Agence internationale de l'énergie atomique

organisation internationale dont le rôle est de promouvoir les usages pacifiques de l'énergie nucléaire et de limiter le développement de ses applications militaires
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L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) — anglais International Atomic Energy Agency (IAEA) — est une organisation internationale[1], sous l'égide de l'ONU. Elle rend un rapport annuel à l'assemblée générale des Nations unies et à chaque fois que demandé par le Conseil de sécurité. Fondée en 1957 et basée au Vienna International Centre à Vienne (Autriche), elle cherche à promouvoir les usages pacifiques de l'énergie nucléaire et à limiter le développement de ses applications militaires.

Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)
International Atomic Energy Agency (IAEA)
Logo de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Logo de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Organe de l'ONU
Type d'organisation Assemblée générale des Nations unies
Acronymes AIEA, IAEA
Directeur général Rafael Grossi
sous-Chef
Statut Active
Membres 177
Siège Vienne (Autriche)
Création 1957
Site web iaea.org/fr
Organisation parente ONU

Le budget de l'année 2014 est de 342 millions d'euros.

L'AIEA a obtenu le prix Nobel de la paix en 2005.

Histoire

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Siège de l'AIEA, Vienne, Autriche.

Le , l'assemblée générale des Nations unies (ONU), sur proposition des puissances occidentales, met sur pied la Commission à l'énergie atomique, pour aider à réfléchir aux mesures d'urgence visant à contrôler l'énergie nucléaire et à réduire les armes nucléaires[2].

Bernard Baruch présenta le le plan Baruch, une version modifiée du plan Acheson-Lilienthal, à la Commission, qui proposait un contrôle international de la toute nouvelle énergie atomique. Mais l'Union soviétique rejeta l'offre qu'elle jugeait inéquitable car les États-Unis possédaient déjà l'arme atomique.

Le , Dwight D. Eisenhower, président des États-Unis, propose dans le discours Atoms for Peace, prononcé devant l'Assemblée générale des Nations unies, la création d'une agence internationale chargée de contrôler l'utilisation des matières nucléaires.

En 1955, une conférence internationale est organisée sur le thème des usages pacifiques de l'énergie atomique sous l'égide de l'ONU[3] ; elle donnera lieu à la publication de six volumes sur les utilisations pacifiques de l'énergie atomique, dont le 6e et dernier tome (publié en 1958) est consacré aux usages de l'énergie atomique dans l'agriculture et l'alimentation[4].

Le statut de l'AIEA[5] est approuvé le par 81 pays, il lui donne la responsabilité du contrôle de la bonne application de la sécurité et de la protection des personnes ainsi que du transfert des technologies nucléaires.

L'agence entre officiellement en fonction le .

De 1957 à 1962, alors que l'ONU promeut à travers l'AIEA les usages pacifiques du nucléaire, notamment sous la forme d'une deuxième conférence sur ces usages pacifiques en 1958[6],[7], les tensions entre les deux superpuissances, les États-Unis et l'URSS, rendent l'application du statut de l'AIEA impossible. Il faut attendre la crise des missiles de Cuba pour que les deux superpuissances commencent à vouloir contrôler leurs armements nucléaires.

En 1961, l'AIEA ouvre un laboratoire d'analyse à Seibersdorf, en Autriche. La même année, l'AIEA signe des accords de coopération avec Monaco et l'Institut océanographique de Monaco dirigé par Jacques-Yves Cousteau. Ces accords ont pour but d'effectuer des recherches sur les effets de la radioactivité en milieu marin. Cela aboutit à la création du Laboratoire de l'environnement marin de l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA-LEM), le .

En 1968, avec la ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), l'AIEA devient le responsable de la surveillance de la bonne application du traité. Ce traité empêche les États signataires d'augmenter leur nombre d'armes nucléaires et pour ceux qui n'en ont pas de chercher à en avoir.

À la suite des chocs pétroliers dans les années 1970, plusieurs pays envisagent d'utiliser massivement l'énergie nucléaire pour leurs besoins énergétiques, l'AIEA voit donc accroître le nombre de ses contrôles.

L'accident nucléaire de Three Mile Island, en 1979, et principalement celui de Tchernobyl, en 1986, arrêtent de nombreux pays dans leur volonté d'utiliser l'énergie nucléaire. À la suite de ces catastrophes, l'AIEA augmente ses efforts dans le domaine de la sûreté nucléaire sans remettre en question ses objectifs.

L'AIEA est chargée de la surveillance du respect du TNP. À la suite de la découverte, en 1991, du programme nucléaire clandestin irakien, différents gouvernements décident d'augmenter les moyens et le rôle de l'AIEA dans le contrôle de l'armement nucléaire.

l'AIEA compte en des programmes :

En 2012, Yukiya Amano et l'Agence ont préparé la conférence ministérielle post-Fukushima de l’AIEA prévue au Japon du 14 au , inscrivant cette conférence dans le Plan d’action de l’AIEA sur la sûreté nucléaire demandé en par la Conférence ministérielle sur la sûreté nucléaire à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima. ce plan a été adopté en par le Conseil des gouverneurs puis approuvé par la 55e conférence générale par l'ensemble des États membres[8]. Il inclut les tests de résistance réalisés en Europe et une analyse des retours d'expérience de la catastrophe de Fukushima, de la gestion de cette crise, avec l'ambition d'une coopération internationale renforcée[9] qui doit être mise en œuvre[10], avec l'aide de 2 experts français « mis à disposition de l'Agence à titre gracieux » par l'IRSN et Areva[9]. Selon l'AIEA (mi-2012)[10], Les enseignements tirés de l’accident de Fukushima qui sont applicables à la mise en place d’une nouvelle infrastructure sont « intégrés dans les orientations de l’Agence, par exemple dans les documents intitulés Evaluation of the Status of National Nuclear Infrastructure Development (no NG-T-3.2 de la collection Énergie nucléaire de l’AIEA), Milestones in the Development of a National Infrastructure for Nuclear Power (no NG-G-3.1 de la collection Énergie nucléaire de l’AIEA) et National Position for a Nuclear Power Programme ». Et dans ce cadre, un nouveau guide de sûreté a été publié en 2012[11]. L'AIEA a aussi mis en place un service d’examen de la formation théorique et pratique (ETReS) pour « aider les États Membres à établir et maintenir un programme durable et adéquat de formation théorique et pratique à la sûreté nucléaire conforme aux normes de sûreté de l’Agence et aux bonnes pratiques internationales »[10] et a publié un nouveau document ainsi que des matériels de formation connexes destinés aux personnes chargés d’informer le public et les médias en cas de crise[12].

Fonctions et objectifs

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Le statut de l'AIEA fixe les objectifs et fonctions de l'Agence[13], son rôle est d'assurer un usage sûr et pacifique des technologies et des sciences liées au nucléaire.

L'AIEA exerce cette mission avec les fonctions suivantes :

  • inspections des installations existantes pour s'assurer de leur usage pacifique ;
  • informations et publications de standards pour la stabilité et la sûreté des installations nucléaires ;
  • liens pour la recherche d'applications et utilisations pacifiques des activités nucléaires.

Organes de direction

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Les principaux organes de l'AIEA sont :

Secrétariat

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Le Secrétariat est constitué d'équipes de professionnels et de services généraux dirigés par le directeur général. Il est composé de 2 212 personnes venant de plus de 90 pays différents. Ces personnes travaillent principalement dans les différents bureaux de l'AIEA (Vienne, Genève, New York, dans le laboratoire de Seibersdorf, etc.). Le secrétariat est composé de six départements :

  • Administration
  • Recherche et application du nucléaire
  • Énergie nucléaire
  • Sécurité et protection nucléaire
  • Coopération technique
  • Contrôleurs et vérification

Directeur général

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Le directeur général est responsable de la mise en application des actions décidées par la Conférence générale et le conseil des gouverneurs. Il est choisi par le conseil et approuvé par la conférence pour un mandat de quatre ans renouvelable.

Liste des directeurs généraux
Période Nom
1   W. Sterling Cole
2   Sigvard Eklund
3   Hans Blix
4   Mohamed el-Baradei
5   Yukiya Amano[14].
  Cornel Feruta (intérim)[15]
6 Depuis le   Rafael Grossi[16]

Conseil de direction

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Il est composé du directeur général et de six directeurs généraux adjoints pour les six départements du Secrétariat.

Conférence générale

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États membres de l'AIEA.

Le rôle et la composition de la Conférence générale sont définis dans l'article 5 du Statut de l'AIEA[17].

La Conférence se compose de tous les États membres, au nombre de 158 en [18]. Tous reçoivent un droit de vote. Les questions budgétaires, d'amendement des statuts ou de suspension des privilèges d'un des membres requiert une majorité des deux-tiers. Les autres questions requièrent une simple majorité.

La conférence a lieu normalement une fois par an, au mois de septembre. Son rôle est d'approuver le programme et le budget de l'agence proposés par le Conseil. Celle-ci peut aussi demander des comptes sur les programmes en cours auprès du Conseil. Lors de chaque rassemblement, un président est élu pour la durée de la conférence et ce pour assurer la bonne tenue des débats. Elle fut présidé par l'Ambassadeur du Mexique en 2019, par l'Ambassadeur du Maroc Azzeddine Farhane en 2020 et par l'Ambassadeur du Koweït Sadiq Marafi en 2021

La fonction principale de cette conférence est de servir de forum pour débattre des politiques et actions en cours. Les différents organes de l'AIEA peuvent ajouter à l'ordre du jour les sujets qu'ils souhaitent discuter. Le rôle de la conférence est quasiment similaire à celui de l'Assemblée générale des Nations unies.

Début 2020, 171 des 193 États membres de l'ONU[19] sont membres de l'AIEA. Cependant, l'adhésion de certains pays n'est pas encore effective s'ils n'ont pas ratifié tous les traités nécessaires à une adhésion pleine et entière.

En 2004, la Mauritanie adhère à l'organisation. En 2005, le Tchad adhère, suivi en 2006 par Belize, le Malawi, le Monténégro et le Mozambique. Le Cap-Vert reçoit une invitation en 2007, mais n'a toujours pas de statut effectif. En 2008, le Népal et Palau deviennent membres. En 2009, Bahreïn, le Burundi, la République du Congo, le Lesotho et l'Oman deviennent membre en même temps le Cambodge qui redevient membre de l'organisation au . Le Swaziland reçoit une invitation à adhérer en 2010, il adhère officiellement en 2013. En 2011, le Laos devient membre de l'organisation alors que les Tonga reçoivent une invitation à adhérer. La Dominique adhère en 2012 tout comme les Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Rwanda, le Togo et Trinité-et-Tobago. Saint-Marin reçoit une invitation à adhérer en 2012 et son adhésion devient effective l'année suivante tout comme l'adhésion de l'Eswatini. En 2013, les Bahamas et le Brunei sont invitées à adhérer, ce qui est fait en 2014. Djibouti, le Guyana, les Vanuatu, Antigua-et-Barbuda et la Barbade adhèrent en 2015. Le Turkménistan adhère en 2016 alors que la Gambie reçoit une invitation pour devenir membre de plein droit en 2023. Saint-Vincent-et-les-Grenadines adhère en 2017 et la Grenade en 2018. Sainte-Lucie adhère en 2019. En 2020, les Comores, invités à adhérer depuis 2014, deviennent membres. Le Samoa adhère en 2021. En 2022, Saint-Christophe-et-Niévès et les Tonga deviennent membres. En 2023, la Guinée et le Cap-Vert reçoivent une invitation à adhérer.

La Corée du Nord, qui avait rejoint l'AIEA en 1974, l'a quittée le . Le Cambodge a quitté l'organisation du au . En septembre 2024, la Somalie rejoint l'IAEA, qui compte alors avec elle 179 membres en [20].

Parmi les principaux États non membres figurent le Soudan du Sud et le Bhoutan.

Conseil des gouverneurs

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L'article 6 du Statut de l'AIEA fixe la composition et le rôle du Conseil des gouverneurs (en anglais Board of Governors)[21].

Au total, 35 membres dont 13 sont désignés par le Conseil sortant et 22 sont élus par la Conférence générale siègent au Conseil. Une certaine représentativité doit être respectée dans l'élection des membres du Conseil. C'est dans ce but que huit zones ont été définies :

Sur les 35 membres, dix sont choisis par le Conseil sortant parmi les États les plus évolués en matière de technologies nucléaires les trois restants sont choisis dans zones géographiques non représentés par les dix premiers. Ces membres ont un mandat d'un an.

Les 22 autres États présents au Conseil des gouverneurs sont élus lors de la Conférence générale des États membres de l'AIEA avec un mandat de deux ans et onze sont élus chaque année. Des clauses imposant une diversité géographique sont également stipulés dans les statuts.

Pour la période 2023-2024, les membres du Conseil sont[22] :

Présidence du Conseil

  • 1990-1991 :   R. Zelazny
  • 1991-1992 :   M. Mondino
  • 1992-1993 :   R. Lamamra
  • 1993-1994 :   Ronald Walker
  • 1994-1995 :   Rajagopala Chidambaram
  • 1995-1996 :   Joost van Ebbenhorst Tengbergen
  • 1996-1997 :   Peter F. Walker
  • 1997-1998 :   Yuji Ikeda
  • 1998-1999 :   Miroslav Gregoric
  • 1999-2000 :   Sergio de Queiroz-Duarte
  • 2000-2001 :   I.H. Umar
  • 2001-2002 :   Max Hughes
  • 2002-2003 :   Nabeela Al-Mulla
  • 2003-2004 :   Antonio Núñez García-Saúco
  • 2004-2005 :   Ingrid Hall
  • 2005-2006 :   Yukiya Amano
  • 2006-2007 :   Ernest Petrič
  • 2007-2008 :   Milenko E. Skoknic
  • 2008-2009 :   Taous Feroukhi
  • 2009-2010 :   M. H. Arshad
  • 2010 :   Muhammad Shahrul Ikram Yaakob
  • 2010-2011 :   Ansar Parvez
  • 2011-2012 :   Gianni Ghisi
  • 2012 :   Filippo Formica
  • 2012-2013 :   John Barrett
  • 2013-2014 :   Thiep Nguyen
  • 2014-2015 :   Marta Žiaková
  • 2015-2016 :   Laércio Antonio Vinhas
  • 2016-2017 :   Tebogo Seokolo
  • 2017-2018 :   Darmansjah Djumala
  • 2018-2019 :   Leena Al-Hadid
  • 2019-2020 :   Mikaela Kumlin Granit
  • 2020-2021 :   Heidi Alberta Hulan
  • 2021-2021 :   Shin Chae-Hyun
  • 2022-2022 :   Ham Sangwook
  • 2022-2023 :   Ivo Sramek
  • 2023-2024 :   Holger Federico Martinsen

Le Conseil des gouverneurs se réunit cinq fois par an, au siège de l'AIEA à Vienne. Les réunions ont lieu en mars, juin, deux fois en septembre (avant et après la Conférence générale) et en décembre. Le conseil est le principal décideur de la politique de l'AIEA. Le Conseil forme ses recommandations pour le budget et les activités soumises à la conférence générale. Il est responsable de la publication des normes et standards de l'AIEA, ainsi que la nomination d'un candidat au poste de directeur général qui est soumis à l'approbation de la Conférence.

L'AIEA et l'Irak

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Après la première guerre du Golfe, le 3 avril 1991, le Conseil de sécurité de l'ONU adopte la résolution 687 exigeant que l’Irak mette fin à son programme nucléaire. L'AIEA est chargée du contrôle du matériel nucléaire à l'aide de missions d'inspection[23].

Le 19 juillet 1991, le conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne adopte une résolution qui « condamne l'Irak » pour avoir « violé » le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires[24].

En février 1994, l’AIEA retire d’Irak tous les stocks déclarés de matière pouvant servir à fabriquer des armes nucléaires[23].

En janvier 1998, à la suite de blocages d’inspections, les États-Unis et le Royaume-Uni déclenchent l’opération Renard du désert en bombardant l’Irak pendant quatre jours. Les inspecteurs quittent l’Irak sans que leur travail soit terminé[23].

En septembre 2002, l’Irak accepte inconditionnellement le retour des inspecteurs qui arrivent sur place en novembre 2002[23].

L'AIEA intervient en 2003 lors des contrôles qui précédent la guerre d'Irak. Les inspections n’avaient rien trouvé. Mohamed el-Baradei rapporte que les missions de l’AIEA n’ont relevé «aucune indication de reprise d’activités nucléaires» dans les sites identifiés[23]. L'intervention militaire d'une coalition menée par les États-Unis sera lancée le 20 mars 2003: deuxième guerre d'Irak.

L'AIEA et l'Iran

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En 2003, Mohamed el-Baradei a effectué une visite en Iran avec une équipe d'inspecteurs afin d'évaluer le programme nucléaire iranien. En , Mohamed el-Baradei a rapporté au conseil que l'Iran avait failli pendant une large période à ses obligations en matière de sûreté, et n'avait pas déclaré son programme d'enrichissement[25]. Cependant, il a précisé qu'il n'y avait pas de preuves formelles que l'Iran cherche à acquérir l'arme atomique[26]. Il a ajouté qu'il n'était pas en position de conclure qu'il n'y avait aucun matériau ou activité non déclaré sur le sol iranien. Le , l'Iran a signé un protocole provisoire avec l'AIEA dans les locaux de Vienne. Il est convenu que l'Iran suspende ses activités d'enrichissement de l'uranium et de retraitement du plutonium, en attendant la ratification d'un accord complet[27]. Cela en réponse aux initiatives diplomatique de la France, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne[28],[29]. L'Iran a mis fin à ce protocole et à ces suspensions le .

Après huit ans d'enquête sur l'Iran, l'AIEA a publié un rapport indiquant que le pays avait travaillé à la mise au point d'une arme nucléaire, des allégations rejetées par Téhéran[30].

L'AIEA et la guerre en Ukraine

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En 2022, à l'occasion de la guerre en Ukraine à la suite de l'intervention militaire par la Russie, l'agence internationale de l'énergie atomique a exprimé ses inquiétudes sur la situation dans un communiqué et a appelé à « un maximum de retenue pour éviter toute action qui mettrait les sites nucléaires du pays en danger ». Après la prise de contrôle de la centrale nucléaire de Tchernobyl, les forces armées russes se trouvent à proximité de la plus grande centrale nucléaire d’Ukraine et de ses six réacteurs (centrale nucléaire de Zaporizhzhia). Une réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne, siège de l’agence, est organisé pour discuter des « risques réels » posés par le conflit entre la Russie et l'Ukraine. La résolution adoptée appelle la Russie à « cesser immédiatement les actions contre les sites nucléaires ukrainiens », mis en danger par la guerre qui fait rage à la suite de l'invasion russe. Le texte estime que cette guerre « pose des menaces graves et directes à la sécurité de ces lieux et de leur personnel », présentant « le risque d'un accident ou incident nucléaire qui mettrait en danger la population de l'Ukraine, des Etats voisins et de la communauté internationale »[31],[32],[33].

Le 29 mars 2022, Rafael Mariano Grossi, directeur général l'AIEA présent en Ukraine, déclare « Nous devons prendre des mesures urgentes pour faire en sorte que [les centrales nucléaires ukrainiennes] puissent continuer à fonctionner en toute sécurité et réduire le risque d’un accident nucléaire »[34].

L'AIEA et l'évaluation des impacts environnementaux de la radioactivité

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Depuis la catastrophe de Tchernobyl, l'AIEA aide à évaluer l’impact environnemental au moyen d'une série de programmes, dont les plus récents sont :

  • MODARIA (pour Modélisation et données pour l’évaluation de l’impact radiologique ; 2012-2019) portant sur les simulations de rejet de radionucléides dans l’environnement et l'évaluation de l’exposition du public et des espèces sauvages (environ 140 spécialistes de plus de 40 pays y ont contribué)[35] ;
  • MEREIA (pour Méthodes d’évaluation de l’impact radiologique et environnemental ; 2021-2025) pour aider les pays à mieux évaluer l’impact radiologique sur l’environnement grâce aux démarches, modèles conceptuels, modèles mathématiques et les données relatifs à l’évaluation de l’impact environnemental de la radioactivité[35] ; il s'agit aussi de produire un consensus international sur les bonnes pratiques dans ce domaine, dans le cadre des normes de sûreté de l’AIEA[36].

Critiques de l'organisation

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L'AIEA s'oppose à l'utilisation militaire de l'énergie nucléaire et soutient l'utilisation civile des centrales nucléaires. Son objectif est le développement de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité dans tous les pays membres, soit 178 États (en) en [37].

La production de matières utilisées dans des armes peut être effectuée ou facilitée par certains types de centrales nucléaires civiles. De plus, les inspections menées par l'agence rencontrent souvent de nombreux obstacles, ce qui lui interdit de vérifier parfaitement les activités de certains États. Ainsi, en Irak, il lui a fallu plusieurs mois pour conclure que le régime n'avait pas réussi à fabriquer d'armes atomiques. Dans nombre de ses campagnes d'investigations, l'AIEA est revenue sans réelles certitudes sur les programmes en cours et le fait qu'elle condamne un projet, comme elle le fit fin 2009 des travaux de l'Iran, ne l'interrompt pas nécessairement. Par ailleurs l'agence ne peut vérifier de programme clandestin ou de pays non signataire du TNP. Certains pays tels que l'Inde, Israël et le Pakistan se sont ainsi invités parmi les puissances nucléaires.

La remise du prix Nobel de la paix 2005 à l'AIEA a soulevé des critiques[38]. Accusant l'AIEA de favoriser la prolifération d'armes nucléaires à travers le développement du nucléaire civil (bien que ce type de lien ne soit pas aisément démontrable car nucléaire civil et militaire exigent des matériaux et des installations différentes) plutôt que de réguler les utilisations de l'atome, les antinucléaires ont vu en ce prix Nobel une façon de légitimer une organisation qui ne fait pas l'unanimité. Ce prix Nobel permettait aussi d'appuyer l'agence et de renforcer sa crédibilité dans ses investigations dans la crise du nucléaire iranien.

Les antinucléaires accusent l'AIEA de minimiser les risques liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Ainsi, dans l'un de ses rapports sur la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, 50 victimes ont été dénombrées puis des communiqués firent état d'au plus 4 000 puis 9 000 victimes à long terme, tous controversés[39].

 
Affiche « Tchernobyl Day », 2011.

L'Organisation mondiale de la santé possède une expertise sur la catastrophe de Tchernobyl, mais est liée par un accord signé en 1959 avec l'AIEA en ce qui concerne les communications publiques[40]. Les dommages génétiques causés par Tchernobyl ne peuvent par exemple pas être cités par l'OMS sans consultation de l'AIEA. En 1995, par exemple, les actes d'un colloque organisé par l'OMS réunissant plus de 700 médecins étudiant les effets de la catastrophe de Tchernobyl n'ont ainsi pas été publiés[41]. Le collectif Independent WHO demande la révision de cet accord (par des manifestations quotidiennes à Genève depuis le ). Les explications de l'attitude de l'OMS sont les suivantes :

  • depuis l'accord de 1959, l'AIEA contrôle toutes les recherches sur les risques médicaux entraînés par l'utilisation commerciale de l'énergie nucléaire, en lieu et place des organisations de médecins indépendants ;
  • l'accord implique que tous les projets de recherche dont les résultats pourraient limiter la croissance de l'industrie nucléaire ne peuvent être menés par l'OMS que si elle collabore avec l'AIEA[42] ;
  • l'accord implique dans son article 3 que « L'OMS et l'AIEA reconnaissent qu'elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de certains documents »[43].

Pour André Larivière, membre du Réseau Sortir du nucléaire France, l'AIEA est la seule institution qui dépend directement du Conseil de sécurité. Elle a donc préséance sur l'OMS[43].

Notes et références

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  1. TEXTE DES ACCORDS CONCLUS ENTRE L'AGENCE ET L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES ref INFCIRC/11 du 30 octobre 1959 : « L'Organisation des Nations unies reconnaît que l'Agence, vu son caractère intergouvernemental et ses attributions internationales, doit être une organisation internationale autonome, conformément à son Statut, en ce qui concerne les rapports de collaboration avec l'Organisation des Nations unies prévus par le présent Accord ».
  2. Alexandre Aron, « Le contrôle international de l'énergie atomique », Politique étrangère, nos 11-5,‎ , p. 465-488 (lire en ligne).
  3. A. Bohr, Proceedings of the International Conference on the Peaceful Uses of Atomic Energy, Geneva, 1955.
  4. W. R. Singleton, Nuclear radiation in food and agriculture, 1958.
  5. Statut de l'AIEA [PDF].
  6. (en) Halpern, I., et Strutinsky, V. M., Proceedings of the Second United Nations International Conference on the Peaceful Uses of Atomic Energy, Geneva, 1958.
  7. (en) Proceedings of the 2nd United Nations International Conference on the Peaceful Uses of Atomic Energy, held in Geneva, 1 September- 13 September 1958, vol. 33 : Index of the proceedings, Genève, ONU, 210 p. (lire en ligne).
  8. [lire en ligne].
  9. a et b Plan demandé en juin 2011 par la Conférence ministérielle sur la sûreté nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima, et adopté en septembre 2011 par le Conseil des gouverneurs avant approbation par la 55e conférence générale par l'ensemble des États membres [lire en ligne].
  10. a b et c Progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan d’action de l’AIEA sur la sûreté nucléaire ; Rapport du Directeur général, ref : GOV/INF/2012/11-GC(56)/INF/5 ; 28 août 2012.
  11. Establishing the Safety Infrastructure for a Nuclear Power Programme ; no SSG-16 de la collection Normes de sûreté de l’AIEA.
  12. AIEA, Communication with the Public in a Nuclear or Radiological Emergency, collection Préparation et intervention en cas de situation d’urgence.
  13. (en) Article II : Objectives et Article III : Functions.
  14. AFP, « En bref - Un Japonais à la tête de l'AIEA », Le Devoir,‎ (lire en ligne).
  15. « Nucléaire: l'AIEA nomme un directeur par intérim », sur Le Figaro,
  16. « Le Conseil des gouverneurs de l’AIEA nomme Rafael Grossi au poste de Directeur général à compter de décembre », sur AIEA,
  17. (en) Article V : General Conference, dans le Statut de l'AIEA.
  18. (en) Liste des États membres de l'AIEA.
  19. États membres de l'ONU.
  20. Aziz Malick Diallo, « La Somalie rejoint l'AIEA : un tournant vers le nucléaire civil », sur Afrik, (consulté le ).
  21. (en) Article VI : Board of Governors, dans le Statut de l'AIEA.
  22. (en) Board of Governors.
  23. a b c d et e Laurent Ribadeau Dumas, « En Irak, les inspecteurs de l'ONU et de l'AIEA avaient raison », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  24. « L'AIEA condamne l'Irak », sur LesEchos.fr, (consulté le )
  25. « IAEA », sur iaea.org
  26. « Issue Brief: New IAEA Resolution: Milestone in Iran-IAEA Saga », NTI.
  27. « - IAEA », sur iaea.org
  28. News Center : In Focus : IAEA and Iran.
  29. « Communication dated 26 November 2004 received from the Permanent Representatives of France, Germany, the Islamic Republic of Iran and the United Kingdom concerning the agreement signed in Paris ».
  30. « Nouvelles sanctions de l'Union européenne contre l'Iran », radio-canada.ca.
  31. Martin P, « Guerre en Ukraine : doit-on craindre la prise de la centrale de Tchernobyl par les Russes ? », sur La Dépêche, (consulté le ).
  32. « Guerre en Ukraine: les forces russes à proximité d’une importante centrale nucléaire », sur LeSoir.be, (consulté le ).
  33. « Ukraine: l'AIEA appelle Moscou à "cesser les actions" contre les sites nucléaires », sur ConnaissanceDesEnergies.org avec AFP, (consulté le ).
  34. « Situation en Ukraine au 29 mars 2022 : le patron de l'AIEA, Rafael grossi, présent sur place », sur Société française d'énergie nucléaire, (consulté le ).
  35. a et b Margherita Gallucci, « L‘AIEA lance un programme révolutionnaire sur les méthodes d’évaluation de l’impact radiologique et environnemental », sur Agence internationale de l'énergie atomique, (consulté le ).
  36. « Normes de sûreté », sur AIEA, (consulté le ).
  37. (en) « List of Member States », sur iaea.org, (consulté le ).
  38. Tribune du Réseau Sortir du nucléaire, Le Monde, 15 octobre 2005.
  39. Agnès Sinaï, « Un gendarme du nucléaire bien peu indépendant : Dans les méandres de l’Agence internationale de l’énergie atomique », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne).
  40. Accord entre l’Agence internationale de l’énergie atomique et l’Organisation mondiale de la santé lire en ligne sur Wikisource.
  41. Alison Katz, « Les dossiers enterrés de Tchernobyl », Le Monde diplomatique, mars 2008.
  42. « Collaboration » [PDF], OMS - AIEA.
  43. a et b Charaf Abdessemed, « Les anti-nucléaires font le piquet devant l'OMS », Genève Home Informations, p. 5, 6-7 juin 2007.

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