Sesson Shukei
Sesson Shukei, de son vrai nom Satake, noms de pinceaux Sesson, Shûkyosai, Shûkai et Kakusen-Rôjin, né vers 1504, mort après 1589, est un moine bouddhique et peintre japonais du XVIe siècle.
Naissance | |
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Décès | |
Nom dans la langue maternelle |
雪村 |
Activité |
XIVe au XVIe siècles
modifier« Pour qui erre tristement dans une ville inconnue, c'est un plaisir de pouvoir passer une heure dans une galerie de tableaux. Faveur plus difficile à obtenir dans le cas des musées japonais, où les kakemonos, les emakis sont la plupart du temps enfermés dans des boîtes. Par bonheur le livre est là qui offre à l'amateur, fidèlement reproduits, les trèsors les plus jalousement gardés des collections publiques et privées. Enfin, une place non prépondérante est accordée à la peinture bouddhique de l'ancien temps, écrit l'auteur Maurice Coyaut[1] ».
Buson et Gyokudō, longtemps tenus pour trop «littéraires», ou trop excentriques, sont maintenant considérés comme les égaux de ces géants de l'époque Muromachi que sont Shūbun, Sesshū et Sesson Shukei, et leurs compères de l'école paysagiste, inspirés par l'idéal du Zen[2].
Biographie
modifierÀ l'époque Muromachi, la peinture monochrome à l'encre (suiboku) se répand aussi en dehors de la capitale, dans les régions de l'est et de l'ouest. Les seigneurs locaux accroissent leur indépendance politique et économique et patronnent des artistes, quand ils n'en sont pas eux-mêmes. Ainsi apparaît au nord-est du Japon, dans le Tōhoku, un artiste très original, Sesson Shuke. Bien que né à l'époque où Sesshū s'éteint à l'autre extrémité du pays, il se prétend néanmoins être son successeur spirituel et accole la même graphie setsu (la neige) à la tête de son nom de pinceau[3].
Sesson est un nordique, originaire d'Ōta, Hitachi (actuelle préfecture d'Ibaragi). À partir de 1540, son existence tout entière se passe dans les régions rustiques de Aizu (actuelle préfecture de Fukushima) et de Hitachi (actuelle préfecture d'Ibaragi), et sa première célébrité remonte aux années qu'il passe sous le patronage d'Ashina Moriuju, seigneur d'Aizu. Il construit plus tard son propre atelier à Miharu, studio que l'on peut toujours voir. Il peut désormais à loisir s'adonner à son art, avec cette sorte de frénésie qu'il met en toutes choses (il a, dit-on, laissé quelque trois cents tableaux)[4].
Genres et style
modifierSesson, tout comme Sesshū, a touché à bien des genres: paysages «classiques» ou en style Haboku (en) où il déploie une étourdissante virtuosité, peinture d'animaux, évocations mythologiques à caractère fantastique, nourries par l'esprit du Tao. Partout, son pinceau, qui semble danser sur le papier, se meut avec une sûreté, une précision qui ont de quoi surprendre, car la rapidité, la violence même de l'exécution sont ici de règle. Après lui ou à ses côtés, d'autres artistes s'essaient eux aussi à cette manière expressionniste[5].
Il approfondit son art en solitaire, étudiant les œuvres des grands maîtres chinois et japonais, tels Yujian (Yujian Reofen, moine peintre chinois XIIIe siècle) et Muqi, Shūbun et Sesshū. Ses peintures, d'une technique rude et quelque peu fruste, sont animées par contre d'une verve ardente reflétant sa personnalité, personnalité agitée dans un pays en proie aux guerres civiles. Dans cette œuvre, semble-t-il, l'adaptation de la technique chinoise à l'esprit nippon parvient à un rare pathétique[3].
La rigueur contemplative
modifierElle gouverne toute l'école du lavis à l'époque Muromachi (Shūbun, Sesshū et Sesson). Cimes aux angles droits et saillants, autorité du trait de pinceau, même lorsqu'il se donne des airs incontrôlés (mais nul ne s'y trompe), même lorsqu'il s'efforce de prendre le mouvement au piège: les brumes qui baignent le paysage n'en attirent que mieux le regard du contemplateur, dont l'esprit est prêt à s'envoler vers ces hauteurs béantes et abstraites. Mieux qu'aucune représentation d'ordre proprement religieux, la peinture suscite l'adoration[6].
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Paravent figurant des singes (1570).
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Rouleau représentant une ville de montagne.
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Rouleau représentant sept sages s’entraînant (1550).
Musées
modifier- Kyōto (Nomura Bun-ei):
- Paysage sous la tempête, rouleau vertical, encre et couleurs légères sur papier, 22x31,4cm.
- Nara (Yamato Bunkakan):
- Portrait imaginaire de Ro Dôhin (Lü Dongbin, immortel taoïste) Ro Dôhin (en chinois Liu Tong-pin)[n 1], encre sur papier, rouleau en hauteur[7].
- Autoportrait, encre et couleurs légères sur papier, rouleau en hauteur, poèmes et quatre cachets de l'artiste.
- Osaka (Musée Masaki):
- Tōkyō (Nat. Mus.):
- Faucons sous un pin[n 3], encre sur papier, deux rouleaux en hauteur signés, deux cachets de l'artiste[9].
- Hama et Tieguai, deux immortels chinois, encre sur papier, deux rouleaux en hauteur signés, cachets de l'artiste.
- Washington DC (Freer Gallery of Art):
- Paysages d'automne et d'hiver, encre et couleurs légères sur papier, deux paravents à six feuilles.
Bibliographie
modifier- Maurice Coyaud, L'Empire du regard – Mille ans de peinture japonaise, Paris, éditions Phébus, Paris, , 256 p. (ISBN 2-85940-039-7), p. 8, 26, 28, 29, 30, 51, 56, 128, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 148, 190, 204
- Dictionnaire Bénézit, Dictionnaire des peintres,sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol. 12, éditions Gründ, , 13440 p. (ISBN 2-7000-3022-2), p. 764
- Akiyama Terukazu, La peinture japonaise - Les trésors de l'Asie, éditions Albert Skira – Genève, , 217 p., p. 117-120
Notes et références
modifier- Notes
- Ro Dôhin (Lü Dongbin est l'un de ces moines excentriques, contemporains de la dynastie des Tang, qui servent de modèles aux sages taoïstes aussi bien qu'aux adeptes du Zen. Divinisé à l'époque des Song, il devient le héros de nombreuses légendes. Sesson, qui vit jusqu'à quatre-vingt-cinq ans passés, doit se sentir en secrète accointance avec ce vigoureux vieillard, orgueilleusement jugé sur le crâne d'un dragon marin. Son évocation allie avec le plus grand naturel deux ingrédients point commodes à marier: le fantastique et l'humour... Ro Dôhin vient de déboucher sa fiole d'immortalité: la fumée magique se dégage; le candidat-immortel est littéralement aspiré vers le ciel, où il se change illico en dragon. Cette sublimation (au sens physique approximatif) s'opère dans une tension extraordinaire. La métamorphose est représentée à la fois pendant et après (le malicieux dragonneau en haut à droite). Le futur immortel est littéralement mesmérisé, électrisé jusqu'aux pointes de sa barbe en érection
- Sesson à qui l'on prête la rudesse des hommes du Nord, goûte peu les épanchements attendris. Sa main violente forêts et montagnes. Dans le feu de l'inspiration, il peut oublier la réalité première des formes que son pinceau métamorphose en autant d'éblouissantes abstractions. Rien de plus vrai pourtant que ce mone qu'il nous envoie au visage sans le moindre ménagement. Quelques taches d'encre savamment graduées suffisent à nous faire voir ce que l'art, avec son cortège d'habiletés trop calculées, d'habitudes nous cache
- L'œil du faucon que Sesson vient de surprendre sur sa branche n'a pas l'air près de se voiler, lui. Tout comme celui de l'artiste: que l'on devine écarquillé, avide de saisir au vol les détails essentiels de la scène, d'en exalter le moindre relief. Ah! ces plumes que l'on sent frémir et se tendre, l'ordonnance vibrante de cet empennage! Et ces aiguilles de pin, qui n'ont rien à envier aux griffes du rapace... Ainsi est le bonhomme Sesson: guère facile à prendre à rebrousse-poil, fier comme trente-six sauvages, mais d'une lucidité, d'une vigilance qu'il me plaît d'imaginer sans faille
- Références
- Maurice Coyaud 1981, p. 8
- Maurice Coyaud 1981, p. 28
- Dictionnaire Bénézit 1999, p. 764
- Maurice Coyaud 1981, p. 29
- Maurice Coyaud 1981, p. 30
- Maurice Coyaud 1981, p. 56
- Maurice Coyaud 1981, p. 134-135
- Maurice Coyaud 1981, p. 128-130-131
- Maurice Coyaud 1981, p. 132-133