Didactique du droit
Une didactique du droit est une manière d'enseigner les pratiques et les sciences juridiques. Dans de nombreux pays, ces enseignements se font au sein d'écoles dédiées sous la forme d'un cursus d'études de droit. Il existe différentes méthodes pédagogiques : par exemple, en Allemagne, les disciples apprennent à rédiger des cas pratiques en suivant le Gutachtenstil, tandis que les facultés américaines utilisent la méthode des cas ou la méthode des recueils de jurisprudence. Une des questions didactiques majeures dans l'enseignement du droit est de savoir dans quelle mesure il est nécessaire de suivre la même formation pour apprendre les différents métiers du droit.
Histoire
modifierLes manières d'enseigner l'interprétation des normes et la pratique de la jurisprudence dans le monde ont été profondément influencées par le droit colonial appliqué par les empires européens à l'époque moderne[1].
Approches
modifierClinique
modifierTranssystémique
modifierL'approche transsystémique est une approche en droit comparé et une approche à la formation juridique qui fait une synthèse épistémique de la common law et du droit civil dans une perspective bijuridique. Il s'agit également de l'approche officielle d'enseignement du droit de la Faculté de droit de l'Université McGill[3]
Cette approche du droit a été beaucoup favorisée par les théoriciens du droit anglophones du Québec en tant que manière de repenser le droit dans un contexte de mondialisation et de pluralisme grandissants. Puisque le droit québécois est un droit mixte possédant deux traditions juridiques, le droit civil en droit privé et la common law en droit public, l'approche transsystémique permet de réfléchir concrètement sur la manière dont ces deux systèmes interagissent, voire entrent en collision. Selon les défenseurs les plus convaincus de l'approche transsysémtique, comme le professeur Harry W. Arthurs[4], en cette nouvelle ère de mondialisation, le droit serait désormais issu de la collision permanente entre les systèmes juridiques, hors de toute volonté souveraine du législateur, ce qui permet d'envisager le droit sous une perspective d'indétermination radicale.
L'approche transsystémique permet également de voir comment les concepts juridiques passent d'une culture juridique à une autre et se transforment par le fait même de leur passage. Cette théorisation du phénomène interculturel trouve également application dans le domaine de la traductologie ; par exemple, le théoricien du postcolonialisme Homi Bhabha utilise la notion de « traduction culturelle » pour décrire les processus interculturels de déplacement de concepts, de valeurs et d'idées qui engendrent le métissage culturel[5].
Dans un contexte plus large de droit canadien, l'approche transsystémique permet aussi d'analyser les similitudes et les différences entre le droit québécois et le droit des provinces de common law. Et puisque le gouvernement fédéral a adopté le bijuridisme dans la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil[6], il est désormais possible d'envisager le droit fédéral canadien sous l'angle de l'approche transsystémique.
Selon le professeur Pascal Ancel de l'Université du Luxembourg, il serait également loisible d'utiliser l'approche transsysémique dans un contexte européen, afin de dénationaliser l'enseignement du droit civil[7].
Toutefois, il faut bien noter qu'il existe des règles d'origine jurisprudentielle qui empêchent une utilisation excessive de l'approche transsystémique dans un contexte de décision judiciaire. Par exemple, dans l'arrêt Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd.[8] de la Cour suprême du Canada, il est dit de manière explicite qu'il faut éviter que des affaires de droit civil soient tranchées par des concepts de common law. Au Québec, le droit civil est souvent perçu comme étant en danger face à l'omniprésence de la common law en Amérique du Nord, et devant ce sentiment d'inquiétude, la Cour suprême a pris des mesures de politique judiciaire pour empêcher que les juges n'utilisent abusivement des concepts de common law pour résoudre des problèmes de droit civil.Havruta
modifierLa méthode d'étude Havruta, également écrit chavruta ou chavrusa (en araméen: חַבְרוּתָא « amitié » ou « fraternité »), est une méthode rabbinique traditionnelle pour l'étude du Talmud babylonien. Elle consiste pour deux élèves à analyser, commenter et discuter ensemble un texte partagé. C'est une méthode d'apprentissage pratiquée entre camarades de classe, par des élèves ayant des connaissances et des compétences similaires, mais des garçons et des hommes la pratiquent aussi en dehors de l'école, au travail, à la maison et en vacances. Il est traditionnel d'apprendre le Talmud babylonien avec un compagnon[9],[10].
Contrairement à une relation de maître à élève, dans laquelle l'élève répète et mémorise, l'apprentissage par la méthode havruta permet aux élèves d'analyser le texte, d'organiser leurs pensées, de développer des arguments logiques, et en même temps d'expliquer leur raisonnement, d'écouter les réponses de leurs partenaires et de questionner leurs propres idées, ce qui conduit souvent des idées complètement nouvelles sur la signification du texte. L'apprentissage par la méthode havruta est traditionnellement pratiqué par les hommes et les garçons, mais il est aussi devenu populaire dans les écoles féminines d'étude des textes talmudiques[9],[10].Recueils de jurisprudence
modifierCas
modifierRéférences
modifier- ↑ Decolonisation, anti-racism, and legal pedagogy: strategies, successes, and challenges, Routledge, coll. « Legal pedagogy », (ISBN 978-1-032-49824-9 et 978-1-032-50309-7)
- ↑ Eva Brems, « Le Human Rights Centre de l’Université de Gand a créé une legal clinic en droits de l’homme », sur Justice en ligne.be, (consulté le )
- ↑ (en) Yves-Marie Morissette, « McGill’s Integrated Civil and Common law Program », Journal of Legal Education, vol. 52, nos 1-2, , p. 22-28.
- ↑ Arthurs, Harry W. (September 25, 2009) “Law and Learning in an Era of Globalization”. (CLPE Research Paper No. 22/09. SSRN: http://ssrn.com/abstract=1478722).
- ↑ (en) Homi Bhabha, The Location of Culture, Londres, Routledge, .
- ↑ L.C. 2001, c. 4
- ↑ Pascal Ancel, « Quelle place pour le droit national dans l'enseignement du droit en Europe ? », Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, vol. 43, , p. 89-121.
- ↑ Cour suprême du Canada, Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd., (lire en ligne), [1982] 1 R.C.S. 452.
- www.myjewishlearning.com/
- www.aliyosyerushalayim.org/
- Christopher P. Banks, The American Legal Profession: The Myths and Realities of Practicing Law, Thousand Oaks, Publications SAGE, (ISBN 9781506333137, lire en ligne), p. 51
Bibliographie
modifier- (de) Jan Eickelberg, Didaktik für Juristen: Wissensvermittlung, Präsentationstechnik, Rhetorik, Verlag Franz Vahlen, (ISBN 978-3-8006-6121-3, lire en ligne)
- (de) Revue germanophone de didactique du droit
- (es) Revue chilienne de pédagogie du droit
- (pt-BR) Gilsilene Passon P. Francischetto, ENSINO JURÍDICO E PEDAGOGIA: busca de novos saberes, EDITORA CRV, (ISBN 978-85-62480-54-6, DOI 10.24824/978856248054.6)
- Karine Gilberg et Cédric Groulier, Former à la légistique: les nouveaux territoires de la pédagogie juridique, LexisNexis, (ISBN 978-2-7110-2871-9)
- Collectif, La pédagogie au service du droit, Presses de l’Université Toulouse Capitole, (ISBN 978-2-37928-006-1, lire en ligne)
- Agnès de Luget, Magalie Flores-Lonjou et Céline Laronde-Clérac, Quelle pédagogie pour l'étudiant juriste ?: Expérimentations, modélisations, circulation, Primento, (ISBN 978-2-8027-3896-1, lire en ligne)
- Véronique Champeil-Desplats et Thomas Acar, Pédagogie et droits de l’homme, Presses universitaires de Paris Ouest, (ISBN 978-2-8218-5108-5, lire en ligne)
- Massimo Vogliotti, Pour une nouvelle éducation juridique, Editions L'Harmattan, (ISBN 978-2-343-10744-8, lire en ligne)
- Démoulages: du carcan de l'enseignement du droit vers une éducation juridique, Société de législation comparée, coll. « Collection de l'UMR de droit comparé de Paris (Université Paris 1/CNRS-UMR 8103) », (ISBN 978-2-36517-053-6, présentation en ligne)