Maurice Southgate
Maurice Southgate (1913-1990) fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, un agent secret britannique du Special Operations Executive. De à , il développa le réseau action Hector-STATIONER : couvrant l'Indre, l'Auvergne, le Limousin, etc. son réseau y organisa de nombreux parachutages et sabotages ; avec des implantations à Châteauroux, Limoges, Tarbes, Toulouse, Montluçon, Clermont-Ferrand et une antenne à Paris[1], il instruisit et arma les maquisards ; il accueillit un grand nombre d'agents du SOE envoyés en France pour soutenir la Résistance intérieure en prévision du débarquement. Le , il fut arrêté par les Allemands et déporté à Buchenwald, dont il revint.
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(à 76 ans) |
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Espion, agent du SOE |
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Distinction |
Pour E. H. Cookridge, un historien britannique du SOE, « Maurice Southgate, chef né, fut sans doute le meilleur chef de réseau[2] qu'ait eu la section française ».
Selon Henri Noguères, « Maurice Southgate est en réalité, en , l'une des pièces maîtresses sur l'échiquier du SOE en France. Il est un des chefs de réseau que l'on cite en exemple à Baker Street[3] — et son réseau est, lui aussi, de ceux dont le SOE s'enorgueillit à juste titre[4] ».
Identités
modifier- État civil : Maurice Southgate
- Comme agent du SOE, section F :
- Nom de guerre : « Hector »
- Nom de code opérationnel : STATIONER (en français, PAPETIER)
- Autres pseudos : Philippe, Maurice Leblanc
Parcours militaire :
- Army
- RAF ; grade : Squadron Leader
- SOE, section F
Pour accéder à des photographies de Maurice Southgate, se reporter au paragraphe Sources et liens externes en fin d’article.
Famille
modifier- Parents britanniques.
- Marié deux fois.
Éléments biographiques
modifierPremières années
modifier1913. Maurice Southgate naît le à Paris XIe.
Il grandit à Paris. Il finit ses études aux Paris British Schools. Il épouse une Française. Il est fabricant de sièges de grand luxe, tapissier décorateur, dans une maison importante qu'il partage avec un associé.
1938. Au moment de la conférence de Munich de , il se présente à l'ambassade britannique pour y faire ses offres de service, mais on le remercie.
1939. Il recommence et, fin août, il est envoyé à Reims, à la 272e Wing, où il reste environ sept mois. Il est sous-officier.
1940. Il est muté à la 298e, à Nantes. Dans la nuit du , il subit le naufrage du bateau de transport de troupe Lancastria bombardé par des avions allemands, au large de Saint-Nazaire. Repêché par des pêcheurs français, il est ramené en France. Il retourne en Angleterre, où il arrive le 19 au matin. Il va y rester jusqu'en 1943.
1941. Une circulaire passe dans les différentes unités de l'Armée, demandant que les Anglais parlant couramment le français donnent leur nom. Il n'y répond pas.
1942. À Picadilly, il rencontre par hasard un camarade qui revient de France. Southgate lui avouant qu'il s'ennuie, le camarade lui indique la marche à suivre pour être expédié en France. Quelques jours plus tard, il reçoit une convocation au Ministère de la guerre. On lui indique les différentes filières. Il est recruté par le SOE et reçoit une « honorary commission » dans la RAF Volunteer Reserve.
- Anecdote[5] : Cela fait partie du folklore du SOE qu'un certain délai administratif soit nécessaire pour un tel transfert de l'Armée vers la RAF. Pendant cette période d'attente, Southgate, qui résidait à Londres avec sa mère, ne savait pas bien à quelle arme il appartenait, et il portait alternativement l'uniforme de l'Armée et celui de la RAF. C'est ainsi qu'un voisin s'étonna un jour auprès de sa mère : « Je n'ai jamais vu vos deux fils sortir ensemble ! »
Il suit l'entraînement SOE.
Mission en France
modifier1943
- Définition de la mission : Maurice Southgate vient établir le réseau STATIONER, qui doit prendre la suite du réseau TINKER de Benjamin Cowburn « Valérien ». Les consignes sont simples : « ennuyer le boche de toutes les façons, avec le minimum de contrariétés pour les Français ; se garder soigneusement d'entrer en contact avec des groupements politiques français ; continuer la lutte de ses prédécesseurs ; ne pas perdre du temps à faire du renseignement. » Pour démarrer, il dispose de trois contacts : Auguste Chantraine[6] « Octave » dans l'Indre ; Mlle Pilar Alvarez à Tarbes[7], contact personnel dû à des relations d'affaires d'avant-guerre ; la famille Néraud à Clermont-Ferrand[8].
- Janvier. Le 25, Maurice Southgate et Jacqueline Nearne sont parachutés à l’aveugle. Ils se rendent à Clermont-Ferrand dans une maison sûre, chez la famille Néraud.
- Avril. Il organise un parachutage dans les Pyrénées, sur les collines de Sarrouilles, à six kilomètres de Tarbes : au milieu du mois[9], grâce à l'aide de Charles Rechenmann assisté à la réception par deux paysans, Leduc et Hugue, deux agents sont parachutés, Amédée Maingard « Samuel », qui vient comme opérateur radio de STATIONER, et Harry Rée. Southgate poursuit le développement du réseau, avec pour auxiliaires principaux Auguste Chantraine dans le Nord-Indre, la famille Hirsch à Montluçon et à Toulouse, la famille Néraud à Clermont-Ferrand, Charles Rechenmann à Tarbes et Jacques Dufour dans le sud-ouest, en Dordogne. Alors que les parachutages d’agents et de matériel se multiplient, la pression du travail et les dangers de se faire prendre ne cessent d’augmenter.
- Septembre. Le 2, la famille Néraud est arrêtée à Clermont-Ferrand[10]. Dans la nuit du 22 au 23, Pearl Witherington « Marie » est parachutée (près de Tendu) pour devenir courrier de STATIONER. Pierre Hirsch « Popaul », qui a été formé par Amédée Maingard depuis juillet comme opérateur radio, est accepté par Londres. Il opère à Montluçon. Southgate obtient de Londres qu'Amédée Maingard soit nommé son « aide de camp ».
- Octobre. Maurice Southgate est rappelé à Londres pour consultation. Un Lysander le ramène en Angleterre dans la nuit du 16 au [11].
1944.
- Janvier. Dans la nuit du 27 au , Southgate retourne en France, parachuté à Lubbon (Landes). Sa tête a été mise à prix pour un million de francs.
- Mars. Comme Maurice Southgate n'a pas obtenu la coopération de la direction des usines Michelin pour un sabotage limité et efficace, c'est la RAF qui intervient le : 500 bombardiers écrasent Michelin sous un tapis de bombes. Malheureusement, l'opération se solde aussi par 19 morts, 26 blessés, 30 maisons détruites et 300 autres endommagées dont 100 gravement[12].
- Avril. Il fait rentrer sa femme Josette Southgate en Angleterre dans la nuit du 9 au 10[13]. Le 15, le chef régional des FFI d'Auvergne, le colonel Émile Coulaudon « Gaspard » établit le contact avec Maurice Southgate, à Montluçon.
- Résumé des accords entre « Hector » et « Gaspard » (voir détails dans l'article consacré au réseau Hector-STATIONER). Au cours de l'entretien du , « Gaspard » essaye de « vendre » à Southgate le plan « Caïman » dont il connaît, à défaut du nom, les grandes lignes, que l'on appelle déjà le plan Kœnig et qui consiste à créer trois réduits, l'un au mont Mouchet dans les monts de la Margeride où se trouvera l'état-major régional, le second dans la région de Chaudes-Aigues et le troisième au Lioran. Ce plan, il semble que « Gaspard » n'en connaisse que les grandes lignes. Il ignore qu'il est mis en sommeil... et surtout il ne peut deviner le refus qui lui sera finalement opposé par les Alliés — en fait par Roosevelt. Aussi ne cache-t-il pas son adhésion enthousiaste. Refus que Southgate n'imagine pas davantage. Southgate rédige aussitôt, pour ses chefs de Baker Street, un long message demandant tout l'appui nécessaire en armes, en munitions, en moyens de transmission et en personnel d'encadrement. « Gaspard », après avoir ainsi joué à l'apprenti sorcier, a toutefois formulé deux réserves : il a rappelé que, désormais, tout ce qui s'adresse à la Résistance française doit passer par l'état-major de Kœnig. Et, pour respecter les structures internes de la Résistance, il subordonne l'accord définitif à une très prochaine réunion du Comité Régional de Libération de R6. Le mois d'avril ne s'achève d'ailleurs pas sans qu'une première initiative prise par le SOE soit interprétée en Auvergne comme apportant la confirmation de l'accord Coulaudon-Southgate : c'est l'arrivée, dans la nuit du 28 au , des deux premiers éléments du réseau FREELANCE, le major John Hind Farmer « Jean » et le lieutenant Nancy Fiocca-Wake « Andrée ». Le troisième membre de la mission, le capitaine Denis Rake devant les rejoindre à la lune suivante. Quant au Comité Régional de Libération, il se réunit le , et approuve le plan proposé.
- Avril (suite). Southgate est surmené. Durant ce mois d'avril, il a fait 28 opérations d'agents, ainsi que des parachutages sur ses 19 terrains personnels. Il est aussi soucieux en raison des « histoires de partis politiques ». Le , à Châteauroux, un capitaine AS a été arrêté. Southgate estime qu'il est plus sage d'aller à Montluçon pour deux ou trois jours. Il y arrive exténué.
- Mai. Le 1er mai au matin, un de ses amis vient le prendre pour aller chez lui afin d'y rencontrer un homme et une femme parachutés le même matin à 2 heures.
[Les personnes évoquées dans ce récit, sont les suivantes :
- le narrateur est Nancy Wake, courrier du réseau FREELANCE du SOE. Elle a été parachutée dans la nuit du 29 au , avec Hubert ;
- Hubert est le nom de guerre de John Hind Farmer, chef du réseau FREELANCE ;
- Hector est le nom de guerre de Maurice Southgate, chef du réseau STATIONER ;
- Gaspard est le pseudo d'Émile Coulaudon, chef du maquis d'Auvergne.
Le village de Cosne-d'Allier est situé à quelques kilomètres au nord-est de Montluçon.]
Hubert et moi fûmes parachutés près de Montluçon. [...] Soulagés d'avoir pu atterrir sains et saufs, nous fûmes conduits à un village, Cosne-d'Allier, où nous devions loger chez des sympathisants jusqu'à l'arrivée de notre contact. Le deuxième matin, notre hôtesse me proposa d'aller faire un tour au village. C'était une journée ensoleillée et j'acceptai, contrairement à Hubert, encore sous la tension nerveuse des quarante-huit heures précédentes.
Je m'aperçus que tout le village était au courant de notre parachutage. On n'attendait qu'un seul agent. Qu'il y en eût un autre, féminin au surplus, suscita la curiosité et je fus beaucoup demandée [...] Je n'avais pas rencontré le paysan sur la terre duquel j'avais atterri, car si les Allemands voulaient faire une enquête sur les activités particulières de sa ferme, il voulait pouvoir dire qu'il était allé se coucher tôt, sans entendre de bruits suspects.
Bien que nous nous fussions sentis plus à l'abri et plus heureux loin du village, nous devions attendre quelqu'un du nom d’Hector, qui était notre lien avec Gaspard, le chef du maquis d'Auvergne. C'était le groupe avec lequel nous allions travailler, mais nous devions y être introduits par un intermédiaire. J'avais fait une description pathétique à Hubert de mes débuts sociaux dans le village, et il était encore plus pressé de trouver un autre endroit où aller. Nous discutâmes le pour et le contre et convînmes d'attendre un jour de plus, mais Hector arriva juste le lendemain matin. Des problèmes dans sa région l'avaient retardé.
Il n'y avait pas de salle de bains dans cette vieille bicoque, et je me lavai de la tête aux pieds dans un minuscule cabinet de toilettes. J'en avais assez de me contorsionner dans cette petite pièce, alors je décidai de prendre une grande bassine, de la remplir d'eau, de la ramener dans ma chambre pour me laver les pieds pendant que nous discutions de nos plans avec Hubert. Mon revolver était à mes côtés.
C'est là qu'Hector entra, jeta un regard à la bassine, à mes pieds, puis à mon revolver, et se mit à rire pendant au moins deux minutes. En fait ni l'un ni l'autre ne trouvions cela très amusant, mais l'attente nous avait peut-être fait perdre le sens de l'humour. Chaque fois qu'il raconte cette histoire, mes pieds deviennent plus gonflés et la bassine plus petite, et la dernière fois que je l'ai entendue j'avais un fusil-mitrailleur à mes côtés !
Nous étions grandement soulagés qu'il soit arrivé, même s'il n'avait pas les informations et les adresses dont nous avions besoin. Il nous dit cependant qu'il allait nous les envoyer par courrier dans les deux jours, et nous étions contents à l'idée d'être tirés de là.
Notre bonheur dura peu, car le courrier n'arrivait pas. Et nous ne revîmes jamais Hector avant la fin de la guerre. Il fut arrêté.
- Mai (suite). Le 1er, en début d'après-midi, accompagné de John Hind Farmer, Maurice Southgate est raccompagné à Montluçon par son ami, qui, en raison du 1er mai, emprunte des routes secondaires et le dépose en peu en dehors de la ville. Après s'être séparés, Jean Villechenon et John Hind Farmer regagnent Cosne-d'Allier, tandis que Southgate se rend à pied à son PC, 16, rue de Rimard[15], pensant à tout ce qu'il a à faire en si peu de temps. En ce jour de congé, Amédée Maingard (« Samuel », Dédé), Henri Cornioley, Pearl Witherington, la famille L'Hospitalier étaient partis aux environs de Montluçon. Vers 15 heures, la Gestapo exploite une lettre anonyme indiquant : « Allez au 16, rue de Rimard, vous y trouverez un certain Robert L'Hospitalier réfractaire au STO. » Elle se présente à cette adresse où se trouvent Mme L'Hospitalier, la grand-mère de Robert et René Mathieu (« Aimé », Milhaud), le radio de Southgate. Après un rapide contrôle d'identité, les membres de la Gestapo font une perquisition qui leur permet de découvrir tous les messages décodés depuis cinq jours, la liste de tous les terrains de parachutage, etc. que le radio n'avait pas détruits malgré les consignes en vigueur. Un agent du réseau, Louis Bidet, apprenant la présence de la Gestapo rue de Rimard, prévient la famille L'Hospitalier dans les environs de Montluçon et essaie d'avertir le major Southgate. Celui-ci ne peut être touché et tombe aux environs de 16 heures dans la souricière qui lui est tendue[16].
Aux mains de l'ennemi
modifier- Mai. Le (suite), Maurice Southgate est arrêté à Montluçon.
Henri[18] était arrivé la veille, pendant la nuit du 30 au , 44, rue de Rimard, chez les Lhospitalier. Il trouvait que ça sentait le roussi. On sentait que le débarquement allait avoir lieu... Maurice était allé à la rencontre d’une équipe (John Hind Farmer et Nancy Fiocca) qui venait d’être parachutée pour rejoindre les maquis d’Auvergne. C’est en revenant de cette rencontre où il avait reçu des renseignements et de l’argent, qu’il a été pris. Étant très fatigué, il n’a pas pensé à regarder derrière lui au moment où il arrivait chez les Lhospitalier – c’est ce qu’il m’avait expliqué à son retour de camp de concentration. Il y avait une traction avant (voiture principalement utilisée par la Gestapo) cachée un peu plus loin dans la rue. « Si je l’avais vue, je n’aurais pas sonné », m’avait-il dit.
La Gestapo était là. Elle était à la recherche de Robert Lhospitalier, qui n’avait pas voulu aller au STO en Allemagne. Il avait sonné, c’était trop tard pour lui... Mais par chance pour nous, la grand-mère de Robert Lhospitalier était malade, et elle avait appelé le médecin. Quand celui-ci est arrivé, les Allemands ont d’abord refusé de le laisser entrer. Mais il a exigé de voir sa malade, et il a réussi à passer. La grand-mère a profité de sa visite pour lui donner un petit mot : « Prévenez que la Gestapo est à la maison », en indiquant l’adresse des beaux-parents de Robert, rue Bienassis.
Il s’en est fallu de très peu qu’on soit pris, nous aussi, ce jour-là. Nous n’étions pas à la maison quand la Gestapo est arrivée : pourquoi avais-je proposé qu’on aille pique-niquer, pourquoi avais-je insisté pour qu’Amédée Maingard, notre radio, vienne avec nous aussi ? C’est une question de destinée...
Le toubib, à la suite du petit mot de la grand-mère, a prévenu la belle famille (M. et Mme Bidet) qui savaient que nous étions en pique-nique. Quand on a vu arriver M. Bidet à vélo, blanc comme un linge, on s’est tous levés en même temps. Il a dit : « la Gestapo est à Rimard ».
Les Allemands ont embarqué Maurice et Mathieu, le petit radio, qui était resté sur place avec la mère de Robert et sa grand-mère. Ils les ont mis à la prison de Montluçon. La mère de Robert s’est retrouvée en prison à Moulins, mais elle n’a pas été déportée — c’est une des rares — ... Mathieu, nous ne l’avons jamais revu. Son nom est sur le mémorial du SOE, à Valençay.
Quand les Allemands ont vu le poste de radio, l’argent, la liste des terrains de parachutage, ils ont dû penser qu’il y avait d’autres personnes du réseau à proximité. Ils ont encerclé la ville dès le lendemain.
- Conséquences de l'arrestation de Southgate sur les activités du réseau
- Son arrestation a un impact sur les plans pour le D-day, puisque les lignes de communication vers la Normandie passent par son secteur et qu'il est une personne clé des programmes établis pour les couper.
- Grâce à ses adjoints, les activités du réseau se poursuivent cependant, après un partage territorial entre Amédée Maingard (réseau SHIPWRIGHT, sud de l'Indre et Vienne) et Pearl Witherington (devenue « Pauline », réseau WRESTLER, nord de l'Indre), tandis que le sud du réseau (Pyrénées, Aquitaine) est repris par les frères Percy et Edmund Mayer (réseau FIREMAN)[19]. À noter aussi, à partir du débarquement, l'arrivée de Philippe Liewer (Haute-Vienne et dans une partie de la Dordogne).
- Dès son arrestation, Southgate est emmené à la caserne de Montluçon après un séjour au siège de la Gestapo, à l'hôtel de l'Univers, menotté avec son radio. Southgate leur raconte une « histoire de brigand ». Les Allemands ne savent pas qu'il est anglais. Il arrive le matin à Fresnes et est conduit le jour même à 16 heures avenue Foch devant la Gestapo qui avait un « sourire jusqu'aux oreilles ». On s'adresse à lui en l'appelant M. Hector. Il ne bronche pas. Ils avaient malheureusement trouvé une vingtaine de télégrammes, dont il n'avait pas eu le temps de prendre connaissance, intitulés « pour Hector ». Bientôt, on lui dira : « Commandant Southgate, inutile de nier ! » Il a en effet été dénoncé de la façon la plus bête : un jeune officier anglais radio qu'il avait connu à Londres et qui avait été parachuté sur un de ses terrains près de Moulins avait été arrêté à Marseille, emmené avenue Foch, très maltraité[20]. Au moment où on l'amenait de l'avenue Foch à Fresnes, alors qu'il descendait l'escalier entouré de deux inspecteurs, Ernst Vogt, inspecteur du SD chargé des interrogatoires montait ce même escalier. Pris d'une inspiration, il lui met sous le nez la carte d'identité de Southgate en lui demandant : « Tu le connais ? Il est pris. » Le lieutenant anglais dit oui, ce qui a beaucoup étonné le SD, car ils avaient été arrêtés loin l'un de l'autre (Montluçon et Marseille). Le jeune officier était dans un état physique tel qu'il n'a pas résisté[21].
- Août. Maurice Southgate est déporté au camp de concentration de Buchenwald. Il y travaille comme tailleur. Il parviendra à survivre et à en revenir.
1945.
- Avril. À la libération du camp par les Américains, il est l'un des premiers à sortir du camp, le à 4 heures du soir. Il voit venir à lui sur la route deux hommes sales, en salopette marron qu'il n'identifie pas et qui lui demandent brusquement avec un accent inimitable : « Hello, chum, we're in petrol trouble, can you help us at all ? ». Avec les frères Newton (Henry et Alfred) et Christopher Burney, Southgate est l'un des quatre agents britanniques survivants dans le camp[22]. Trois jours après, il rentre à Londres, où il retrouve sa jeune femme.
Après la guerre
modifierIl reprend ses activités de concepteur de meubles et décorateur d'intérieur, à Paris. Le , il témoigne au procès de Buchenwald, à Dachau. Le , il accorde un entretien à Michel Jouanneau. Il meurt le . Il est inhumé au cimetière de Saint-André-d'Allas (Dordogne).
Reconnaissance
modifierDistinctions
modifier- Royaume-Uni : DSO.
- France : [aucune distinction mentionnée dans les sources consultées]
Monument
modifierÀ Losse (quartier de Lapeyrade) (Landes), une stèle rappelle les sept agents amenés en France lors de cinq parachutages réalisés entre et sur les terrains d'alentour :
- pour le réseau STATIONER : Maurice Southgate « Hector », chef du réseau, largué le à Lubbon (Landes) ;
- quatre agents pour le réseau WHEELWRIGHT de George Starr « Hilaire » :
- Yvonne Cormeau « Annette », opérateur radio, parachutée le en Gironde, qui servit dans le Gers ;
- Anne-Marie Walters « Colette », courrier, parachutée le à Créon-d'Armagnac ;
- Claude Arnault, instructeur-saboteur, parachuté en même temps qu'Anne-Marie Walters ;
- Denis Parsons « Pierrot », opérateur radio, parachuté le à Ayzieu, ayant agi dans le Gers ;
- deux agents pour le réseau SCHOLAR, parachutés le à Herré (Landes) :
- Gonzague de Saint-Geniès « Lucien », chef de réseau ;
- Yvonne Baseden « Odette », opérateur radio.
La stèle, érigée à l'initiative de l’amicale du réseau Hilaire-Buckmaster (c'est-à-dire du réseau WHEELWRIGHT), a été inaugurée le [23].
Annexes
modifierNotes
modifier- Source : Jouanneau, p. 280.
- Pour « chef de réseau », les Britanniques employaient le mot d’« organizer » (organisateur).
- Quartier général de la section F.
- Henri Noguères, tome 8, p. 267.
- Source : Daily Telegraph.
- Ami de Max Hymans, Auguste Chanteraine avait réceptionné Benjamin Cowburn.
- 28, place Marcadieu.
- 37, rue Blatin.
- La date du parachutage varie selon les sources : 13 avril, selon Paturau ; 14 avril selon Boxshall, sheet 30 ; 15 avril, date du parachutage d'Harry Rée indiquée par Boxshall, sheet 23.
- La maison des Néraud a été utilisée comme maison sûre, ainsi que pour des réunions générales du réseau STATIONER. Le nom des Néraud avait été souvent donné comme premier contact aux agents qui venaient pour la première fois en France. Parmi ceux-ci : Sydney Hudson, George Jones, Maurice Southgate, Jacqueline Nearne, John Starr « Bob » et Brian Rafferty. Pendant ses recherches, la Gestapo aurait trouvé une valise appartenant à John Starr et contenant 200 000 francs et des pièces en or. Néraud fut déporté à Buchenwald, où il mourut le 23 mars 1945. Mlle Colette Néraud et sa mère furent internées à Ravensbrück, où la mère mourut le . Seule Colette Néraud survécut et fut rapatriée via la Suède en 1945. [Source : Boxshall]
- Opération : PILOT organisée par Henri Déricourt ; Terrain BRONCHITE près de Tours ; avion Lysander ; équipage : Flight lieutenant Stephen A. Hankey ; personnes amenées (2) : Rémy Clément, Arthur Watt ; personnes remmenées (3) : Maurice Southgate, René Dumont-Guillemet, X. [Source: Verity, p. 282]
- Source Ruby, p. 184.
- Opération : CHAUFFEUR de Maurice Southgate ; appareil : Lysander ; terrain : BILLARD ; pilote : Flt Lt Taylor ; personnes amenées (3) : Lise de Baissac, Philippe de Vomécourt, Arnaud de Vogüe ; personnes remmenées (3) : Jacqueline Nearne, Josette Southgate, M. Régis (ou Savy)
- Source : Nancy Wake, p. 10-11 et 116-117
- 44, rue de Rimard, selon Pearl Witherington.
- Source : Lévy et Cordet, p. 174-715
- Source : Pearl Cornioley, p. 39-40.
- Henri Cornioley.
- Nicault, p. 146.
- Il s'agit probablement d'Arthur Steele, opérateur radio du réseau MONK, qui a été arrêté à Marseille le 26 mars.
- Source : témoignage M.S., 18.06.46. Southgate eut confirmation de cette déclaration par Ernst Vogt et aussi par le jeune officier anglais qu'il retrouva à Buchenwald en 1945 et qui fut malheureusement pendu le mois suivant. Southgate était intrigué par la façon dont les Allemands avaient connu son identité, car il avait été arrêté seul de son groupe, à part le radio.
- D'autres agents du SOE qui sont passés à Buchenwald ont survécu, mais ils avaient été transférés dans d'autres camps avant la libération : Forest Yeo-Thomas, Harry Peulevé, Pierre Culioli.
- Source : Libre Résistance, n° 7, p. 5.
Sources et liens externes
modifier- Fiche Maurice Southgate, avec photographie : voir le site Special Forces Roll of Honour.
- Témoignage de Maurice Southgate, vu par Mlle Patrimonio le , Archives nationales, dossier cote 72 AJ 39-II, pièce 5.
- Témoignage de Maurice Southgate au procès de Buchenwald, : [1]
- Autobiographie de Pearl Witherington : « Pauline », Parachutée en 1943, témoignage recueilli par Hervé Larroque, Éditions Par exemple, 1997 ; 3e éd. février 2008 (ISBN 2-9513746-0-7).
- Michael R. D. Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004. Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence essentielle sur le sujet du SOE en France.
- Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, Crémille et Famot, 1982.
- Hugh Verity, Nous atterrissions de nuit..., préface de Jacques Mallet, 5e édition française, Éditions Vario, 2004, (ISBN 2-913663-10-9)
- Lt. Col. E.G. Boxshall, Chronology of SOE operations with the resistance in France during world war II, 1960, document dactylographié (exemplaire en provenance de la bibliothèque de Pearl Witherington-Cornioley, consultable à la bibliothèque de Valençay). Voir sheet 30, STATIONER CIRCUIT.
- Maurice Nicault, Résistance et libération de l'Indre. Les Insurgés, Royer, passé simple, 2003, (ISBN 2-908670-85-2)
- Michel Jouanneau, Mémoires d'une époque, Indre 1940-1944, histoire de l'Occupation et de la Libération, tome 1 : -, 1995. Voir section « STATIONER », p. 164-166, et Entretien avec Maurice Southgate, Paris, le mercredi , p. 280-282.
- The Daily Telegraph Second Book of Obituaries. Heroes and Adventurers, edited by Hugh Massingberd, The Telegraph ple, 1996, (ISBN 0330 35298 9), p. 119-121.
- Biographie de Robert Huguet, compagnon de la Libération
- Marcel Ruby, La Guerre secrète. Les Réseaux Buckmaster, Éditions France-Empire, 1985.
- Fiche Maurice Southgate sur le site de Nigel Perrin, avec photographie.
- Nancy Wake, La Gestapo m'appelait la souris blanche. Une Australienne au secours de la France, traduit et adapté de l'anglais par Anne et Alain Malraux, Éditions du Félin, 2001, (ISBN 2-86645-402-2)
- Gilles Lévy et Francis Cordet, À nous, Auvergne ! La vérité sur la Résistance en Auvergne 1940-1944, Presses de la Cité, 1981, (ISBN 2-258-00048-3)