Djézireh de Syrie

ancienne province syrienne

La Djézireh, Jazîra ou (la) Jezire (الجزيرة al-jazayra, « l’île » en arabe), partie du Nord de la Mésopotamie correspondant à la région géographique de la Haute Mésopotamie, est une ancienne province de Syrie située dans le Nord-Est de ce pays, le long des frontières avec la Turquie et l'Irak. Elle correspond quasiment à l'actuel gouvernorat d'Hassaké.

Localisation du gouvernorat d’Al-Hasaka correspondant approximativement à la Djézireh.

À l'époque du mandat français, sa population sédentaire était en grande partie composée de Kurdes, d’Assyro-chaldéen-syriaques et d’Arméniens, dont beaucoup étaient des réfugiés de Turquie et d’Irak, rescapés des divers génocides et massacres ethniques commis dans la région (notamment à Deir ez-Zor, au sud de la Djézireh) avant, pendant et à la suite de la Première Guerre mondiale.

Avec le Kurd Dagh (en) et la zone autour de Jarablous, la Haute-Djézireh était l'une des trois zones kurdes sous mandat français. Comme eux, les Djézireh de Syrie bordent d'autres territoires kurdes de Turquie et d'Irak[1]:251–252,[2]:456.

Histoire

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Historiquement, le Djézireh a été habité par des nomades kurdes et arabes. Les auteurs médiévaux situent le territoire des groupes kurdes dans le Djézireh syrienne, et la transhumance des Kurdes et des Arabes dans le Djézireh est constatée par Ibn Hawqal au Xe siècle. Le Djézireh était pâturage d'hiver pour les Kurdes et pâturage d'été pour les Arabes[3]:26–27.

Révolte autonomiste de 1937

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Le Djabal Kokab al Hasaka.

Pendant l’été 1937, sous le mandat français en Syrie, se produisit dans la région de Djézireh un « mouvement de réaction minoritaire », pour employer le langage officiel. Une des causes en fut le renvoi des hauts fonctionnaires syriaques de cette région par le gouvernement nationaliste de Damas en 1936, et leur remplacement par des musulmans venus de Damas, dont le gouverneur, Bhjat Chehabi, était très nationaliste et impopulaire. Ceci provoqua des protestations de la part des chefs locaux kurdes (en majorité) et syriaques. Le gouverneur fit alors intervenir la gendarmerie d’Al-Hasaka, ce qui entraîna un soulèvement des Syriaques de la ville, qui désarmèrent les gendarmes ; les fonctionnaires fuirent vers Damas. Finalement, les Français rétablirent l’ordre à Al-Hasaka.

Une délégation de notables kurdes et syriaques se rendit alors à Damas pour présenter ses revendications. En réaction, les chefs tribaux écartés par la France soulevèrent (avec l’aide financière de Damas) des tribus kurdes contre les chrétiens au nom de la solidarité musulmane à Amouda, mais toutes les tribus kurdes ne suivirent pas ce mouvement et certaines prirent parti pour les Syriaques. D’où nouvelle intervention franco-syrienne.

Un nouveau gouverneur fut nommé : Toufik Chamieh, un Arabe grec-orthodoxe de Damas. Les Français ne lui laissèrent que peu de marge de manœuvre, et les officiers français, ainsi que la gendarmerie, intervinrent fréquemment. Beaucoup de pouvoirs furent délégués aux municipalités et aux conseils locaux.

Cette époque vit se rompre la bonne entente entre Kurdes et Syriaques, mais ces derniers furent soutenus par les Bédouins arabes par refus de la centralisation damascène, et par certains Kurdes.

Pendant l’automne 1936, le gouvernement turc (qui n’avait pas tout à fait renoncé à recouvrer sa souveraineté au moins sur une partie de la Syrie, perdue en 1918) fit à des notables syriaques de la Djézireh la promesse secrète d’une restitution générale des biens des syriaques (dont beaucoup avaient fui la Turquie de Mustafa Kemal) en cas d’annexion de la province à la Turquie. Ceci provoqua localement un courant d’opinion pro-turc, et Damas adopta une attitude de plus en plus méfiante à l’égard des syriaques de Djézireh.

Parmi les autonomistes, on trouvait Michel Dôme (ar), président arménien catholique de la municipalité de Qameshlié, et le chef kurde Haci Ağa. Leurs arguments étaient les suivants : d’un côté, la Djézireh n’a été réunie que tardivement (1921) à la Syrie, car elle a été échangée entre la France et l’Empire ottoman contre la Cilicie (occupée par la France en 1918) ; mais d’un autre côté, c’est grâce à la France que la prospérité de la Djézireh a été assurée. Autres partisans de l’autonomie, le cardinal Tappouni, patriarche syriaque-catholique, et Mgr Hebbe, évêque syriaque-catholique de Djézireh « qui s'est mis très en vedette au cours des incidents d’Hassetché » (Al-Hasaka). Leurs revendications étaient : le maintien de fonctionnaires français en Djézireh pour contrôler les fonctionnaires syriens de Damas, et le maintien d’une partie des troupes françaises pour protéger les minorités[4],[5],[6]

Économie et agriculture

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La région est productrice de coton et de céréales selon des moyens restés très traditionnels. Elle est extrêmement dépendante de la distribution d'eau. Depuis les années 2000, la sécheresse et l'augmentation des prix du carburant pour les motopompes ont eu pour conséquence une réduction des zones cultivées[7].

La région possède des puits de pétrole. Ceux-ci assurent une autonomie énergétique à l'administration kurde de Rojava[7].

Notes et références

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  1. (en) Jordi Tejel, « The Complex and Dynamic Relationship of Syria’s Kurds with Syrian Borders: Continuities and Changes », dans Matthieu Cimino, Syria: Borders, Boundaries, and the State, Springer International Publishing, (ISBN 978-3-030-44876-9, DOI 10.1007/978-3-030-44877-6_11, lire en ligne), p. 243–267
    « Kurdish populations placed under the French Mandate occupied three narrow zones isolated from each other along the Turkish frontier: the Upper Jazira, Jarabulus, and Kurd Dagh. These three Kurdish enclaves constituted nevertheless a natural extension of Kurdish territory into Turkey and Iraq. »
  2. David McDowall, A Modern History of the Kurds, I.B. Tauris, (ISBN 978-0-7556-0076-2, 978-0-7556-0079-3 et 978-0-7556-0075-5, DOI 10.5040/9780755600762.ch-021, lire en ligne), chap. 21 (« Living apart in French and Independent Syria »), p. 453–476
    « (…) the three Kurdish regions – Kurd Dagh, the Upper Euphrates and the Upper Jazira – (…) »
  3. (en-GB) Boris James, « The Rise and Fall of the Kurdish Emirates (Fifteenth to Nineteenth Centuries) », dans Hamit Bozarslan, Cengiz Gunes et Veli Yadirgi, The Cambridge History of the Kurds, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-108-62371-1, DOI 10.1017/9781108623711.002, lire en ligne), p. 25–44 :

    « Medieval Arabic and Persian sources state that the main Kurdish groups lived anywhere between the Fars region in the east, and the Syrian Jazira in the west, and from Georgia in the north to Khuzistan in the south. » … « For several centuries the Kurdish transhumant population had been grazing their livestock in Djezireh and Shahrazûr during the wintertime. During the summer the Kurds made way for Arab tribes, while themselves moving further northward and eastward into Zûzan, the region north of Mosul near Lake Van. »

  4. Le texte de cette section est une synthèse de : (anonyme/confidentiel), « La situation des chrétiens de Syrie après les affaires de Djézireh », novembre 1937, Centre d'Études et d'Administration Musulmanes (CHEAM), Paris
  5. V. Vacca, « La questione dell'el-Gezirâh secondo il memoriale del Partito Communista Siriano », Oriente Moderno, 1938, 18, pp.197-211
  6. Jordi Tejel Gorgas, "Les territoires de marge de la Syrie mandataire : le mouvement autonomiste de la Haute Jazîra, paradoxes et ambiguïtés d’une intégration « nationale » inachevée (1936-1939)", Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 126, November 2009, p. 205-222
  7. a et b Un Kurdistan indépendant peut-il vraiment émerger du chaos syrien ?, entretien Fabrice Balanche, lefigaro.fr, 26/08/2016

Annexes

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Bibliographie

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  • Mohammed Talab Hilal, Étude sur la province de Djazira, du point de vue national, social et politique (traduit, introduit et annoté par I.S.Vanly), Damas, 1963
  • Robert Montagne, « Quelques aspects du peuplement de la Haute-Djéziré », in : Bulletin d'Études Orientalistes, 1932, t.II, pp. 53–66
  • V. Vacca, « La questione dell'el-Gezirâh secondo il memoriale del Partito Communista Siriano », in : Oriente Moderno, 1938, 18, pp. 197–211

Articles connexes

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