Référendum constitutionnel gabonais de 2024

Le référendum constitutionnel gabonais de 2024 a lieu le afin de permettre à la population du Gabon de se prononcer sur l'adoption d'une nouvelle constitution.

Référendum constitutionnel gabonais de 2024
Corps électoral et résultats
Inscrits 868 115
Votants 463 066
53,34 %
Blancs et nuls 8 781
Nouvelle constitution
Pour
91,79 %
Contre
8,21 %

Le référendum a lieu un peu plus d'un an après le coup d'État de 2023 au Gabon qui voit le renversement d'Ali Bongo par Brice Oligui Nguema après l'annonce de la réélection contestée du président sortant lors des élections générales gabonaises de 2023.

Le projet de nouvelle constitution est adoptée à un large majorité de 91 % des voix, avec un taux de participation de 53 %.

Contexte

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Coup d'État de 2023

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Ali Bongo en 2022.

L'annonce des résultats des élections générales gabonaises de 2023 est immédiatement suivie d'un coup d'État. Une douzaine de militaires de plusieurs corps des Forces armées gabonaises déclarent sur la chaîne de télévision Gabon 24 l’annulation des élections et la dissolution des institutions[1]. Qualifiant les résultats du scrutin de « tronqués », ils annoncent la mise en place d'un Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), afin de mettre « fin au régime en place ». Ali Bongo est placé en résidence surveillée[2],[3]. L'annonce suscite une liesse populaire dans la capitale Libreville ainsi que dans d'autres villes dont Port-Gentil[1]. Si Internet est rétabli, les militaires maintiennent les frontières fermées[3]. Le putsch reçoit le soutien de la majorité de l'opposition et d'une partie de l'ancienne coalition au pouvoir[4].

Comme annoncé, Brice Oligui Nguema prête serment le au palais présidentiel de Libreville en tant que président de la Transition [5],[6],[7] en présence des juges de la Cour constitutionnelle, du Premier ministre, de la vice-présidente et des présidents des deux chambres parlementaires sortants[8]. Lors de son discours d'investiture, il promet de rendre le pouvoir aux civils lors d'élections « libres, transparentes, crédibles et apaisées », mais après une transition dont il ne précise pas la durée, au cours de laquelle il annonce vouloir organiser un référendum sur une nouvelle constitution, afin d'établir des institutions « plus démocratiques » et « respectueuses des droits humains »[9],[10].

Dialogue national de 2024

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Brice Oligui Nguema en 2024.

En , le nouveau régime organise un dialogue national. Les participants proposent une période de transition de deux ans, la mise en place d'un régime présidentiel avec la suppression du poste de Premier ministre et la mise en place d'une « préférence nationale »[11].

Afin de remplacer celle qui est en vigueur depuis 1991[12], un projet de Constitution est remis au président de la Transition le , qui convoque les deux chambres parlementaires en Assemblée constituante pour discuter du texte pendant dix jours à partir du [13] La junte militaire forme a cette occasion le Comité pour la transition et la restauration des institutions[14]. Le projet prévoit un régime présidentiel dans lequel le gouvernement ne peut être censuré[15]. Pour être candidat à la présidentielle, il faut être de père et de mère gabonais[16]. L'Assemblée constituante n'est par ailleurs pas souveraine, la junte ayant le pouvoir d'accepter ou de rejeter les amendements[15].

L'Assemblée constituante termine ses délibérations le et adopte des amendements sous la forme de recommandations[17]. Ayant opéré 802 amendements, les députés rétablissement le poste de Premier ministre et la possibilité de censurer le gouvernement[18].

Le projet final est adopté en conseil des ministres le et la date du scrutin fixée au [19]. Le texte est rendu public le . Contrairement à la mouture initiale, le candidat à la présidentielle doit avoir au moins un parent gabonais[20].

Si la constitution est approuvée, par référendum, avec une élection présidentielle, pour . Elles marqueront la fin de la période de transition[21].

 
Bulletins de vote utilisés

Le texte instaure un régime présidentiel où le président de la République, chef de l'exécutif, assisté de deux vice-présidents, est à la fois chef de l'état et chef du gouvernement[20]. Un vice-président du gouvernement remplace ainsi le poste de Premier ministre, tandis qu'un vice-président de la république assure l'intérim en cas de vacance de la présidence. Tout deux sont nommés par le Président[22].

Le président de la République est élu pour un mandat de sept ans, renouvelable une fois, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Le mandat était auparavant de cinq ans, sans limitation, et au scrutin a un tour. La constitution interdit explicitement son amendement en vue de revenir sur la limite du nombre de mandats présidentiels ou sur le mode de scrutin à deux tours[23],[22].

Les candidats à la présidence doivent avoir résidé au Gabon depuis au moins trois ans, être âgés d'au moins 35 ans et de moins de 70 ans, être citoyens gabonais de naissance, né d'au moins un parent gabonais de naissance, et ne pas avoir posséder d'autre nationalité dans les trois années précédant l'élection présidentielle. Les conjoints des candidats doivent eux aussi être gabonais de naissance s'ils sont mariés. Une première version du texte imposait aux candidats d'être également nés de père et de mère eux même citoyens de naissance, une clause jugée destinée à empêcher une éventuelle candidature de la femme d'Ali Bongo, Sylvia Bongo Ondimba ou de son fils, Noureddin Bongo Valentin, tout deux franco-gabonais. La clause n'est finalement pas retenue. A la place, la constitution interdit aux enfants et au conjoint d'un ancien président de la République de se porter candidats[20],[24]. Les membres du gouvernement sont par ailleurs obligatoirement âgés d'au moins trente ans, et gabonais de naissance, nés de parents tout deux gabonais[22].

Le président peut dissoudre l'assemblée nationale une fois par mandat, passé les deux premières années de son mandat, et après consultation des présidents de l'assemblée, du Sénat, et de la Cour constitutionnelle[22].

Le parlement est composé d'une assemblée nationale directement élu et d'un sénat élu au suffrage indirect par les conseillers régionaux, tout deux pour des mandats de cinq ans[22].

La Cour constitutionnelle est composée de neuf juges nommés pour un mandat de huit ans, renouvelable une seule fois, à raison de trois jugés nommés par le président de la république, deux chacun par les présidents de l'assemblée et du sénat, et deux par la Haute Cour de Justice. A ces neuf membres s’ajoutent les anciens président de la républiques, membres de droit à vie[22].

La Haute Cour de Justice, saisie par les deux tiers des membres d'une chambre du Parlement, est chargée de juger le président de la République[20],[22].

La constitution définit le mariage comme une union hétérosexuelle et rend obligatoire le service militaire. L'amendement de l'article définissant le mariage comme uniquement hétérosexuel est interdit, rendant impossible une future légalisation du mariage homosexuel[25],[22]. Sont également interdits les amendements revenant sur le multipartisme ou la séparation des pouvoirs[22].

Le français, auparavant langue officielle, devient langue de travail. La fête nationale du 17 août est complétée par une « fête de la libération », le 30 août, date anniversaire du coup d’État de 2023. L'ensemble des participants au coup d’État sont explicitement amnistiés[26],[27],[22].

Campagne

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Les affiches appelant à voter oui sont placardées dans les rues dès la fin du mois d'[28]. Le Parti démocratique gabonais appelle à voter oui lors du référendum, de même que les opposants Bertrand Zibi Abeghe et François Ndong Obiang. De leur côté, les anciens candidats à la présidentielle Mike Jocktane et Albert Ondo Ossa, ainsi que le dernier Premier ministre d'Ali Bongo, Alain Claude Bilie By Nze, ou encore l'ancien vice-président Pierre Claver Maganga Moussavou appellent à voter non[29],[30].

Résultat

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Résultats nationaux provisoires[22],[31]
Choix Votes %
Pour 416 983 91,79
Contre 37 302 8,21
Votes valides 454 285 98,10
Votes blancs et invalides 8 781 1,90
Total 463 066 100
Abstention 405 049 46,66
Inscrits/Participation 868 115 53,34

Analyse

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Contrairement aux scrutins précédents, le référendum est organisé par le ministère de l'Intérieur, et non pas par la commission électorale. Un couvre-feu nocturne est par ailleurs décrété pour des raisons de sécurité[32]. Selon les estimations données par les chaînes de télévision, le taux de participation est de 70 %[33].

Le 17 novembre, le ministère de l'Intérieur annonce la victoire du Oui à la nouvelle constitution[34]. Les résultats doivent être confirmés par la Cour constitutionnelle puis promulgués par le président de la transition. La nouvelle Constitution prévoit son entrée en vigueur effective à l'issue de la prochaine élection présidentielle[35],[22],[36]

Notes et références

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  1. a et b « Gabon : Ali Bongo officiellement réélu, des militaires prennent le pouvoir », sur Gabonreview.com, Gabonreview, (consulté le ).
  2. « Au Gabon, des militaires proclament l’annulation des élections après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo », sur Le Monde, .
  3. a et b « Coup d’Etat au Gabon : le président Ali Bongo placé « en résidence surveillée » par des militaires », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  4. AfricaNews, « Gabon : la CEEAC d'accord pour "une feuille de route" de la transition », sur Africanews, (consulté le ).
  5. Le Point, magazine, « Gabon: le nouvel homme fort prête serment lundi, l'opposition veut imposer son candidat », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
  6. « Gabon : le général Oligui Nguema prend quartier », sur BBC News Afrique, (consulté le )
  7. « Prestation de serment lundi du général Oligui en tant que "président de transition" », sur VOA, (consulté le )
  8. « Dieu, le peuple et le coup d’État : Brice Oligui Nguema a prêté serment – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le ).
  9. « Gabon : le général Oligui prête serment de «président de la transition» et promet «des élections libres» », sur Libération, Libération (consulté le ).
  10. « Le général Oligui promet de "rendre le pouvoir aux civils" – DW – 04/09/2023 », sur dw.com (consulté le ).
  11. « Au Gabon, le dialogue recommande une transition de deux ans, un régime hyperprésidentiel et la préférence nationale », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  12. « Afrique(s) Au Gabon, une nouvelle Constitution pour un « président-roi » », sur mediapart.fr, Médiapart, (consulté le ).
  13. « Gabon: début effectif des travaux de l'Assemblée constituante ».
  14. « Gabon : Projet de Constitution entre les mains d’Oligui, Parlement bientôt à l'œuvre », sur Gabonreview.com, Gabonreview, (consulté le ).
  15. a et b « Gabon: quel rôle et quels débats pour l’Assemblée qui examine la future Constitution? ».
  16. Le Nouveau Gabon, « Gabon : Ce qui va changer avec la nouvelle constitution », sur www.lenouveaugabon.com (consulté le ).
  17. « Au Gabon, le projet de nouvelle Constitution est bouclé - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le ).
  18. « Projet de Constitution au Gabon: «Dans la proposition du Parlement, le poste de Premier ministre revient» ».
  19. « Gabon: le projet de nouvelle constitution sera soumis à référendum le 16 novembre ».
  20. a b c et d AfricaNews, « Gabon : le texte final du projet de nouvelle Constitution publié », sur Africanews, (consulté le ).
  21. Pierre-Malo Albrecht, « Au Gabon, un référendum très attendu pour la transition du pays », sur La Croix, (consulté le ).
  22. a b c d e f g h i j k et l Gabun, 16. November 2024 : Verfassung
  23. « Au Gabon, le projet de nouvelle Constitution rendu public », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  24. « Analyse du Projet de Constitution 2024 : Un texte entre continuité et rupture », sur Gabonreview.com, Gabonreview, (consulté le ).
  25. AFP, « Le référendum sur la nouvelle constitution au Gabon fixé au 16 novembre », sur Voice of America, VOAAfrique (consulté le ).
  26. RFI, « Afrique Les Gabonais votent pour adopter ou rejeter le projet de Constitution », sur rfi.fr, Radio France International, (consulté le ).
  27. Dominic Wabwireh, AP, « Key details on Gabon's new constitution and upcoming referendum », sur Africanews.com, Africanews, (consulté le ).
  28. AFP, « Le parlement gabonais réuni pour rédiger la nouvelle constitution », sur Voice of America, VOAAfrique (consulté le ).
  29. « Gabon: les figures politiques se positionnent face au nouveau projet de Constitution ».
  30. « Les Gabonais votent pour adopter ou rejeter le projet de Constitution ».
  31. « Référendum 2024 au Gabon : La nouvelle constitution approuvée avec 91,80 % du Oui », sur INFOS GABON, (consulté le ).
  32. (en) Moki Edwin Kindzeka, « Early reports say a majority of voters in Gabon cast ballots to end military rule », sur Voa, en (consulté le ).
  33. « Le Gabon dans l’attente des résultats après le référendum sur la nouvelle Constitution ».
  34. Radio France International, « Afrique Référendum au Gabon: le «oui» à la Constitution l'emporte avec 91,80% des voix », sur rfi.fr, (consulté le ).
  35. Le Monde avec AFP, « Gabon : la nouvelle Constitution largement approuvée par référendum », (consulté le ).
  36. Radio France International, « Gabon: après le «oui» massif à la nouvelle Constitution, quelles suites pour la transition? », sur rfi.fr, (consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes

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