Wikipédia:Neutraliser un débat

Le thème de "neutralité de point de vue" est parfois (mal) compris comme signifiant qu'il faut se limiter à une indifférence molle, ou à un point de vue minimaliste qui puisse satisfaire la majorité la plus large possible. Il ne s'agit pas de ça. Il s'agit "simplement" de ne pas présenter comme une vérité (absolue) ce qui n'est très largement une affaire d'interprétation (relative). Ceci suppose de savoir distinguer entre les faits, les interprétations et les enjeux, pour les traiter de manière différenciée. Mais faire ce tri est un art complexe, qui suppose un certain entraînement, et peut (souvent) conduire à réviser ou préciser son point de vue d'origine.

L'objectif d'un article est de transmettre un certain savoir sur un sujet, défini par son titre. Un bon article doit (1) fournir des faits de référence, (2) fournir des clefs de compréhension du sujet, (3) permettre la mise en œuvre du savoir acquis. Sur un sujet polémique, il peut y avoir des divergences sur la réalité des faits, ou sur leur interprétation, ou sur leur intérêt. Cette différence est en fait une richesse potentielle pour le lecteur. Si elle est clarifiée et honnêtement exposée, elle fournit au lecteur plus que la somme des points de vue initiaux. Le lecteur peut y gagner une vision plus large des enjeux associés au sujet, et une plus grande liberté sur le choix de son interprétation personnelle.

La présente méthode peut aider à effectuer l'exercice, si les protagonistes sont raisonnables et de bonne foi – ce qui peut arriver beaucoup plus souvent qu'on ne le pense.

Exemple de traitement

Stop Volontairement caricatural, pour les besoins de l'exemple.

Sur la page de Un amour de Coccinelle, une main anonyme écrit un jour:

La coccinelle a été ordonnée par le Führer, avec pour objectif que le peuple allemand puisse acheter une voiture pour un mois de salaire d'ouvrier. Ce glorieux succès du régime nazi est scandaleusement occulté par le complot judéo-maconnique, qui tire des bénéfices juteux de ce film.

Avant de restaurer l'état antérieur, l'éditeur hésite: il y a peut-être de l'information intéressante et récupérable, là-dedans. Il appelle donc les pompiers. à suivre

Dépassionner

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Théorie: Mode rationnel – Mode émotif

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Un lecteur aborde le texte dans le but de s'informer sur un sujet. À moins que le titre du sujet soit lui-même très polémique, ou évoque par lui-même des passions non maîtrisables, le lecteur est initialement dans un "mode rationnel": capable de comprendre ce qu'il lit, en maîtrisant son émotivité.

Un lecteur normal peut résister à de petites agressions dans un "mode rationnel", mais tout homme à ses limites. Passé un certain seuil (en nombre ou en intensité d'agression) le lecteur finit par réagir de manière émotive. Le feu couve, puis à un moment l'incendie éclate. Le lecteur "voit rouge", et peut "partir en flammes ". Ce danger de basculement est d'autant plus grand que le sujet est polémique ou choquant, et que l'on s'adresse à un large public, qui n'a pas nécessairement l'habitude de gérer de fortes charges émotionnelles dans un mode rationnel. Ce basculement dans le "mode passionnel" est une catastrophe pour la lecture: la capacité de compréhension passe au service de l'émotivité, qui prend les commandes, et tout est interprété en fonction de ce nouvel état de crise.

Quand un lecteur finit par réagir de manière émotive, c'est qu'il a déjà basculé dans un "mode passionnel". Dans cet état, le lecteur n'est plus directement sensible à des arguments rationnels. Quand cet état est constaté, il faut se rappeler que ce "mode passionnel" n'est pas "rationnel", et demande un traitement spécifique:

  • Le lecteur furieux n'a pas besoin d'argument (qu'il n'est pas nécessairement en état de comprendre) mais de signaux d'apaisement. Même s'il paraît argumenter, ses argumentations ne sont que des rationalisations a posteriori d'un sentiment blessé. Ce n'est que quand il aura basculé à nouveau dans un "mode rationnel" qu'il sera possible d'argumenter.
  • Ce qui a indisposé le lecteur n'est généralement pas ce qu'il lisait au moment où l'incendie a éclaté (ce n'est que la goutte d'eau qui fait déborder le vase), mais quelque chose d'antérieur. Ceci doit être gardé en tête pour déterminer où se trouve la zone à déminer. Le lecteur peut bien sûr avoir été irrité avant d'aborder le texte, mais en général, la cause de l'irritation peut être identifiée avant le point de rupture proprement dit.

Problème: Agressivité d'un texte

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La lecture d'un texte peut être une épreuve violente pour un lecteur.

  • Dans sa présentation du sujet, le texte peut s'appuyer sur des idées, ou aboutir à des conclusions, que le lecteur ne partage pas. Ce lecteur sera agressé dans ses convictions intellectuelles.
  • Un certain nombre de termes, de tournures de phrases, de remarques, reflètent un jugement implicitement favorable ou défavorable de la part du rédacteur, et ce jugement n'est pas nécessairement partagé par le lecteur. Un lecteur qui ne partage pas ce jugement sera agressé dans ses sentiments affectifs.
  • La forme du texte peut être déplaisante, par une mauvaise orthographe, un style trop personnel et trop présent, une rédaction peu claire ou une mise en forme généralement négligée. Le lecteur qui y est sensible peut se sentir agressé dans son sentiment esthétique.
  • De même, le texte peut être difficile d'accès, pour les questions de forme précédentes, mais aussi par son langage (terme complexe, langage ou expression spécifique d'un milieu) ou pour des raisons de fond (sujet complexe excédant les capacités de compréhension du lecteur). Le lecteur est agressé par un texte qu'il ne comprend pas, par rapport auquel il se sent exclu.

Le but du texte n'est bien sûr pas de faire plaisir au lecteur (ce n'est pas de la littérature pure), mais de l'informer sur un sujet. Certaines agressions sont bien sûr inévitables: perdre ses illusions sur un sujet, quand on accède à une meilleure compréhension de la réalité; ou comprendre qu'un sujet est trop complexe pour soi. Ceci dit, de nombreuses agressions sont "gratuites": elles n'apportent rien à la compréhension du sujet, et ne font qu'indisposer certains types de lecteur. Ces agressions doivent clairement être évitées. Une rédaction soignée peut minimiser ces agressions, et favoriser le maintien du lecteur dans un "mode rationnel".

Voir aussi Wikipédia:Conventions de style et Wikipédia:Accessibilité.

Résolution de litiges

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La manière de présenter les choses est importante. Un premier examen sur la présentation est nécessaire, et un changement dans la présentation peut être suffisant pour "déminer" un texte.

"Dépassionner" est le premier problème à gérer quand on arrive sur un incendie, mais ça n'aura d'effet immédiat que sur les pages de discussions. C'est aussi une valeur qu'il faut suggérer rapidement aux protagonistes de partager. Mais si un article est litigieux, les questions de style sont bien sûr les dernière qu'il faut régler.

Solution: Présenter sans passion

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  • Chaque mot doit être pesé en fonction de la charge affective qu'il contient. Tout ce qui évoque une connotation positive ou négative doit être évité, au profit d'une formulation la plus "neutre" possible. Comme le disait plaisamment Coluche, « il ne faut plus parler de cons, mais de malcomprenants » : c'est un peu vrai, les mots doivent solliciter le mode rationnel, pas le mode émotif. Ceci dit, il faut également éviter les excès d'un style trop "langue de bois", qui présente l'inconvénient d'être d'accès plus difficile, et de traduire un parti pris de type "politiquement correct" (et donc deux facteurs d'agression).
  • Il faut parfois reprendre le style général, ou remettre le plan d'aplomb. Un style "lisse", une présentation correcte et un exposé soigneusement articulé sont aussi des facteurs essentiels, dans des sujets polémiques, pour éviter que le lecteur ne soit indisposé et parte sur un mode passionnel.
  • Sur des sujets ou des publics particulièrement sensible, il peut être nécessaire d'ajouter des signaux d'apaisement dès la rédaction initiale, pour faire tomber la tension prévisible de tel ou tel type de lecteur, et renforcer l'appel à son "mode rationnel". L'idée de manœuvre est généralement du type "cette préoccupation X est tout à fait légitime (signal positif), mais il faut penser aussi au problème Y (appel à la raison)".

Il est exact que la neutralisation de la forme conduit souvent à un style plus froid et anonyme, ce que peut légitimement regretter le rédacteur (signal positif), mais c'est le prix nécessaire pour transmettre de l'information sur un sujet polémique à un public le plus large possible, sans exclusion (appel à la raison).

L'esthétique soignée est un "plus" qui favorise l'adhésion affective du lecteur à l'article, mais elle doit être discrète, et au service de la transmission du savoir. Un style trop brillant "se fait plaisir", peut indisposer le lecteur, voir être interprété comme de la poudre aux yeux. Et il faut toujours y regarder à deux fois avant de faire de l'humour dans un sujet potentiellement polémique: c'est un départ de feu assuré.

Suite de l'exemple (2)

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Dans notre exemple, soulignons au noir les termes marqués. Les termes porteurs d'une charge émotive forte sont (bien sûr) faciles à repérer. Sur la table d'autopsie, nous avons donc:

La coccinelle a été ordonnée par le Führer, avec pour objectif que le peuple allemand puisse acheter une voiture pour un mois de salaire d'ouvrier. Ce glorieux succès du régime nazi est scandaleusement occulté par le complot judéo-maconnique, qui tire des bénéfices juteux de ce film.

"Führer" est marqué, "complot judéo-maconnique" est une provocation pure, "glorieux" n'a pour fonction que d'apporter une connotation positive au terme "nazi", naturellement fortement chargé lui-même, "scandeleusement" et "bénéfice juteux" font de même en négatif. De plus, dans ce contexte, le terme "peuple allemand" risque d'évoquer une dérive raciste et peut être un départ de flamme supplémentaire. Cette insertion est donc bien une bombe incendiaire, qu'il faut réduire. "Coccinelle" a une petite connotation positive, mais qui ajoute ici à la provocation: c'est une victime innocente qui doit être secourue. En reformulant de manière plus neutre, l'exemple devient:

Curieusement, cette production américaine repose sur un produit étranger: La "Coccinelle" est en effet le fruit d'un programme lancé par le régime allemand d'avant-guerre, ayant pour objectif de réaliser un véhicule pour l'équivalent d'un mois de salaire d'ouvrier.

Le résultat n'est bien sûr pas encore parfait, mais le point important est de comprendre la différence entre les deux énoncés. L'information transmise est à peu près la même, mais dans le deuxième cas le style est plus académique, et évite tout terme connoté. Le seul "signal" non intellectuel est le mot "curieusement", faiblement marqué, et qui suggère une idée de décontraction (signal positif) et d'examen intellectuel (appel à la raison).

Avec cette transformation, le lecteur moyen doit d'abord lire et réfléchir avant de comprendre qu'il s'agit de l'Allemagne nazie, et que la remarque a une portée un peu étrange (pour le moins). La réaction ne sera plus une réaction automatique par réflexes conditionnés, "presse bouton" sur des termes marqués; s'il y a une réaction, ce sera à présent une réaction réfléchie, fondée sur des raisons et une argumentation.

En passant, on peut illustrer la remarque "sur un sujet polémique, ne jamais faire d'humour". La formulation de cette "bombe incendiaire" est agressive en soi pour le lecteur non préparé. Si dans l'exemple d'introduction, il y avait eu à la suite une remarque du type (<troll>Surtout, ne complétez pas le lien rouge</troll>), quelqu'un aurait imanquablement fini par objecter que cette remarque est de mauvais goût, à supprimer. En fait, le problème n'est pas dans la remarque elle-même, mais dans le fait qu'elle aurait suivi un passage à très forte charge émotionelle. Typiquement, le lecteur moyen est énervé, mais comprend que c'est un exemple volontairement provoquant, donc se maîtrise; mais sur une "remarque gratuite" qui suit immédiatement, il se lâche et proteste que c'est de mauvais goût et injustifié. Ne cherchez pas dans ce cas à corriger la remarque, mais examinez ce qu'il y a avant.

Ceci dit, il reste donc du travail. à suivre

Fiabiliser

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Théorie: contrôle collectif de la rédaction

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Wikipédia a vocation à être accessible à tous. C'est une encyclopédie généraliste et ouverte, qui a l'ambition de s'adresser au plus grand nombre, à la fois comme lecteurs et comme rédacteurs potentiels. En même temps, Wikipédia a l'ambition d'être une encyclopédie de qualité, qui fournit généralement des informations fiables et pertinentes sur les sujets traités.

Ces deux objectifs peuvent paraître contradictoires. Si n'importe qui peut écrire n'importe quoi sur n'importe quel sujet, et sans contrôle, il n'est bien sûr pas possible de garantir un résultat de qualité, faute de maîtriser l'honnêteté et la compétence de tous les rédacteurs. Le papier accepte toutes les encres, même et surtout les plus noires. Ce n'est donc pas parce que quelque chose est écrit que c'est vrai, ou que c'est pertinent.

En pratique, la qualité globale de l'encyclopédie repose sur un travail permanent de relecture et de surveillance mutuelle effectué a posteriori par ses collaborateurs habituels, qui y ont un compte enregistré. Ils surveillent plus particulièrement les ajouts anonymes, les sujets polémiques, les rédacteurs connus pour un travers particulier, et si une présentation paraît critiquable pour une raison ou une autre, elle est modifiée de manière à ce que cette faiblesse soit supprimée.

Ce travail critique ne garantit pas que tous les articles sont en permanence d'une qualité irréprochable, ni même qu'un article erroné soit rapidement corrigé, mais il donne une assurance raisonnable que des articles régulièrement édités par des rédacteurs d'horizons variés ne conserveront pas longtemps des présentations facilement critiquables.

Problème: assurer la fiabilité des informations

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Le lecteur peut s'interroger sur la fiabilité des informations qui lui sont proposées, et un article doit présenter des faits objectifs.

Les points à vérifier sont des faits difficilement contrôlables, ou controversés, ou mal établis. Pour ces éléments, un esprit critique peut légitimement considérer qu'il y a un "doute légitime" sur leur véracité, et exprimer ce doute auquel il est en droit –au nom du principe de transparence- d'attendre une réponse.

Si un débat conduit à émettre un "doute raisonnable" sur la validité d'une information, il faut que ce doute puisse être levé relativement facilement, sans avoir à faire appel à des connaissances spécialisées. La réponse doit être raisonnablement accessible à un lecteur de bonne foi, dans l'article lui-même, ou par un renvoi à un sous-article de discussion spécialisé. Ce peut être aussi dans un renvoi à une source extérieure vérifiable et suffisamment fiable, dans laquelle l'assertion avancée est établie.

C'est un autre aspect du principe de transparence et de respect du lecteur: l'information qui fonde une argumentation doit être raisonnablement accessible, pour qu'un débat éventuel puisse avoir lieu "à armes égales".

Si elle est maintenue, l'information non fiable doit être accompagnée d'éléments permettant de la critiquer (en quoi la source est fiable ou non, quelles sont les informations alternatives), pour que le lecteur puisse se faire son opinion, et l'accepter ou non, ainsi que ce qui en découle. Le minimum est de la présenter sur un mode conditionnel, et non affirmatif. On peut expliquer en quoi cette information est problématique, dans une note, un paragraphe dédié, voire une annexe spécifique à ce thème. On peut expliquer en quoi la source citée est insuffisante, et pourquoi aucune autre source n'est disponible. Dans tous les cas, la connaissance qu'il faut transmettre au lecteur, pour une bonne compréhension du problème, n'est pas alors l'information elle-même, mais le fait que cette information, nécessaire pour défendre un certain point de vue, est par ailleurs sujette à caution, pour des raisons qu'il doit être à même de comprendre.

Voir aussi Wikipédia:Pertinence.

Solution: Contrôler le caractère vérifiable

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Pour chaque fait présenté par l'article, il faut se poser la question "est-ce que c'est vérifiable, et comment?". Il ne s'agit pas de tout vérifier, mais de contrôler que les éléments clefs reposent sur des fondations solides. Ce qui est notoire (Rome est la capitale de l'Italie) ou facile à vérifier (les voitures postales sont jaunes en France) ne sera pas particulièrement critiqué, et donc n'a pas besoin d'être justifié. Il n'y a pas de "doute raisonnable" sur de telles assertions, et si quelqu'un se pose la question, il peut facilement trouver une confirmation.

Ce questionnement permet de détecter des assertions non fondées, parce que par nature non vérifiables (aucune vérification concrète ne peut confirmer ou infirmer l'affirmation). C'est ce que l'on appelle un "contenu évasif": ça ne paraît pas faux à première vue, mais si on cherche à imaginer comment le vérifier concrètement, on constate qu'il est impossible de définir une limite nette entre "confirmé" et "infirmé" par l'épreuve des faits.

Voir aussi Wikipédia:Citez vos sources et Wikipédia:Vérifiabilité.

Résolution de litiges

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Si un litige a éclaté, il vaut mieux pour le médiateur renvoyer à la fin la discussion sur les sources, parce que il y a fort à parier que les protagonistes ont commencé par critiquer mutuellement les sources utilisées, et que ce qui a résisté à cette critique est vraisemblablement stable. Il est donc rare qu'un litige se fonde sur des informations réellement fausses.

D'autre part, les deux étapes de recentrage du débat et de clarification des enjeux permettent d'identifier quels sont les éléments factuels clefs pour la présentation de telle ou telle position, et le cas échéant, d'évaluer si la source est susceptible d'être partiale. Cette explicitation facilite la critique des sources. Si l'information est à la fois peu pertinente et sujette à caution, le plus simple est de la supprimer (ou de la transférer à un endroit où elle sera plus pertinente.

Voir aussi Wikipédia:Wikipompiers.

Suite de l'exemple (3)

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Avant de discuter plus avant de la meilleure manière d'utiliser cette information, il faut éprouver sa vraisemblance. Passons au "noir" les informations clef susceptibles d'être critiquées:

Curieusement, cette production américaine repose sur un produit étranger: La "Coccinelle" est en effet le fruit d'un programme lancé par le régime allemand d'avant-guerre, ayant pour objectif de réaliser un véhicule pour l'équivalent d'un mois de salaire d'ouvrier.

Il est facilement vérifiable pour n'importe qui que le film est une production américaine. La coccinelle s'appelle officiellement une "Volkswagen", d'origine allemande. Par rapport au contexte, le terme propre désignant ce dont on parle est donc plutôt "Volkswagen", ce qu'il faut corriger. On peut effectivement vérifier l'origine historique, et la réponse est assez vite trouvée, dès l'ouverture de l'article Volkswagen sur wikipédia. D'après l'article, c'est apparemment un programme lancé par Hitler, donc avant guerre, dans le but que "chacun puisse s'offrir une voiture".

Bon, l'ensemble paraît correct, reste cependant l'aspect "un mois de salaire d'ouvrier", vraisemblable mais non sourcé. De plus, c'est un peu évasif: le salaire en question n'est pas unique, on ne sait pas quel objectif quantitatif a été effectivement fixé, ni même s'il y en a eu un... La précision étant parlante, il vaut mieux la mettre au conditionnel que la supprimer. La transformation en "mode factuel" donne donc:

Curieusement, cette production américaine repose sur un produit étranger: La "Volkswagen" est en effet le fruit d'un programme lancé par le régime allemand d'avant-guerre, pour que chacun puisse s'offrir une voiture (l'objectif aurait été, dit-on, de réaliser un véhicule pour l'équivalent d'un mois de salaire d'ouvrier).

Rien à dire comme ça, c'est un "on-dit" clairement affiché comme tel. à suivre...

Recentrer le débat

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Théorie: Respecter le lecteur

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Le lecteur qui entame la lecture d'un article ne connaît que son titre. S'il a décidé de lire l'article, c'est que le titre lui paraît recouvrir un sujet qui l'intéresse, et sur lequel il peut apprendre quelque chose. Normalement, le titre est censé définir précisément le sujet de l'article, même s'il peut être nécessaire d'utiliser une introduction pour préciser ce sujet. Essentiellement, respecter le lecteur consiste à faire en sorte que (1) toutes les questions pertinentes pour le sujet sont traitées par l'article, (2) toutes les questions traitées dans l'article sont pertinentes pour le sujet.

Voir aussi Wikipédia:Conventions sur les titres.

Problème: manque de mise en perspective

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Souvent, un texte se construit par une accumulation successive d'informations, par des rédacteurs qui veulent noter tel ou tel détail, sans que la vision d'ensemble soit suffisamment examinée.

Un texte qui ne ferait qu'accumuler des détails fait un très mauvais article: le lecteur de base de connaît pas le sujet, il va être noyé par l'information sans pouvoir en tirer une synthèse utilisable. Pour que le lecteur comprenne la logique d'un sujet, il faut qu'il y ait au départ une certaine cohérence interne du sujet, et que la présentation en souligne suffisamment les articulations. D'autre part, le lecteur accepte de passer du temps sur un sujet qui l'intéresse, il faut lui fournir des informations intéressantes, et ne pas le prendre en otage en lui imposant la lecture de digressions sur un sujet marginal.

En outre, cette accumulation de détails sans mise en perspective peut conduire à des querelles de neutralité insolubles, parce que le litige sur l'opportunité d'une remarque porte en fait sur l'intention inavouée de l'auteur: "c'est factuel, libre au lecteur d'en tirer les conséquences" contre "non, ce détail n'est pas neutre".

Résolution de litiges

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Il se peut effectivement qu'un passage litigieux ait pour but de suggérer une conclusion non neutre. Le désaccord vient généralement de ce que l'un des protagonistes veut imposer l'information sans prendre la responsabilité d'en expliciter les conséquences, alors que l'autre veut rejeter l'information par crainte de polluer le débat par ses conséquences. C'est potentiellement un dialogue de sourd, parce qu'il y a du "non-dit" des deux côtés, ce que personne ne veut alors admettre. Pour localiser l'origine du blocage, il suffit souvent d'écouter les arguments écartés par les uns ou les autres: une pièce de monnaie a deux faces, celui qui insiste pour ne montrer qu'une seule face est en train de vendre une fausse pièce.

Pour sortir de tels débats, il faut nommer l'enjeu et déplacer la discussion: le fait rapporté est ce qu'il est, et les protagonistes peuvent généralement se mettre d'accord sur le "pourquoi" du passage. La question est alors: ce thème est-il réellement nécessaire pour la compréhension que le lecteur veut avoir du sujet? Si oui, il faut le traiter honnêtement, en expliquant clairement qu'il s'agit d'un sujet polémique et pourquoi. Si non, le passage peut être supprimé.

La pertinence doit être appréciée en fonction du lecteur: c'est le lecteur "moyen" intéressé par le thème décrit par le titre. Par le sujet tout entier, dans sa cohérence, et non par tel aspect spécialisé. Une pratique très déstabilisante consiste à insister pour qu'un aspect particulier soit traité dans l'article général, "au nom de la vérité", ou "au nom de l'exhaustivité". Ce sont de très mauvais prétextes, qu'il faut refuser au nom du respect du lecteur: si le sujet est marginal, il peut être développé, mais dans une annexe ou un article marginal.

Une fois que le "pourquoi" du passage est identifié, on peu en discuter et clarifier les enjeux, mais c'est une autre étape (c'est la section suivante). Avant de discuter, il faut se mettre d'accord sur ce dont on parle.

Solution: Faire ressortir une cohérence

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Pour résoudre ces différents problèmes, il faut faire ressortir la raison d'être des différents passage par rapport au sujet de l'article. La cohérence du sujet impose qu'il y ait un rapport entre ses différentes parties, et que chaque partie apporte quelque chose de constructif au sujet. La méthode pour faire ressortir une cohérence est relativement simple:

  • Examiner successivement chaque partie en se demandant ce que cette partie apporte. Question souvent difficile, qu'il faut poser en l'inversant: "si l'on supprime cette partie, qu'est-ce qui manquera à la compréhension du sujet?" Sous cette forme, la réponse devient généralement évidente.
  • Si la partie n'apporte rien au sujet, le plus simple est de la supprimer. S'il s'agit d'un beau morceau potentiellement utile, on peut en faire un article séparé, mais clairement, cette partie encombre l'article principal.
  • La partie apporte donc quelque chose, ou aborde un thème: c'est factuel, objectif, non polémique. Dans ce cas, il faut que l'étiquette sur ce morceau soit parlante, pour mieux le repérer et y réfléchir par la suite. Vérifier que le titre permet de comprendre non pas tellement de quoi on parle (par rapport à l'information elle-même), mais pourquoi on en parle (en rapport avec le reste du sujet).

C'est un travail d'honnêteté vis-à-vis du lecteur que de lui faire comprendre suffisamment clairement pourquoi le lecteur intéressé par le sujet est invité à lire ce passage.

Et si la discussion correspondante peut entraîner trop loin, il est toujours possible de la rediriger sur un article séparé. Il se peut également que le litige ne porte pas sur l'intérêt de telle ou telle partie, mais sur la définition même du thème, ou sur la vision centrale (ou la "problématique") qui en fait "tout l'intérêt". Dans ce cas, des considérations simples peuvent permettre d'organiser une cohabitation des points de vue (présenter le point de vue majoritaire, puis l'aspect intéressant la minorité). Si même cette solution échoue, il est probable que l'intérêt premier du lecteur face à ce thème est en fait de comprendre en quoi, pourquoi et pour qui le sujet est litigieux: ce sera donc une première section, qui permettra de se mettre d'accord en décrivant objectivement et honnêtement le désaccord.

Technique du "coup d'accordéon"

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Cet examen peut conduire à remanier de fond en comble le texte, pour reclasser les éléments en grands blocs associés à une problématique homogène. Ce "coup d'accordéon" peut être fait même sans une grande connaissance du domaine traité, puisqu'il suffit de trier les éléments déjà présents en fonction de ce que le lecteur "normal" peut en comprendre. C'est donc quelque chose qui peut être fait par un modérateur ou par un volontaire neutre. Mais attention, c'est un chantier important, équivalent en volume à réécrire tout l'article: il faut tout découper en petits morceaux, refaire le plan, trier l'ensemble, et reprendre tous les morceaux en refaisant le "ciment" rédactionnel.

Si les éléments ainsi regroupés étaient épars dans l'article, c'est une amélioration importante. Traiter une problématique homogène dans une section individualisée donne toujours une présentation beaucoup plus légère et compréhensible. De plus, cette réorganisation conduit souvent à constater que les éléments associés à l'une des problématique sont très incomplets, et la partie correspondante devra donc être approfondie pour que la présentation du sujet soit réellement complète. Elle peut aussi conduire à isoler des "micro fragments" orphelins, sans emploi évident ou inexploitables en l'état, qui peuvent être reportés sur la page de discussion.

Sur le plan pratique, une telle réorganisation est une rupture radicale par rapport à l'évolution incrémentale du texte: il y aura un "avant" et un "après". Rien ne se perd, rien ne se créé, mais tout se transforme; et toutes les remarques faites sur la version précédente devront être réévaluées en fonction du nouveau contexte. Pour cette raison, il peut être utile de réinitialiser en même temps les discussions (il suffit de blanchir la pager, et mettre un mot d'explication avec un lien direct vers l'état antérieur tant de l'article que de sa discussion – accessibles dans l'historique).

Suite de l'exemple (4)

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L'information est donc mise sous une forme à peu près acceptable "en soi":

Curieusement, cette production américaine repose sur un produit étranger: La "Volkswagen" est en effet le fruit d'un programme lancé par le régime allemand d'avant-guerre, pour que chacun puisse s'offrir une voiture (l'objectif, dit-on, aurait été de réaliser un véhicule pour l'équivalent d'un mois de salaire d'ouvrier).

Par rapport au sujet Un amour de Coccinelle qu'est-ce qu'une information pareille apporte au lecteur? bien sûr, elle apporte toujours quelque chose. Mais dans l'autre sens, si on supprime cette information, qu'est-ce qui manquera au lecteur intéressé par le Un amour de Coccinelle? Clairement, rien. Cette information ne fait pas partie du sujet.

Le lecteur intéressé par le film ne s'attend pas du tout à rentrer dans des considérations sur le programme social de l'Allemagne nazie. C'est donc au mieux une information anecdotique, au pire une prise en otage d'un lecteur pour le forcer vers un thème d'intérêt qui n'est pas le sien.

Comme l'information paraît tout de même intéressante, on peu tenter de la déplacer à un endroit où elle sera plus à sa place. Sur l'article Volkswagen, on trouve en gros la même information, ce serait à peine un complément. En revanche, notre rédacteur anonyme souhaitait apparemment soulever une question relative au programme social de l'Allemagne nazie, et dans ce contexte ce peut être un fait pertinent, permettant d'appuyer une idée potentiellement originale. On trouve effectivement dans Wikipédia un article Troisième Reich où l'information sera mieux à sa place, et par rapport auquel la suite peut être discutée.

La phrase d'introduction n'est clairement plus pertinente, mais ce n'est qu'un artifice rédactionnel, qui n'apporte pas d'information particulière. Elle peut donc être supprimée sans regrets. à suivre...

Clarifier les enjeux

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Théorie: Les faits et l'interprétation

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Ce n'est pas parce que quelque chose est vrai que c'est intéressant: l'annuaire téléphonique est rempli de choses vraies, mais personne n'en fait sa lecture courante. Un fait brut est généralement sans intérêt par lui-même. À moins d'être complètement anecdotique (et l'anecdote n'a qu'une place très limitée dans une encyclopédie), l'intérêt de rapporter un fait réside dans son interprétation: Quelle lecture peut-on en faire? Quelle conclusion peut-on en tirer? De quoi est-ce révélateur? Le rédacteur a une idée au moins intuitive sur les réponses possibles, puisqu'il considère que ce qu'il écrit est digne d'intérêt. Certes, mais… n'y a-t-il qu'une lecture possible? La conclusion est-elle aussi nécessaire et tranchée? N'y a-t-il pas d'autres aspects intéressants à exploiter? Ces questions sont toujours légitimes, et les réponses ne sont pas toujours évidentes.

Le rédacteur ne doit pas s'abstenir d'interpréter ou de juger, ce n'est pas souhaitable, ni même possible. Mais il doit assumer son interprétation personnelle, et être conscient de ce qu'elle est subjective par essence. Le rédacteur doit être pénétré de cette idée: "ce que l'on peut penser" d'un sujet dépend essentiellement du point de vue du lecteur, qui est parfaitement libre de penser ce qu'il veut. Même dans un sujet où la conclusion paraît évidente au rédacteur (qui écrira par exemple "la terre est ronde" sans état d'âme particulier) il faut aborder la question avec honnêteté et transparence. Ce qui est écrit est à la rigueur "ce que l'on peut penser", certainement pas "ce que l'on doit en penser".

Un sujet devient polémique quand plusieurs réponses sont possibles sur l'interprétation d'un fait, ou sur l'enjeu d'une problématique. Si le lecteur aborde un sujet suivant une autre lecture que celle du rédacteur (dans la limite de l'honnêteté intellectuelle), il ne doit pas se trouver en désaccord avec ce que dit le texte, mais trouver dans le texte les éléments honnêtement présentés qui lui permettront d'éprouver la qualité de son choix. Que le lecteur fasse ou non l'effort de réfléchir ou de critiquer les éléments présentés, c'est finalement son problème, mais un lecteur qui se pose une question pertinente doit quelque part trouver la raison qui peut conduire à exclure telle réponse, ou choisir telle autre.

La transparence (composant central de la neutralité) n'est pas une question de vérité ou d'erreur, mais de respect de la liberté de conscience du lecteur par le rédacteur. Dans cette optique, l'objectif du texte doit être de fournir au lecteur la possibilité de se faire sa propre opinion sur une question donnée, en lui fournissant les éléments nécessaires au cheminement de sa réflexion, et à l'exercice de son esprit critique. Il ne s'agit pas pour le lecteur d'apprendre ce qui est vrai, mais de comprendre pourquoi il peut le considérer comme vrai, et d'y adhérer (ou non) par un acte libre de sa conscience éclairée. En clair, le véritable enjeu n'est pas d'exposer la vérité, mais la raison.

Problème: La neutralité du point de vue

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Dans une encyclopédie, il ne s'agit plus de présenter son point de vue personnel, mais de fournir au lecteur une information impersonnelle, complète et pertinente sur un sujet donné. De plus, pour la présentation neutre d'un sujet polémique, la règle du jeu est que "l'autre" point de vue doit aussi être présenté au mieux. Le rédacteur doit présenter au mieux de sa connaissance ce qu'il connaît de la logique et des enjeux "adverses".

Sauf aberration, il va de soi qu'un rédacteur connaît mieux son propre point de vue, et a naturellement tendance à le trouver bon. Avec la meilleure bonne volonté du monde, le rédacteur qui travaille seul n'aboutit pas à un résultat aussi bon que s'il est soumis à une critique intelligente et contradictoire: son travail sera probablement incomplet, et présenté maladroitement, voire légèrement erroné, sur les parties qu'il maîtrise moins bien. Mais il s'agit là d'une limitation du rédacteur, pas d'un problème de neutralité.

Ce qui caractérise un manque de neutralité dans le cas d'un auteur solitaire, c'est qu'il décrit son sujet sans justification ni mise en perspective, ce qui transforme son exposé en "vérité sans raison". Ce n'est pas éthiquement acceptable vis-à-vis du lecteur non prévenu, qui se trouve face à un énoncé sans avoir les moyens d'évaluer s'il veut l'accepter ou non.

Laisser les interprétations ou les enjeux implicites est grave, parce que dans cette situation, le lecteur qui veut partager le texte par la lecture et y adhérer ne peut le faire qu'en adhérant lui-même implicitement aux éléments qui y sont implicites. Ceci parce que la compréhension de l'explicite est intellectuelle, mais la compréhension de l'implicite est affective. Cela revient à projeter sur le lecteur un intérêt qu'il ne partage pas, ou à l'enfermer dans une interprétation à laquelle il n'adhère pas. Si le lecteur s'en aperçoit il prendra ses distances, ou protestera, mais s'il ne s'en aperçoit pas c'est un viol de conscience dont la seule excuse est qu'il est probablement involontaire.

Il est au contraire souhaitable et légitime d'exposer clairement les raisons d'une position particulière et les intérêts correspondants. Le lecteur se sent respecté dans ses convictions, et acquiert une meilleure compréhension des enjeux associés au sujet. Une fois remise dans cette perspective, l'interprétation des faits se pose non plus en terme de vérité, mais en terme de raison et de cohérence. Ce type de présentation est parfaitement neutre: on peut comprendre qu'une interprétation soit défendue par ceux qui sont sensibles à un intérêt donné, et qu'une autre soit préférée par ceux qui privilégient un intérêt différent.

Solution: Expliciter les enjeux

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Dans la section précédente, pour "recentrer le débat", on ne fait qu'un jugement rapide sur ce qui est important ou non. Pour clarifier les enjeux, il faut aller plus loin: sur chaque thème abordé, il faut se demander si l'on peut identifier facilement, dans la rédaction proposée:

  • Les fait: De quoi a-t-on parlé, les éléments présentés sont-ils en rapport avec le titre (c'est la question de l'étape précédente)?
  • L'interprétation des faits: Quelle conclusion (interne) peut-on tirer des éléments présentés?
  • L'importance des fait, l'intérêt: Pourquoi (externe) cette conclusion est-elle importante, sur le reste du sujet ou sur d'autre?

C'est un exercice qui peut paraître idiot et facile, il n'en est rien: le rédacteur non préparé tend souvent à se focaliser sur "ce qui est important", c'est-à-dire la conclusion et les conséquences externes qu'il en tire, en oubliant d'expliquer ce dont il parle. D'autre fois, il présentera des éléments "objectivement", mais sans les interpréter par un mot de conclusion, ni les situer dans une problématique plus vaste. Il faut toute une rééducation pour arriver à comprendre le problème, et décrire correctement et complètement ce dont on parle, ce qu'on en conclut, et en quoi c'est important.

Résolution de conflits

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Pour qu'il y ait quelque part un désaccord de neutralité, il faut plusieurs ingrédients. Il faut bien entendu que le sujet s'y prête, et donc puisse avoir plusieurs lectures possibles. Il faut ensuite des rédacteurs aux points de vue divergents. Il faut enfin qu'un blocage quelconque empêche les protagonistes de comprendre que la question ne se résoudra pas à travers les arguments qu'ils échangent, mais le jour où ils chercheront à examiner ensemble la raison pour laquelle ils tiennent à ces mêmes arguments.

Le plus souvent, on peut énoncer sans risques le point de vue le plus excentrique qui soit à condition de le précéder solennellement par "c'est mon point de vue et je conçois qu'il y en ait d'autres": cette formule magique a le don de faire disparaître beaucoup d'agressivité. Pas toujours, mais souvent.

Il n'y a pas de problème particulier à afficher honnêtement l'intérêt que l'on voit à un thème (dès lors que l'intérêt est avouable). L'intérêt affiché peut être non partagé (je suis intéressé par les aspects historiques, d'autres non), éventuellement minoritaire, c'est un élément subjectif, mais c'est une donnée factuelle et peu discutable: de gustibus non disputandum est. Chacun a ses intérêts. De même, les éléments présentés sont des données objectives, tout autant factuelles et peu discutables (dans la mesure où ils sont facilement vérifiables). En revanche, l'interprétation n'est pas une donnée, mais est construite au cours de l'exposé: c'est pour cela qu'elle est l'objet de litiges, et c'est par crainte de litiges que des interprétations restent implicites.

Technique : maïeutique

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Souvent, la résolution d'un conflit peut être facilitée par une maïeutique adaptée (l'art de faire accoucher les esprits de la vérité): un tiers modérateur, par exemple un wikipompier, peut balayer les points de litige en vérifiant que les faits, les interprétations et l'intérêt sont explicités pour chaque protagoniste. Il vaut mieux commencer par les intérêts, qui sont le plus souvent confus et implicites: pourquoi vouloir défendre cette position particulière? Quel est l'enjeu, qu'est-ce qui risque d'être lésé en cas d'échec? La difficulté est souvent d'identifier son intérêt, éventuellement de l'admettre ou de le formuler. Le modérateur doit parfois imaginer quel peut être l'intérêt justifiant une position donnée, et proposer des formulations acceptables. Après avoir clarifié les enjeux, l'explicitation du raisonnement n'est normalement plus problématique.

Une fois que les différentes positions sont correctement et honnêtement explicitées, ce n'est plus qu'une question de rédaction et de remise en forme: les réponses obtenues dans la discussion sont les éléments qui permettent de présenter objectivement les différentes positions, par les enjeux et les interprétations associés.

Suite et fin de l'exemple (5)

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Comment donc insérer dans le contexte troisième Reich l'information proposée par l'intervenant anonyme:

La "Volkswagen" est le fruit d'un programme lancé par le régime allemand d'avant-guerre, pour que chacun puisse s'offrir une voiture (l'objectif, dit-on, aurait été de réaliser un véhicule pour l'équivalent d'un mois de salaire d'ouvrier).

La question est de clarifier l'enjeu de cette information: qu'est-ce qu'elle peut apporter? Que peut-on en conclure? On peut faire une pause à ce niveau, et y réfléchir, pour bien sentir que la réponse n'a souvent rien d'évident. On "sent" que ça peut être intéressant, mais il est difficile de formuler en quoi.

Une première conclusion minimale est simplement que l'Allemagne nazie a eu une activité de politique sociale. En y réfléchissant deux minutes, on peut même se rappeler que "Volks-Wagen" signifie "la voiture populaire", et que "nazi" vient de "National-Sozialistische", le parti national-socialiste allemand. Cette information illustre que la préoccupation sociale affichée recouvre une certaine réalité. Oui, mais encore? que peut-on en penser, quelle conséquence peut-on en tirer?

Qu'un régime politique ait une préoccupation sociale, c'est "plutôt bien", et ça tend à attirer la sympathie. C'est exact, mais c'est une fausse piste. L'anonyme a peut-être inséré sa remarque en liaison avec une sympathie nazie, c'est clairement un enjeu de cette information, mais ce n'est pas son intérêt. Il faut continuer à réfléchir en terme de conclusions que l'on peut en tirer.

On y est presque. Le "plutôt bien" évoqué était aussi vrai vu par la population allemande en 1930. Une deuxième conclusion est alors: ce type de réalisation permet de comprendre qu'il y ait eu une certaine adhésion populaire au mouvement nazi. C'est effectivement l'intérêt d'une information de ce type: elle permet de comprendre pourquoi la population a pu accepter un tel régime: parce le parti nazi ne s'est pas présenté comme "noir et abominable", naturellement, mais en affichant une politique orientée vers le social et le peuple, et en affichant certains résultats. On aboutira donc à une formulation du type:

Avant la guerre, le parti "national-socialiste" a affiché des préoccupations sociales dans son programme politique, ce qui explique qu'il ait pu susciter une adhésion populaire. Ainsi, la "Volkswagen" (ou "voiture populaire") est le fruit d'un programme lancé par ce régime, pour que chacun puisse s'offrir une voiture (l'objectif, dit-on, aurait été de réaliser un véhicule pour l'équivalent d'un mois de salaire d'ouvrier).

En laissant pour le moment le côté "évasif" du soutien populaire (glissons), on voit que de cette manière, le fait brut initial devient une clef de compréhension de quelque chose de précis.

Mais avant d'insérer le paragraphe sur la page du troisième Reich, il reste encore quelque chose à dire sur la neutralité: sa raison d'être. [à suivre]

Le Vrai, le Bien et la Raison

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Cet exemple permet d'illustrer un dernier point, qui peut mettre mal à l'aise des rédacteurs légitimement attachés à ce qui est "bien" et "vrai", et qu'il est souhaitable de clarifier. Typiquement, la préoccupation sociale tend à montrer le régime nazi "plutôt pas bon" sous un jour "plutôt bien", est-ce éthiquement justifiable? Dois-je, au non de la "neutralité de point de vue", apporter un témoignage à décharge au régime Nazi, que j'ai en horreur? Bonne question, qui peut recevoir deux niveaux de réponses.

  • Formellement, l'objectif d'une encyclopédie n'est pas d'être pour ou contre quoi que ce soit, mais de fournir des informations pertinentes, donc "circulez il n'y a rien à voir". C'est la règle "neutralité de point de vue", dura lex sed lex.
  • Mais sur le fond, imaginons à présent qu'on supprime tout ce qui permet de comprendre la montée du nazisme, à quoi arrive-t-on? à nier que l'existence du nazisme ait pu avoir des raisons, avec le danger associé de ne plus reconnaître ces causes quand elles se représenteront. Pour combattre le nazisme, il ne s'agit pas d'occulter d'éventuels bons côtés du nazisme, mais de montrer et faire comprendre en quoi et pourquoi il était mauvais.

Effectivement, la "Raison" n'est pas une fin en soi, et le "Vrai" et le "Bien" sont des valeurs très importantes, voire (à mon humble avis) supérieures. Mais si on refuse un regard de "Raison" sur ce que l'on aime pas (au risque de temps en temps d'avoir à réviser ses jugements), on laisse s'installer une censure qui étouffe tout esprit critique, et transforme le "Vrai" et "Bien" en simples préjugés, contingents, affaire d'opinion, inexplicables et indéfendables. L'obscurantisme est le lit du totalitarisme, et c'est bien combattre l'un et l'autre que de neutraliser un discours polémique, en faisant triompher objectivité et raison.

Pour paraphraser et corriger Voltaire:

"Je ne suis pas d'accord avec vos idées,
mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez exprimer leur raison".

Voir aussi

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