Symphonie no 1 de Mahler

symphonie de Gustav Mahler
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Titan

Symphonie no 1 en ré majeur
Titan
Image illustrative de l’article Symphonie no 1 de Mahler
Gustav Mahler en 1893 (par Leonhard Berlin-Bieber).

Genre Symphonie
Nb. de mouvements 4
Musique Gustav Mahler
Effectif Orchestre symphonique
Durée approximative Environ 50 minutes
Dates de composition 1884 à 1888, remaniements jusqu'en 1903
Création (première version en 5 mouvements)
Drapeau de la Hongrie Budapest
Interprètes Gustav Mahler (dir.)
Représentations notables
Berlin, le (deuxième version en 4 mouvements)

La Symphonie no 1 en ré majeur, dite « Titan »[a], est la première symphonie de Gustav Mahler. Composée en 1888, la symphonie est entièrement remaniée d'abord en 1893, puis en 1897 et plus en détail jusqu'en 1903.

Histoire

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Esquissé dès 1884 à Cassel[2], l'essentiel de la première version de la Première Symphonie (en deux parties et en cinq mouvements) est réalisé de à [1]. À cette époque, Mahler, âgé de 28 ans, est un chef d'orchestre très apprécié, assistant d'Arthur Nikisch à l'Opéra de Leipzig. Il profite des quelques jours de fermeture de l'opéra à la suite de la mort de l'empereur allemand Guillaume Ier pour revoir une « dernière fois » son travail[3].

La symphonie, qui selon Mahler doit provoquer chez autrui « mainte raison d'étonnement », ne parvient à être jouée nulle part. Cette déception et une brouille avec le directeur de l'Opéra de Leipzig causent la démission de Mahler à l'été 1888. Il se fait engager en de la même année comme directeur de l'Opéra royal hongrois à Budapest. Après avoir remporté un succès considérable en donnant L'Or du Rhin et La Walkyrie, Mahler y crée sa symphonie le dans sa version originale terminée à Leipzig et présentée comme Poème symphonique en deux parties et cinq mouvements[4] :

  • Première partie :
    • 1) Introduction et Allegro commodo
    • 2) Andante[b]
    • 3) Scherzo
  • Deuxième partie :
    • 4) À la pompes funèbres ; Attacca.
    • 5) Molto appassionato

La Première partie est bien accueillie mais la deuxième plonge l'auditoire dans la stupeur et même l'indignation « Le cercle des amis de Mahler était très ému ; le public, dans sa majorité fermé comme d'habitude à toute nouveauté formelle, réveillé brutalement d'une hibernation somnolente. À l'attaque du dernier mouvement, une dame élégante assise à mes côtés laissa tomber tous les objets qu'elle tenait à la main » (Fritz Löhr, cité par Marc Vignal[5]).

Mahler est accusé de défier toutes les lois de la musique. « Son poème symphonique est vulgaire et insensé ». Les journaux hongrois, dont le Pester Lloyd, sont assez critiques. La Neue Pester Zeitung écrit : « Si l'on englobe le tout dans une impression d'ensemble, nous ne pouvons dire que la chose suivante : En ce qui concerne son éminente qualification en tant que chef d'orchestre, Mahler était non seulement parmi les premiers de son rang, il leur ressemble aussi par le fait qu'il n'est pas symphoniste… nous ne lui serons pas moins reconnaissants de ses efforts accomplis avec succès en tant que directeur d'Opéra et nous aimerions toujours le voir derrière son pupitre, à condition qu'il ne dirige pas ses propres compositions »[6].

En 1891, Mahler envoie la partition à l'éditeur Schott pour une publication, avec le titre Aus dem Leben eines Einsamen (« De la vie d'un esseulé »), sans résultat.

Du poème initial, face à l’incompréhension générale, le compositeur propose d’abord un programme détaillé en 1892[5]. L'œuvre est ensuite créée à Hambourg le sous le simple titre « Titan »[c], avec de nombreuses révisions et de nouvelles sections, y compris dans le deuxième mouvement Blumine[7]. De nouvelles corrections ont lieu pour la première à Weimar, le [2],[8].

La quatrième création a lieu à Berlin le . Le manuscrit[9] ne contient plus que quatre mouvements, le deuxième connu sous le nom de Blumine (« fleurettes ») ayant été retiré, et porte maintenant le nom de « Symphonie no 1 », sans aucun sous-titre. Le public, dans une salle à moitié vide, siffle la symphonie. La critique est encore sévère[1].

La symphonie est publiée en par Joseph Weinberger (sans doute pour la création à Prague le ) puis légèrement réorchestrée en 1903 pour une édition définitive en 1906 par Universal. Elle se présente désormais sous la forme d’une grande symphonie d’une cinquantaine de minutes, divisée en quatre mouvements.

Mahler rejoue sa symphonie à intervalles irréguliers jusqu'à sa mort.

Le chef d'orchestre Bruno Walter, ami et grand interprète de Mahler, a transcrit la symphonie pour piano à 4 mains[10].

Analyse

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La symphonie comporte quatre mouvements :

  1. Langsam. Schleppend. Wie ein Naturlaut — Im Anfang sehr gemächlich
  2. Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell — Trio. Recht gemächlich
  3. Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen
  4. Stürmisch bewegt

Orchestration

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Instrumentation de la Symphonie no 1
Bois
4 flûtes (les 3e et 4e jouant aussi du piccolo), 4 hautbois (le 4e jouant aussi du cor anglais), 4 clarinettes (si bémol, do, , mi bémol, la 4e jouant aussi de la clarinette basse), 3 bassons (le 3e jouant aussi du contrebasson)
Cuivres
7 cors, 5 trompettes (fa, si bémol) dont une postée avec les cors dans le dernier mouvement[11], 4 trombones dont un posté avec les cors dans le dernier mouvement[11] 1 tuba
Percussions
timbales (2 timbaliers), cymbales, triangle, tam-tam, grosse caisse
Cordes
premiers violons, seconds violons, altos, violoncelles, contrebasses, 1 harpe

Premier mouvement

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Le premier mouvement, sous-titré « Comme un bruit de la nature » (« Wie ein Naturlaut »), débute par une longue note tenue des cordes au-dessus de laquelle semble s’ébaucher un motif fondateur. Cette intemporalité originelle est contredite par un motif de fanfare fantômatique[12].

 
 
 
 

Cette introduction conduit à l’exposition du vrai premier thème, citation textuelle du deuxième lied pour basse et orchestre du cycle Lieder eines fahrenden Gesellen (« Les chants d'un compagnon errant ») datant des années 1883–1884, par les violoncelles et les bassons[13]. Cette mélodie intitulée « Ce matin je suis allé à travers champs » restitue immédiatement le temps suspendu de l’introduction et détend l’atmosphère.

 

La musique se déroule alors librement dans une orchestration aérée. On décèle à l’audition de nombreux retours de la fanfare.

 

Deuxième mouvement

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Le deuxième mouvement (« Énergique et animé, mais pas trop rapide »), est un scherzo en la majeur, dont la thématique puise largement dans la littérature populaire autrichienne. Dans le rythme d’un ländler influencé par Franz Schubert[14] dans les parties extrêmes et celle de Bruckner[15] dans l’ostinato du trio central. Le premier thème du trio est en fa majeur alors le second est en sol majeur.

 
 

Troisième mouvement

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Gravure sur bois Wie die Thiere den Jäger begraben (« Comment les animaux enterrent le chasseur ») de 1850.

Il s'agit du mouvement le plus mystérieux de cette symphonie. Il met en scène une lente marche funèbre en mineur, bâtie sur la version allemande de la chanson enfantine Frère Jacques (Bruder Jakob)[16].

 

Sur un mouvement de balancier lourd et sombre des timbales, la chanson, altérée par le mode mineur et préalablement exposée par un solo de contrebasse, se déploie lentement en une sorte de cortège funèbre. La mélodie s’amplifie, se répandant à tout l’orchestre. Soudain, un thème populaire (aux trompettes)[17], issu des danses de cabarets[18] (qui « ont scandalisé les auditeurs de l'époque »)[1], est joué Mit parodie (« avec parodie »)[19],[20] par un petit orchestre, aux sonorités étranges : c'est la musique d'un mariage juif.

 

Cette alternance d’éléments graves et futiles scandalisa les premiers auditeurs peu habitués à cet amalgame de genres.

Mahler indiqua que l’inspiration saisissante de ce morceau lui venait de la réminiscence d’une image du dessinateur autrichien Moritz von Schwind, familière à tous les enfants allemands et autrichiens, L’Enterrement du chasseur (Wie die Tiere den Jäger begraben), dans laquelle un cortège d’animaux aux attitudes faussement sombres portent à sa dernière demeure le chasseur, leur ennemi. Toute l’ironie de la scène se retrouve dans la marche funèbre provoquant de la sorte un effet effroyable. Soudain, surgit un thème (en sol majeur) provenant une nouvelle fois des chants du compagnon errant (4e lied, die zwei blauen Augen).

 

Ce bref épisode ramène alors la marche funèbre et, dans sa suite, les danses avant qu’une dernière fois les rythmes de la marche s’éloignant dans le lointain ne referment le mouvement. Mahler aimait qualifier le mouvement de « marche funèbre à la manière de Callot », hommage aux Fantaisies dans la manière de Callot de Hoffmann, et par extension au célèbre graveur populaire du XVIIe siècle, Jacques Callot[17] (« La tentation de saint-Antoine »).

Quatrième mouvement

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Ce grand final clôt cette symphonie. Sa structure est celle de la sonate. Il est le plus ouvertement dramatique et s’ouvre (en fa mineur) de manière tumultueuse sur de lourdes sonorités, dont « un effet sonore monstrueux : des accords de trombones semblables à des rugissements […] appuyés par les trompettes et les cors bouchés […] fait penser, avec ses respirations, aux cris d'effroi statiques de la danse sacrale du Sacre du printemps »[21].

 

S’ébauche ensuite un thème (en ré bémol majeur).

 

Les luttes, interrompues par une mélodie typiquement mahlérienne et des réminiscences du motif fondateur, s’achèvent par un brutal accord. « Comme s’il était tombé du ciel, comme s’il venait d’un autre monde. » (Mahler).

 

On reconnaît alors plusieurs éléments déjà entendus dans le premier mouvement, montrant ainsi l’unité de l’œuvre entière. Après un dernier sommet dramatique, la symphonie se referme de manière triomphale.

Ce mouvement plus particulièrement montre ce que Mahler « doit à Berlioz et à Liszt »[1].

Arrangement

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Bruno Walter en a réalisé un arrangement pour piano à quatre mains, publié en 1906.

Discographie

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Pour une discographie exhaustive, consulter cette page : [2]

Notes et références

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  1. Le surnom Titan est donné par les critiques de l'époque ; Mahler a affirmé à Natalie Bauer-Lechner[1] que ce titre n'était pas en lien avec le célèbre roman de Jean Paul).
  2. Mouvement détaché de la version définitive, connu comme Blumine.
  3. Titan évoque un roman de l’auteur romantique allemand si cher à Robert Schumann, Jean-Paul Richter.

Références

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  1. a b c d et e Henry-Louis de La Grange, Gustav Mahler : Chronique d'une vie, 1860-1900, t. 1, Librairie Arthème Fayard, 1973, p. 266, 270-271, 281-282, 308, 542-549.
  2. a et b Tranchefort 1986, p. 436.
  3. Vignal 1995, p. 34–43.
  4. Manuscrit conservé à la University of Western Ontario, collection Alfred Rosé.
  5. a et b Vignal 1995, p. 36.
  6. Cité par Andreas Maul, notice du disque dirigée par Eliahu Inbal dirigeant l'orchestre de la radio de Franckfort (28 février/1er mars 1985, Denon 33C37-7537) p. 10.
  7. Manuscrit conservé à la Yale University, collection James Marshall et Marie‑Louise Osborn.
  8. Manuscrit conservé à la New York Public Library, collection Bruno Walter. Il faut remarquer que les pages contenant Blumine sont pliées, indiquant déjà peut-être la suppression du deuxième mouvement.
  9. Vendu par Sotheby's en 1984.
  10. Gustav Mahler – Symphonie no 1 en ré majeur – transcription pour piano à 4 mains par Bruno Walter – Prague Piano Duo, Praga Digitals PRD/DSD 250 197 [1]
  11. a et b http://imslp.eu/download.php?file=files/imglnks/euimg/6/63/IMSLP06376-Mahler_-_Symphony_No.1_Mvt.IV__complete_score_.pdf, IMSLP p.162 (partition complète) ou p.68 (4e mouvement).
  12. Casper Höweler (trad. de l'allemand par Renée Harteel), Sommets de la Musique [« X-Y-Z der muziek »], Paris/Gand, Flammarion/Éditions Daphné, (réimpr. 1951, 1953, 1954, 1956), 6e éd. (1re éd. 1947), 470 p. (OCLC 460637886, BNF 33043678), p. 258
  13. Höweler et 1958 258.
  14. Walter 1979, p. 130.
  15. Adorno 1976, p. 153.
  16. (en) David Dubal, The Essential Canon of Classical Music, Macmillan, , xvi-770 (ISBN 0-86547-664-0, OCLC 76905665, lire en ligne), p. 427.
  17. a et b Vignal 1995, p. 39.
  18. Vignal 1995, p. 43.
  19. Vignal 1995, p. 42.
  20. Adorno 1976, p. 58 sq., 84.
  21. Adorno 1976, p. 175.
  22. Diapason 1988, p. 536.
  23. Lors de sa réédition ce disque a été distingué par Christophe Huss d'un « 9 » dans le magazine Répertoire nos 21 et 75 et de « ƒƒƒƒ » dans le magazine Télérama.
  24. Lors de sa réédition ce disque a été distingué par Christophe Huss d'un « 10 » dans le magazine Répertoire no 90.
  25. Lors de sa réédition ce disque a été distingué d'un « 9 » dans le magazine Répertoire no 150 et d'un « 5 » dans le magazine Classica no 37.
  26. Lors de sa réédition ce disque a été distingué d'un « 9 » dans le magazine Répertoire no 121 ; de « 5 clés » dans le magazine Diapason no 457 ; d'un « Choc » dans Le Monde de la musique.
  27. Lors de sa réédition ce disque a été distingué d'un « 9 » dans le magazine Répertoire no 101.
  28. Diapason, Dictionnaire des disques et des compacts : guide critique de la musique classique enregistrée, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 3e éd., xiv-1076 (ISBN 2-221-05660-4, OCLC 868546991, BNF 34951983), p. 535
  29. Lors de sa réédition ce disque a été distingué d'un « 9 » dans le magazine Répertoire nos 75.
  30. Lors de sa sortie ce disque a été distingué d'un « 9 » dans le magazine Répertoire no 122 et de « 5 clés » dans le magazine Diapason no 457.
  31. Il s'agit ici d'un enregistrement de la version de 1893/1894 en cinq mouvements.

Bibliographie

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Liens externes

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