Bismuthinite

minéral: sulfure de bismuth (III)

La bismuthinite est une espèce minérale correspondant au sulfure de bismuth(III) ou sesquisulfure de bismuth de formule Bi2S3. Ce minéral relativement rare, caractéristique de l'élément bismuth, peut contenir des traces des éléments Pb, Cu, Fe, As, Sb, Se, Te.

Bismuthinite
Catégorie II : sulfures et sulfosels[1]
Image illustrative de l’article Bismuthinite
Bismuthinite - Schlaggenwald (Horni Slavkov) - Bohème - Tchéquie (X 1,1 cm)
Général
Nom IUPAC Sulfure de bismuth(III)
Numéro CAS 12233-37-3
Classe de Strunz
Classe de Dana
Formule chimique Bi2S3 Bi2S3
Identification
Masse formulaire[2] 514,156 ± 0,015 uma
Bi 81,29 %, S 18,71 %,
Couleur gris de plomb à blanc d'argent (ternissant jaune irisé), voire blanc d'étain, parfois bleuâtre, toujours irisé après ternissement oxydant.
Système cristallin Orthorhombique
Réseau de Bravais Primitif P
a = 11,12 Å ;
b = 11,25 Å ;
c = 3,97 Å  ;
Z = 4,
V = 496,65 Å3
Classe cristalline et groupe d'espace Holoédrie orthorhombique
dipyramidale
2/m 2/m 2/m;
Pbnm
Clivage Parfait sur {010}, imparfaits sur {100} {110}
Cassure irrégulière
Habitus rares cristaux prismatiques, trapus à aciculaires, allongés et striés parallèlement à {001}, c'est-à-dire dans le sens de la longueur qui peut atteindre exceptionnellement 12 cm; rares cristaux bipyramidaux, cristaux tabulaires extrêmement rares ; agrégats entrelacés, souvent lâches ou espacés, d'aiguilles ou de cristaux aciculaires sans faces terminales, agrégats granulaires ou lamellaires parfois radiés ; généralement en masses clivables ou fibreuses, foliacées, compactes ou rayonnées.
Échelle de Mohs 2 à 2,5
Trait gris sombre, gris de plomb, gris
Éclat métallique
Propriétés optiques
Fluorescence ultraviolet non fluorescent
Transparence opaque
Propriétés chimiques
Densité 6,78 (6 à 7,2) (densité calculée avoisinant 6,81)
Température de fusion 685 °C
Fusibilité Fond à la bougie
Solubilité dans l'acide nitrique chaud, mais réaction de décomposition observable par floculation de soufre
Impuretés Pb, Cu, Fe, As, Sb, Se, Te
Propriétés physiques
Magnétisme aucun

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Découverte dans les filons hydrothermaux de haute température, le plus souvent en masses clivables, à textures foliacées ou fibreuses, elle est communément associée au bismuth natif Bi et à divers sulfures, dont certains lui sont apparentés comme la stibnite ou stibine Sb2S3 et l'orpiment As2S3.

Inventeur et étymologie

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L'espèce a été décrite d'abord par le baron suédois Axel Fredrik Cronstedt in 1758 avec l'appellation latine visimutum sulphure mineralisatum (soit la minéralisation du sulfure de bismuth) dans ses Observations minéralogiques. Elle est surtout décrite à nouveau et pleinement renommée en français technique "bismuthine" par François Sulpice Beudant en 1832[3]. Le nom choisi dérive de l'élément métal constituant, du latin "bisemutum", qui accompagne parfois le minéral à l'état natif[4]. L'accolement du suffixe minéralogique -ite s'est imposé en suivant l'idée normalisatrice du classificateur américain James Dwight Dana, également proposée en 1868 pour ne pas amplifier la confusion avec la bismite (oxyde de bismuth) et la bismutite (carbonate de bismuth basique), que la bismuthinite engendre par oxydation progressive.

Topotype

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La mine de Llallagua, Huanuni, Tazna Potosi Bolivie.

Synonymie[5]

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Bismuth-glance, mine du mont Biggenden, Queensland, Australie (3.0 x 2.5 x 2.0 cm)
  • bismuthine. Ce mot parfaitement synonyme est devenu en partie obsolète à cause de son ambivalence : il représente communément le bismuthane ou hydrure de bismuth BiH3 en chimie minérale.
  • bismutholamprite, adaptation de la dénomination anglaise bismuth-glance ou germanique Wismuthglanz, cette dernière formulée par le minéralogiste Abraham Gottlob Werner en 1789. La bismuthinite était supposée être reconnue par le lustre, l'éclat ou la brillance métallique du métal bismuth qu'elle recelait, l'adjectif allemand metallglänzend indiquant simplement une luisance ou brillance métallique[6].
  • bismutinite
  • csiklovaite (parfois aussi le plus souvent mélange minéral, lire infra)

Propriétés physique et chimiques

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La bismuthine opaque, à éclat métallique est tendre, lourde de densité supérieur à 6 et inférieur à 6,8, elle est parfaitement clivable, en particulier souvent à l'ongle d'un doigt. Pour les structures en aiguilles ou en pointes aciculaires, le clivage est parallèle à l'axe d'allongement des aiguilles.

Sa couleur gris de plomb est plus claire que la stibine. L'oxydation à l'air lui a confère des teintes irisées. La bismuthinite s'oxyde le plus souvent en bismuthite.

Elle fond à la bougie comme la stibine. Chauffée, elle forme des globules sphériques. Elle ne devient pas liquide, mais se volatilise complètement lors de la fusion.

Elle est soluble dans l'acide nitrique à chaud. La floculation en soufre au degré d'oxydation 0 se remarque, et il se forme le sous-nitrate de bismuth.

Cristallographie

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Structure cristalline de la bismuthinite, en jaune les atomes de soufre, en gris ceux de bismuth dans la maille

Les cristaux minces et allongés, rarement prismatiques, sont flexibles, mais non élastiques et parfaitement sectiles[7]. Le clivage est net.

  • Paramètres de la maille conventionnelle : a = 11.13, b = 11.27, c = 3.97, Z = 4 ; V = 497.98
  • Densité calculée = 6,86

Cristallochimie

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Elle forme une série avec l’aïkinite (PbCuBiS3), d'une part et avec la stibine d'autre part.

Dans la classification de Dana, la bismuthine fait partie du groupe de la stibine qui comporte :

Ces quatre minéraux de formules chimiques semblables présentent des symétries cristallines identiques[8].

Dans la classification de Strunz, le groupe de la stibine ou stibnite élargie comporte par ordre :

  • l'antimonsélite
  • la bismuthinite
  • la guanajuatite
  • la métastibine ou métastibnite Sb2S3, amorphe
  • la stibine ou stibnite

La bismuthinite peut former des solutions solides avec la stibine.

Gîtologie

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Il s'agit d'un minéral typique des veines hydrothermales à moyenne ou haute température. Il est également présent dans les pegmatites granitiques, par exemple au Canada et au Mexique, où elle peut être associée à la tourmaline dans les filons recelant du cuivre.

Il se trouve aussi dans les rejets et dépôts laissés par des fumées et gaz volcaniques récents.

Elle est associée, dans les veines hydrothermales, au bismuth natif et aux divers dérivés du bismuth, de l'antimoine ou de l'arsenic, aux divers minéraux comprenant les éléments argent, étain ou cobalt, cuivre, plomb et fer. En ce qui concerne l'étain, l'ancienne collection de Robert W. Whitmore sur les anciennes mines de Cornouailles dévoilait des échantillons, à première vue d'apparence banale avec la plupart des facettes quelconques ou grossièrement quartzeuses, mais avec une facette surprenante montant une insertion de bismuthinite en constellation d'aiguilles, de tiges ou de lamelles étroites cristallines.

Elle est ainsi souvent associée à l'hématite et à la sidérite, à l'aïkinite, à l'arsénopyrite, à la stannite, à la galène, à la pyrite, à la chalcopyrite, à la wolframite, à la cassitérite, à la fluorine, au quartz et à la calcite.

Par sa dégradation, elle est associée à la bismutite et à la bismite.

Variétés et mélanges

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3 variétés reconnues

  • bismuthinite antimonifère - Mines de Vena, Hammar, Åmmeberg, Askersund, Närke, Suède [9]
  • bismuthinite argentifère - Huangsha W-(Cu) deposit, Yudu., Ganzhou, Jiangxi, Chine [10]
  • horobetsuite - Mine d'Horobetsu, Iburi, Hokkaido, Japon (plusieurs occurrences mondiales de cette variété contenant de l'antimoine)[11].

3 mélanges connus

  • cheleutite (Synonyme : kerstenite ou kersténite (Haidinger)) qui est un mélange de bismuthinite et de smaltite[12].
  • csiklovaïte qui désigne en fait un mélange de tétradymite, bismuthinite, et galenobismutite, déclassée du rang d'espèce en 1991 par l'IMA.
  • dognacskaïte ou dognacskite décrite par Jòzsef Krenner en 1884; en référence à la localité hongroise de Dognàcska. Espèce déclassée comme mélange de bismuthinite et de chalcocite.

Gisements remarquables

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En France

Dans le monde

  • Allemagne
Schneeberg, Altenberg ou Johann-Georgenstadt, Saxe
  • Australie
mine du Mont Biggenden, Queensland
 
Bismuthinite lamellaire (2,9 x 1,9 x 1,5 cm), mine San Baldomera, La Paz, Bolivie
Cerro Rico, Potosí, département de Potosí
Huaina ou Huanuni (grands cristaux), districts de Llallagua, Tasna ou Tazna, Chorolque, département de Potosí
ancienne mine San Baldomero[1], Sorata, Province de Larecaja, Département de La Paz
  • Canada
Jonquière, Québec
mine Jersey, district de Salmo, Colombie britannique
Mine de Shangbao, district de Leiyang, préfecture d'Hengyang ou Yaogangxian Tungsten Mine, district de Yizhang, Province du Hunan
  • États-Unis (beaux cristaux)
Californie
Colorado
Dakota du Sud
mine Victoria, district Dolly Varden, comté d'Elko ; dans les mines du district aurifères du comté Esmeralda, Nevada
Holts Ledge, Lyme, état du New Hampshire[16]
Marysvale, Piute County, Utah
  • Grande-Bretagne
anciennes mines d'étain, par exemple Fowey Consol's mine, Tywardreath, Saint Austell district, Cornouailles, Angleterre
 
Aiguilles de bismuthinite jusqu'à 7 mm noyées dans du quartz, anciennes mines de Cornouailles.
Brandy Gill dans les Caldbeck Fells, Cumberland (bismuthinite piégée dans les quartz blancs avec molybdénite et apatite)
  • Grèce
mine de l'île Serifos, archipel des Cyclades
  • Hongrie
Rezbanya
  • Italie
île d'Elbe
Mine de Brosso et Cálea, Lessolo/Brosso, pays Canavais, province de Turin, Piémont
Sardaigne
  • Japon
  • Mexique
Guanajuato
  • Madagascar
Fefena
Ampangabe
  • Norvège
Carrière de Landsverk 3 (avec la thortveitite), Evje og Hornnes, comté d'Aust-Agder (Agder oriental)
  • Pérou
Cerro de Pasco
Horní Slavkov (Schlaggenwald), Région de Karlovy Vary, Bohême
  • Roumanie
Moravicza and Baita (Rezbanya)
  • Suède
Riddarhyttan ou Riddarhytta, Västmanland
Ädelfors, Jönköpings län
  • Tchéquie
Joachimsthal

Utilité

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Il s'agit du principal minerai direct du métal ou corps simple bismuth, mais elle est en pratique assez peu utilisée mise à part en Amérique du Sud.

Elle peut être assez recherchée par les collectionneurs en minéralogie. Le quartz rose à bismuthinite, taillés en cabochon, sont appréciés en joaillerie. Cette silice qui contient des inclusions de bismuthinite, le plus souvent rectilignes, peuvent provenir de Madagascar[17].

Notes et références

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  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. François Sulpice Beudant, Sulfures de bismuth. Bismuthine, dans son Traité Élémentaire de Minéralogie, second tome, Paris 1832, p. 418–421PDF 238,3 kB
  4. MINER Database von Jacques Lapaire - Minéraux et étymologie
  5. « Index alphabétique de nomenclature minéralogique » BRGM
  6. Or un grand nombre de minéraux sulfures peuvent posséder cet aspect métallique. Toutefois mineurs et métallurgistes saxons prétendaient la reconnaître au premier coup d'œil, grâce à leur expérience du métier incluant la connaissance du gîte d'extraction ou la conduite de la réduction en bismuth métal.
  7. Il existe assez souvent des cristaux plus ou moins tordus ou biscornus, ou entièrement mal formés.
  8. Notez que la stibnite isomorphe qui lui ressemble malgré sa couleur foncée et ses cristaux de conformation tabulaire épaisse ou bien plus robuste, n'est pas forcément commune dans les gîtes de la bismuthite.
  9. (en) Charles Palache, Harry Berman et Clifford Frondel, The System of Mineralogy of James Dwight Dana and Edward Salisbury Dana, Yale University 1837–1892, vol. I : Elements, Sulfides, Sulfosalts, Oxides, New York (NY), John Wiley & Sons, , 7e éd., 834 p. (ISBN 978-0471192398), p. 447
  10. Wu, C.Y., Bai, G., and Xu, L.M. (2006): Types and distribution of silver ore deposits in China. Mineralium Deposita 28(4), 223-239.
  11. Hayase, K. (1955) Mineral. Journ. 1: 189-197.
  12. (en) Charles Palache, Harry Berman et Clifford Frondel, The System of Mineralogy of James Dwight Dana and Edward Salisbury Dana, Yale University 1837–1892, vol. I : Elements, Sulfides, Sulfosalts, Oxides, New York (NY), John Wiley & Sons, , 7e éd., 834 p. (ISBN 978-0471192398), p. 344
  13. Werner, A.B.T., Sinclair, W.D., and Amey, E.B. (1998): US Geological Survey Circular 930-O.
  14. C.R. Acad. Sciences Paris, Série II, 1988, 307(10), 1231-1236
  15. François Pillard, Louis Chauris, Claude Laforêt, Inventaire minéralogique de la France n°13 - Ille-et-Vilaine, Éditions du BRGM, 1985, p. 60-66
  16. aperçu des spécimens collectés par Tom Mortimer
  17. Jaroslav Hyrsl et Fabrice Danet, opus cité.

Bibliographie

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  • K. Bent et H. Nielsen, "Experimental S isotope fractionation studies between coexisting bismuthinite (Bi2S3) and sulfur (S°)", Earth and Planetary Science Letters, Volume 59, Issue 1, June 1982, pp 18-20
  • Zhan-fang Cao, Ming-ming Wang, Hong Zhong, Na Chen, Liu-yin Xia, Fan Fan, Guang-yi Liu, Shuai Wang, "Purification of bismuthinite concentrate by selective electro-oxidation of molybdenite", Hydrometallurgy, Volume 154, April 2015, pp95–101.
  • Jaroslav Hyrsl et Fabrice Danet, "Bismuthinite Inclusions in Rose Quartz from Madagascar",Gems & Gemology, Vol. 41, No. 2, été 2005, article.
  • Alfred Lacroix, Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d'Outremer, description physique et chimique des minéraux, étude des conditions géologiques et de leurs gisements, 6 volumes, Librairie du Muséum, Paris, 1977, réédition de l'ouvrage initié à Paris en 1892 en un premier tome. En particulier, pour la bismuthinite décrit dans le second volume, p. 459 et suivantes, dans le quatrième volume, p. 840.
  • Virgil W. Lueth, Philip C. Goodell et Nicholas E. Pingitore, "Encoding the evolution of ore system in bismuthinite-stibnite compositions; Julcani, Peru", Economic Geology, volume 85 n°7, pp 1462-1472, premier [2].
  • Annibale Montana, R, Crespi, G. Liborio, Minéraux et roches, éditions Fernand Nathan, Paris, 1981, 608 pages. § 16.
  • Henri-Jean Schubnel, avec Jean-François Pollin, Jacques Skrok, Larousse des Minéraux, sous la coordination de Gérard Germain, Éditions Larousse, Paris, 1981, 364 p. (ISBN 2-03-518201-8). Entrée "bismuthinite" p. 89.
  • Roland Perrot, Guy Roger, "sulfures et sulfosels naturels", Encyclopædia Universalis, 2001 [3]

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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