Communes insurrectionnelles en France en 1870-1871
Les communes insurrectionnelles en France en 1870-1871 sont des communes ayant la particularité de refuser à la fois la capitulation française face à Bismarck et la soumission à l'autorité du gouvernement de Versailles, en prônant, contre ce dernier, une nouvelle organisation de la République française basée sur la démocratie directe aussi qualifiée de communalisme. Il s'agit principalement de communes urbaines organisées militairement autour de la Garde nationale. Si les premières communes à se soulever sont la Commune de Lyon et la Commune de Marseille, la plus importante fut la Commune de Paris. La Commune de Saint-Étienne, la Commune de Narbonne et la Commune du Creusot furent également des communes importantes mais d'autres communes françaises connurent aussi des mouvements insurrectionnels à la suite de la guerre franco-allemande de 1870[1],[2].
Elles sont écrasées militairement par le gouvernement de Versailles lors de la campagne de 1871 à l'intérieur, le dernier épisode de guerre civile d'importance qu'ait connue la France, dont la Semaine sanglante demeure fortement ancrée dans la mémoire collective.
Chronologie
modifierLa première Commune est celle de Lyon, où la nouvelle République est proclamée en avance sur Paris, le au matin. Elle dure jusqu'en janvier de l'année suivante[3], avant de reprendre de mars à avril[4]. Elle est suivie par celle de Marseille, mise en place le et présidée par Adolphe Joseph Carcassonne[5],[6], avant que le pouvoir ne soit repris par le préfet Alphonse Gent[7].
Après la proclamation de la Commune de Paris le , les Communes de provinces se développent plus rapidement, mais sont de courte durée[8] :
- à Marseille, une seconde a lieu du au sous le commandement de Gaston Crémieux[3],[5] ;
- à Saint-Étienne, l'insurrection ne dure que quelques jours du au [3][9] ;
- à Narbonne[10] du au , proclamée et dirigée par Émile Digeon ;
- à Toulouse du au ;
- à Perpignan le ;
- au Creusot le par Jean-Baptiste Dumay[3] ;
- à Grenoble le ;
- à Bordeaux du au [11],[12] ;
- à Nîmes le [13].
D'autres soulèvements ont lieu à Limoges[14],[15], Périgueux, Cuers, Foix, Rouen ou au Havre[8].
Le gouvernement de Versailles réussit à réprimer ces menées lors de la campagne de 1871 à l'intérieur.
Liste détaillée
modifierCommunes listées par ordre alphabétique.
Brest
modifierEn , un ouvrier du nom de Constant Le Doré appela à suivre l'exemple de Paris, Lyon et Marseille et à créer une commune ; il constitua un comité autour de lui, mais tous furent arrêtés quelques jours plus tard et traduits en conseil de guerre le , où Le Doré et Coupat, considérés comme les meneurs, furent condamnés à deux ans de prison[16].
Le Creusot (26 - 28 mars 1871)
modifierLa Commune du Creusot est une commune insurrectionnelle éphémère proclamée au Creusot (Saône-et-Loire) par Jean-Baptiste Dumay le et réprimée deux jours plus tard.
Lyon (4 septembre 1870 - 1er mai 1871)
modifierLe , à la suite de la défaite de Sedan, un comité de militants radicaux s'empare de l’hôtel de ville et proclame la République. L'Association internationale des travailleurs devient bientôt impliquée par des activistes tels que Bakounine, fondant un « Comité du salut de la France ». Ils sont réduits le suivant[17],[18].
Dans la nuit du au , l'hôtel de ville est une nouvelle fois envahi avec l'aide d'acteurs du et autres fonctionnaires de la première commune. Le 25, le maire Jacques-Louis Hénon annonce la venue des défenseurs de Belfort, ce qui met fin à l'insurrection[19][4].
La Guillotière, bastion du mouvement insurrectionnel, maintient le drapeau rouge à sa mairie ; le , à l'appel notamment de Gaston Caulet du Tayac, délégué de la Commune de Paris, des gardes nationaux empêchent la tenue des élections au conseil municipal régulier et la population érige des barricades, opposant une résistance armée contre les forces armées avant d'être vaincus le même soir[19][4].
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Prise de l'hôtel de ville de Lyon le 4 septembre 1870 et proclamation de la République, point de départ de la Commune de Lyon.
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Derniers combats de l'armée contre les insurgés retranchés autour de la mairie de La Guillotière, les 30 avril et 1er mai 1871.
Marseille (22 mars - 5 avril 1871)
modifierDéjà le , une insurrection menée par Gaston Crémieux, Émile Bouchet, Maurice Rouvier et Gustave Naquet s'empara de la préfecture et, le lendemain, de la mairie. Ils furent arrêtés et, vers la fin du mois, condamnés par un conseil de guerre à des peines ne dépassant pas un an d'emprisonnement.
Ces insurgés furent libérés à la suite du , proclamation de la République, sous les acclamations de la foule ; les républicains les plus avancés, regroupés dans la Ligue du Midi, avec Crémieux à leur tête, se trouvèrent bientôt en porte-à-faux avec le gouvernement provisoire. Le , une seconde insurrection éclata, et une Commune proclamée, Alphonse Esquiros prenant la tête de la Commission municipale. Le préfet Alphonse Gent parvint à reprendre les choses en main et, le , il télégraphia au gouvernement provisoire que l'ordre était revenu[7].
Quatre jours après le début de l'insurrection parisienne, une troisième insurrection eut lieu le , menée par Crémieux aux côtés de Clovis Hugues brandissant le drapeau rouge. La foule s'empare de la préfecture, d'où Crémieux proclame la solidarité avec Paris, d'où des représentants viennent pour les aider.
Crémieux doit alors manœuvrer entre les dissensions internes, son souci de maintenir l'ordre et les services publics et la désertion de nombreux fonctionnaires.
Finalement, le , le général Henri Espivent de la Villesboisnet marcha sur Marseille et réprima la Commune. Ses troupes victorieuses défileront le lendemain aux cris de « Vive Jésus ! Vive le Sacré-Cœur ! ». Une fois l'autorité gouvernementale rétablie par la force, les clubs sont fermés, la Garde nationale désarmée et dissoute, et la censure rétablie. Cinq ans d'« Ordre moral » commencent.
Crémieux sera, lui, fusillé le sur la demande insistante d'Espivent.
Narbonne (24 - 31 mars 1871)
modifierÀ la suite du soulèvement parisien du , des éléments du « club de la Révolution » firent appel à Émile Digeon pour diriger une insurrection populaire et, du au , s'emparèrent des arrondissements centraux de la ville, ralliant des troupes à leur cause[10],[20],[21].
Dans la nuit du 29 au 30, des troupes versaillaises menées par le général Louis Adolphe Zentz d'Alnois réduisirent l'insurrection, et les principaux acteurs furent traduits devant des tribunaux civils et militaires.
Paris (18 mars - 28 mai 1871)
modifierLa Commune de Paris est l'exemple le plus connu, ainsi que le plus abouti, de ces communes insurrectionnelles.
Elle débute lors du soulèvement du , quand les Gardes nationaux récupèrent les canons de Montmartre, payés par les Parisiens, et saisis par l'armée aux ordres d'Adolphe Thiers.
La Commune finit écrasée par les troupes versaillaises au cours de la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871.
Saint-Étienne (24 - 28 mars 1871)
modifierÀ la suite de l'insurrection parisienne, des sympathisants tinrent des réunions ; cinq jours plus tard, le , à la suite de la Commune de Lyon, une délégation réclama la démission du conseil municipal. Devant son refus, le lendemain, la foule envahit l’hôtel de ville et la Commune est proclamée ; les gardes nationaux envoyée par le préfet Henri de L'Espée se rallient à l'insurrection, et le préfet L'Espée mourut le dans des circonstances indéterminées, ce qui fit perdre au mouvement son soutien populaire.
Sans plus aucune existence réelle, le Comité révolutionnaire se rendit, sans combattre, le . Des dizaines de participants furent condamnés à la déportation.
Toulouse (25 - 27 mars 1871)
modifierLe , sur le Capitole, l’acteur Saint-Gaudens, capitaine de la Garde nationale, lit à pleins poumons la « déclaration de la Commune révolutionnaire de Toulouse » rédigée par Armand Duportal, qui essaya plus tard de temporiser avec Versailles, affirmant que l'ordre public n'avait pas été troublé. De son côté, le trésorier-payeur général royaliste François de Carbonel constitua un « bataillon de l'ordre »[22].
Les appels au calme du procureur de la République Louis Delcurrou empêchèrent toute effusion de sang, l'armée régulière reprit la préfecture et la mairie le , et Edmond Valette, l'un des officiers ayant participé au mouvement, fut nommé maire provisoire[22].
Besançon
modifierLa Commune de Besançon n'est restée qu'au stade de projet, mais fut véritablement conçue et préparée par les partisans révolutionnaires secondés de la future Fédération jurassienne. Alors que de nombreux notables témoignent d'un contexte insurrectionnel et que des soutiens armés venus de Suisse s'organisent, les correspondances laissées entre autres par James Guillaume et Mikhaïl Bakounine font état d'un déclenchement espéré entre fin mai et début . Avec le début de la Semaine sanglante, toute tentative comtoise se voit néanmoins sérieusement compromise et finalement abandonnée.
Notes et références
modifier- Maurice Moissonnier, « LA PROVINCE ET LA COMMUNE », International Review of Social History, vol. 17, no 1, , p. 151–182 (ISSN 0020-8590, lire en ligne, consulté le )
- Jean-Pierre Azéma, « Jeanne Gaillard, Communes de province, Commune de Paris 1870-1871 », Annales, vol. 27, no 2, , p. 503–504 (lire en ligne, consulté le )
- Lejeune 2016, p. 38
- Lejeune 2016, p. 18
- Ben Cahoon, « France », sur World Statesmen.org (consulté le ).
- « 1871 : proclamation et chute de la Commune de Marseille », sur RetroNews, (consulté le )
- Lejeune 2016, p. 17
- René Bianco, « 1871, la Commune… en province - Archives du Monde libertaire », Le Monde libertaire, (consulté le ).
- « La Commune de Saint-Étienne », sur forez-info.com (consulté le )
- Marc César, La Commune de Narbonne (mars 1871), Presses universitaires de Perpignan, coll. « Études », , 305 p. (ISBN 978-2-35412-316-1, lire en ligne).
- Hubert Bonin, « Il y a 150 ans, la Commune de Bordeaux en écho à celle de Paris », sur sudouest.fr, Sud Ouest, (consulté le ).
- « Paul Lafargue, retour à coup d'archives sur une figure révolutionnaire de Bordeaux pendant la Commune - La Grappe », sur lagrappe.info, (consulté le ).
- Raymond Huard, « Un échec du mouvement communaliste provincial : le cas de Nîmes » (consulté le ).
- Jules Guesde, La Commune de 1871, , 53 p. (lire sur Wikisource), p. 33.
- P. Cousteix, « La Commune de Limoges », L'Actualité de l'histoire, no 15, , p. 28–32 (ISSN 0398-8120, DOI 10.2307/3776961, lire en ligne, consulté le )
- « 1871. Les Bretons et la Commune », sur Le Télégramme, (consulté le )
- Bruno Benoit, « EVENEMENTS/La Commune de Lyon (1870-1871) », sur Histoires lyonnaises (consulté le )
- Louis Andrieux, « La Commune à Lyon en 1870 », Revue des Deux Mondes, , p. 757–785 (lire en ligne, consulté le )
- Julian Archer, « La Commune de Lyon (mars-avril 1871) », Le Mouvement social, no 77, , p. 5–47 (ISSN 0027-2671, DOI 10.2307/3807010, lire en ligne, consulté le )
- « Insurrection et proclamation de la Commune, à Narbonne (Aude), du 24 au 31 mars 1871 ; défection de la troupe (dispersion de l'émeute par une décharge de tirailleurs algériens). | mai 1871-mai 1882 », sur FranceArchives (consulté le )
- « Quand Narbonne suivait Paris sur les barricades… », sur midilibre.fr (consulté le )
- « Histoire. Le récit de l’éphémère Commune de Toulouse de 1871 », sur actu.fr (consulté le )
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Jeanne Gaillard, Communes de province, Commune de Paris (1870-1871), Flammarion, , 186 p.
- [Lejeune2016] Dominique Lejeune, La France des débuts de la IIIe République, 1870-1896,