Le Vaisseau des morts
Le Vaisseau des morts, sous-titré Histoire d'un marin américain, (titre original : Das Totenschiff) est un roman de l'écrivain d'origine allemande B. Traven, paru en 1926.
Le Vaisseau des morts | ||||||||
Auteur | B. Traven | |||||||
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Pays | Allemagne | |||||||
Genre | aventures/roman social | |||||||
Sujet | frontières, sans-papiers, exploitation capitaliste | |||||||
Titre | Das Totenschiff | |||||||
Éditeur | Guilde du livre Gutenberg | |||||||
Lieu de parution | Berlin | |||||||
Date de parution | 1926 | |||||||
Traducteur | Charles Burghard | |||||||
Éditeur | Flammarion | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1934 | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Argument
modifierDans les années 1920[1], le narrateur, Gerard Gale, citoyen américain, se retrouve sans papiers à Anvers. Ne pouvant prouver sa nationalité ni son identité, il est chassé de Belgique comme vagabond. Faute de mieux, il accepte un engagement à bord de la Yorrike, un rafiot voué au naufrage : étant dans un tel état que sa réparation couterait trop cher, le seul moyen qu’a l’armateur de gagner quelque chose avec est de le faire naviguer jusqu’à ce qu’il coule pour empocher la prime d’assurances[2].
Réception critique
modifierLe livre reçoit dès sa sortie un accueil très favorable de la critique dans le mouvement ouvrier[3]. Entre 1926 et 1934, il est réimprimé 12 fois en Allemagne et traduit dans huit langues, avant d’en connaître une nouvelle vers l’anglais en 1934[4].
Écriture et publications
modifierPlusieurs thèmes chers à Traven sont présents dans le roman, comme la négation de l’héroïsme militaire[5], du militarisme[6], la critique du capitalisme mortifère[7]. De même, il adopte volontairement le point de vue des prolétaires (il estime qu’il écrit « l’épopée de ceux qui se tapent le boulot »), au contraire par exemple d’un Conrad dont les romans de mer ne donnent que le point de vue des officiers (qui est généralement négatif à propos leur équipage)[8].
L’équipage est aussi une métaphore de la condition humaine dans un monde capitaliste : venus de partout, ne comptant que pour leur force de travail, dépourvus de papiers donc d’identité, et donc de patrie, ils sont déjà morts au monde[7] ; ils font peut être partie de ces hommes dont la Première Guerre mondiale a fait, en les traumatisant, des morts sociaux ; et leur vie n’a aucune valeur pour leur employeur qui les destine à la mort[9].
L’écriture de Traven porte aussi la trace d’une influence de Shakespeare (dont il a étudié les œuvres quand il était acteur en Allemagne, dans les années 1907-1915)[10].
Le nom du héros, Gerard Gale, a pu être inspiré par Linn A. E. Gale, fondateur du syndicat anarchiste des IWW au Mexique, et que Traven a pu rencontrer. Ce nom signifie "tempête" en anglais, ce qui en fait un bon alter ego de Marut/Traven. On retrouve un personnage portant ce nom dans Les Cueilleurs de coton et dans Le Trésor de la Sierra Madre[11],[12].
Certaines réécritures du roman au fil des traductions et des rééditions révèlent l’obsession de B. Traven d’effacer ses traces. La première édition en allemand comporte un passage en vers, qui sonne comme la réponse à un passage de La Légende de Khundar, que Traven a écrit quand il était le révolutionnaire en fuite Ret Marut. Il le fait disparaître[13]. Un grand nombre de mots portent la trace de ses itinérances en Allemagne : mots d’Allemagne du nord, argot allemand des artistes ou du prolétariat[14]. Son évocation d’une statue qu’on lui élèverait Siegesallee (Allée de la Victoire) lui ramène le « le mauvais goût dans la bouche et les visions de fantômes que laissent les révolutions avortées »[15].
Le moment où le roman est traduit en anglais fournit une preuve que Traven n’a pas grandi dans un pays anglophone : l’éditeur Bernard Smith, chez Knopf à New York, s’abîma les yeux tant la traduction de l’allemand était hachée et pleine de germanismes. Il adapta donc cette traduction dans un meilleur anglais[16].
Éditions
modifierLe roman est publié en Allemagne par la guilde du livre Gutenberg (Berlin) en 1926.
Il est traduit une première fois par Charles Burghard en français en 1934 (version publiée aux éditions Flammarion) sous le titre de Vaisseau fantôme. Philippe Jacottet est l’auteur d’une adaptation parue à la Guilde du livre (Lausanne) en 1951. C’est cette traduction qui est généralement utilisée en France pour les éditions de poche. En 2010, les éditions La Découverte publient une nouvelle traduction de Michèle Valencia[17]. Les trois traductions sont parties de l’édition en allemand, celle de Michèle Valencia est la première traduction intégrale[18].
Citation
modifier« Chaque époque a son Inquisition. La notre a le passeport pour remplacer les tortures du Moyen Âge. Et le chômage. »
Traductions en français
modifierLa première traduction en français est le fait de Charles Burghard pour Flammarion, en 1934, avec pour titre Vaisseau fantôme. Philippe Jacottet propose ensuite une nouvelle traduction-adaptation ; elle paraît en 1951 sous le titre Le Vaisseau fantôme (édité par la guilde du livre à Lausanne). Cette traduction est reprise en 1954 par Calmann-Lévy qui par contre conserve le titre original, traduit en français (Le Vaisseau des morts)[19].
- Le Vaisseau des morts. Histoire d'un marin américain (trad. par Philippe Jaccottet ; présentation d'Olivier Barrot), Paris, 10/18, , 272 p. (ISBN 978-2-264-01012-4)
- Le Vaisseau des morts (trad. Michèle Valencia), Paris, La Découverte, coll. « Poche », , 294 p. (ISBN 978-2-707-15954-0)
Adaptations
modifier- Le Vaisseau des morts a été porté au cinéma en 1959, diffusé en France sous le titre Les Mutins du Yorik
- Il a connu une adaptation radiophonique sur Radio France en 2005 [1]
La troupe de théâtre alternatif finnoise KOM a fait une adaptation du roman en 1982[20].
Références
modifierUn exemplaire du livre est visible dans le désordre de la chambre de Raoul Duke au Flamingo dans Las Vegas Parano.
Notes
modifier- Dans la première édition, l’action est située en 1926 ; dans la première édition anglaise, remaniée, elle se situe en 1922.
- R. Recknagel, op. cit., p. 224-225.
- Rolf Recknagel, B. Traven, romancier et révolutionnaire, Paris : Libertalia, 2018, (ISBN 978-2-3772902-0-8), p. 29.
- Edward N. Treverton, B. Traven: A Bibliography, Lanham, MD, Scarecrow Press, , 19– (ISBN 978-0-8108-3610-5), « Das Totenschiff/The Death Ship »
- « La bravoure à la guerre ? Vous voulez rire ! Parlez-moi plutôt des héros du travail. Mais là on n’est pas décoré. » in R. Recknagel, op. cit., p. 194.
- Quand Gale fouille dans les caisses de compote de prunes (qui dissimule des cartouches), il évoque la « célèbre fabrique de jouets de Suhl » [une usine d’armes], voir R. Recknagel, op. cit., p. 263.
- R. Recknagel, op. cit., p. 224.
- R. Recknagel, op. cit., p. 226.
- R. Recknagel, op. cit., p. 225.
- R. Recknagel, op. cit., p. 227.
- R. Recknagel, op. cit., p. 159 et 188-189.
- Frédérique Roussel, « B. Traven : je est une trentaine d’autres », Libération, 18 août 2016.
- R. Recknagel, op. cit., p. 167.
- R. Recknagel, op. cit., p. 229.
- R. Recknagel, op. cit., p. 264.
- R. Recknagel, op. cit., p. 167-168.
- R. Recknagel, op. cit., p. 454.
- « Bibliographie », Sillage, 2022.
- R. Recknagel, op. cit., p. 163 et 454.
- Dennis Carroll, « Review of Valze Macabre; Kuolemanlaiva (Deathship) », Theatre Journal, vol. 35, no 3, , p. 408–411