Droits LGBT en Russie

droit russe applicable aux personnes LGBT

Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) en Russie peuvent faire face à des difficultés légales que ne connaissent pas les résidents non LGBT.

Droits LGBT en Russie
Image illustrative de l'article Droits LGBT en Russie
Gaypride à Moscou en 2008.
Dépénalisation de l'homosexualité  depuis 27 mai 1993 mais restriction de la liberté d'expression et d'association depuis 2013
Sanction  Non
Identité de genre  depuis le 14 juin 2023
Service militaire  Oui[1]
Protection contre les discriminations  Non
Mariage  Non
Partenariat  Non
Adoption  Non

L'homosexualité masculine a été décriminalisée en 1993, les autorités n'ont pas mis en place de législation contre les discriminations ou les persécutions fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.

Depuis 2013, un texte de loi interdit « l'information auprès des mineurs au sujet des relations sexuelles non traditionnelles ».

Après l’invasion de l'Ukraine en 2022, les autorités multiplient les mesures conservatrices contre les personnes LGBT+, notamment l'interdiction des transitions de genre. En 2023 la cour suprême de la fédération de Russie classe le mouvement de société international LGBT comme extrémiste.

Histoire

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L'homosexualité est dépénalisée en URSS dans les années 1920. Après la naissance des partis communistes européens dans l'entre-deux-guerres, liés idéologiquement à Moscou, des approches divergentes apparaissent : si le KPD allemand soutient le combat des homosexuels, le Parti communiste français, en décalage, fait preuve de préjugés homophobes. En 1934, l'URSS criminalise finalement les relations homosexuelles entre hommes, définissant l’homosexualité comme une « perversion fasciste »[2]. Elles sont désormais punies de 5 ans d'internement, parfois du goulag. Les acquis sociétaux de la Révolution sont ainsi remis en cause au profit d'une définition traditionnelle de la famille et l'homosexualité désormais considérée comme une déviance occidentale et bourgeoise[3].

L'homosexualité est décriminalisée en 1993 mais elle reste considérée comme une maladie mentale. Depuis, diverses lois réduisent les droits des personnes LGBT[4], forçant les associations à se focaliser sur leur propre survie au détriment de l'activisme[5].

Le parlement russe a adopté, le 24 novembre 2022, une loi interdisant la propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles, ce qui concerne les relations homosexuelles[6]. Yandex annonce avoir retiré 4333 contenus durant les 9 premiers mois de l'année à la demande de l'agence Roskomnadzor, en partie à cause la nouvelle loi[7].

En juin 2023, la Douma approuve une loi qui interdit tout intervention médicale « visant au changement de sexe », ainsi que toute modification de l'état civil sans intervention médicale, à l'exception des interventions visant à corriger des « anomalies congénitales »[8]. Piotr Tolstoï, vice président de la Douma, entend ainsi protéger la Russie d'une « idéologie occidentale anti-familiale »[8].

Classement du mouvement LGBT comme extrémisme

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Le ministère de la Justice annonce le avoir entamé une démarche visant à classer le mouvement de société international LGBT comme extrémiste en déposant une demande auprès de la Cour suprême du pays[9]. Le 30 novembre, le juge Oleg Nefedov[10] valide la demande, indiquant son applicabilité immédiate, ce qui entraîne l'interdiction des activités LGBT dans la fédération de Russie[11]. Deux jours plus tard, la police effectue des descentes dans plusieurs clubs et bars gays de Moscou[12], ainsi que dans un bar à Iekaterinbourg le [13].

Des poursuites judiciaires sont engagées en contre une femme de la région de Saratov pour avoir partagé une photo d'un drapeau arc-en-ciel sur Instagram[14]. Le texte de la décision de la Cour suprême, auparavant non publié, est mis à disposition du public en à la suite de ces procédures judiciaires[15].

En , l'agence Rosfinmonitoring (en) place le « mouvement LGBT » sur une liste d'organismes terroristes et extrémistes[16].

À la suite de ce durcissement des discriminations, beaucoup de personnes LGBT partent à l'étranger. Ainsi Yan Dworkin, psychologue et directeur du Centre T à Moscou, une association d'aide aux personnes trans, a pris la décision de partir dès la décision de la cour suprême de considérer le mouvement LGBT comme extrémiste prise[17],[18]. Le port ou la possession d'objet arborant les couleurs du drapeau LGBT sont interdits. En avril 2024. le député de la Douma Alexandre Khinstein (en) a publiquement dénoncé le ministre de l'éducation de Samara comme étant gay, et ce dernier a démissionné[18]. La première condamnation a visé deux managers du club LGBT Pose à Orenburg, après une descente de police le 12 mars 2024 durant un drag show. Natalia Zviagina, d'Amnesty International Russie a condamné l'arrestation et plus particulièrement le fait que des membres d'un groupe nationaliste aurait aidé la police locale dans son opération au Pose[19],[20].

Principaux aspects

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  • La majorité sexuelle est portée à seize ans depuis 2003, quelle que soit l'orientation sexuelle.
  • Les personnes transgenres pouvaient depuis 1997 changer de genre légal après avoir suivi la procédure médicale correspondante[21] ; cette démarche administrative est prohibée, de même que toute transition médicale, par une loi de 2023[22],[23],[8].
  • L'homosexualité a été officiellement retirée de la liste russe des maladies mentales en 1999 (après que la liste de codes CIM-10 a été adoptée).
  • Il n'y a pas de reconnaissance des unions homosexuelles en Russie, le mariage homosexuel y est, de surcroît, illégal. La population soutient à 14 % les mariages homosexuels en 2005[24],[25].
  • Les célibataires peuvent adopter des enfants, quelle que soit leur orientation sexuelle, mais seuls les couples mariés peuvent adopter en tant que couple[note 1].
  • Officiellement, les homosexuels peuvent servir dans l'armée depuis 2003.
  • Depuis 2013, il existe une « interdiction législative de la propagande homosexuelle en Russie auprès des mineurs» (loi fédérale no 135-ФЗ)[26].

Tableau récapitulatif

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Dépénalisation de l’homosexualité   Depuis le 27 mai 1993 mais restriction de la liberté d'expression et d'association depuis 2013
Majorité sexuelle identique à celle des hétérosexuels   Depuis le 27 mai 1993
Interdiction de la discrimination liée à l'orientation sexuelle à l'embauche   Les autorités ne reconnaissent aucune législation spéciale
Interdiction de la discrimination liée à l'identité de genre dans tous les domaines   Les autorités ne reconnaissent aucune législation spéciale
Mariage civil ou partenariat civil   Aucune reconnaissance
Adoption conjointe dans les couples de personnes de même sexe   Seuls les couples hétérosexuels sont autorisés à adopter
Adoption par les personnes homosexuelles célibataires   Oui
Droit pour les homosexuels de servir dans l’armée   Oui[1]
Droit de changer légalement de genre (après stérilisation)   Non depuis 2023[23]
Gestation par autrui pour les homosexuels
Accès aux FIV pour les lesbiennes   Oui
Autorisation du don de sang pour les HSH   Depuis le 16 avril 2008

Tchétchénie

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En avril 2017, le journal d’opposition russe Novaïa Gazeta révèle que les autorités tchétchènes ont mené un projet de répression des homosexuels, les arrêtant et les torturant pour leur soutirer le nom d'autres homosexuels[27],[28].

Notes et références

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  1. L'adoption est réglementée par le Code de la famille et la loi fédérale russes. Aucun de ces textes n'interdit ou ne restreint l'adoption aux homosexuels, mais seuls les couples mariés peuvent faire une demande d'adoption en tant que couple (article 127.2 du Code de la famille de Russie). Dans le cas des célibataires, un juge prend la décision.

Références

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  1. a et b (en) Ирина Толкуева, « Gays are not Willingly Accepted in the Russian Army », sur pravdareport.com,‎ (consulté le ).
  2. Tamagne Florence, « Le « crime du Palace » : homosexualité, médias et politique dans la France des années 1930 », Revue d’histoire moderne & contemporaine,‎ , p. 128-149 (lire en ligne).
  3. Mathieu Lericq, interviewé par Micha Barban Dangerfield, « Comment vivait et se défendait la communauté gay en URSS ? », sur Vice, (consulté le ).
  4. Clémentine Spiler, « Un ado de 16 ans est le premier condamné pour « propagande gay » en Russie », nova.fr, 13 août 2018.
  5. (en) Radzhana Buyantueva, « LGBT Rights Activism and Homophobia in Russia », Journal of Homosexuality, vol. 65, no 4,‎ , p. 456–483 (ISSN 0091-8369 et 1540-3602, DOI 10.1080/00918369.2017.1320167, lire en ligne, consulté le )
  6. Benoît Vitkine, « La Russie durcit sa législation contre la propagande homosexuelle », sur Le Monde, .
  7. (en) « Russian authorities ordered removal of 4,333 pieces of content from Yandex streaming service in first nine months of 2023. », Meduza,‎ (lire en ligne)
  8. a b et c « Russie : le changement de genre rendu illégal par le Parlement », Têtu,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. « La Russie veut classer comme « extrémiste » le « mouvement de société international LGBT » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Pourquoi la Russie s’en prend particulièrement aux personnes LGBT depuis le début de la guerre en Ukraine », sur Le HuffPost, (consulté le )
  11. « En Russie, la Cour suprême bannit le « mouvement civil international LGBT » pour extrémisme », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. (en) « Police raid Moscow gay bars after a Supreme Court ruling labeled LGBTQ+ movement ‘extremist’ », Associated Press,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. (en) « Russian riot police raid another gay bar under ongoing crackdown on ‘LGBT movement’ », PinkNews,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « Russie : la police poursuit pour la première fois quelqu'un pour avoir publié des photos du drapeau arc-en-ciel », RTBF,‎ (lire en ligne)
  15. Benoît Vitkine, « En Russie, féminiser les noms, premier pas vers « l’extrémisme LGBT » pour la Cour suprême », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. (en) « Russia adds 'LGBT movement' to list of extremist and terrorist organisations », Reuters,‎ (lire en ligne)
  17. « Russie : la Cour suprême bannit le "mouvement international LGBT" pour extrémisme », sur Franceinfo, (consulté le )
  18. a et b « TÉMOIGNAGES. "Il faut être prudent quand on parle à des inconnus" : en Russie, la communauté LGBT vit dans la peur », sur Franceinfo, (consulté le )
  19. (en) « Russia: Officials target drag show in first-ever LGBTI-related ‘extremism’ case », sur Amnesty International, (consulté le )
  20. (en) The Moscow Times, « Russia Arrests Gay Club Managers in First LGBTQ+ ‘Extremism’ Criminal Case », sur The Moscow Times, (consulté le )
  21. Igor Petrov et Ksenia Kirichenko, "Discrimination based on sexual orientation and gender identity in Russia", rapport par le Moscow Helsinki Group en coopération avec le Russian LGBT Network, 2009.
  22. « En Russie, les personnes transgenres victimes de l’offensive de Poutine », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. a et b « La Russie adopte une loi répressive contre les personnes trans », sur KOMITID, (consulté le ).
  24. "Public opinion poll: Majority of Russians oppose gay marriages and a gay President but support ban on sexual orientation discrimination", GayRussia.Ru, 2005-05-19.
  25. "Same-Sex Marriage Nixed By Russians", Angus Reid Global Monitor, 2005-02-17.
  26. (en) « « Homosexual propaganda » law signals latest Russian crackdown », sur NBC News, (consulté le ).
  27. Fanny Marlier, « Arrestations, tortures... La Tchétchénie accusée de tuer des homosexuels », Les Inrockuptibles.com,‎ (lire en ligne).
  28. « La Tchétchénie accusée de persécuter des homosexuels », Le Monde,‎ (lire en ligne).

Voir aussi

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Articles connexes

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