Affaire André Fort et Pierre de Castelet

affaire judiciaire

L'affaire André Fort et Pierre de Castelet concerne l'évêque du diocèse d'Orléans, André Fort, condamné en novembre 2018 à huit mois de prison avec sursis, pour ne pas avoir signalé à la justice les abus sexuels de l'abbé Pierre de Castelet, lui-même condamné lors du même procès à trois ans d'emprisonnement, dont deux ferme, pour des agressions sexuelles sur mineurs.

Affaire André Fort et Pierre de Castelet
Fait reproché Pédocriminalité
Chefs d'accusation Agressions sexuelles sur mineurs (Pierre de Castelet) et non-dénonciation (André Fort)
Pays Drapeau de la France France
Ville Orléans
Date 1993
Nombre de victimes Trois
Jugement
Statut Affaire jugée, huit mois de prison avec sursis pour André Fort et trois années d'emprisonnement dont deux ferme pour Pierre de Castelet
Date du jugement 22 novembre 2018
Recours Non

André Fort est le second évêque français à être condamné pour non-dénonciation d'abus sexuels sur mineurs après, en 2001, Pierre Pican, évêque du diocèse de Bayeux et Lisieux.

Historique

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En juillet 1993, le diocèse d'Orléans est informé de possibles agressions sexuelles commises par l'abbé Pierre de Castelet lors d'un camp de vacances dans les Pyrénées. Les évêques successifs du diocèse, René-Lucien Picandet, Gérard Daucourt et André Fort, maintiennent le prêtre dans ses fonctions[1],[2]. Lors de son procès en 2018, Pierre de Castelet confirme que sa « hiérarchie savait »[3].

En 2008, Olivier Savignac dénonce, dans un courrier adressé au diocèse d'Orléans, des attouchements sexuels subis en 1993 – alors qu'il avait 13 ans[4],[5] – de la part de Pierre de Castelet. Ces agressions se sont déroulées lors d'un camp dans le sud-ouest de la France du Mouvement eucharistique des jeunes où l'abbé est alors aumônier[6].

Sans réponse à son courrier, Olivier Savignac décide en septembre 2010 de rencontrer André Fort, évêque d'Orléans qui s'engage à agir sur le dossier et accède à sa demande d'une expertise psychiatrique du prêtre[7]. Mais un an plus tard, Olivier Savignac découvre que Pierre de Castelet est toujours en fonction auprès de mineurs, notamment chez les Scouts d'Europe : « Il m'avait promis de prendre des mesures mais je me suis aperçu en cherchant sur internet qu'il était toujours au contact d’enfants et même qu’il donnait des conférences sur la pédophilie dans l'Église »[5],[6],[7].

Olivier Savignac se rend à nouveau à l'évêché d'Orléans pour exiger que le prêtre soit dénoncé à la justice. Jacques Blaquart, nouvellement nommé à la tête du diocèse, le reçoit et transmet sa plainte au procureur[7]. Une enquête préliminaire est ouverte et Pierre de Castelet est mis en examen en 2012[5],[8].

André Fort est également mis en examen en juin 2017 pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels du prêtre alors qu'il en avait eu connaissance en 2010 par trois victimes de Pierre de Castelet[8],[9].

L'instruction va durer pratiquement sept ans. L'avocat Edmond-Claude Fréty, conseil des parties civiles, considère « que l'instruction a été lente et compliquée car elle mettait en cause la hiérarchie du prêtre »[5][source secondaire souhaitée].

Le , Pierre de Castelet et André Fort sont jugés conjointement par le tribunal correctionnel d’Orléans[10]. Toutefois, invoquant un problème de santé, l'évêque, âgé de 83 ans, ne se présente pas à l'audience[3]. Le procureur de la République commente ainsi : « J'aurais pu envoyer le médecin légiste pour vérifier la maladie. Je le faisais avec les mafieux corses. Je ne me voyais pas le faire avec un évêque »[11]. Il requiert pour André Fort un an de prison ferme avec mandat d'arrêt[12].

Le , André Fort est condamné à huit mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’abus sexuels sur mineurs[13],[N 1] et Pierre de Castelet est condamné à trois années d'emprisonnement dont deux ferme[15].

En 2021, après avoir reconnu les agressions devant un juge canonique[16], Pierre de Castelet renonce de lui-même à l'état clérical, de même qu'un autre prêtre coupable de viols et d'agressions sexuelles, Olivier de Scitivaux. Sa décision est acceptée par la Congrégation pour la doctrine de la foi[17].

Affaire collatérale

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Alors qu'André Fort est évêque du diocèse de Perpignan-Elne, il est informé en juillet 1997 des agressions sexuelles du prêtre Francis Braem. Après s'être contenté de conseiller au prêtre de se dénoncer à la justice, il le déplace dans l'Hérault. Finalement, c'est la famille de l'une des victimes qui porte plainte. Francis Braem est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis pour agressions sexuelles sur mineurs. Huit victimes du prêtre se sont fait connaître pour des agressions commises entre 1992 et 1998[18],[19].

Notes et références

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  1. André Fort a reçu les signalements de personnes majeures sur des faits dont elles ont été victimes alors qu'elles étaient mineures. À la suite de l'affaire Philippe Barbarin, la jurisprudence évolue. En effet la non-dénonciation ne s’étend pas à la confidence reçue d’un majeur sur des faits subis alors qu’il était mineur, dès lors que la victime apparaît en mesure de dénoncer elle-même les faits[14]

Références

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  1. Lebrun 2019, p. 125
  2. Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse.2017, p. 363.
  3. a et b Lebrun 2019, p. 118.
  4. « Le combat d'un Aveyronnais à l'origine du procès d'un prêtre accusé de pédophilie », sur France 3 Occitanie (consulté le )
  5. a b c et d « Comptes rendus de la MCI répression d'infractions sexuelles sur mineurs. Audition de M. Olivier Savignac, cofondateur de l'association « Notre parole aussi libérée », et Maîtres Edmond-Claude et Antoinette Fréty, avocats. », sur Sénat, (consulté le ).
  6. a et b « Pédophilie : André Fort, l'ex-évêque d'Orléans mis en examen. », Franceinfo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. a b et c « Abus sexuels dans l’Eglise : à Orléans, le silence de vicaires généraux pointé du doigt », Radio France,‎ (lire en ligne)
  8. a et b Juliette Mickiewicz, « Pédophilie : l'ex-évêque d'Orléans rattrapé par son silence », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Patrick Nathan, « Procès d’Orléans : Mgr Fort en première ligne. », Témoignage Chrétien,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. Sophie Deschamps, « Le soir même du procès, j’avais déjà envie d’écrire sur cette histoire », Magcentre,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. Lebrun 2019, p. 117.
  12. « Orléans: prison ferme requise contre un ancien évêque. », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. Bernadette Sauvaget, « Pédophilie dans l'Église : deux ans de prison ferme pour Pierre de Castelet. Son supérieur, André Fort, ancien évêque d'Orléans, a lui été condamné à huit mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’abus sexuels sur mineurs. », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Marine Chollet, « Épilogue de l’affaire Barbarin », sur Dalloz actualité, (consulté le ).
  15. « Deux ans de prison pour Pierre de Castelet, un ancien prêtre d’Orléans coupable d’atteintes sexuelles sur mineurs », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. « Loiret : Deux prêtres « exclus de l'état clérical » après des soupçons de pédophilie. », 20 Minutes, (consulté le ).
  17. « Abus sexuels et diocèse d'Orléans : Pierre de Castelet et Olivier de Scitivaux renoncent à leur état clérical. », France Bleu, (consulté le ).
  18. Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse.2017, p. 361
  19. Marc Tamon, « Un prêtre poursuivi pour « attouchements sexuels » sur des enfants », La Dépêche,‎ (lire en ligne, consulté le ).

À voir

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Bibliographie

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  • Claude Langlois, On savait, mais quoi? La pédophilie dans l'Église de la Révolution à nos jours., Seuil, , 238 p. (ISBN 978-2-02-143928-1)
  • Sophie Lebrun, Omerta. La pédophilie dans l'Église de France, Tallandier, , 270 p. (ISBN 979-10-210-3908-7)  
  • Sophie Deschamps, Le Silence des soutanes – Pédocriminalité dans l’Église, Regain, , 262 p.
  • Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse, Église, la mécanique du silence, Jean-Claude Lattès, , 374 p. (ISBN 978-2-7096-5938-3)  

Articles connexes

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