Dioxygène

molécule diatomique
(Redirigé depuis O02)

Le dioxygène, communément nommé oxygène, est un corps simple moléculaire constitué de molécules O2 (constituées chacune de deux atomes d'oxygène). Gazeux dans les conditions normales de température et de pression, incolore, inodore et insipide, il participe à des réactions d'oxydoréduction, essentiellement la combustion, la corrosion et la respiration. Le dioxygène est l'une des formes allotropiques de l'oxygène.

Dioxygène
Image illustrative de l’article Dioxygène
Représentations du dioxygène.
Identification
Nom UICPA dioxygène
Synonymes

oxygène moléculaire

No CAS 7782-44-7
No ECHA 100.029.051
No CE 231-956-9
Code ATC V03AN01
PubChem 977
No E E948
SMILES
InChI
Apparence gaz incolore à température et pression ambiante ; gaz liquéfié : liquide incolore à bleu[1]
Propriétés chimiques
Formule O2  [Isomères]
Masse molaire[2] 31,998 8 ± 0,000 6 g/mol
O 100 %,
Diamètre moléculaire 0,292 nm
Propriétés physiques
fusion −219 °C[3]
ébullition −183 °C[3]
Solubilité dans l'eau à 20 °C : 3,1 ml/100 ml[1],

14,6 mg l−1 (eau à °C),
12,75 mg l−1 (eau à °C),
10,07 mg l−1 (eau à 15 °C),
8,28 mg l−1 (eau à 25 °C),
4,59 mg l−1 (eau à 60 °C)

Masse volumique
Pression de vapeur saturante à −118 °C : 5 080 kPa[1]
Point critique −118,67 °C
50,422 bar
0,636 1 kg l−1[3]
Point triple −218,791 6 °C[5]
0,001 49 bar[3]
Vitesse du son 330 m s−1 (27 °C, 1 atm)[6]
Thermochimie
Δfus 213 kJ/kg
Δvap 6,82 kJ/mol (1 atm, −182,95 °C)[7]
Cp
Précautions
SGH[8]
SGH03 : ComburantSGH04 : Gaz sous pression
Danger
H270
SIMDUT[9]
A : Gaz compriméC : Matière comburante
A, C,
NFPA 704
Transport
   1072   

   1073   

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

L'appellation « oxygène » sans autre précision est ambiguë parce que ce terme peut désigner l'élément oxygène (O) ou le gaz oxygène (O2)[a].

Découvert indépendamment en 1772 par le Suédois Carl Wilhelm Scheele à Uppsala, et en 1774 par le Britannique Joseph Priestley dans le Wiltshire, l'oxygène a été nommé ainsi en 1777 par le Français Antoine Lavoisier à Paris à partir du grec ancien ὀξύς / oxús (« aigu », c'est-à-dire ici « acide »), et γενής / genếs (« générateur »), car Lavoisier pensait à tort — oxydation et acidification étant reliées — que[10] :

« Nous avons donné à la base de la portion respirable de l'air le nom d'oxygène, en le dérivant de deux mots grecs ὀξύς, acide et γείνομαι, j'engendre, parce qu'en effet une des propriétés les plus générales de cette base [Lavoisier parle de l'oxygène] est de former des acides en se combinant avec la plupart des substances. Nous appellerons donc gaz oxygène la réunion de cette base avec le calorique. »

Constituant 20,95 % en volume de l'atmosphère terrestre (23,2 % en masse), le dioxygène est un gaz indispensable à la plupart des formes de vie actuelles, auxquelles il fournit le comburant nécessaire au fonctionnement des cellules (respiration cellulaire). Dans l'environnement aquatique, le dioxygène dissous est également nécessaire à la vie de très nombreuses espèces (comme les poissons)[11]. Seules les archées et une fraction minoritaire des bactéries (dites anaérobies), peuvent se passer du dioxygène. Ce sont les bactéries anaérobies productrices de dioxygène qui ont oxydé l'atmosphère primitive initialement réductrice, puis l'ont enrichie en dioxygène : ce dernier est présent en abondance dans l'air depuis la Grande Oxydation, il y a environ 2,4 milliards d'années.

Origine et évolution du dioxygène de l'atmosphère terrestre

modifier

De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer la présence de dioxygène dans l'atmosphère :

  • la plus communément retenue est qu'il s'agit d'un gaz produit lors du fonctionnement des cyanobactéries, et plus généralement des végétaux chlorophylliens, extrayant le carbone du dioxyde de carbone (sous forme de composés organiques) et rejetant l'oxygène (sous forme de dioxygène) par le mécanisme de la photosynthèse ;
  • une seconde invoque la décomposition, dans la haute atmosphère, de molécules d'eau en dioxygène et dihydrogène, sous l'effet des rayonnements solaire et cosmique. Le dihydrogène s'échappant définitivement dans l'espace (au rythme, actuellement, d'environ 3 kg/s), le dioxygène s'accumule dans l'atmosphère.

Les deux phénomènes existants, la réalité peut être une combinaison des deux processus.

Cyanobactéries

modifier

Il y a quatre milliards d'années, la Terre est presque totalement recouverte d'eau et son atmosphère est composée de méthane, d'ammoniac et de dioxyde de carbone[12]. Les premières bactéries présentes dans l'océan utilisent exclusivement la fermentation comme source d'énergie. Peu à peu en évoluant, elles deviennent capables d'utiliser la lumière solaire comme source d'énergie, le CO2 comme source de carbone et l'H2O ou l'H2S comme source d'hydrogène. C'est l'apparition de la photosynthèse. Ces organismes autotrophes, c'est-à-dire capables de créer leurs propres nutriments, vont se développer, se propager et muter en cyanobactéries il y a 3,2 milliards d'années.

Ces cyanobactéries utilisent l'eau comme source d'hydrogène et rejettent du dioxygène dans leur milieu, un poison mortel pour toutes les autres bactéries anaérobies. Cette compétition autour du dioxygène entre les bactéries est un tournant décisif dans l'évolution de la vie. La prolifération des cyanobactéries modifie totalement la composition de l'atmosphère et des océans en les enrichissant en dioxygène. En parallèle, des bactéries évoluent pour pouvoir utiliser ce dioxygène dans leur métabolisme à la place de la fermentation, ce sont les premiers organismes à réaliser la respiration cellulaire. En effet, les rendements énergétiques de la respiration sont bien supérieurs à la fermentation, donnant à ces êtres vivants un avantage évolutif des plus importants.

Il y a environ deux milliards d'années, une cellule eucaryote primitive (anaérobie) avale une bactérie capable de réaliser la respiration. Cette bactérie internalisée par phagocytose deviendra la mitochondrie, actuellement présente dans toutes les cellules aérobies. À noter que les mitochondries ont leur propre ADN, possédant toutes les caractéristiques d'un ADN dit bactérien (ADN circulaire).

Évolution du taux de dioxygène dans l'atmosphère terrestre

modifier
 
Évolution de la concentration en dioxygène de l'atmosphère terrestre. Limite haute en rouge et basse en vert. Échelle horizontale : temps en milliards d'années (Ga)[13].

Le dioxygène était quasiment inexistant dans l'atmosphère terrestre avant que les archées et les bactéries ne se développent, probablement il y a environ 3,5 milliards d'années. Le dioxygène à l'état libre apparaît pour la première fois en quantité significative durant le paléoprotérozoïque (il y a entre 2,5 et 1,6 milliard d'années environ). Pendant le premier milliard d'années, tout le dioxygène produit par ces organismes se combine à du fer dissous dans les océans pour former des formations ferrifères rubanées. Quand ces puits d'oxygène sont saturés, le dioxygène libre commence à être relargué des océans, il y a 2,7 milliards d'années. Sa concentration atteint 10 % de son niveau actuel il y a environ 1,7 milliard d'années[14].

La présence d'une grande quantité de dioxygène dissous dans les océans et dans l'atmosphère peut avoir conduit à l'extinction les organismes anaérobies qui vivent alors, au cours de la crise écologique nommée la Grande Oxydation il y a environ 2,4 milliards d'années. Toutefois, la respiration cellulaire utilisant le dioxygène permet aux organismes aérobies de produire beaucoup plus d'adénosine triphosphate (ATP) que les organismes anaérobies, les aidant ainsi à dominer la biosphère terrestre[15].

Depuis le début du Cambrien il y a 540 millions d'années, la concentration d'oxygène dans l'atmosphère a évolué, représentant au fil du temps entre 15 % et 30 % de son volume[16]. Vers la fin du Carbonifère il y a environ 300 millions d'années, le taux de dioxygène atmosphérique atteint un maximum : il représente alors 35 % du volume de l'atmosphère[16] ce qui pourrait avoir contribué à la grande taille des insectes et des amphibiens de l'époque[17]. Cette culmination de sa proportion dans l'atmosphère terrestre à cette époque est due à l'expansion massive des forêts de fougères géantes sur la Pangée, et à l'enfouissement progressif des produits organiques qui sont devenus les gisements de charbon[16]. Les activités humaines, y compris la combustion de sept milliards de tonnes de combustibles fossiles chaque année ont un très faible impact sur la quantité d'oxygène libre dans l'atmosphère[18]. Au rythme actuel de la photosynthèse, il faudrait environ deux mille ans pour produire la totalité du dioxygène présent aujourd'hui dans l'atmosphère[19].

Rôles biologiques

modifier

Photosynthèse

modifier

Dans la nature, le dioxygène à l'état libre est produit par photolyse de l'eau grâce à la photosynthèse. D'après certaines estimations, les algues vertes et les cyanobactéries présentes en milieu marin fournissent environ 70 % du dioxygène à l'état libre produit sur Terre, le reste étant produit par les plantes terrestres[20]. D'autres estimations affirment que la contribution des océans à l'apport d'oxygène atmosphérique est plus importante, mais d'autres encore affirment le contraire, suggérant que les océans produisent environ 45 % du dioxygène atmosphérique chaque année[21].

Une formule globale et simplifiée traduisant la photosynthèse s'écrit[22] :6 CO2 + 6 H2O + photons → C6H12O6 + 6 O2

ou simplement : dioxyde de carbone + eau + lumière solaireglucose + dioxygène.

L'évolution photolytique du dioxygène se produit dans la thylakoïde des organismes photosynthétiques et requiert l'énergie de quatre photons. Beaucoup d'étapes sont complexes mais le résultat aboutit la formation d'un gradient électrochimique au travers de la thilakoïde qui est utilisé pour synthétiser l'adénosine triphosphate (ATP) via le processus de photophosphorylation[23]. Le dioxygène restant après l'oxydation de la molécule d'eau est rejeté dans l'atmosphère.

Respiration

modifier

Le dioxygène est essentiel dans la respiration cellulaire chez tous les organismes aérobies. Les mitochondries l'utilisent pour aider à la production d'ATP pendant le processus de phosphorylation oxydative. La réaction modélisant la respiration aérobie est globalement l'inverse de celle modélisant la photosynthèse et s'écrit de façon simplifiée et dans le cas de l'oxydation du glucose avec un rendement de 100 %[24] : C6H12O6 + 6 O2 → 6 CO2 + 6 H2O + 2 880 kJ/mol. En réalité, de l'énergie est utilisée pendant la formation de l'ATP (la molécule qui permet le stockage de l'énergie dans la cellule) à partir d'ADP ainsi que pour permettre le transport des molécules nécessaires à cette réaction au sein de la cellule. Ainsi l'énergie effectivement stockée sous forme d'ATP et donc utilisable par le corps est plutôt de 1 162,8 kJ pour une mole de glucose consommée, c'est-à-dire[24]:C6H12O6 + 6 O2 → 6 CO2 + 6 H2O + 1 162,8 kJ/mol. Chez les vertébrés, le dioxygène diffuse à travers les membranes des cellules dans les poumons et les globules rouges. L'hémoglobine se lie au dioxygène et provoque un changement de couleur de la protéine qui passe du rouge bleuté au rouge vif[25],[b]. D'autres animaux n'utilisent pas l'hémoglobine pour le transport du dioxygène : les mollusques et certains arthropodes utilisent l'hémocyanine tandis que les araignées et les homards utilisent l'hémérythrine[18]. Un litre de sang peut dissoudre 200 cm3 de dioxygène[18].

Les dérivés réactifs de l'oxygène, comme l'ion superoxyde O2 et le peroxyde d'hydrogène H2O2, sont des sous-produits toxiques du dioxygène utilisés par les organismes[18]. Toutefois, certaines parties du système immunitaire des organismes évolués produisent du peroxyde, du superoxyde et de l'oxygène singulet pour éliminer les micro-organismes envahisseurs[26]. Les dérivés réactifs du dioxygène jouent également un rôle important dans la réponse hypersensitive des plantes contre les attaques pathogènes[23].

Un adulte au repos inhale entre 1,8 et 2,4 grammes d'oxygène par minute[27]. Cela équivaut à plus de six milliards de tonnes d'oxygène inhalées par l'humanité chaque année[c].

La respiration aérobie consiste à absorber le dioxygène nécessaire au catabolisme oxydatif et à l'apport d'énergie aux cellules. Les organismes ont une capacité limite d'absorption, appelée consommation maximale d'oxygène.

La consommation de dioxygène est un indice d'activité cellulaire. Cette remarque est à l'origine d'une caractérisation de la pollution biodégradable d'un échantillon d'eau, la demande biologique en oxygène.

Présence dans le corps des vertébrés

modifier

C'est dans le système respiratoire que la pression partielle du dioxygène dans le corps d'un vertébré vivant est la plus élevée. Elle est plus faible dans les artères, puis dans les tissus périphériques, et davantage encore dans les veines. La pression partielle du dioxygène est la pression qu'aurait le dioxygène s'il occupait seul le volume considéré[28].

Pression partielle du dioxygène ( ) dans le corps humain
Unité Pression du gaz dans
les alvéoles pulmonaires
Gaz du sang artériel Gaz du sang dans les veines
kPa 14,2 11–13[29] 4,0–5,3[29]
mmHg 107 75–100[30] 30–40[31]

Structure

modifier

Structure géométrique

modifier

La molécule est diatomique et la distance moyenne entre les deux atomes est 120,74 pm dans son état fondamental.

Dans ses deux premiers états excités (voir la partie spectroscopie ci-dessous), cette distance augmente à 121,55 pm dans le premier état et à 122,77 pm dans le deuxième.

Représentation de Lewis

modifier

La représentation courante de Lewis du dioxygène, afin que ses deux atomes respectent la règle de l'octet, est une liaison double, chaque atome portant en outre deux doublets d'électrons non partagés. Cependant, cette structure ne rend pas compte du paramagnétisme de cette molécule. Il est possible de proposer un schéma de Lewis qui respecte cette observation expérimentale avec une liaison simple (et non une liaison double) et un électron célibataire par atome d'oxygène.

   

La représentation peu classique, avec une simple liaison, présente l'inconvénient de ne pas rendre compte de la courte distance de liaison (d = 120,74 pm), bien plus courte qu'une liaison simple O-O comme dans le peroxyde d'hydrogène H-O-O-H pour lequel la longueur de liaison est 145,7 pm. Cela explique en particulier pourquoi, dans la pratique, cette structure n'est utilisée qu'à titre pédagogique, pour mettre l'accent sur le caractère diradicalaire de la molécule. Une description plus performante est obtenue avec les orbitales moléculaires.

Diagramme d'orbitales moléculaires

modifier
 
Diagramme des orbitales moléculaires des premiers niveaux excités de O2.
 
Diagramme des orbitales moléculaires de O2.

Dans le cadre théorique des orbitales moléculaires (méthode CLOA), l'interaction entre deux atomes d'oxygène pour former une molécule se traduit par le diagramme ci-contre.

Les deux orbitales 2s des deux atomes d'oxygène, initialement de même énergie, subissent une dégénérescence, formant une orbitale σ2s liante et une orbitale σ*
2s
antiliante, toutes deux complètement occupées, ne résultant en aucune liaison entre les deux atomes. Les six orbitales 2p des deux atomes subissent elles aussi une dégénérescence, formant trois orbitales σ2px, σ2py et σ2pz liantes et trois orbitales σ*
2px
, σ*
2py
et σ*
2pz
antiliantes. Les huit (2×4) électrons 2p se répartissent ainsi :

  • six électrons occupent les trois orbitales liantes de basse énergie ;
  • les deux électrons restant occupent chacun une orbitale antiliante.

Cette combinaison d'orbitales 2p résulte donc en trois orbitales moléculaires liantes et une antiliante, soit un indice de liaison de 2. La répartition des deux électrons sur les deux orbitales antiliantes explique aussi le caractère diradicalaire du dioxygène. Cette propriété d'être radicalaire alors que le nombre d'électrons de la molécules est pair est unique parmi les molécules diatomiques. Cette répartition explique aussi le caractère paramagnétique du dioxygène, ce que ne permet pas de présager sa représentation de Lewis « classique ».

Ce statut d'état triplet confère à la molécule des propriétés magnétiques (voir ci-dessous) et peut être rendu responsable de son inertie chimique à température ambiante. En effet, la réaction de O2 avec une autre molécule (H2, molécules organiques) qui est presque toujours dans un état singulet pour former une molécule en état singulet se déroule sans la conservation du spin total ; c'est la cause d'une grande lenteur des réactions chimiques impliquant le dioxygène à température et pression ordinaire.

Spectroscopie

modifier

Les deux premiers niveaux excités du dioxygène sont deux états singulets à 15 800 cm−1 (94,72 kJ/mol) et 21 100 cm−1 (157,85 kJ/mol) (voir diagramme). Ces transitions sont interdites de spin, ce qui conduit à ce que le dioxygène soit incolore. C'est le cas en phase gazeuse, la couleur bleue de l'atmosphère étant due à la diffusion Rayleigh[32].

La couleur bleue à l'état liquide (voir ci-dessous) résulte de l'absorption de deux photons à 7 918 cm−1 sur une association de deux molécules de dioxygène (dimère O4).

Magnétisme

modifier

Le dioxygène est paramagnétique. Cette propriété a été observée par Faraday dès 1848[32]. Le diagramme d'orbitale moléculaire du dioxygène tracé par la méthode CLOA en rend compte. La configuration électronique contient en effet deux électrons célibataires sur les deux orbitales Π* (état triplet).

En résonance magnétique nucléaire (RMN), pour des mesures fines, il est important de dégazer l'échantillon pour éliminer le dioxygène qui est paramagnétique et va gêner la détection en provoquant un élargissement des pics. Ce dégazage est, en général, accompli en faisant buller un gaz inerte (diazote ou argon) dans la solution pour remplacer les gaz dissous par ce gaz inerte et non paramagnétique.

Production

modifier

Production industrielle

modifier

Le dioxygène est obtenu de manière industrielle principalement (à 95 %) par séparation cryogénique des composés de l'air, c'est-à-dire par une liquéfaction de l'air suivie d'une distillation fractionnée.

Les températures critiques du diazote N2 (Tc = −146,9 °C) et du dioxygène O2 (Tc = −118,4 °C) ne permettent pas la liquéfaction de l'air par simple compression. L'air doit donc être comprimé entre 5 et 7 bar, puis filtré, séché, décarbonaté par adsorption sur tamis moléculaire et enfin refroidi par échange thermique entre le gaz entrant et les gaz liquéfiés. Les pertes frigorifiques sont compensées par une détente de 5 à 10 % du débit gazeux traité, dans une turbine dont le travail extérieur est récupérable.

La distillation, dans le procédé le plus utilisé, est effectuée dans une double colonne qui permet d'obtenir, en continu, des gaz purs. La première colonne (moyenne pression, 5 bar) réalise une première séparation de l'air en diazote gazeux pur (à 99,999 %) au sommet et un liquide riche en dioxygène (environ 40 %), à la base. Ce liquide est alors envoyé à mi-hauteur de la deuxième colonne de distillation (basse pression, 1,3 bar). Le dioxygène entre 99,5 % et 99,7 % est récupéré à la base de cette deuxième colonne. Il contient moins de 1 ppm de diazote, la principale impureté est l'argon.

Les colonnes de distillation ont entre 1 et 6 m de diamètre, et mesurent de 15 à 25 m de hauteur. Elles sont en acier inoxydable ou en aluminium et comportent une centaine de plateaux. L'isolation thermique est réalisée avec de la perlite (sable de silice expansé). Le maintien en température des colonnes ne consomme que 6 à 7 % de l'énergie totale dépensée.

La consommation en énergie est de 0,4 kWh/m3 de dioxygène gazeux, soit de 50 à 60 % du prix de revient.

Environ 5 % du dioxygène industriel est produit par un autre procédé, non cryogénique, appelé VPSA (Vacuum-pressure swing adsorption) ou adsorption par alternance de pression et de vide.

L'air ambiant est séché et épuré par filtration, puis passe dans une colonne de zéolithes qui adsorbent plus rapidement le diazote N2 que le dioxygène. Les zéolites peuvent fixer dix litres de diazote par kilogramme. Lorsqu'elles sont saturées, l'air est envoyé sur une seconde colonne, pendant que le diazote de la première colonne désorbe sous vide. La pureté du dioxygène obtenu ainsi par élimination du diazote de l'air peut atteindre 90 à 95 %. Ce dioxygène contient encore 4,5 % d'argon qui, comme le dioxygène, n'est pas adsorbé. La consommation d'énergie est de 0,4 à 0,5 kWh/m3 de dioxygène. Cette méthode est de plus en plus employée dans les procédés industriels dont les besoins sont inférieurs à cent tonnes par jour, ainsi que dans les respirateurs utilisés à domicile. Voir aussi Concentrateur d'oxygène.

Le dioxygène produit est transporté :

En 1995, huit compagnies dans le monde fabriquaient la quasi-totalité du dioxygène industriel :

  • Air liquide (France) : 17 % ;
  • BOC (Royaume-Uni) : 14 % (racheté par Linde en 2006) ;
  • Praxair (États-Unis) : 14 % ;
  • Air Products (États-Unis) : 8 % ;
  • Nippon Sanso (Japon) : 7 % ;
  • AGA (Suède) : 7 % (racheté par Linde en 2000) ;
  • Messer (Allemagne) : 6 % ;
  • Linde (Allemagne) : 6 %.

Les principaux pays producteurs en 1996, étaient :

  • États-Unis : 27 millions de tonnes ;
  • Japon : 12,7 millions de tonnes ;
  • France : 3,23 millions de tonnes.

Dans le monde, la production totale était de l'ordre de cent millions de tonnes en 1996, soit 110 millionième du dioxygène de l'atmosphère.

Au laboratoire

modifier

Le dioxygène a longtemps été préparé en petite quantité, au laboratoire, par réaction de chlorate de potassium avec l'acide sulfurique, ou par réaction de l'oxylithe Na2O2 avec l'eau.

Il peut être produit par la décomposition catalytique de l'eau oxygénée en présence d'oxyde de manganèse(IV) MnO2.

Ces deux derniers modes de production utilisent généralement un montage par déplacement d'eau pour recueillir le dioxygène produit.

Il peut aussi être préparé par électrolyse de l'eau pour des démonstrations pédagogiques, mais cette technique est lente et coûteuse en énergie.

Réactivité

modifier

Le dioxygène est thermodynamiquement très réactif, et la plupart de ses réactions sont fortement exothermiques. Cette grande réactivité n'a généralement pas lieu à température ambiante. Les raisons cinétiques ont été détaillées ci-dessus.

Avec les corps simples

modifier

Peu de corps simples ne se combinent pas directement avec le dioxygène : le tungstène W, le platine Pt, l'or Au et les gaz nobles. Il faut noter que des composés oxygénés de gaz nobles existent cependant (XeO3), mais ils n'ont jamais pu être obtenus par action directe avec O2.

Le fait que les oxydes existent pour quasiment tous les éléments chimiques a largement aidé Mendeleïev à classer les éléments (1869). Par ailleurs, le fait que certains éléments possèdent plusieurs oxydes distincts (par exemple l'azote) a été à l'origine de l'émergence de la notion d'atome par Dalton (1800).

Ions de O2

modifier

De nombreux ions de O2 sont connus :

Réaction du dioxygène singulet 1O2

modifier

Le dioxygène singulet est produit par irradiation lumineuse de dioxygène triplet (son état fondamental) 3O2 avec un photosensibilisateur. Il faut pour cela que l'état excité de ce dernier soit supérieur à 94,7 kJ/mol (voir ci-dessus la partie spectroscopie).3O2 + 1Sensibilisateur — hν → 1O2 + 3Sensibilisateur.

Le dioxygène singulet peut aussi être produit chimiquement, par exemple en solution alcoolique, avec un mélange d'eau oxygénée et d'eau de Javel[33] :H2O2 + ClOCl + H2O + 1O2.

Le dioxygène singulet est très réactif, tant chimiquement que biologiquement.

Utilisations

modifier

Le dioxygène, dans l'air, est utilisé pour les combustions (chauffage, transport)[34].

Séparé du diazote, son principal usage est la sidérurgie. Le fer, en sortie des hauts fourneaux, est sous forme de carbure Fe3C, inutilisable car contenant plus de 4 % en masse de carbone. Ce dernier est brulé par injection de dioxygène directement dans le fer fondu. C'est le principe des convertisseurs. Il faut 60 m3 CNTP de O2 par tonne de fer. La consommation d'un site sidérurgique se chiffre en milliers de tonnes de O2 par jour.

La pétrochimie est également une importante consommatrice quand il est question de produire de l'oxyde d'éthylène, de l'oxyde de propylène, du chlorure de vinyle par oxychloration, dans le raffinage des produits pétroliers, pour régénérer des catalyseursetc.

D'autres procédés nécessitent également d'importants tonnages de dioxygène :

Les autres usages ponctuels sont par exemple :

Le dioxygène fait partie de la liste modèle des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en )[35].

Notes et références

modifier
  1. La même ambiguïté concerne de nombreux autres éléments (hydrogène, azote, chloreetc.).
  2. Le dioxyde de carbone est libéré d'une autre partie de l'hémoglobine via l'effet Bohr.
  3. (1,8 g/min par personne) × (60 min/h) × (24 h/j) × (365 j/an) × (6,6 milliards de personnes) ÷ (1 000 000 g/t) = 6,24 milliards de tonnes.

Références

modifier
  1. a b et c OXYGENE et OXYGENE (LIQUEFIED), Fiches internationales de sécurité chimique .
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. a b c et d Entrée du numéro CAS « 7782-44-7 » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 28 janvier 2009 (JavaScript nécessaire).
  4. a b et c (en) Robert H. Perry et Donald W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, États-Unis, McGraw-Hill, , 7e éd., 2400 p. (ISBN 0-07-049841-5), p. 2-50.
  5. Procès-verbaux du Comité international des poids et mesures, 78e session, 1989, p. T1-T21 (et p. T23-T42, version anglaise).
  6. (en) William M. Haynes, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press/Taylor & Francis, , 91e éd., 2610 p. (ISBN 9781439820773, présentation en ligne), p. 14-40.
  7. (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press/Taylor & Francis, , 90e éd., 2804 p. (ISBN 9781420090840, présentation en ligne).
  8. Numéro index 008-001-00-8 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE no 1272/2008 (16 décembre 2008).
  9. « Oxygène » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009.
  10. Lavoisier A. (1789), Traité élémentaire de chimie, 1864, p. 48.
  11. (en) University of Wisconsin. (2006), Dissolved oxygen:aquatic life depends on it, Water Action Volunteers-Volunteer Stream Monitoring Factsheet Series, lire en ligne (consulté le 25 février 2010).
  12. « Il était une fois la vie : la chimie dans l’océan terrestre il y a 4 milliards d’années », sur Encyclopédie de l'environnement, (consulté le ).
  13. (en) Heinrich D. Holland, « The oxygenation of the atmosphere and oceans », Phil. Trans. R. Soc. B, 361, 903–915, 19 mai 2006, DOI 10.1098/rstb.2006.1838.
  14. (en) Neil A. Campbell et Jane B. Reece, Biology, San Francisco, Pearson – Benjamin Cummings, , 7e éd., 1231 p. (ISBN 0-8053-7171-0), p. 522-23.
  15. (en) Scott Freeman, Biological Science, 2nd, Upper Saddle River, NJ, PearsonPrentice Hall, (ISBN 0-13-140941-7), p. 214, 586.
  16. a b et c (en) Robert A. Berner, « Atmospheric oxygen over Phanerozoic time », Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, vol. 96, no 20,‎ , p. 10955–57 (PMID 10500106, DOI 10.1073/pnas.96.20.10955, lire en ligne).
  17. DOI 10.1111/j.1472-4669.2009.00188.x
    Cette citation sera générée dans quelques minutes. Vous pouvez sauter la queue ou la compléter à la main.
  18. a b c et d (en) John Emsley, Nature's Building Blocks : An A-Z Guide to the Elements, Oxford, Angleterre, Oxford University Press, , 538 p. (ISBN 0-19-850340-7, lire en ligne), p. 297-304.
  19. (en) Malcolm Dole, « The Natural History of Oxygen », The Journal of General Physiology, vol. 49, no 1,‎ , p. 5-27 (PMID 5859927, DOI 10.1085/jgp.49.1.5, lire en ligne).
  20. (en) William Fenical, « Marine Plants: A Unique and Unexplored Resource », dans Plants: the potentials for extracting protein, medicines, and other useful chemicals (workshop proceedings), Diane Publishing, (ISBN 1-4289-2397-7, lire en ligne), p. 147.
  21. (en) J. C. G. Walker, The oxygen cycle in the natural environment and the biogeochemical cycles, Springer-Verlag, .
  22. (en) Theodore L. Brown et Burslen LeMay, Chemistry : The Central Science, Prentice Hall/Pearson Education, (ISBN 0-13-048450-4), p. 958.
  23. a et b (en) Peter H. Raven, Ray F. Evert et Susan E. Eichhorn, Biology of Plants, 7th Edition, New York, W. H. Freeman and Company, (ISBN 0-7167-1007-2), p. 115-27.
  24. a et b « Les ingrédients de la vie sur Terre et dans l'espace », Agence spatiale européenne (consulté le ), p. 3.
  25. (en) Albert Stwertka, Guide to the Elements, Oxford University Press, , 240 p. (ISBN 0-19-508083-1), p. 48-49.
  26. Charles A. Janeway et Paul Travers (trad. de l'anglais), Immunobiologie : le système immunitaire fondamental et pathologique, Paris/Bruxelles, De Boeck, , 784 p. (ISBN 2-7445-0150-6), p. 41.
  27. (en) « Flow restrictor for measuring respiratory parameters », Patenstorm (consulté le ) : « For humans, the normal volume is 6–8 liters per minute ».
  28. (en) Charles Henrickson, Chemistry, CliffsNotes, , 440 p. (ISBN 0-7645-7419-1).
  29. a et b Résultat obtenu à partir de la valeur en mmHg en utilisant pour la conversion 0,133 322 kPa/mmHg.
  30. (en) « Normal Reference Range Table », University of Texas Southwestern Medical Center (consulté le ).
  31. (en) « The Medical Education Division of the Brookside Associates → ABG (Arterial Blood Gas) » (consulté le ).
  32. a et b Chemistry of the Elements, p. 606.
  33. (en) N. N. Greenwood et A. Earnshaw, Chemistry of the Elements, Oxford/Boston, Butterworth-Heinemann, , 2e éd. (1re éd. 1984), 1341 p. (ISBN 978-0-7506-3365-9, OCLC 804401792), p. 615.
  34. Vigne J.-L., Données industrielles.
  35. (en) WHO Model List of Essential Medicines, 18th list, avril 2013.

Voir aussi

modifier

Articles connexes

modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

modifier
  • (en) Davis J.C. (1975), Waterborne dissolved oxygen requirements and criteria with particular emphasis on the Canadian environment, dans Associate Committee on Scientific Criteria for Quality, National.

Liens externes

modifier