Hawaiki

île mythique où les peuples de Polynésie situent leur origine

Hawaiki est une île mythique où les peuples de Polynésie situent leur origine avant leurs migrations[1]. Dans leurs légendes, l'esprit des Polynésiens retourne vers Hawaiki après leur mort.

Dans ce drapeau non officiel des Polynésiens créé par Herb Kawainui Kāne d'Honolulu, Hawaiki est représentée par un pétroglyphe en jaune d'or, et les principales îles réelles par des étoiles.

Le nom de cette île imaginaire peut également être trouvé sous les formes : Havaiki, Hawaiiki, Hawai'iki, Hawaii'iki, Havai'i, Hiva ou Hawai'ti. La forme la plus courante est Hawaiki, d'origine maorie.

Le nom Hawaiki a été associé aux noms des îles Hawai'i et Savai'i (Samoa). Dans les îles de la Société, Raiatea était autrefois considérée comme une île sacrée et connue sous le nom de Havai'i. Dans les îles Tuamotu, Havaiki ou Havai'i était l'actuelle Fakarava.

Origine des peuples polynésiens

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La tradition orale polynésienne narre que les Polynésiens se dispersèrent depuis l'île originelle de Hawaiki sur des pirogues (va'a ou waka) très semblables à celles en usage de nos jours en Océanie. Ngahue est le premier Maori à quitter Hawaiki pour Aotearoa, qu'il atteint à l'embouchure du fleuve Arahura. Il rentre à Hawaiki avec des pierres vertes qu'il y a découvertes et qu'il transforme en outils permettant de construire des pirogues[2].

Les Maoris de Nouvelle-Zélande considèrent tous qu'ils viennent de Hawaiki, située à l'est d'Aotearoa. Leurs ancêtres auraient quitté à bord de sept grandes pirogues une île originelle qui serait soit Rarotonga (îles Cook) soit Tahiti ou Raiatea (Archipel de la Société), mais ne connaissent pas l'origine exacte des habitants de ces îles[3].

 
Famille moriorie en 1910, aux îles Chatham. Les Moriori sont un peuple plus ancien que les Maoris en Nouvelle-Zélande : ces derniers ont découvert que les Moriori vivaient déjà dans les îles Chatham lorsqu'ils sont arrivés[2].

Les habitants originels de l'île de Pâques (Matamua ou Rapanui) font remonter leurs origines à des personnes ayant quitté l’île de Hiva (Hiva Oa ou Nuku Hiva) sous la conduite de leur premier roi, Hotu Matu'a.

Tentatives d'identification

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En 1947, Thor Heyerdahl a fait naviguer le Kon-Tiki, un radeau en bois de balsa, depuis l'Amérique du Sud et dans l'Océan pacifique, afin de démontrer que les hommes auraient pu coloniser la Polynésie à partir des côtes orientales de l'océan Pacifique, les marins utilisant les vents dominants et des techniques de construction simples[4].

Cependant, les preuves ADN, linguistiques, botaniques et archéologiques indiquent toutes que les peuples de langue austronésienne (y compris les Polynésiens) sont probablement originaires d'îles de l'est de l'Asie, peut-être de l'actuel Taïwan, d'où ils ont progressivement migré vers le sud et l'est à travers l'océan Pacifique Sud[5],[6].

La patate douce, d'origine sud-américaine, est largement cultivée en Polynésie. Cela suggère qu'une certaine interaction entre les Polynésiens et les peuples indigènes d'Amérique du Sud a pu avoir lieu[7]. Aucune culture polynésienne n'a été introduite en Amérique, et il n'existe des preuves de contacts polynésiens qu'au Chili[8]. Les navigateurs austronésiens et polynésiens ont pu déduire l'existence d'îles inhabitées en observant les schémas migratoires des oiseaux[9].

En 2001, Roger Green et Patrick Kirch estiment que Hawaiki était en réalité un ensemble d'îles comprenant Tonga, Samoa, Wallis et Futuna. Cet ensemble a formé la « société polynésienne ancestrale »[10] : pendant environ sept siècles, au 1er millénaire av. J.-C., ces îles ont partagé une culture commune et une même langue, avant de se différencier à partir des premiers siècles après J.C. et le début des migrations polynésiennes vers l'est[11].

En 2010, Anne Salmond estime que Havaiʻi est l'ancien nom de Raiatea, la patrie des Māori. Lorsque l'explorateur britannique James Cook a aperçu la Nouvelle-Zélande pour la première fois en 1769, il avait à son bord Tupaia, un navigateur et prêtre raïatea. L'arrivée de Cook semblait être la confirmation d'une prophétie de Toiroa, un prêtre de la péninsule de Māhia. À Tolaga Bay, Tupaia s'entretient avec le tohunga associé à l'école d'apprentissage qui s'y trouve, appelée Te Rawheoro. Le prêtre l'interrogea sur les terres des Māori, « Rangiatea » (Ra'iatea), « Hawaiki » (Havai'i, l'ancien nom de Ra'iatea) et « Tawhiti » (Tahiti)[12].

Étymologies

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Hawaiki a été rapproché de Havai iti : « petite eau » en langue māori, par opposition à Havai nui, la « grande eau » du chaos originel mythique, sur laquelle il n'y avait encore rien. Les expressions citées dans les années 1930 par l'ethnologue Alfred Métraux : Te kaing'a hava'i iti et Te iti fenua enat'a havai comprises comme « le petit bout de terre de l'eau » et « la petite terre des hommes de l'eau », proviennent des mythes polynésiens concernant les origines des humains. Le terme Hawaiki est également similaire à l'île de Hawaï ou celle de Savai'i aux Samoa[13].

Des linguistes ont reconstitué le terme à partir du polynésien proto-nucléaire *sawaiki[14].

Le mot māori Hawaiki figure dans les traditions relatives à l'arrivée des Māori en Aotearoa, l'actuelle Nouvelle-Zélande. Le même concept apparaît dans d'autres cultures polynésiennes, le nom apparaissant diversement comme Havaiki, Havaiʻi, ou ʻAvaiki dans d'autres langues polynésiennes. Hawaiki ou l'orthographe erronée « Hawaiiki » semblent être devenues les variantes les plus courantes en anglais. Bien que les Samoans n'aient conservé aucune tradition d'origine étrangère, le nom de la plus grande île samoane, Savaiʻi, conserve une parenté avec le mot Hawaiki, tout comme le nom des îles polynésiennes d'Hawaiʻi (le ʻokina désignant un coup de glotte qui remplace le « k » dans certaines langues polynésiennes).

Dans plusieurs groupes d'îles, dont la Nouvelle-Zélande et les Marquises, le terme a été associé au monde souterrain mythique et à la mort[14]. William Wyatt Gill (en) a longuement relaté au XIXe siècle les légendes concernant ʻAvaiki en tant que monde souterrain ou équivalent d'Hadès de Mangaia dans les îles Cook[15]. Il rapporte aussi un proverbe : « Ua po Avaiki, ua ao nunga nei » (« Il fait nuit maintenant dans le pays des esprits, car il fait jour dans ce monde supérieur »)[16]. Edward Tregear mentionne également le terme Avaiki comme signifiant « monde souterrain » à Mangaia, probablement d'après Gill[17],[a]. L'origine proposée de Hawaiki comme étant à la fois la terre ancestrale et le monde souterrain est que les deux sont les lieux de résidence des ancêtres et des esprits.

Les saualiʻi (« esprits » en samoan) et les houʻeiki (« chefs » en tongien) sont d'autres équivalents possibles du mot Hawaiki. Cela a conduit certains chercheurs à émettre l'hypothèse que le mot Hawaiki et, par extension, Savaiʻi et Hawaiʻi, ne désignaient peut-être pas à l'origine un lieu géographique, mais plutôt les ancêtres des chefs et la structure sociale basée sur les chefs que la Polynésie précoloniale présentait typiquement[19].

Sur l'île de Pâques, le nom du pays d'origine dans la tradition orale est Hiva. Selon Thor Heyerdahl, Hiva se trouverait à l'est de l'île. Sebastian Englert rapporte le dicton en He-kî Hau Maka : « He kaiga iroto i te raá, iruga! Ka-oho korua, ka-û'i i te kaiga mo noho o te Ariki O'Hotu Matu'a! », soit : « L'île vers le soleil, en haut ! Va voir l'île où le roi Hotu Matuʻa ira vivre ! »[20].

Englert affirme que Hiva se trouve à l'ouest de l'île[20]. Le nom Hiva se retrouve dans plusieurs noms des es îles Marquises : Nuku Hiva, Hiva Oa et Fatu Hiva (bien que dans cette dernière « hiva » puisse être un mot différent, ʻiva). Dans les îles hawaïennes, la terre ancestrale s'appelle Kahiki, un dérivé de Tahiti, d'où est originaire au moins une partie de la population hawaïenne.

Dans les îles Tuamotu, Havaiki ou Havai'i était l'actuelle Fakarava.

Différentes graphies

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Le nom de cette île imaginaire peut aussi se trouver sous les formes suivantes : Hawaiiki, Hawai'iki, Hawaii'iki, Havai'i, ou Kahiki selon les différents langages polynésiens. Cependant, Hawaiki semble être la plus commune en anglais et en maori. Les façons d'écrire : ‹ ii, i'i, ii'i ›, sont des tentatives pour rendre phonétiquement un [i] assez long, avec un coup de glotte qui remplace le [k] dans certains cas.

En Polynésie française et plusieurs îles polynésiennes, cette île mythique est identifiée avec l'ile de Raiatea, qui jouait un rôle religieux et politique important entre les différents archipels, notamment au travers de son marae de Taputapuātea.

Régate

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En référence à Hawaiki, la Hawaiki nui va'a (« Pirogue de la grande Hawaiki ») est une course de pirogues polynésiennes appelées va'a qui se tient chaque année en octobre ou novembre, en haute mer et en lagon, dans l'archipel des îles Sous-le-Vent, en Polynésie française, et se découpe en trois étapes successives, une par jour, reliant les îles de Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora-Bora.

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Hawaiki » (voir la liste des auteurs).

  1. Cette signification est peut-être archaïque ou oubliée dans les îles Cook aujourd'hui. Dans son dictionnaire, Buse a cette entrée : « Avaiki, prop. n. Hawaiki, la patrie légendaire des Polynésiens. I tere tū mai rātou mei 'Avaiki. Ils ont voyagé directement depuis Hawaiki. »[18].

Références

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  1. (en) Te Rangi Hiroa, Vikings of the Sunrise, Whitecombe and Tombs, (ISBN 0-313-24522-3), p. 69.
  2. a et b Del Mar 1924, p. 162.
  3. Del Mar 1924, p. 162-163.
  4. Thor Heyerdahl, Kon-Tiki ekspedisjonen (œuvre écrite), Gyldendal, . .
  5. (en) « Mitochondrial DNA Provides a Link between Polynesians and Indigenous Taiwanese », PLoS Biol, vol. 3, no 8,‎ , e281 (DOI 10.1371/journal.pbio.0030281, lire en ligne).
  6. (en) « Taiwan, twinned with Hawaii: Polynesians are Taiwanese in disguise », sur economist.com, The Economist, (consulté le ).
  7. (en) John Timmer, « Polynesians reached South America, picked up sweet potatoes, went home », sur arstechnica.com, (consulté le ).
  8. (en) Elizabeth Matisoo-Smith et Jose-Miguel Ramirez, « Human Skeletal Evidence of Polynesian Presence in South America? Metric Analyses of Six Crania from Mocha Island, Chile », Journal of Pacific Archaeology, vol. 1, no 1,‎ (lire en ligne).
  9. (en) Lowell Don Holmes, « Island Migrations (2): Birds and Sea Currents Aided Canoe Navigators », Pacific Islands Monthly, vol. XXVI, no 1,‎ (lire en ligne).
  10. Éric CONTE, « Le Pacifique d’avant le contact : un espace de culture globale ? (encadré) », Hermès,‎ (ISSN 0767-9513, DOI 10.4267/2042/51469, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Patrick Vinton Kirch et Roger C. Green, Hawaiki, Ancestral Polynesia : An Essay in Historical Anthropology, Cambridge University Press, , 394 p. (ISBN 978-0-511-06700-6), p. 77-79
  12. (en) Anne Salmond, Aphrodite's Island, Berkeley, University of California Press, (ISBN 9780520261143), p. 227-228.
  13. (en) Sylvia Masterman, « ii. The Islands and their Discoverers », dans The Origins of International Rivalry in Samoa: 1845–1884, Londres, George Allen and Unwin, (lire en ligne), p. 20.
  14. a et b (en) « Sawaiki », sur pollex.eva.mpg.de, Polynesian Lexicon Project Online (consulté le ).
  15. Gill 1876, p. 152–174.
  16. Gill 1876, p. 155.
  17. (en) Edward Tregear, The Maori-Polynesian Comparative Dictionary, Wellington, Lyon and Blair, (lire en ligne), p. 392.
  18. Buse 1996, p. 90.
  19. (en) M. Taumoefolau, « From *Sau 'Ariki to Hawaiki », The Journal of the Polynesian Society, vol. 105, no 4,‎ , p. 385–410.
  20. a et b Sebastian Englert cité dans : (de) Wilhelm Janssen, Rapa Nui, Books on Demand, (ISBN 9783757805296).

Annexes

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Bibliographie

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  • (en) Jasper Buse et Raututi Taringa, Cook Islands Maori Dictionary with English Finderlist, Bruce Biggs / Rangi Moekaʻ, .
  • (en) Frances Del Mar, « Chapter XIII — Origin of the Maori Race », dans A year among the Maoris: study of their arts and customs, Londres, Ernest Benn, (lire en ligne), p. 159-171.
  • (en) William Wyatt Gill, Myths and Songs from the South Pacific, Londres, Henry S. King, , p. 152–174.
  • (en) Stephenson Percy Smith, Hawaiki: The Original Home of the Maori, With a Sketch of Polynesian History, Christchurch, Whitcombe and Tombs, (lire en ligne).

Liens externes

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