le gaz qui entre et qui sort de la machine subit les forces dues aux pressions d'admission et de refoulement. Le travail de transvasement est le travail que le gaz échange réellement avec la machine durant un cycle complet décrit par les diagrammes ci-contre, soit . L'expression générale du travail de transvasement est[25] :
Pour une transformation isotherme (), telle que , le travail de transvasement vaut[36] :
Travail de transvasement isotherme
Pour une transformation non isotherme (), la loi polytropique donne :
Pour les transformations non isothermes, le travail de transvasement se calcule donc selon[37],[20],[36],[26] :
Travail de transvasement polytropique
Quelle que soit la valeur de , dans une transformation polytropique le travail de transvasement est lié au travail calculé dans la section Travail par la relation . Puisque pour un compresseur comme pour une turbine, le travail de transvasement est toujours, en valeur absolue, supérieur au travail de compression ou de détente proprement dit.
Le travail produit par un transvasement isentropique est[38] :
Travail de transvasement isentropique
Dans une machine adiabatique (sans échange de chaleur avec l'extérieur, calorifugée ou frigorifugée), la chaleur créée par l'irréversibilité du processus est intégralement transférée au gaz : la transformation est adiabatique irréversible. Le travail vaut[30] :
Travail de transvasement adiabatique irréversible
Une transformation polytropique étant réversible par définition, la transformation adiabatique irréversible n'est pas polytropique. Cependant, son point initial et son point final étant respectivement les points d'entrée et de sortie de la machine, elle permet un calcul approché correct du travail de la plupart des machines adiabatiques réelles.
L'étude de ces différents travaux montre que, pour un taux (supérieur à 1 pour un compresseur et inférieur à 1 pour une turbine) et une température constants[8] :
pour un compresseur :
pour une turbine :
Pour un compresseur, le travail diminue avec la température de sortie (supérieure à la température d'entrée), c'est-à-dire lorsque diminue. Le refroidissement d'un compresseur permet donc de diminuer le travail à fournir. Pour une turbine, la valeur absolue du travail augmente avec la température de sortie (inférieure à la température d'entrée), c'est-à-dire lorsque diminue. Le réchauffement d'une turbine permet donc d'augmenter le travail récupéré. Pour un compresseur comme pour une turbine, le processus optimal est isotherme ()[8] : un compresseur consomme un minimum de travail, une turbine en produit un maximum.
Dans une machine idéale la transformation est réversible, tout le travail est utilisable. Dans une machine réelle la transformation est irréversible, car une partie du travail est dégradée en chaleur. Un compresseur réel consomme plus de travail qu'un compresseur idéal. Une turbine réelle produit moins de travail qu'une turbine idéale. Par définition, une transformation polytropique est réversible. On peut donc comparer la transformation réelle à une transformation polytropique produisant les mêmes conditions de refoulement à partir des mêmes conditions d'admission. Quelle que soit la valeur de , on définit le rendement polytropique[39] :
Rendement polytropique
pour un compresseur : ; pour une turbine :
Pour un compresseur refroidi ou une turbine réchauffée ( dans les deux cas), le travail réel est également comparé au travail isotherme[39] :
Rendement isotherme
pour un compresseur : ; pour une turbine :
Dans une machine adiabatique (sans échange de chaleur avec l'extérieur)[29], la chaleur créée par le processus est entièrement transférée au gaz, et la température réelle de sortie est nécessairement supérieure à la température isentropique. L'indice polytropique vaut pour un compresseur et pour une turbine. Le rendement isentropique (ou adiabatique) est défini par le rapport entre le travail isentropique et le travail adiabatique irréversible[30],[33],[40] :
Rendement isentropique
pour un compresseur : ; pour une turbine :
Dans le cas d'un compresseur à refroidissement continu () on obtient , ce rendement n'est pas pertinent[39].
Avec la masse du système étudié, on a et , qui est la forme communément employée en thermodynamique. On note . Dans ce contexte, est également appelé indice polytropique. Selon sa valeur, cet indice permet de décrire[4] :
La particularité de cette équation d'état est qu'elle ne dépend que de deux paramètres (la pression et la masse volumique), quand la plupart des équations d'état (par exemple la loi des gaz parfaits, les équations d'état cubiques) dépendent généralement de la pression, du volume molaire et de la température. La structure des objets constitués par cette matière polytrope est décrite par l'équation de Lane-Emden[42].
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↑ abcdef et gUn processus polytropique étant réversible () par définition, il y a équivalence entre les termes isentropique () et adiabatique (). Ces deux termes ne sont pas équivalents pour un processus irréversible ().
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Jean-Noël Foussard et Stéphane Mathé, Thermodynamique : L'essentiel du cours, exercices corrigés, Dunod, coll. « Mini manuel », , 2e éd., 240 p. (ISBN9782100792771, lire en ligne), p. 62-64.
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Dans cette référence le travail est calculé selon la convention anglo-saxonne ou, pour le travail de transvasement, . Il faut donc prendre systématiquement l'opposé des expressions calculées pour la convention européenne et .
(en) Antonio Moñino, Encarnación Medina-López, Rafael J. Bergillos, María Clavero, Alistair Borthwick et Miguel Ortega-Sánchez, Thermodynamics and Morphodynamics in Wave Energy, Springer, , 104 p. (ISBN9783319907017, lire en ligne), p. 31-33.
Vincent Renvoizé, Physique MP-MP*-PT-PT* : cours complet avec tests, exercices et problèmes corrigés, Pearson Education France, , 879 p. (ISBN9782744074400, lire en ligne).