Évêque constitutionnel

évêque élu sous la Révolution française

En France, un évêque constitutionnel est un évêque membre de l'Église constitutionnelle entre 1790 et 1801, et ayant à ce titre prêté l'un des serments exigés. Le plus souvent, il est titulaire d'un des diocèses créés par la Constitution civile du clergé. Dans quelques rares cas, il est évêque coadjuteur ou évêque auxiliaire, ou joue un simple rôle dans les sacres épiscopaux.

Jean-Baptiste Royer (député à la Convention nationale et au Conseil des Cinq-Cents, évêque constitutionnel de l'Ain puis de la Seine).

Organisation

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Sur les 133 évêques français encore vivants au , 129 refusent de prêter le serment. La Constitution civile du clergé prévoit de maintenir 83 évêchés. À leur tête sont placés les quatre évêques ayant prêté serment et maintenus en place, 55 curés, six chanoines, cinq professeurs, treize religieux réguliers et deux ecclésiastiques sans fonction particulière. Les nouveaux évêchés sont répartis entre dix métropoles : la métropole de Paris (sept départements), la métropole du Centre (huit départements), la métropole du Nord-Ouest (huit départements), la métropole des Côtes de la Manche (huit départements), la métropole du Nord-Est (sept départements), la métropole de l'Est (huit départements), la métropole du Sud-Est (huit départements), la métropole des Côtes de la Méditerranée (neuf départements), la métropole du Sud (huit départements) et la métropole du Sud-Ouest (dix départements), auxquelles s'ajoutent les sièges dits « coloniaux ».

L'Assemblée prévoit également l'établissement de quatre évêchés à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti et la république Dominicaine) : le Nord (Le Cap), l'Ouest (Port-Liberté), le Sud et Samana. D'autres évêchés sont prévus à la Guadeloupe, la Martinique, Sainte-Lucie, Cayenne, l'Isle de France, La Réunion (ex Bourbon) et dans les possessions françaises d'Asie. Les évêchés des Indes occidentales françaises sont placés sous l'autorité de la « Métropole de Saint-Domingue » et ceux des Indes Orientales sous celle de l'évêché de Rennes. Enfin, les établissements africains, c'est-à-dire Gorée et le Sénégal, sont placés sous l'autorité de l'évêque de Nantes. De facto, seuls deux sièges épiscopaux seront pourvus : celui de Cayenne et le « Département du Sud » de l'Île de Saint-Domingue avec l'évêché des Cayes[1]. Lors du Concile national de Paris en 1797, deux autres évêques sont élus pour Saint-Domingue : l'un, Antoine Capelle, pour le diocèse Nord (Le Cap) et l'autre, Jean-Remacle Lissoir, pour Samama, mais ils ne furent jamais sacrés.

Évêques

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Un évêque constitutionnel issu du clergé catholique français[2] sous l'Ancien Régime, est considéré comme schismatique par le Saint-Siège en tant que membre de l'Église constitutionnelle. Il n'est pas successeur des anciens évêques du même lieu, ni prédécesseur des évêques concordataires. Il est appelé « intrus » par le clergé et les chrétiens restés fidèles aux anciens évêques nommés et institués selon les règles canoniques.

Les évêques constitutionnels sont souvent des prêtres ayant des idées gallicanes et partisans, plus ou moins modérés, de la Révolution française dans sa première phase. Ils sont élus par le même corps électoral que les députés de la future Assemblée législative. L'intitulé de leur évêché n'est pas « évêque de » suivi du nom de la ville épiscopale (par exemple, « évêque de Pamiers »), comme auparavant, mais ils portent le nom du département où se situe leur siège épiscopal (selon le même exemple, « évêque de l'Ariège »), à la suite de la création des diocèses dont le territoire correspond au territoire des départements créés en 1790.

Les évêques constitutionnels ont organisé à Paris, du 15 août au et du 29 juin au , des conciles nationaux afin de marquer leur indépendance vis-à-vis du pape. Lors de la signature du concordat de 1801, le pape Pie VII et Napoléon Bonaparte demandèrent aux évêques constitutionnels comme aux évêques d'Ancien Régime restés réfractaires à la constitution civile du clergé de démissionner de leurs sièges épiscopaux, afin de procéder à de nouvelles nominations. Sur 94 évêques d'Ancien Régime, 36 refusèrent leur démission forcée : ce fut l'origine du schisme de la Petite Église. Les 50 évêques constitutionnels en poste acceptèrent finalement de démissionner, mais plusieurs refusèrent de signer des formules de rétractation, dont Henri Grégoire, évêque de Loir-et-Cher. Après leur démission, dix-huit évêques de l'Ancien Régime et douze évêques constitutionnels furent nommés évêques « concordataires », c'est-à-dire pleinement catholiques, en communion de foi et de juridiction avec le Pape, et nommés par le Premier Consul.

Les sept évêques de l'Ancien Régime ayant prêté le serment

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Sur les dix-huit archevêques et 118 évêques canoniquement installés en France avant 1790, seuls quatre ont accepté de faire partie de l'Église constitutionnelle. Trois autres évêques titulaires à l'étranger ou in partibus devinrent membre de cette Église schismatique.

Quatre évêques diocésains sont devenus évêques du nouveau siège institué dans la même ville épiscopale. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, devint évêque de Saône-et-Loire. Il fut démissionnaire dès . Il sacra, assisté de Gobel et de Brienne, les deux premiers prêtres constitutionnels nommés évêques et « fut par là le père de cette église schismatique et la source d'où elle tira le caractère épiscopal»[3]. Étienne-Charles de Loménie de Brienne, archevêque de Sens, cardinal de la Sainte Église Romaine, démis par le pape, devint évêque de l'Yonne. Louis de Jarente de Sénas d'Orgeval, évêque d'Orléans, devint évêque du Loiret. Charles de La Font de Savine, évêque de Viviers, devint évêque de l'Ardèche.

Jean-Baptiste Gobel, évêque auxiliaire de Bâle (évêque in partibus de Lydda), à l'étranger, devint évêque du nouveau siège de la Seine.

Pierre François Martial de Loménie de Brienne, évêque in partibus de Traïanoúpoli, devint coadjuteur de son oncle l'évêque de l'Yonne, guillotiné en 1794.

Jean-Baptiste Miroudot du Bourg, évêque de Babylone, à l'étranger, ne fut pas évêque d'un des diocèses constitutionnels, mais il prêta le serment à la Constitution civile du Clergé et prêta son concours au sacre d'évêques constitutionnels.

Prêtres de l'Ancien Régime devenus évêques constitutionnels dont les douze évêques concordataires

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Liste de prêtres et religieux divers catholiques devenus évêques constitutionnels entre 1790 et 1801 :

Parmi ces évêques, douze furent postérieurement nommés et installés évêques en vertu du Concordat de 1801 entre le Saint Siège et le gouvernement de la République française.

Bibliographie

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  • Rodney J. Dean, L'Église constitutionnelle, Napoléon et le Concordat de 1801, Paris, Picard, 2004, 737 p. (édition française).
  • Rodney J. Dean, L'abbé Grégoire et l'Église constitutionnelle après la Terreur 1794-1797, Paris, 2008.
  • Edmond Préclin, Les Jansénistes du XVIIIe siècle et la Constitution civile du clergé. Le développement du richérisme. Sa propagation dans le bas clergé. 1713-1791, Paris, librairie universitaire J. Gamber, 1929, 578 p.
  • La dominicale, journal des paroisses, p. 589 sqq.
  • P. Christian, Histoire du clergé de France (1840), p. 213-220.
  • Tableau des évêques constitutionnels de France, de 1791 à 1801, chez Méquignon-Havard, , 57 p. (lire en ligne).
  • Chanoine Paul Pisani, Répertoire biographique de l'épiscopat constitutionnel (1791-1802), A. Picard & Fils, Paris 1907.

Références

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  1. Paul Pisani Répertoire biographique de l'épiscopat constitutionnel (1791-1802) A. Picard & Fils, Paris 1907 p. 451-453.
  2. Un seul d'entre eux, Jean-Baptiste Gobel, était titulaire de fonctions à l'étranger, bien qu'issu du clergé français.
  3. Tableau des évêques constitutionnels, p. 53.

Liens externes

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Articles connexes

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