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Université René Descartes, Paris V Faculté de sciences humaines et sociales - Sorbonne
L'ALLEMAND : UNE LANGUE DIFFICILE ?
par
Françoise CROCHOT
Travail présenté pour le D.E.A de linguistique
Sous la direction de Monsieur le Professeur Michel CANDELIER
1996-1997
Je tiens à remercier les enseignants de Paris V pour leurs apports théoriques et leurs conseils méthodologiques. Sans la collaboration des élèves et de collègues de la région de Sens, je n'aurais pas pu mener à bien la partie empirique de ce travail. A eux toute ma reconnaissance. Je remercie aussi les nombreux amis qui m'ont aidée pour le traitement informatique des données recueillies, et mon entourage pour son soutien et sa patience au quotidien.
Sommaire 1. AVANT-PROPOS 5 2. EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE 7 2.1 Nécéssité de la diversification 7 2.2 État des lieux de l’ELV en France 8 2.3 Évolution de l’enseignement / apprentissage de l’allemand en France 10 2.3.1 Un peu d'histoire 10 2.3.2 La situation actuelle 12 2.4 Politique liguistique et didactique des langues 14 2.4.1 Politique ... 14 2.4.2 ...et didactique 15 3. ROLE DE LA DIFFICULTÉ DANS LA DIFFUSION ET LE STATUT DE L’ALLEMAND 16 3.1 Approche historique 16 3.2 Les associations 19 3.2.1 L'APLV et les Langues Modernes 19 3.2.1.1 Une langue difficile donc formatrice ? 19 3.2.1.2 Pour la diversification. 21 3.2.2 L'ADEAF 21 3.2.2.1 Les arguments. 22 3.2.2.2 Et l'élitisme ? 23 3.3 Approche sociologique 25 3.3.1 Quelques concepts 25 3.3.2 Qui apprend l’allemand aujourd’hui ? 27 3.3.3 Pourquoi apprend-on l’allemand aujourd’hui ? 27 3.3.4 Dans quel but apprend-on l’allemand aujourd’hui ? 28 3.3.5 L’apprentissage de l’allemand et la carrière scolaire 28 3.3.6 Le rôle des langues anciennes 29 3.3.7 L’allemand choisi comme deuxième langue vivante 30 3.3.8 Et la difficulté ? 30 3.3.9 La spécificité des LV2 31 3.3.10 Conclusion provisoire 31 4. DIFFICULTÉ ET APPRENANTS 32 4.1 Les élèves et les difficultés de l’allemand. Enquête 32 4.1.1 Méthode. 32 4.1.2 Réalisation de l’enquête 34 4.1.3 Les résultats globaux les plus significatifs 34 4.1.3.1 La difficulté 35 4.1.3.2 Quelles difficultés ? 37 4.1.3.3 La grammaire 38 4.1.4 Aides 39 4.1.5 Les besoins ressentis 41 4.1.6 Quelques profils 44 4.1.6.1 LV1 et LV2 44 4.1.6.2 Les latinistes 46 4.1.6.3 Les élèves en difficulté avec l'allemand 47 4.1.6.4 Ceux qui parlent des déclinaisons 50 4.1.7 L’activité orale 53 4.1.8 La motivation 55 4.1.9 Conclusion 56 4.2 Les difficultés des apprenants - Quelques points de vue d’enseignants 58 4.2.1 Le niveau baisse inexorablement 58 4.2.2 Une vision plus objective 60 4.2.2.1 Les constats 61 4.2.2.2 Recherche des causes et d’éventuels remèdes 63 5. QUELLES PRISES EN COMPTE PAR LES RESPONSABLES DE L'ACTE ÉDUCATIF ? 65 5.1 Les Instructions officielles entre 1963 et 1995 65 5.1.1 L’esprit 65 5.1.1.1 Une permanence dans les finalités 65 5.1.1.2 Des différences de hiérarchisation 66 5.1.1.3 Une très grande discrétion à propos de la quantité 66 5.1.1.4 La "nature de la langue allemande" 67 5.1.1.5 Une nécessaire différenciation 67 5.1.1.6 Quelques ouvertures 68 5.1.2 La lettre 68 5.1.2.1 Quelques allégements 68 5.1.2.2 Un déplacement des ambitions 69 5.1.2.3 Une stabilité des contenus 69 5.1.3 Et la réflexion sur la langue ? 70 5.1.3.1 La grammaire “honteuse” 70 5.1.3.2 La réflexion grammaticale: un handicap 72 5.1.3.3 Vers une "pratique raisonnée" 73 5.1.3.4 "L'apprentissage méthodique" 73 5.1.3.5 Bilan 74 5.2 Attitudes des enseignants 76 5.2.1 Quelques constats 76 5.2.2 Quelques pistes pour une enquête 79 5.2.2.1 Les finalités de l'enseignement de l'allemand. 79 5.2.2.2 Les contenus linguistiques 79 5.2.2.3 La difficulté de l'allemand 80 5.2.2.4 Les difficultés des élèves 80 5.2.2.5 Les élèves en difficulté 80 5.2.2.6 Les méthodologies 81 5.2.2.7 La réflexion sur la langue 81 5.2.3 Un défi pour les germanistes 82 6. LA LANGUE EN CONSTRUCTION 84 7. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 86 7.1 Auteurs 86 7.2 Articles extraits de revues 89 7.2.1 Les Langues modernes 89 7.2.2 Revue de l’ADEAF 91 7.2.3 Les Nouveaux cahiers d’allemand 92 7.3 Sources des textes officiels cités 93 8. LISTE DES ABRÉVIATIONS 93 9. ANNEXES 94
1. AVANT-PROPOS
L'allemand : une langue difficile ?
Mise au point. Pour écarter toute ambiguïté éventuellement suggérée par la formulation de son titre, je souhaite tout d'abord dire ce que ce travail n'est pas.
Il n'est pas une tentative -qu'on serait alors en droit de qualifier de "désespérée"- de prouver que tous ceux qui disent que l'allemand est une langue difficile ont tort et ne sont que des rabat-joie.
Il n'est pas une recherche d'ordre linguistique ou grammatical sur les éventuelles difficultés intrinsèques de la langue allemande.
Il n'est pas une étude contrastive qui chercherait à classer les langues selon leur degré de difficulté pour un apprenant francophone. Ce genre de travail a certainement un intérêt, mais ne poursuit pas l'objectif que je me suis assigné.
Quel est donc alors cet objectif ? Il est en fait triple : 1/ Convaincue de la dimension démocratique de l'Ecole, je me félicite de son ouverture à un public de plus en plus nombreux et diversifié. Mais, si tous les jeunes sont supposés être égaux devant l'éducation et la formation, qu'en est-il en ce qui concerne le choix des langues vivantes ? Force est de constater que la grande majorité des élèves optent pour des langues qu'ils pensent faciles et (donc ?) attrayantes. L'allemand, en l'occurrence, est plus ou moins réservé à une frange plus favorisée, socialement et intellectuellement, et continue, par-là même, de servir d'instrument de sélection dans le cursus scolaire. Il fallait donc tenter de décrire et d'expliquer ce phénomène ainsi que ses diverses retombées. 2/ Préoccupée par le maintien de la diversité linguistique en Europe - et dans le monde-, je pense que lutter contre l'image négative d'une des langues enseignées en France depuis fort longtemps peut contribuer à soutenir le plurilinguisme à l'Ecole, et donc aussi aux autres niveaux de la société. Car l'enseignement des langues étrangères, comme de toute autre discipline, n'a pas que des effets sur l'apprenant au niveau individuel, mais aussi sur l'ensemble de l'organisation sociale. 3/ Ancrées au niveau social, les représentations qui sont liées à une langue ont leurs sources dans des domaines divers. Il peut s'agir de l'histoire, de la culture, de l'économie, etc. Mais, au moment où il est question d'apprendre l'allemand, c'est une des caractéristiques supposées de cette langue qui est mise en avant par ses apprenants potentiels, à savoir sa difficulté. Une discussion que j'ai eue récemment avec une amie Conseillère d'orientation m'a confortée dans ce jugement. Confrontée quotidiennement aux attentes et aux craintes des élèves et de leurs familles, elle a constaté que les représentations négatives liées à l'allemand n'ont actuellement plus rien à voir avec les "brûlures" de l'histoire. Si beaucoup d'élèves ne veulent pas faire d'allemand aujourd'hui, c'est que, d'après eux, cette langue est trop difficile, et ils ne veulent pas courir à l'échec.
Une hypothèse était que cette représentation trouve une partie de ses origines dans l'histoire de l'enseignement de cette langue en France. Cela m'amenait donc immanquablement sur le terrain de la didactique où je pense qu'il serait urgent qu'elle trouve ses remèdes si l'allemand ne veut pas courir le risque de disparaître tôt ou tard de la "carte" déjà bien maigre des langues vivantes enseignées en France.
Ces considérations m'ont conduite à une approche assez "éclectique" de la problématique. J'ai en effet interrogé aussi bien l'histoire de l'ELV que la sociologie de l'éducation, analysé les réactions d'enseignants, hier et aujourd'hui, et de leurs associations, ainsi que celles de l'Institution scolaire, et tenté d'identifier les attentes et besoins des élèves. Le fil conducteur reste bien sûr toujours le même :
Qu'en est-il véritablement de cette fameuse difficulté ? A-t-elle été ou est-elle thématisée ? Si oui, dans quels buts ? Quelles fonctions scolaires et sociales a-t-elle ? Comment serait-il possible d'œuvrer pour un enseignement de l'allemand qui ne serait plus handicapé par cette représentation ?
2. EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE
2.1 Nécessite de la diversification
Dès juillet 1975, l'acte final de la Conférence d'Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe posait comme une des priorités de l'ELVE la garantie du plurilinguisme européen en mettant clairement l'accent sur une nécessaire diversification des langues proposées à l'apprentissage : « Les états participants expriment leur intention] d'encourager l'étude des langues étrangères et des civilisations comme moyen important de communication entre les peuples [... et de] stimuler à cette fin, dans le cadre de leurs compétences, le développement, l'amélioration et la diversification du choix des langues enseignées aux différents niveaux, en prenant dûment en considération les langues moins répandues ou moins étudiées ». Cette déclaration revenait à prendre officiellement position contre la prédominance en Europe de l'enseignement/apprentissage d'une seule langue, à savoir l'anglais, et à exhorter les institutions des divers États à mener une politique des langues non discriminatoire. Bien plus, il fallait non seulement tenter d'enrayer une tendance monopolistique allant en s'accentuant, mais aussi mettre en place des mesures d'incitation de soutien à l'enseignement du plus grand nombre possible de langues, nationales ou régionales.
Bien que les déclarations officielles allant dans ce sens se soient multipliées depuis, - le Conseil des Ministres européens de l'Education de juin 1984 s'engageait par exemple à "promouvoir toutes mesures appropriées pour que le plus grand nombre possible d'élèves acquièrent, avant la fin de l'obligation scolaire, une connaissance pratique de deux langues en plus de leur langue maternelle" on est bien forcé de constater que, loin de progresser, la diversification des langues enseignées en Europe a plutôt reculé, et que "de gros progrès restent à accomplir si on veut que l'école contribue au développement du pluralisme linguistique et culturel des sociétés." Le bilan qu'expose Michel Candelier après avoir passé en revue les offres de langues à l'école dans différents pays de l'Union européenne, est effectivement loin de correspondre aux espoirs soulevés à Helsinki : "l'hégémonie de l'anglais s'accroît". Il constate cependant que "Face à cela, des efforts indéniables sont entrepris dans divers pays pour l'introduction ou la consolidation d'une seconde langue, strapontin qui pourrait permettre [...] à l'allemand -et dans une moindre mesure l'espagnol - de progresser vers une représentation plus adéquate. Quant aux autres langues, elles devront continuer de se contenter des rares miettes restantes." Il reste donc beaucoup à faire pour atteindre une véritable diversification dans l'enseignement / apprentissage des langues vivantes.
2.2 État des lieux de l’ELV en France
"Depuis trente ans, le développement de l'étude des langues vivantes comme enseignement obligatoire ou optionnel a été continu dans le second degré avec, notamment, la généralisation de l'apprentissage d'une première langue dans le second cycle professionnel et d'une seconde langue en premier cycle et en second cycle général et technologique. L'anglais est appris, en 1995-96, par 94,8% des élèves du second degré. Sa prépondérance dans l'enseignement des langues vivantes a légèrement cru, surtout parmi les premières langues, au détriment principalement de l'allemand et de l'espagnol. L'espagnol a connu en revanche une progression telle de sa part parmi les secondes langues vivantes que le nombre total d'élèves apprenant l'espagnol dans le second degré dépasse celui des germanistes depuis 1989-90. Près de 10% des élèves du second cycle général et technologique apprennent une troisième langue étrangère en 1995-96. Cette part dépend étroitement de la possibilité offerte aux élèves de choisir leurs options, et a particulièrement baissé à la suite de la rénovation pédagogique des lycées. Cette réforme a en effet diversifié le choix des options qui s'est fait au détriment d'une troisième langue vivante. L'italien est depuis 1994-95 la langue la plus étudiée comme troisième langue." Ce texte introductif à une étude longitudinale, rédigé avec l'impartialité que se doivent d'avoir les statisticiens des services de la DEP, résume bien la situation actuelle de l'ELVE en France. Certes, quatre langues européennes sont mentionnées, mais la part de l'anglais soulignée ici laisse pressentir que la diversification préconisée à Helsinki n'a pas eu lieu.
Voici les chiffres détaillés : Tableau IX - Effectifs d'élèves du second degré par langue vivante étudiée (1) (1ère langue, 2nde langue, 3ème langue, autre statut) .1995-1996 Langue étudiée France métropolitaine France métropolitaine + DOM Public Privé Public + Privé Public Privé Public + Privé Anglais 4 050 522 1 092 377 5 142 899 4 231 501 1 106 449 5337 950 Espagnol 1 222 134 361 484 1583618 1 295 484 367 845 1663 329 Allemand 1 044 161 255 648 1299809 1 057 171 257 147 1314 318 Italien 16 450 27 223 191673 164 785 27 235 192 020 Russe 1 7022 1 799 18 821 1 7022 1 799 18 821 Portugais 7 709 354 8 063 10 090 549 10 639 Arabe 5 818 429 6 247 5 913 429 6 342 Hébreu 614 5 133 5 747 614 5 133 5 747 Chinois 2 292 371 2 663 2 373 372 2 745 Japonais 1 232 605 1 837 1 232 606 1 838 Néerlandais 626 94 720 626 94 720 Polonais 174 65 239 174 65 239 Autres langues vivantes 10 970 942 11 912 1l 075 942 12 017 Langues par correspondance 10 173 1 106 11 279 10 202 1 106 11 308 Langues régionales 9 756 3 402 13 158 9 756 3 402 1 3158 Effectif second degré (1) 4 292 126 1 132 309 5 424 435 4 476 362 1 147 078 5623440
(1) Non compris CPPN, CPA, CIPAL, SES/SEGPA, classes ateliers et élèves des lycées d'enseignement adapté (ex-EREA).
Premier bilan, donc : la "prépondérance" de l'anglais a cru depuis trente ans.
Il faut cependant souligner un aspect positif développé dans la suite de cette note : le nombre d'élèves exposés à l'apprentissage des langues vivantes a sensiblement progressé, d'une part grâce à la massification de l'enseignement, d'autre part à la suite du développement et de la quasi-généralisation de l'étude d'une seconde langue étrangère - ce qui est loin d'être le cas dans d'autres pays de l'Union européenne. Le nombre d'élèves apprenant deux langues vivantes s'est ainsi trouvé multiplié par 2,9. .D'importants progrès ont aussi été réalisés dans le second cycle professionnel où "La part des élèves apprenant une première langue vivante [...] est passée de seulement 39,3% en 1970-71 à 95,4% en 1995-96" . Mais c'est aussi le secteur où d'autres langues que l'anglais sont quasiment inexistantes, avec seulement 3,8% pour l'allemand.
De ce document ressort un autre fait sur lequel il faudra revenir par la suite : on nous signale en effet un "changement de priorités dans le choix des 1ères, 2èmes et 3èmes langues vivantes" qui a eu pour conséquence que l'allemand est de plus en plus choisi comme deuxième langue. Si l'on compare la situation actuelle à celle de 1970, on constate que les proportions se sont inversées. Pour cent élèves qui apprenaient l'allemand à cette époque, 53 l'avaient choisi dès la 6ème alors qu'ils ne sont plus maintenant que 46. Ceci s'explique bien sûr par la part plus importante prise par l'anglais en tant que LV1. Mais sur le fond, cela signifie que l'allemand a perdu son statut de 1ère langue, et, par-là même, une partie de son prestige, et que, sur le plan didactique, il faut maintenant adapter la méthodologie au public spécifique de LV2. Nous verrons par la suite que certains responsables en sont d'ailleurs conscients.
Voici pour terminer sur la situation actuelle de l'enseignement des langues vivantes en France un tableau de répartition des LV1 qui montre l'évolution qui a eu lieu depuis trente ans.
Tableau I Répartition des élèves de sixième selon la première langue étudiée France métropolitaine - Public + Privé En % 1965-66 1970-71 1975-76 1980-81 1985-86 1990-91 1995-96 Anglais 82,0 82,5 82,9 83,8 86,4 86,1 88,1 Allemand 12,7 14,3 13,9 13,1 11,5 12,7 11,0 Espagnol 4,4 2,9 2,6 2,1 1,3 0,8 0,7 Italien 0,7 0,2 0,3 0,3 0,2 0,1 e Autres langues 0,1 0,1 0,3 0,7 0,6 0,3 0,2 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
De tous ces éléments ressort que l'allemand continue d'être en perte de vitesse. Nous allons maintenant analyser plus précisément l'évolution qui a eu lieu.
2.3 Évolution de l’enseignement / apprentissage de l’allemand en France
On a vu au chapitre précédent que l'allemand est malgré tout loin de faire partie des langues les moins enseignées en France puisqu'il peut se prévaloir de plus d'un million d'apprenants dans le système scolaire - sans parler des cours pour adultes. Œuvrer pour une diversification dans l'apprentissage des langues étrangères devrait donc peut-être plutôt amener à se préoccuper de situations plus alarmantes que celle de l'allemand. Mais il faut tout d'abord s'arrêter sur ce que celle-ci a de spécifique. D'autres langues qu'il faut aussi promouvoir maintenant n'ont jamais été beaucoup enseignées en France, ce n'est pas le cas de l'allemand. Et sa perte de vitesse n'est pas due uniquement à la progression irréversible de l'anglais. Pour mieux mesurer ce phénomène, il faut tout d'abord remonter quelque peu dans le temps.
2.3.1 Un peu d'histoire
Au XIXème siècle, époque où se mettait peu à peu en place l'enseignement/apprentissage institutionnalisé des LV (cf. 2ème partie de ce travail), l'allemand était la langue vivante la plus enseignée en France, suivie immédiatement par l'anglais, espagnol et italien étant aussi présents mais concentrés sur le sud de la France. Bref, les jeunes Français qui avaient la chance de bénéficier d'un enseignement de langue -un fort mince pourcentage de la population... -apprenaient les langues des pays voisins du leur, dont l'Allemagne avec laquelle avaient lieu de nombreux échanges dans les domaines culturel et scientifique.
Quand on étudie l'évolution de l'enseignement/apprentissage de l'allemand en France au XXème siècle, on ne peut bien sûr passer sous silence les retombées que les conflits militaires qui opposèrent la France et l'Allemagne à partir de 1870 ont eues aussi dans ce domaine. Mes recherches m'ont amenée à consulter un certain nombre de témoignages relatifs à ce phénomène, et je voudrais en mentionner quelques-uns uns ici.
Evoquons tout d'abord le début du siècle avec une polémique autour de la nécessité même d'apprendre l'allemand. Rappelons que cette langue était alors majoritaire dans les écoles françaises. Or, en 1909, un enseignant du lycée Condorcet déplorait le "manque de bon sens" d'enseignants qu'il jugeait "hypnotisés" par l'Allemagne et tout ce qui était allemand. "Nous apprenons trop l'allemand. Nous l'apprenons à trop de gens qui n'en ont que faire, nous l'apprenons avec excès à ceux auxquels il peut servir. Je souhaiterais donc d'abord que l'allemand cessât d'être avantagé dans nos programmes d'instruction. Qu'on le mette à tout le moins sur le même pied que l'anglais et les deux principales langues romanes...". . Cette revendication d'une plus grande diversification ne peut nous sembler que légitime, seulement, à cette époque, c'était la cause de l'anglais que l'on plaidait ! Mais cette prise de position met aussi en lumière l'ambiguïté que pouvait, à l'époque, représenter l'enseignement de la langue du vainqueur de 1870. Quelques mois plus tard, un collègue, lui aussi professeur d'allemand, rétorquait à Monsieur Malye que "Voisins de l'Allemagne, nous devons la connaître, amie ou ennemie" et donc en apprendre la langue. Le ton était donné : en juillet 1915, en plein conflit mondial, un Inspecteur de l'Instruction publique exhortait les jeunes Français à apprendre "plus que jamais" l'allemand, afin d'être mieux "avertis" que les générations précédentes du danger que ce pays pouvait représenter. La tâche des enseignants n'était pas pour autant facile, eux qui avaient la "douloureuse mission d'enseigner la langue abhorrée" et qui, dans le même temps devaient "montrer par l'exemple [...] que tout en étant professeur d'allemand, on pouvait être une bonne Française." Pas facile, on s'en doute, d'assumer ce rôle ingrat.
La population française, quant à elle, s'était effectivement détournée de la "langue abhorrée" puisqu'en 1920 "les classes d'allemand avaient perdu une grande partie de leurs élèves au profit des autres langues" et que "si l'on n'y [mettait] bon ordre, l'enseignement de l'allemand [aurait] vécu." A nouveau, les enseignants partaient en campagne : " Nous sommes convaincus que l'allemand est plus que jamais indispensable, que sa connaissance est une arme de paix et de guerre, qu'il est imprudent de laisser se rouiller." Il fallait donc promouvoir la "langue ennemie" contre l'opinion même des Français. Jusqu'aux hommes politiques qui s'en mêlaient, en la personne de M. Raymond Poincaré, répondant à un courrier que lui avait adressé le président de l'APLV, M. Veillet-Lavallée, pour lui "demander [son] sentiment sur [les] études allemandes en France" .
Mais le courant ne serait jamais plus inversé, et à la suite du second conflit mondial, on constatait que, "entre 1913 et 1945, l'allemand [avait] perdu près de 30% de sa clientèle scolaire" et qu'il fallait tout mettre en oeuvre pour " réhabiliter l'allemand aux yeux du grand public" et pour "montrer combien l'intérêt national le mieux entendu [commandait] de surveiller de très près l'évolution du monde germanique." . Voilà donc quels étaient les arguments au service de la "promotion" de l'allemand au lendemain de la chute du IIIème Reich...
Il est bien sûr difficile de mesurer l'impact exact des événements historiques sur le comportement et les choix de la population en matière de langues vivantes. L'importance grandissante de la culture et de l'économie anglo-américaines après la fin de la guerre a, quant à elle, plaidé la cause de la langue des vainqueurs. Et on en est peu à peu arrivé aux chiffres évoqués plus haut et dont nous allons maintenant reprendre l'examen.
2.3.2 La situation actuelle
Entre 1958 et 1978, la situation de l'allemand en tant que 1ère langue est restée stable : environ 16% des élèves de 6ème le choisissaient. On a vu que depuis, cette proportion a chuté pour n'être plus que de 11% en 1995-96. Y a-t-il eu pour autant compensation grâce aux choix en LV2 comme cela a été par exemple le cas en espagnol ? Nous savons qu'actuellement l'allemand est principalement une seconde langue, mais elle est moins souvent choisie que l'espagnol. Il est intéressant de se pencher sur les origines assez récentes de ce phénomène. Pour ce faire, il faut examiner rapidement l'évolution du système scolaire français depuis les années 60. En 1963, la création des CES ouvre la voie à la massification de l'enseignement secondaire. Les réformes qui ont ensuite lieu dans les années soixante dix ont des retombées diverses sur l'enseignement des langues vivantes : d'une part leurs horaires augmentent dans le second cycle, ce qui est favorable à toutes les langues, d'autre part, la deuxième langue vivante devient facultative en classe de 4ème où l'on propose aux élèves un enseignement renforcé de première langue. Dans un premier temps, toutes les langues en pâtissent : des élèves qui quelques années auparavant n'auraient pas accédé au collège semblent préférer renforcer leur 1ère langue et n'optent donc pas par l'étude d'une seconde ; d'autres abandonnent celle-ci en abordant le lycée, bref, l'apprentissage d'une deuxième langue vivante connaît une période de creux. Celle-ci est d'assez courte durée, puisque à partir de 1980, on assiste à un regain d'intérêt pour l'étude d'une LV2, mais l'allemand, qui avait déjà cédé du terrain à l'espagnol, n'en bénéficie pas. Regardons la répartition des choix de LV2 en classe de quatrième :
1968 1979 1983
ALLEMAND 34,9 % 29,4% 26,7 % ESPAGNOL 31 % 42,1% 45,5%
Si l'on observe aussi le tableau publié dans un article des LM consacré à l'évolution de l'enseignement des langues vivantes de 1950 à 1980 , on verra que l'espagnol commence de prendre le pas sur l'allemand en tant que LV2 au milieu des années 70, c'est à dire au moment de la mise en place du collège unique. On peut donc d'ores et déjà dire que l'accès d'un plus grand nombre de jeunes à l'enseignement secondaire n'a pas été accompagné d'une augmentation proportionnelle des effectifs en allemand.
LANGUES Allemand Anglais Espagnol Italien Russe (et autres) % d'élèves étudiant deux langues I et Il I Il I Il I Il I Il I Il 1958-59 15,2 29,1 77,6 21,7 5,7 32,3 1,5 14,3 e 1,7 0,5 23,3 % 1959-60 23,8 % 1960-61 15,6 77,4 5,6 1,3 0,1 26,5 % 1961-62 1962-63 1963-64 1964-65 15,9 32,2 78,1 22 4,9 31,4 1 11,1 0,1 1,9 0,4 31,7 % 1965-66 1966-67 16,5 77,9 4,6 0,9 0,1 38,2 % 1967-68 1968-69 16 33,9 79,4 22 4 32,4 0,6 9,9 e 1,6 0,2 36,1 % 1969-70 16 34,8 79,8 21,7 3,7 32,2 0,5 9,4 e 1,7 0,2 36,1 % 1970-71 15,8 35,5 80,3 21,3 3,4 32,5 0,4 8,9 0,1 1,8 e 36,1 % 1971-72 15,9 37,1 80,5 20,4 3,1 32,7 0,4 8,1 0,1 1,7 e 36,1 % 1972-73 16 37,8 80,6 20 3 32,8 0,1 7,9 0,3 1,4 0,1 1973-74 16 38 80,7 20 2,9 33 0,3 7,7 0,1 1,3 e 37 % 1974-75 16 37 80,7 20,4 2,8 33,4 0,3 7,5 0,2 1,3 36,6 % 1975-76 16 35,8 80,6 20,5 2,7 34,5 e 7,5 o 33,8 % 1976-77 15,9 34,9 80,8 20,8 2,7 35,7 e 7,3 32 % 1977-78 15,8 33,9 80,9 20,7 2,6 37,1 e 7 32,7 % 1978-79 15,7 32,5 81,1 20,5 2,4 38,8 e 6,9 e e e 32 %
Le choix que font les élèves d'aujourd'hui des langues qu'ils veulent apprendre n'est plus obéré par l'histoire de la première moitié de ce siècle. Par contre, la massification de l'enseignement s'est accompagnée d'une préférence pour une langue réputée plus facile : renonce-t-on à l'allemand à cause de sa difficulté ? C'est la question qui servira de fil conducteur à l'ensemble de cette recherche.
2.4 Politique linguistique et didactique des langues
Œuvrer pour le plurilinguisme dans l'enseignement scolaire des langues vivantes en France c'est donc, entre autre, contribuer à ce que l'allemand ne continue pas de voir le nombre de ses apprenants diminuer parce que les familles lui préfèrent l'anglais en première langue et l'espagnol en seconde langue.
2.4.1 Politique...
On pourrait arguer du fait qu'il s'agit de choix individuels, et il est vrai que, dans l'absolu, les apprenants et leurs familles sont libres d'opter pour l'apprentissage de la langue ou des langues qu'ils désirent (à condition qu'elles soient proposées dans les établissements de leur secteur...) Mais, en fait "la demande n'est pas indépendante de l'offre" , et "ce qui est proposé massivement s'intériorise en désir subjectif" . En d'autres termes, le choix des langues apprises ne relève pas tant d'attitudes individuelles et du libre arbitre de chacun que d'un phénomène d'imprégnation sociale ayant lui-même des retombées sur le type de société auquel il paraît bon d'aspirer. Souhaite-t-on ou non le plurilinguisme ? C'est cet état de fait qui rend nécessaire l'existence de ce qu'il est convenu d'appeler une politique des langues -nationale et /ou européenne-, en tant qu'instrument de régulation pour la diffusion et l'apprentissage des différentes langues. En voici une définition, proposée par M. Candelier : " Par politique des langues, on entend des mesures destinées à influencer l'usage des langues autres que le français, leur statut dans la société et les représentations qu'ont les individus de ces langues et des cultures qui leur correspondent." Il s'agit d'une définition générale qui vise donc toutes les langues, y compris les langues régionales et celles des migrants. Mais elle expose clairement un des objectifs d'une politique scolaire des langues digne de ce nom : influencer les représentations liées aux langues et aux cultures qui y sont rattachées. L'ELV ayant une fonction non pas strictement individuelle mais aussi sociale, une politique des langues peut fournir le cadre dans lequel les langues seront présentées au public avec le plus d'objectivité possible. Nous avons vu que les représentations liées à l'allemand et à ses locuteurs à la suite des deux conflits mondiaux ont eu bien des conséquences sur l'apprentissage de cette langue en France. Une politique volontariste -et dont les enjeux dépassaient bien sûr largement le domaine linguistique - a conduit peu à peu à la réconciliation des deux peuples. S'agissant des représentations à propos de la langue elle-même, en l'occurrence de sa difficulté, on ne peut évidemment pas attendre que les hommes politiques décrètent soudain que l'allemand n'est pas plus ardu à apprendre qu'une autre langue !...Par contre, une politique des langues prônant et favorisant une véritable démocratisation de l'apprentissage de toutes les langues est envisageable. Elle serait alors relayée par les praticiens de l'ELV car, comme le reconnaît justement M. Candelier "Le discours militant - surtout quand il a pour origine les associations d'enseignants de langues vivantes - est loin de s'en tenir à la dimension strictement politique : il tire aussi, naturellement, des arguments du domaine de la didactique, de sorte qu'il est parfois bien difficile de dire qui parle, du militant ou du didacticien." Il me semble personnellement que la démarche didactique peut être une démarche militante, c'est du moins dans cette optique que je me place, mais les arguments didactiques visant à soutenir la diffusion d'une langue doivent être, d'une part en harmonie avec une vision politique de l'enseignement des langues, d'autre part compatibles avec l'épistémologie de la didactique. Nous verrons dans le deuxième chapitre que ce n'est pas toujours le cas.
2.4.2 ...et didactique
En ce qui concerne les représentations négatives à propos des langues, M. Candelier indique lui-même que, parmi d'autres facteurs dissuadants, l'influence "que provoque l'échec dans l'apprentissage [...] peut être dévastatrice." Partir de l'hypothèse que les élèves choisissent de moins en moins l'allemand car la plupart pensent cette langue trop difficile pour eux, entre autre parce qu'ils sont confrontés à l'image d'apprenants ou ex-apprenants en échec nous conduit automatiquement sur le terrain de la didactique qui "étudie les processus d'acquisition et d'apprentissage des langues, pour agir sur l'enseignement et le rendre plus efficace." Envisager le choix ou non-choix de l'allemand sous l'angle de la difficulté, donc d'éventuels échecs, c'est donc forcément réfléchir aux actions à mener, sur le terrain scolaire, en vue de "l'amélioration et de la remédiation de l'enseignement/apprentissage" de cette langue. Une politique pour la démocratisation de l'allemand passe donc par une pratique plus démocratisante de son enseignement. Car, comme le fait remarquer une enseignante exprimant son "blues" dans les colonnes des NCA, "Nous essayons de justifier notre discipline pour des raisons utilitaires, des raisons culturelles, mais notre plus grand problème reste de faire comprendre notre matière, de la rendre accessible et par-là même plus attractive." Ce sont en fait les différents éléments de ce constat qui parcourront et structureront les chapitres qui vont suivre, et nous aurons l'occasion de retrouver à plusieurs occasions J. Benhadji-Schaff, qui inscrit clairement ses propos d'enseignante dans une démarche de démocratisation de l'allemand.
3. ROLE DE LA DIFFICULTÉ DANS LA DIFFUSION ET LE STATUT DE L’ALLEMAND
Nous poserons donc comme hypothèse de travail que la représentation de difficulté associée à la langue allemande conduit actuellement à une attitude d'évitement de la part de la plupart des élèves : on choisit une ou des langues qu'on pense plus faciles. Trois questions feront l'objet de cette partie de la recherche : 1/ Cette représentation collective existait-elle déjà à l'époque où l'allemand était la langue vivante la plus enseignée en France ? Si oui, qui la véhiculait et pour quelles raisons ? Il s'agira donc d'une approche historique. 2/ S'est-il trouvé, à diverses époques, des voix pour tenter de réagir à ce problème ? On étudiera principalement les prises de positions de membres d'associations de professeurs de langues. 3/ Peut-on avoir intérêt à ce que cette représentation persiste et quel rôle joue-t-elle ? Quelles en sont les répercussions sur les structures de la population scolaire -donc, indirectement sur la diversification des langues à l'intérieur du système ? Il faudra alors faire appel aux apports de la sociologie de l'éducation.
3.1 Approche historique
Outre le fait qu'il est passionnant de se pencher sur l'histoire de l'ELV en France, une étude rétrospective de l'histoire de l'enseignement de l'allemand permettra de mieux saisir ce que J. Favard appelle la "tradition intellectualiste et grammairienne" des germanistes français . Dans ce livre qui s'adresse principalement aux futurs enseignants d'allemand, M. Favard n'est pas toujours tendre avec certains professeurs actuels pour qui, d'après lui, "l'apprentissage de la grammaire allemande, qui est à leurs yeux une véritable école de la pensée, et du raisonnement, reste une fin en soi"
Entre utilitarisme et érudition.
Nous pouvons tenter de reconstituer les origines de cette "mémoire collective" en suivant les pistes proposées par les auteurs d'un ouvrage consacré aux pionniers de l'enseignement institutionnalisé des langues vivantes au XIXème siècle. Il fournit en effet un éclairage fort révélateur quant à la "permanence des facteurs [...] qui définissent le cadre de la discussion publique " sur l'enseignement en France. En d'autres termes : les points sur lesquels se focalisent les polémiques sont restés sensiblement les mêmes, par exemple lorsqu'il s'agit d'opter "entre un enseignement axé sur la culture des élites et les nécessités d'une finalisation pratique" . C'est en effet sous ces auspices que s'est étendu peu à peu l'enseignement des langues vivantes, dont l'allemand, majoritaire à l'époque, dans les collèges royaux. Il s'agissait en premier lieu de répondre à l'évolution économique et technique de la société, et c'est donc un enseignement à finalités pratiques qu'il fallait tenter de mettre en place. Les langues vivantes étaient d'ailleurs souvent répertoriées parmi les disciplines techniques, au même titre que les maths ou la physique ; et l'allemand, justement, était déjà à l'honneur dans plusieurs Ecoles Spéciales telles Polytechnique et Saint-Cyr (objectifs stratégiques et militaires, donc on ne peut plus pratiques), des écoles de commerce et même une école forestière. C'est donc l'aspect utilitaire des langues vivantes qui était mis en avant, ce qui était fort peu compatible avec les humanités classiques dispensées jusqu'alors dans le Secondaire. C'est ainsi que, pour parvenir à se faire une véritable place à ce niveau, pour être admises et reconnue comme une discipline à part entière digne de former les esprits des jeunes gens, les langues vivantes et leurs enseignants (certains français, beaucoup "natifs") se sentiront peu à peu contraints de s'aligner sur la culture des humanités classiques. "Alors que les langues vivantes doivent donner une dimension pratique à l'enseignement, la stratégie de leurs défenseurs consistera à les assimiler au latin et au grec jusqu'au niveau des méthodes didactiques." . Cette évolution est fondamentale pour qui veut comprendre le fonctionnement de l'ELV en France Elle semble avoir été particulièrement lourde de conséquences en ce qui concerne la langue allemande. Celle-ci, dans la période considérée, était certes souvent enseignée par des germanophones mais qui, justement, se détachaient du "vulgaire natif" dans la mesure où il s'agissait souvent d'érudits, notamment dans le domaine de la philologie, et qui ont pu transmettre aux élèves, non pas leur langue, mais leurs connaissances sur cette langue. On se retrouvait donc du côté des tenants des objectifs intellectuels et non plus pratiques. Il est en outre intéressant de signaler ce que les auteurs du Maître de langues ont pu constater quant aux convictions politiques des tenants de l'une et l'autre de ces philosophies. "Les humanités gréco-latines, piliers de la culture générale restent dans les consciences comme un fondement de la Révolution" (donc défendues par la gauche), "et l'introduction de l'enseignement des langues est parfois prônée par des conservateurs soucieux du développement industriel de la France" Cela en dit long quant aux idéaux de la future école républicaine qui, bien sûr, restera longtemps attachée aux humanités classiques.
Des débuts difficiles donc pour cette discipline concurrente des lettres classiques, reléguée bien souvent aux heures d'étude, tantôt facultatives, tantôt obligatoires mais bien souvent mal considérées par des élèves qui consacrent de 10 à 16 heures par semaine au latin et au grec contre... 2 heures aux langues vivantes... Quant aux maîtres de langues, ils n'avaient alors aucun statut reconnu et des salaires de misère, quoi d'étonnant à ce qu'ils tentent de trouver leur légitimation, comme nous l'avons vu plus haut, dans un enseignement "classique" des langues modernes. Celui-ci sera d'ailleurs officialisé par la mise en place en 1841 d'un certificat d'aptitude à l'enseignement des langues vivantes qui apportera à ces maîtres et à leur discipline une reconnaissance dont ils avaient bien besoin, mais sera conçu selon le modèle et les exigences de l'agrégation de... grammaire. Là aussi un des jalons de l'histoire collective des germanistes ? "Les sujets de l'épreuve d'allemand - philologie allemande oblige -, étaient nettement plus techniques [comprendre grammaticaux] et plus ambitieux que ceux d'autres langues vivantes" , constatent les auteurs à propos de ce concours. On a donc dès lors affaire, d'une part à un concours qui consacre "le caractère littéraire de l'enseignement des langues vivantes" , d'autre part à une spécificité de l'allemand inhérente, non pas à la langue elle-même, mais à l'éclairage savant projeté sur son évolution (philologie) et, partant, sur la description de ses structures. Nous avons déjà évoqué que le fait qu'elle ait été enseignée principalement par des natifs ne l'a pas forcément servie quant à sa réputation, puisque ce sont d'abord ces derniers qui ont véhiculé la culture philologique en France. Il ne s'agit pas de dire que c'est de leur "faute" si l'allemand est considéré comme difficile, mais ils ont largement contribué à sa présentation sous une forme analytique peu compatible avec l'apprentissage, au sens actuel du terme, d'une langue vivante. C'est ainsi que faute d'être utilisable en tant qu'outil de communication, l'allemand est devenu, par exemple dans le cadre de l'Ecole Normale où son enseignement est introduit en 1830 "une langue indispensable pour l'érudition"
Sans doute cela est-il plus satisfaisant pour l'esprit que de voir l'allemand appris principalement à des fins militaires. Mais cette notion d'érudition associée à la description savante de la langue trace déjà bien clairement le destin d'une langue réservée à la culture des élites : déjà à l'époque, on n'apprenait pas l'allemand pour s'en servir -ce qui eût été bassement utilitariste - mais pour se former l'esprit.
3.2 Les associations
3.2.1 L'APLV et les Langues Modernes
La revue de l'Association des professeurs de langues vivantes de l'enseignement public créée, rappelons-le, en 1903, porte en son nom une affirmation claire : les langues modernes -donc vivantes- ont leurs spécificités propres, et on peut donc penser qu'elles se sont "émancipées" de la tutelle des langues anciennes. C'est d'ailleurs en ce début du XXème siècle que les Instructions officielles relatives à l'enseignement des langues introduisent puis imposent la méthodologie directe s'opposant en tout point à la méthodologie traditionnelle de grammaire/traduction et distinguant ainsi clairement la didactique des langues vivantes de celle des langues anciennes. Dans ce qui suit, je ferai principalement état de prises de positions émanant de germanistes ou ayant trait à l'enseignement de la langue allemande. Je continuerai ce faisant de suivre mon fil conducteur : dans quelle mesure est-il question de la difficulté de l'allemand et en quels termes ?
Avant d'aborder plus précisément ce point, il est nécessaire de revenir à un aspect soulevé dans le chapitre précédent et qui reste jusqu'à nos jours, comme un Leitmotiv lorsqu'il est question de l'ELV : quelles en sont les finalités ? A travers tout le XXème siècle, on assiste à une polémique qui semble condamner ceux qui y prennent part à devoir opter pour un des deux pôles : formation de l'esprit (érudition), vs utilitarisme (acquisition d'un outil de communication) On pourrait dire qu'il s'agit d'un débat idéologique relevant de la politique linguistique des Etats (cf. 1ère partie) et qu'il n'appartient pas aux enseignants de trancher. Mais il faut bien aussi reconnaître que cette alternative a eu - et a toujours - des répercussions particulières quant à l'image de la langue qu'elle induit et que les enseignants véhiculent.
3.2.1.1 Une langue difficile donc formatrice ?
Voici quelques exemples de ce genre de prises de position. J'ai déjà évoqué dans la première partie de mon travail une polémique portée dans les colonnes des Langues Modernes (désormais LM) à propos de la nécessité même d'apprendre l'allemand. Dans un article de 1910, Gaston Raphael prend la défense de cette langue à laquelle "on reproche sa difficulté et son inutilité" , en en soulignant la valeur formatrice : "Il semble pourtant que l'effort nécessaire pour vaincre la difficulté soit le fondement même de l'éducation, et que si des études veulent mériter le nom de classiques, elles ne doivent pas se guider par des considérations d'un plat utilitarisme." On a bien lu "études classiques" : l'allemand en tant que latin du XXème siècle ? Mais des non-germanistes prirent aussi position dans le débat sur la difficulté et la valeur formatrice des diverses langues vivantes. Voici quelques extraits d'un article de 1912 au titre révélateur : "La légende des langues faciles". L'argumentation est la suivante : les langues méridionales - ainsi sont désignés l'espagnol et l'italien - sont faciles au début de leur apprentissage" : Au début, tout va bien : sortant des ténèbres (sic) de la grammaire allemande ou des incertitudes de la prononciation anglaise, [les élèves] s'avancent en pleine lumière, en un chemin jonché de roses." L'auteur explique alors où apparaissent ensuite les difficultés qui font qu'au bout de quelques mois ses élèves sont unanimes pour dire que "l'espagnol est beaucoup plus difficile qu'on ne dit." Il affirme même que ses "collègues germanisants seraient effrayés du nombre de fautes qu'un écolier de force moyenne peut commettre dans une ou deux pages de langue "facile"." On peut effectivement partager son amertume à constater que "pour beaucoup, une langue ne peut être digne et utile en soi" (comprendre : formatrice) "que si elle est aride et compliquée." - sans doute fait-il allusion à l'allemand. Il se sent donc obligé de "détruire le mythe" de la facilité des langues méridionales tout en sentant "la vanité et le ridicule de ces discussions sur le point de savoir si telle langue est plus ardue que telle autre" . Malgré ses efforts, et ceux de bien d'autres, les représentations n'ont, en plus de 80 ans, pas beaucoup changé...
Pour ne pas par trop allonger la liste des citations, résumons le problème en ces termes : certaines langues auraient eu le défaut d'être faciles, d'autres le mérite d'être difficiles ! ...Cela revenait à dire que, pour être formateur, tout apprentissage devait s'effectuer dans l'effort et la difficulté. D'autres enseignants, cependant, se plaçaient dans une optique différente en utilisant des arguments proches de ceux que l'on entend parfois aujourd'hui, tel ce professeur de lettres classiques du lycée de Saint Brieuc qui écrivait en 1910 : [Certes] " la langue allemande est indispensable, en France comme ailleurs, à une élite" mais on ne devrait pas en imposer "à une multitude bigarrée d'enfants (sic) le pénible apprentissage." . Même si les arguments qu'il avance par ailleurs ont plus à voir avec l'image de l'Allemagne qu'avec celle de la langue elle-même (j'ai déjà cité des passages de sa contribution en 1ère partie ), il n'en conclut pas moins ses propos en parlant de "l'abattoir grammatical" que constitueraient les cours d'allemand pour certains élèves.
Le thème de la difficulté de l'allemand est donc loin de laisser indifférent les personnes qui s'expriment dans les colonnes des LM en ce début de siècle. Pour certains, il représente un avantage, pour d'autre, un danger. Mais dans ces années où l'allemand était encore la langue la plus enseignée en France, peu se trouvaient pour dire qu'on pouvait l'apprendre autrement que dans la douleur...
Le débat sur les objectifs à assigner à l'ELV - formation de l'esprit vs utilitarisme - n'a bien sûr pas concerné que l'allemand. On trouve de nombreux autres articles à ce propos dont je me contenterai de citer les titres : "La grande pitié des disciplines modernes et leur importance dans l'avenir" (1932, p 547à 554) ; "Les langues vivantes et l'homme moderne, rapport pour une assemblée générale de l'APLV" (1937, p 345 à 354) qui traite de l'utilité pratique, documentaire et spirituelle des langues vivantes ; un autre rapport préparatoire à une assemblée générale intitulé "Aspect culturel et aspect utilitaire de l'ELV" (1954, p 456 à 460) qui pose entre autre le problème de la démocratisation de l'enseignement ; et en 1957 : Journées d'étude sur le "rôle des langues vivantes dans l'enseignement moderne" (p 142 à 145).
Ce que l'on ne connaît pas, ce sont les critères qui prévalaient à l'époque pour les élèves qui choisissaient l'étude de telle ou telle langue. Je crois pouvoir dire que le but des articles que je viens de mentionner n'était pas tant d'attirer - ou de mettre en garde - le public scolaire en lui faisant miroiter, soit la facilité d'apprentissage, soit la valeur formatrice d'une langue donnée. Il s'agissait plutôt de discussions internes, et parfois passionnées, entre des spécialistes de l'ELV.
Bien sûr, l'APLV s'est aussi fait l'écho de préoccupations quant à la diminution du nombre d'auditeurs de certaines langues (On a vu le cas d'espèce de l'allemand après 1918 et 1945). On en trouve d'autres exemples plus récents comme en 1975, où la Commission d'espagnol de l'APLV s'adresse aux présidents des Régionales et aux correspondants d'établissements à propos de la "situation préoccupante" de l'Espagnol que "nous risquons de voir [...] disparaître de l'enseignement." Des arguments en faveur de l'apprentissage de l'allemand seront aussi publiés à la même époque dans les LM : "Pourquoi enseigner l'allemand aux élèves français" (1975, p327 à 330) ; "L'allemand n'est pas une seconde langue", (1979, p 444à 447) ou Richard Thieberger affirme que l'allemand "n'est une langue difficile qu'après l'anglais", d'où le titre de sa contribution.
3.2.1.2 Pour la diversification.
Mais la ligne de force de l'APLV dans sa politique de soutien aux langues dites rares -parmi lesquelles l'allemand fut un temps classé - est et reste l'affirmation d'une nécessaire diversification des langues vivantes enseignées en France. Elle fut très clairement exprimée lors des Assises nationales des langues vivantes en 1980 dans une thèse qui met en quelque sorte un terme au débat entre les anciens et les modernes et à laquelle j'adhère personnellement entièrement : "Il n'y a pas de langues plus formatrices que d'autres, pas de choix à faire entre un apprentissage "culturel" et un apprentissage "utilitaire" des langues étrangères. Nous refusons ces oppositions surannées. Une langue n'est jamais simplement un outil de communication, elle contribue à structurer la pensée et la vision du monde de celui qui la parle. Ce qui est formateur, donc, c'est l'acte même d'apprendre une langue autre que la langue maternelle."
3.2.2 L'ADEAF
Un autre angle de vision est celui adopté par l'Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France qui, depuis le début des années 80, essaie de lutter contre la diminution des effectifs en allemand en s'inscrivant dans une démarche différente, pouvant apparaître plus "corporatiste". Cette association regroupe en effet uniquement des enseignants d'allemand et n'hésite parfois pas à utiliser comme arguments pour l'apprentissage de l'allemand des comparaisons avec les autres langues qui jouent en défaveur de celles-ci.
Les méthodes utilisées sont très militantes, surtout dans les années 80, où la revue de l'ADEAF fait état de nombreuses démarches de cette association auprès de l'administration scolaire concernant le nombre de postes aux concours de recrutement, le seuil d'ouverture des sections - passé de 8 à 15 en 1981 -, les textes officiels. Il s'agit bel et bien de défendre l'allemand et les postes des collègues menacés par son recul. D'où aussi une propagande en direction des familles et des enseignants de l'école primaire.
3.2.2.1 Les arguments.
Je ne m'étendrai pas ici sur les arguments fort bien documentés développés à propos de l'utilité de l'allemand sur le plan économique et professionnel, à propos de sa diffusion - bien qu'on ne puisse s'empêcher de faire remarquer qu'un des "avantages" résidant dans le fait que l'allemand était parlé dans les deux blocs n'est plus valide depuis 1989... On trouvera en annexe un des tracts de propagande diffusés par l'ADEAF en 1983 .
Ce sont plutôt les arguments pédagogiques et didactiques qui retiendront notre attention avec toujours cette question de fond : comment cette association militant pour l'apprentissage de l'allemand par les jeunes Français se positionne-t-elle par rapport à la représentation de difficulté liée à la langue allemande dans l'opinion publique ? Ne pas en faire état serait malhonnête ; la mettre en avant, risqué, à moins d'adhérer à l'idée d'élitisme ; la nier purement et simplement, irréaliste. La tâche n'est pas aisée, et je dois dire que j'ai trouvé peu de contributions y faisant directement allusion. Mais il est évident que la plupart des auteurs d'articles ayant trait à la didactique sont animés de la volonté de dire ou faire quelque chose pour que les élèves ne se détournent pas de l'allemand à cause de sa mauvaise réputation. Une attitude consiste à relativiser, voire à nier la difficulté, une autre à comparer certaines caractéristiques de l'allemand à celles d'autres langues "concurrentes". On les retrouve toutes deux dans un article de 1984 qui reprend l'essentiel d'une intervention faite auprès d'instituteurs et destinée à les convaincre d'inciter leurs élèves à choisir l'allemand au collège. L'argumentation utilisée repose sur le renouveau de la didactique de l'allemand et l'apologie de la méthode structuro-globale. Celle-ci, affirme R.B. Keysers, permettrait en effet à tous les élèves d'acquérir l'allemand sans peine contrairement à ce qui se passait "jadis" puisque "l'apprentissage global et non analytique de l'allemand permet à des enfants qui ne possèdent pas les connaissances grammaticales de base - les pré-requis- à l'entrée en 6ème d'acquérir le maniement puis la notion des fonctions fondamentales communes au français et à l'allemand." Bref, les "nouvelles" méthodes rendent l'allemand plus facile.
Outre le fait que cette démonstration est un peu obscure, elle appelle deux remarques : 1/ Présenter en 1984 les MAV comme une innovation récente ayant pratiquement directement succédé à la méthode indirecte (grammaire/traduction) me semble faire peu de cas des réalités historiques. 2/ L'auteur n'est pas cohérent dans ses propos concernant la grammaire. D'une part il dit que, grâce à la méthode structuro-globale, "l'acquisition langagière est naturelle", que "la grammaire est distillée [...] afin d'aboutir à des automatismes, à des réflexes.". D'autre part, il évoque sujet, attribut, cod, coi, etc., précisant que la terminologie ne pose pas de problèmes puisqu'elle "est la même qu'en français." Bref, quelle place attribue-t-il exactement à la prise de conscience grammaticale ? Le début de son intervention ne laissait-il pas entendre que les élèves n'avaient plus besoin de connaissances grammaticales pour apprendre l'allemand ? La grammaire, mise à la porte du cours d'allemand qu'elle rendait si difficile serait-elle revenue subrepticement par la fenêtre ?... Quant aux autres langues, elles comportent beaucoup plus de pièges que l'allemand qui a " [une] prononciation et [une] orthographe plus faciles que l'anglais" et, contrairement à celui-ci, un "vocabulaire de base pauvre (sic)" De plus, l'allemand "ne comporte pas deux verbes "être" comme l'espagnol. Son apprentissage convient donc " à tout enfant". On admettra qu'il s'agit d'arguments linguistiquement un peu "maigres" et facilement réfutables : il suffirait d'évoquer les déclinaisons...
Un autre article de la revue l'ADEAF donne des indications plus claires sur les avantages de la méthodologie présentée par R.B. Keysers. Il émane de C. Hullard, Inspecteur pédagogique régional, et fut écrit en 1983. Il y reprend les grandes lignes des Instructions officielles de l'époque (voir Chap 4) qui l'amènent à affirmer que l'on "n'étudie pas l'allemand parce qu'on est bon, parce qu'on possède les pré-requis, mais pour les acquérir." Il s'agit donc bien d'affirmer que la nouvelle méthodologie rend l'allemand facile, donc accessible à tous, grâce à un apprentissage non analytique et au rôle de l'intuition. Etait-ce la meilleure façon de lutter contre l'élitisme ? Nous aurons l'occasion d'y revenir.
3.2.2.2 Et l'élitisme ?
Comment les militants de l'ADEAF se positionnent-ils par rapport à cet aspect de l'enseignement/apprentissage de l'allemand en France ? Toute la période considérée -de 1980 à nos jours - voit s'affirmer la massification de l'enseignement, d'abord au collège, puis au lycée, et, actuellement à l'université. Or, cet état de fait a deux types de répercussions pour l'allemand : 1/ Considéré par certains tenants de la démocratisation de l'école française comme une matière élitiste, il se sent malmené sous prétexte d'égalitarisme. Le fait que certains chefs d'établissement cassèrent les classes d'allemand en 6ème afin d'éviter la reconstitution des filières supprimées depuis la création du Collège unique choqua en effet beaucoup de germanistes. 2/ Mais bien des enseignants d'allemand souffrent que leur matière soit montrée du doigt comme étant un outil de sélection : "Sur le terrain, les partisans de l'enseignement de l'allemand [...] ont à affronter des attaques parfois très violentes [...par exemple l'idée que ] l'allemand [est] un instrument condamnable de sélection, destiné à rétablir insidieusement les anciennes filières." Loin d'eux cette intention, bien plus, ils déplorent que les élèves des milieux moins favorisés lui préfèrent des langues qu'ils pensent plus faciles et que le passage du seuil minimum pour l'ouverture d'une section de 8 à 15 conduise dans certains établissements à ne plus proposer l'allemand comme 1ère langue ce qui équivaudrait à "refuser à des enfants issus de milieux peu favorisés une possibilité de promotion sociale." L'allemand ne doit donc pas être réservé à l'élite intellectuelle ou à celle qui a les moyens d'inscrire son enfant dans un établissement privé pour qu'il puisse faire de l'allemand. Mais cette langue demeure un outil de "promotion sociale»...
Mais tous les enseignants sont-ils prêts à accueillir tous les élèves ? Une enquête de l'INRP menée au début des années 80 auprès de professeurs de langue de 6ème constatait que seuls 20% des germanistes interrogés -contre 39% des professeurs d'anglais et 38% des professeurs d'espagnol - se déclaraient "favorables aux classes hétérogènes". Les autorités pédagogiques ressentirent d'ailleurs la nécessité de thématiser ce problème. L'article évoqué plus haut de l'IPR Hullard ne s'intitule-t-il pas "Place de l'allemand dans un système scolaire non sélectif". Il fallait donc non seulement convaincre les apprenants potentiels que l'allemand n'est pas plus difficile qu'une autre langue, mais aussi certains enseignants qu'ils avaient à attirer, accueillir et à aider à progresser un public beaucoup plus varié qu'autrefois.
C'est ce que tente de faire Michelle Brenez dans plusieurs de ses contributions à la revue de l'ADEAF, incitant notamment les professeurs d'allemand à ne pas scier la branche sur laquelle ils sont assis . C'est d'ailleurs uniquement sous sa plume que j'ai trouvé un article consacré explicitement à la notion de difficulté et dont il m'a semblé intéressant de reproduire l'intégralité en annexe. Il date de 1990 et s'intitule : "L'allemand, difficile ?" Lorsqu'on discute entre profs d'allemand "on n'en trouve peu que le doute ne ronge pas " "quand surgit le mot difficile" Ils se demandent en effet " s'il est bien raisonnable, bien réaliste, bien vrai de soutenir que l'allemand n'est pas difficile" Telle n'est d'ailleurs pas l'intention de l'auteur, elle souhaite simplement que les enseignants relativisent et dédramatisent, pour eux-mêmes, et par-là même, pour leurs élèves cette notion de difficulté. Il est une chose dont beaucoup d'enseignants d'allemand ont horreur : la démagogie. M. Brenez en est tout à fait consciente, puisque à un autre endroit elle souligne qu'il "n'est pas question de prêcher la démagogie et la surnotation" dont les élèves, dit-elle -à juste titre, il me semble - ont d'ailleurs aussi horreur. Je crois pouvoir affirmer que les démonstrations décrites plus haut d'après lesquelles les nouvelles méthodes d'enseignement rendraient l'allemand facile en sont beaucoup plus empreintes que les propos de M. Brenez qui sont à la fois réalistes et respectueux des préoccupations de nombre d'enseignants d'allemand.
Mais pour qu'une réelle démocratisation de l'enseignement de cette matière soit effective, il faudrait que ce genre de prises de position aient un écho auprès de tous les acteurs du système éducatif, les enseignants, certes, mais aussi les familles et les décideurs.
C'est le titre d'un long article paru dans les LM qui me fournira la transition vers l'approche sociologique du problème de la difficulté de l'allemand. Il reprend le contenu d'une "causerie" ayant lieu en 1970, année charnière dans l'évolution du système scolaire français, et s'intitule "Pédagogie des langues et démocratisation de l'enseignement". Son auteur, Maurice Antier, président d'honneur de l'APLV, y affirme que "pour démocratiser l'école, il ne suffit pas d'ouvrir l'ancien enseignement secondaire à tous ni d'allonger la scolarité obligatoire. [...] Il faut autre chose, et c'est cette mutation qualitative qui se heurte aux plus grands obstacles."
3.3 Approche sociologique
D'après M. Antier, une "mutation qualitative" du système d'enseignement s'avérait donc nécessaire en ce début des années 70. A-t-elle eu lieu ? En quoi l'enseignement de l'allemand confronté à une représentation qui le tient pour difficile a-t-il été, ou est-il affecté par cette problématique ? C'est par un détour par la sociologie de l'éducation, science qui peut certainement apporter beaucoup à la didactique des langues, que je vais tenter d'étayer l'hypothèse suivante : l'enseignement de l'allemand ne s'est pas démocratisé. Il faudra donc chercher à répondre à la question suivante : pourquoi la généralisation de la fréquentation scolaire jusqu'au bac ne s'est-elle pas traduite par un élargissement de l'apprentissage de l'allemand à toutes les couches sociales ? 3.3.1 Quelques concepts Avant de parler de la démocratisation de l'enseignement/apprentissage de l'allemand, il faut se poser la question de celle de l'ensemble du système scolaire. Pour ce faire, j'aurai recours à un outil conceptuel utilisé par Gabriel Langouet dans ses travaux de recherche en sociologie de l'éducation. Au concept de démocratisation, l'auteur oppose la notion de "démographisation" qui consiste en fait à décrire l'augmentation des effectifs scolarisés dans une population donnée. L'indice de "démographisation" est donc le calcul du nombre de jeunes scolarisés par rapport au total de la population scolarisable. Ce genre de mesures fournit des données de type purement quantitatif dont voici un exemple éclairant :
en 1900 : 1% de la population des plus de 18 ans était scolarisé, en 1994 : 83% de la population des plus de 18 ans étaient scolarisés.
En un siècle, le taux de scolarisation des plus de 18 ans a augmenté de façon spectaculaire, on a donc eu affaire à une très forte "démographisation" de l'enseignement secondaire et post-secondaire, et, si on reprend les détails de l'évolution depuis l'époque où seuls 5% d'une classe d'âge fréquentaient l'école Secondaire , de l'accès à l'école en général . Cette augmentation est bien sûr le résultat de mutations profondes de la société, tant sur le plan technique que sur le plan économique : l'offre de formation a augmenté car la société avait besoin de plus de diplômés, puis cela a eu des retombées sur la demande de formation. Pourquoi alors ne pas utiliser le terme de démocratisation, puisque au vu des chiffres, il est évident que la scolarisation a concerné de plus en plus d'enfants, donc forcément aussi ceux qui étaient issus de couches sociales moins favorisées ? Parce que G. Langouet réserve la notion de démocratisation à une évaluation qualitative des effets de l'enseignement de masse, celle qui permettra de constater s'il y a eu, grâce à l'ouverture de l'école à tous, un rapprochement des chances entre les groupes sociaux n'ayant pas les mêmes à l'origine. En 1985, il constatait, en observant les effets sociaux du Collège unique que certes, "Tous [y] étaient sur la même ligne de départ mais avec des chances inégales." Il suffisait par exemple de mesurer l'origine sociale des élèves parvenant en classe de 2de en 1976 :
Enfants de cadres supérieurs : 83,6% Enfants d'ouvriers : 51,9% Enfants de salariés agricoles : 38,8%
Malgré les intentions affichées lors de la création du Collège unique, on continuait d'assister à une forte reproduction des inégalités sociales par l'école. C'est donc bien de "la mutation qualitative" évoquée par M. Antier que l'école française avait besoin, car, bien qu'accueillant maintenant des enfants d'origine sociale très diverses, le nouveau collège ne tenait pas compte de l'héritage culturel de ces enfants : il n'y avait pas eu d'évolution en ce qui concernait les programmes et les contenus, pas d'adaptation qualitative au nouveau public.
On peut donc légitimement se poser les deux questions suivantes : Le système éducatif reproduit-il forcément les inégalités sociales ? Les différences scolaires génèrent-elles les futures différences sociales ? Il ne s'agit pas ici de dresser un portrait complet de l'école française ni d'émettre des jugements définitifs. Différentes réformes ont eu lieu depuis, dont la sociologie de l'éducation continue de mesurer les effets démocratisants Mais la distinction entre "démographisation" et démocratisation traduite en termes de politique linguistique conduira à se demander :
Y a-t-il des langues plus "destinées" aux jeunes issus de telle ou telle couche de la population ? L'étude de ces langues est-elle liée à des "carrières scolaires" spécifiques ?
Nous avons vu au chapitre 3 de la première partie de ce travail que le pourcentage des apprenants d'allemand n'a pas augmenté proportionnellement au taux de scolarisation, il a même diminué. Malgré cette absence de "démographisation" de l'apprentissage de l'allemand, qu'on pourrait alors simplement expliquer par l'hégémonie grandissante de l'anglais, on pourrait parler de démocratisation si la composition de la population des élèves germanistes s'était modifiée, c'est à dire si elle était issue de toutes les couches de la société. C'est pourquoi il faut maintenant répondre aux questions suivantes : qui choisit aujourd'hui l'allemand, pour quelles raisons et dans quel but ? S'il s'avère que ce sont les enfants des familles les plus favorisées socialement et culturellement, l'hypothèse de la non-démocratisation de cette matière sera confirmée (pas de rapprochement des chances entre couches sociales). Il faudra alors voir dans quelle mesure cela est lié avec la persistance de la représentation d'une plus grande difficulté d'apprentissage de la langue allemande.
Deux sources serviront de base à cette partie de la recherche : - Une étude statistique très récente conduite par la DEP intitulée "Le choix de l'allemand en 1ère langue et la réussite au collège" - L'ouvrage de Michel Candelier et Gisela Hermann-Brennecke paru en 1993 et exposant les résultats d'une enquête auprès d'élèves sur les motivations pour le choix - ou l'abandon - des langues vivantes dans les écoles françaises et allemandes. De cette recherche se dégage un certain profil de l'élève germaniste français qu'il sera intéressant de mettre en parallèle avec les données statistiques de la DEP. Rmq: Les deux échantillons ne sont bien sûr pas comparables quant à leur ampleur ( 23 2OO élèves pour la DEP et 439 pour enquête de Michel Candelier et Gisela Hermann-Brennecke, ce qui induit une représentativité différente.
3.3.2 Qui apprend l’allemand aujourd’hui ?
Origines socio-culturelles : "A la rentrée 1989, un enfant d'enseignant sur quatre étudiait cette langue [en LV1]contre moins d'un fils d'ouvrier non qualifié ou d'agriculteur sur 10." Nous verrons plus loin que cette très forte proportion d'enfants d'enseignants est loin d'être le fruit du hasard... L'étude des services d'évaluation du Ministère nous apprend en outre que le choix de l'allemand est moins fréquent dans les familles nombreuses. Candelier et Hermann-Brennecke constataient de leur côté que l'écrasante majorité des jeunes optant pour l'allemand en LV1 était issue des classes moyennes et supérieures : 86,7% pour les pères et 68,1% pour les mères, le niveau d'études des dits parents étant trois à quatre fois sur cinq bac et plus. Peu d'enfants issus de milieux modestes optent pour l'allemand comme première langue. Son apprentissage ne s'est effectivement pas démocratisé : il est en principe réservé à un certain type d'élèves.
Résultats scolaires : L'étude de la DEP met en lumière que "l'accès à l'allemand en première langue reste soumis à une forte sélection scolaire." L'auteur développe ensuite le point de vue suivant" : L'idée que l'allemand constitue une langue difficile qui suppose une bonne maîtrise de la grammaire et dont l'apprentissage doit être réservé en priorité aux meilleurs élèves est une conception pédagogique ancienne. Avant la mise en place du Collège unique, elle apparaissait déjà dans les documents diffusés par l'ONISEP pour aider les familles à orienter leur enfant en fin d'école élémentaire. Elle s'est perpétuée depuis et demeure très prégnante dans le collège des années quatre-vingt-dix : la fréquence de l'étude de l'allemand décroît nettement en cas d'acquis cognitifs insuffisants à l'entrée en sixième ou d'âge élevé reflétant une scolarité primaire marquée par un ou plusieurs redoublements." Ce sont toujours les meilleurs élèves qui optent pour l'allemand, en tout cas en ce qui concerne le choix de la première langue.
3.3.3 Pourquoi apprend-on l’allemand aujourd’hui ?
Les élèves consultés par Candelier et Hermann-Brennecke avaient à indiquer les raisons qui les avaient amenés à opter pour une langue plutôt que pour une autre. Ces raisons pouvaient être d'ordres très divers, comme l'utilité, la recherche de contacts, le timbre, etc. Celle qui retiendra notre attention ici est la catégorie afférente aux "considérations sur l'apprentissage" car, "de tous les motifs relevant de la catégorie "considérations sur l'apprentissage", ce sont ceux relatifs à la difficulté des langues qui, dans l'ensemble, apparaissent comme les plus importants." Et il s'avère qu'une proportion importante des jeunes interrogés ayant opté pour l'apprentissage de l'allemand comme 1ère langue vivante l'ont fait pour "commencer par une langue difficile". Le score de l'allemand pour cet item dépasse de très loin celui remporté par les autres langues. Quand on choisit l'allemand parce qu'on est bon élève (cf. paragraphe précédent), on semble donc oser plus volontiers... la difficulté.
3.3.4 Dans quel but apprend-on l’allemand aujourd’hui ?
En sociologie de l'éducation on observe et mesure un phénomène appelé couramment "stratégies des familles". Il s'agit de la façon dont les parents tentent de construire l'itinéraire scolaire de leur enfant afin d'augmenter ses chances de réussite. Sorte d'effet pervers de la "démographisation" de l'enseignement, cette attitude peut consister à contourner les règles d'organisation sociale de l'école égalitariste que constitue, par exemple l'existence de la carte scolaire. "La mise en œuvre d'une telle stratégie implique bien évidemment une bonne connaissance du fonctionnement du système éducatif. Aussi est-elle plus fréquente quand les parents exercent des fonctions d'encadrement ou appartiennent au milieu enseignant." Or, une des stratégies utilisées dans le but que le jeune, dès son entrée en 6ème, travaille dans de bonnes conditions, est le choix de la première langue. Les observations faites par Candelier et Hermann-Brennecke corroborent tout à fait cette situation puisqu'ils établissent que "le motif principal pour le choix de l'allemand LV1 est son influence potentielle sur la carrière scolaire, c'est à dire la possibilité être dans une bonne classe" que l'on retrouve comme élément principal du profil de l'allemand LV1. . Comme en écho à ce constat, la DEP précise que " Le choix de l'allemand comme première langue peut avoir une finalité indépendante de tout intérêt culturel ou linguistique ; il devient une stratégie pour que l'enfant appartienne à une classe de bon niveau susceptible de constituer un contexte favorable à sa réussite." La langue allemande, choisie "comme un moyen parmi d'autres de parvenir à des buts" et ce parce qu'elle est considérée comme étant difficile c'est à dire réservée à une élite en arriverait-elle effectivement "à ne plus exister pour elle-même, à perdre en quelque sorte son essence de langue" ? On choisit donc l'allemand en 6ème avant tout pour être dans une bonne classe. Nous sommes donc bien loin des objectifs officiels assignés à l'enseignement des langues vivantes et d'un apprentissage démocratisé de l'une d'entre elles, à savoir l'allemand...
3.3.5 L’apprentissage de l’allemand et la carrière scolaire
L'étude de la DEP donne un éclairage intéressant sur le poids respectif des variables que nous venons d'examiner. En effet, toutes choses égales par ailleurs, il apparaît que ce sont en fait les facteurs scolaires (niveau à l'entrée en 6ème) qui prédominent sur les facteurs sociaux et familiaux. Une étude précise permet à JP Caille d'affirmer "que les disparités sociales observables au niveau de l'étude de l'allemand en première langue sont plus le fait de la sélection scolaire qui réserve l'accès de cette langue aux meilleurs élèves de sixième que des différences de stratégies mises à l'œuvre par les familles." Mais cela ne change pas grand chose au fait que l'allemand LV1 est réservé aux meilleurs élèves et que les disparités sociales existent. En ce qui concerne la meilleure réussite au collège des élèves germanistes, la DEP est plus catégorique que ne le sont les auteurs de "Entre le choix et l'abandon". Mais elle dispose d'instruments de mesure plus objectivables et surtout rapportés à une plus grande échelle. Et ses conclusions quant aux raisons de cette meilleure réussite méritent qu'on s'y attarde quelque peu. Si les collégiens ayant opté pour l'allemand en 6ème ont 63% de chance d'accéder au lycée sans difficulté contre 55% pour leurs camarades ayant choisi l'anglais (toutes choses égales par ailleurs), cela ne viendrait pas uniquement du fait qu'à l'entrée en 6ème ils avaient déjà un niveau plus élevé que la moyenne des autres élèves. On assiste en quelque sorte à la démonstration de ce que Michelle Brenez posait dans son article sur la difficulté de l'allemand : "Si l'allemand est réservé aux bons élèves, beaucoup de bons élèves choisiront l'allemand. Donc les classes d'allemand seront meilleures" et le professeur travaillera plus vite et sera plus exigeant.. Mais ici ce principe s'applique à l'ensemble des disciplines scolaires. Cet effet d'entraînement, d'émulation entre pairs (bons élèves) n'est bien sûr possible que si sont constituées au sein des collèges des classes homogènes de germanistes. Il semble que ce soit le cas : d'après la DEP "la première langue semble être souvent retenue par les principaux de collège comme critère de répartition des élèves dans les différentes divisions de 6ème." Signalons que cela va à l'encontre de directives destinées à éviter la création de nouvelles filières au collège, nous en avons déjà parlé (Chapitre consacré à l'ADEAF). C'est cependant bien ce que recherchent la plupart des familles dans leurs stratégies d'orientation : que leur enfant soit dans une bonne classe. C'est sans doute pourquoi certains chefs d'établissements continuent de constituer de "bonnes classes" en utilisant la fonction sélective de l'allemand...
Mais il est en France une région où l'allemand ne joue pas ce rôle sélectif : le fait d'en avoir fait un des objets d'observation de leur étude permet aux spécialistes de la DEP de mettre en évidence un phénomène intéressant : J.P. Caille se demandait en effet si les élèves des classes d'allemand ne réussissent pas mieux que les anglicistes à cause - ou grâce ? - à l'aspect plus formateur (sic) de cette langue. Et voila le vieux débat qui resurgit... Mais cette représentation est réfutée dès lors qu'il s'agit d'observer les résultats des élèves des établissements frontaliers à l'Allemagne où les germanistes, dont la proportion est beaucoup plus élevée qu'ailleurs (58% en LV1) ne réussissent ni mieux ni moins bien que leurs camarades. Lorsque l'allemand n'est pas choisi pour sa difficulté et/ou pour être dans une bonne classe, les élèves qui l'apprennent présentent des profils semblables à ceux de leurs camarades étudiant une autre première langue .
3.3.6 Le rôle des langues anciennes
Le choix de la première langue vivante sert donc très souvent la stratégie au choix d'une bonne classe. Mais ce rôle est aussi imparti à d'autres options, telles les langues anciennes. Candelier et Hermann-Brennecke l'ont observé puisqu'ils écrivent que " le choix d'une langue ancienne a une dimension élitaire." Et la DEP complète leur constat par une remarque riche d'enseignements. Certes "les élèves ayant appris l'allemand ont une probabilité plus forte de faire du latin ou du grec que les autres élèves" mais lorsqu'on considère les chances d'accès en 2de sans redoublement et l'ambition des demandes d'orientation on s'aperçoit que "l'ampleur de l'avantage associé à l'étude du latin ou du grec surpasse très nettement celui qui apparaissait au niveau de l'étude de l'allemand en 6ème." Nous aurons l'occasion de revenir à ce profil particulier associé à l'apprentissage d'une langue ancienne lors de la partie empirique de cette recherche. Les meilleurs élèves se distingueraient donc encore plus par le choix de l'apprentissage d'une langue ancienne que par celui de l'allemand en première langue.
3.3.7 L’allemand choisi comme deuxième langue vivante
Michel Candelier et Gisela HERMANN-BRENNECKE ont recueilli des informations intéressantes concernant les élèves optant pour l'apprentissage de l'allemand au niveau de la quatrième.
Qui sont-ils ? "Les élèves qui étudient l'allemand [comme 2de langue] sont d'un milieu social plus modeste que ceux qui étudient l'espagnol" On peut effectivement expliquer cela par le fait que "la plupart des élèves de famille à statut social élevé qui se décident pour l'allemand le font dès la classe de 6ème." Le profil du germaniste LV2 sera donc sensiblement différent de celui de son camarade de 1ère langue, notamment en ce qui concerne les performances scolaires.
Que recherchent-ils ? Même si elle est moins marquée que pour les élèves de LV1, la volonté d'être dans une bonne classe joue un rôle prépondérant à leurs yeux, peut-être entre autre du fait qu'ils sont d'origine sociale modeste et souhaitent participer à la promotion sociale que représente l'apprentissage d'une langue réputée difficile.
3.3.8 Et la difficulté ?
Dans une présentation des résultats de leur enquête, Michel Candelier la classe en même temps dans les points faibles et les points forts que la langue allemande présente aux yeux de ses apprenants effectifs ou potentiels. Point faible, car elle joue en défaveur de cette langue lors du choix, notamment pour des élèves socialement peu favorisés ou aux résultats scolaires fragiles. De plus, elle représente avec 43% des réponses, la motivation principale de ceux qui souhaitent en abandonner l'apprentissage. Point fort, car elle "ne réserve pas de mauvaises surprises" , en tout cas pour les apprenants de LV1. Il avait en effet été demandé aux élèves apprenant l'allemand s'ils le trouvaient maintenant plus ou moins difficile que ce qu'ils n'avaient imaginé avant d'en commencer l'étude. Il s'avère que les opinions sont pratiquement équilibrées : - 48% des élèves interrogés trouvent l'allemand plus difficile qu'ils n'avaient cru, - 44% le trouvent plus facile.
Près de la moitié des élèves considérés ont donc révisé leur opinion à la baisse en ce qui concerne la difficulté de la langue allemande, ce qui n'est pas négligeable, d'autant que l'anglais et l'espagnol "déçoivent" beaucoup plus sur ce point : 58% des élèves ayant choisi l'anglais en 6ème ont plus de mal qu'ils n'avaient pensé au départ, contre 38% qui le trouvent plus facile ; en espagnol, le nombre des "déçus" à propos de la facilité attendue s'élève même à 74 % !
En ce qui concerne les germanistes de LV2, l'évolution des représentations est beaucoup plus négative et, partant, préoccupante : - 72% de ces élèves trouvent la langue plus difficile que ce qu'ils n'avaient pensé au départ, - 25% seulement l'estiment plus facile. Certes, un élément d'explication est le fait qu'il s'agit d'élèves moins bons que ceux qui choisissent l'allemand en 6ème : ils ont donc plus de difficulté avec cette langue comme avec les autres matières (cf. ci-dessus : Apprentissage de l'allemand et carrière scolaire). Mais il y a, à mon sens, d'autres hypothèses à émettre.
3.3.9 La spécificité des LV2
Nous avons constaté au chapitre 3 de la première partie de ce travail que la majorité des élèves apprenant actuellement l'allemand le choisissent comme deuxième langue vivante. Je me contenterai pour l'instant de rapporter quelques extraits du chapitre intitulé "Quelle didactique pour la seconde langue ?" dans l'ouvrage collectif sur la didactique de l'allemand cordonné par J. Favard. Il y est dit que dans la didactique actuelle de l'allemand "la spécificité de la seconde langue n'est pas réellement prise en compte", et que "nous ne disposons pas toujours d'une méthodologie adaptée aux conditions et aux exigences d'un enseignement de seconde langue. On attend en effet des élèves qu'ils accomplissent en deux ans le parcours pour lequel leurs camarades disposent de quatre années [...]." Un peu plus loin, il est même question du "grammaticalisme dont souffre la seconde langue" et de "surcharge grammaticale" à propos des cours de LV2. On admet donc ici que le programme de LV2 est, en soi, trop lourd ; comment, dans ces conditions, les élèves ne seraient-ils pas amenés à éprouver, quel que soit leur niveau par ailleurs, plus de difficultés que leurs camarades ayant commencé l'allemand en 6ème ?
3.3.10 Conclusion provisoire
"Le problème de la difficulté reste non réglé" et " fait fuir [des] germanistes potentiels et les renforce dans l'idée que l'allemand, c'est pour les autres, ceux qui ont à la fois une origine sociale plus élevée et un carnet de notes mieux rempli". C'est pourquoi "il faut lutter contre l'image élitaire qui handicape l'allemand dans son développement" et l'empêche de contribuer à la démocratisation et donc à la diversification de l'enseignement des langues vivantes en France. C'est aussi pourquoi il faut continuer d'adapter la didactique de cette langue aux élèves qui sont, d'après les représentations qui ont encore cours, moins "prédestinés" à l'étudier que d'autres. Sinon, on risque de voir encore s'amplifier les constats des deux études présentées ici.
Une première langue réservée à l'élite mais dont le pourcentage continue de décliner. Une deuxième langue plus "démographisée" mais dont la didactique n'est pas très démocratisante.
Ce qu'il fallait donc faire, c'était essayer, non pas de "régler" le problème de la difficulté, mais de l'aborder de façon plus concrète et précise avec des élèves afin de chercher dans leurs témoignages quelques pistes susceptibles de faire avancer la didactique de l'allemand dans un sens favorable à sa démocratisation.
4. DIFFICULTÉ ET APPRENANTS
4.1 Les élèves et les difficultés de l’allemand. Enquête
Pour tenter d'obtenir des éclairages plus concrets sur le problème des apprenants face à la difficulté, je décidai de réaliser une enquête auprès de collégiens et lycéens de ma région afin de savoir si, pour eux, la difficulté de l’allemand correspond à quelque chose de réellement vécu. L'objectif était d'essayer de saisir : - dans quel(s) domaine(s) les élèves ressentent de la difficulté, - si les problèmes apparaissent là où on (profs, didactitiens, grammairiens, etc.) les attend, et s'ils ressortent de la langue elle-même ou des méthodes d'enseignement/apprentissage actuellement utilisées, - comment les apprenants vivent ces problèmes. De plus, ce serait l’occasion de laisser les élèves s’exprimer quant à leurs besoins, de dire ce qui, selon eux, pourrait rendre, sinon l’allemand, en tout cas son apprentissage plus facile. On pourrait alors, à partir de leurs demandes, mesurer si la méthodologie en usage actuellement est susceptible de répondre à leurs attentes et, par-là même, de ne pas décourager de nombreux jeunes à choisir cette langue parce qu’ils la pensent trop difficile pour eux. 4.1.1 Méthode. Il fallait donc déterminer un échantillon auprès duquel réaliser l’enquête. Si celui-ci ne pouvait prétendre à une représentativité statistique, encore fallait-il que le public concerné soit varié : sur le plan des origines sociales, de l’âge et des orientations scolaires choisies. Il fallait aussi que soient représentés et les élèves ayant opté pour l’allemand comme 1ère langue et ceux l’étudiant comme 2ème langue. Les établissements scolaires de mon entourage me semblèrent présenter la diversité nécessaire à l’obtention de résultats quantitatifs susceptibles d’être intéressants. On verra plus loin la composition exacte de l’échantillon interrogé.
Dans un premier temps, je procédai à la réalisation d’entretiens semi-directifs avec sept élèves issus des différents niveaux cibles (Rmq : un entretien a été conduit auprès d’une étudiante de BTS alors qu’aucun élève de ce niveau n’aura finalement, faute de temps en fin d’année scolaire, rempli le questionnaire). Ces entretiens ont été de longueur variable car il s’agissait de laisser les protagonistes s’exprimer, si possible à leur façon, quant à leur vécu par rapport à l’apprentissage de l’allemand. Il est bien évident que l’âge et la personnalité des élèves interrogés a conditionné mon “interventionnisme“... Une des entrées en matière consistait à demander au jeune ce qu’il pensait de l’allemand, question on ne peut plus ouverte, ne sous-entendant en principe rien quant à la difficulté. Il me semble ici intéressant de citer, comme en exergue au compte-rendu qui va suivre, la réponse spontanée d’un des jeunes à cette question : « C’est une langue qui se parle très bien mais qui est assez dure à apprendre. »
La transcription et l’analyse des sept entretiens a montré que les apprenants avaient certes des choses à dire à propos de la langue elle-même et des difficultés qu’elle présente ou non pour eux, mais ils évoquèrent aussi les activités proposées en classe et les attitudes d’enseignant influant sur leur motivation, les contacts souhaités avec la langue en situation authentique et, ce qui m’a le plus frappée, l’évidence pour eux de l’activité orale. Quelques-unes de leurs formulations allaient être soumises pratiquement textuellement à l’approbation ou au désaccord des élèves qui rempliraient le questionnaire. Ce fut par exemple le cas de „Il faut déjà être bon en grammaire française“, phrase prononcée à propos des déclinaisons par un élève de 3ème LV2 et qui a fourni l'affirmation 4 de la rubrique 6. Il me semble intéressant de citer ici quelques autres remarques qui m'ont frappée mais que je ne pouvais faire entrer en tant que telles dans le questionnaire : “Il n’y a rien de facile dans aucune langue.“ (élève de 3ème LV2) “Avec les exercices de réflexe (comprendre : exercices structuraux), ça rentre au fur et à mesure, mais... en analysant les phrases ç’aurait été plus clair pour comprendre les mécanismes.“ (élève de 1ère LV1 à propos de l’apprentissage au collège). „On me l’avait expliquée, mais peut-être pas de façon suffisamment claire pour moi. Il fallait peut-être expliquer d’une autre manière“ (élève de BEP à propos de la place du verbe étudiée au collège). „Je ne sais pas si l’anglais est plus facile, chaque langue a une difficulté différente“ (la même élève). Faire plus d’oral au collège permettrait „de mieux se débrouiller, d’avoir plus d’assurance pour soi, pour parler, pour prendre la parole“( BTS) „Cette année, on réfléchit nous-mêmes, on ne nous donne pas une synthèse toute faite, on utilise nous-mêmes le vocabulaire“ (élève de Term L LV2). Il eût sans doute été intéressant de fonder une recherche uniquement sur la méthode des entretiens individuels, mais elle aurait eu les limites de toute étude de type purement qualitatif. Il fallait donc concevoir un outil propre à fournir des renseignements quantifiables tout en essayant de limiter au maximum l’appauvrissement de l’information qu’entraîne automatiquement une étude chiffrée du ressenti ou du vécu d’individus. D’où l’option pour une procédure qui permettrait d’articuler entre eux les éléments quantifiables (QCM, d’accord/pas d’accord) et de compléter les résultats ainsi obtenus par des observations relevant plus du qualitatif (les élèves formulent eux-mêmes des réponses, éventuellement quantifiables, d’ailleurs).
La version définitive du questionnaire se base sur les deux axes qui se sont dégagés des sept entretiens individuels et dont je viens de donner un aperçu a travers quelques citations : - Importance de la démarche cognitive de l'apprenant face aux difficultés qu'il rencontre, - Fonctions de l'activité orale dans le processus d'apprentissage.
Pour pouvoir établir des profils d’élèves ou de groupe d’élèves, il fallait récolter un certain nombre de variables indépendantes concernant, en dehors des catégories habituelles (âge, sexe, classe), le choix de l’allemand comme LV1 ou LV2, l’étude ou non d’une langue morte, les résultats scolaires d’ensemble ainsi que le niveau en allemand et la présence ou non dans l’entourage de l’élève de personnes ayant appris ou pratiqué cette langue. On verra plus loin que la vision d’ensemble que les élèves ont de la difficulté de l’allemand (question 3) servira aussi, pratiquement comme une variable indépendante, à constituer des ensembles stables sur lesquels seront menées des recherches précises. En ce qui concerne les résultats scolaires d'ensemble et le niveau en allemand, il faut préciser que je faisais appel aux appréciations subjectives des élèves, c'est à dire à leur auto-évaluation qui n'a pas été corroborée par des résultats chiffrés .
Une des étapes délicates de la conception des items du questionnaire concerna la procédure à mettre en place afin que les élèves s’expriment à propos de la grammaire allemande (rubrique 5 du questionnaire). Fallait-il leur soumettre une liste de structures morpho-syntaxiques établie sur la base des progressions proposées dans les manuels ou des programmes officiels, ou plutôt laisser les élèves citer eux-mêmes des "points de grammaire" auxquels ils attribueraient alors le degré de difficulté. afférent ? La première solution était tentante car elle aurait permis d’éviter l’écueil d’élèves ne sachant pas nommer les structures de la langue qu’ils apprennent. C’est la deuxième qui fut adoptée afin d'obtenir, justement, des indications sur la façon dont, d'eux-mêmes, ils décrivent et évaluent leur apprentissage grammatical. On verra si cette démarche permettra d’observer une différence de comportement suivant la vision que les élèves. ont de la difficulté de la langue. La dernière rubrique du questionnaire allait amener les apprenants à exprimer librement leurs besoins, c’est à dire ce qui, d’après eux, serait susceptible de les aider à surmonter leurs difficultés. Proposer une liste préétablie aurait bien sur constituer un non-sens par rapport à l’objectif présenté plus haut. Les points à mettre en évidence lors de l'analyse des réponses à cette rubrique centrale de l'enquête seront les suivants : - Quels types de besoins allaient être le plus souvent évoqués et par qui ? - Combien d'élèves allaient saisir l'occasion de s'exprimer à ce propos et avec quelle richesse ? - Que penser de ceux qui ne rempliraient pas cette partie du questionnaire ?
4.1.2 Réalisation de l’enquête
Elle eut lieu au mois de juin 1997 à Sens (Yonne) et dans sa région.
Echantillon d’élèves auxquels le questionnaire fut proposé : Au total, 167 questionnaires furent remplis : 64 dans trois collèges du Sénonais, 94 au Lycée polyvalent et 8 au Lycée professionnel de Sens. Parmi ces élèves, 67 apprennent l’allemand comme LV1 - dont 29 en 6ème -, 92 en tant que LV2 et 7 en tant que troisième langue.
COLLEGE LYCEE POLY L.P.
6ème LV1 : 29 - 2de LV2 : 31 - 2de BEP : 5 4ème LV2 : 8 - 1ère LV1 : 26 - Bac Pro : 3 3ème LV2 : 27 - 1ère LV2 : 20 - Term LV1 : 4 - Term LV2 : 6 - Term LV3 : 7
Pour satisfaire au critère de variété des orientations scolaires choisies, j’ai tenu à ce que les élèves interrogés au Lycée polyvalent soient issus des diverses sections d’enseignement général et technologique. Nous aurons donc affaire aux réponses de jeunes inscrits en S, ES, L, STT et STI. Je tiens cependant à souligner que le nombre d’élèves des sections technologiques tertiaires est proportionnellement important (ils sont 39, soit 36% du total). Ceci n’est pas le fruit du hasard : en effet, on sait que les élèves qui choisissent cette orientation ne sont pas forcément ceux qui ont le plus de facilité avec les langues étrangères. Leur demander, particulièrement à eux, de s’exprimer à propos de la difficulté de l’allemand et de l’aide qu’ils aimeraient avoir, pourrait faire d'autant mieux avancer la discussion sur la démocratisation de l'enseignement/apprentissage de l'allemand. On peut dire la même chose en ce qui concerne les élèves de LP. Le nombre très réduit de questionnaires remplis par ces derniers ne permettra cependant pas de tirer des conclusions qui leur soient propres. Dans la grande majorité des cas, les questionnaires. ont été remplis en classe en présence d’un enseignant - pas forcément d’allemand. Une version „allégée“ a été distribuée aux élèves de 6ème. Suivant les cas, la passation a duré entre une demi-heure et une heure. Les élèves étaient incités à se référer à leur cursus en allemand dans son ensemble ; on ne devra cependant pas négliger que les impressions les plus rapidement présentes à l’esprit se réfèrent souvent à un vécu proche dans le temps, en l'occurrence l’année scolaire qui était en train de se terminer. Le nombre relativement élevé de réponses obtenues devrait permettre de ne pas tenir compte des facteurs parasites du genre „fantaisie“ ou „mauvaise volonté“, de toute façon difficilement maîtrisables pour tout type d’enquête. Aux dires des collègues qui ont bien voulu distribuer les questionnaires dans leur classe, les collégiens et les lycéens se sont prêtés volontiers à l’exercice. Je pense donc qu’on peut accorder une certaine fiabilité aux observations qui vont suivre.
4.1.3 Les résultats globaux les plus significatifs
Remarque préalable : il sera assez souvent question de grammaire dans le compte-rendu qui va suivre car, „L’enseignement de l’allemand ne se conçoit pas sans qu’une place importante soit faite à la grammaire.“ J’aurai par la suite l’occasion de préciser dans quelle optique je me situe en adhérant à ce point de vue qui a subi de nombreuses fluctuations au cours des dernières décennies (cf. 4ème chapitre de ce travail)
4.1.3.1 La difficulté
Première hypothèse : l'allemand est une langue difficile à apprendre.
Six propositions étaient faites qui ont obtenu les scores suivants :
Plus des deux tiers des réponses se situent entre assez difficile et très difficile, de quoi se demander si un questionnaire de cette ampleur était nécessaire pour obtenir la confirmation d’une idée déjà solidement ancrée dans les esprits. A moins que l’on estime que ces élèves, comme celui évoqué plus haut ("Il n'y a rien de facile dans aucune langue"), soient tout simplement réalistes... Les 3 % de „facile“ émanent principalement d’élèves de collège, ce qui peut rendre à la fois optimiste, puisqu’on dit souvent que ce sont les débuts qui sont difficiles en allemand, mais aussi sceptique à cause de la déperdition d’enthousiasme qui a lieu entre les débuts et la suite de l’apprentissage. Peut-être n’est-il pas non plus inutile de faire remarquer que près d’un quart des jeunes interrogés estiment que l'allemand est tout simplement une langue „normale“.
Deuxième hypothèse : l'allemand est plus difficile que les autres langues. Qu’en est-il lorsqu’ils la comparent aux autres langues qu’ils apprennent ? (deuxième partie de la rubrique trois du questionnaire). Certes, une centaine la ressentent comme plus difficile que l’anglais, mais un tiers voient en l’allemand une langue „plus facile que“ quelque chose, y compris l’anglais. S’agit-il là d’opinions marginales, d’ailleurs souvent entendues lors de discussions avec des personnes ayant opté pour l’allemand comme première langue ? En y regardant de plus près, on s’aperçoit en fait que les élèves trouvant l’allemand moins difficile que l’anglais proviennent de pratiquement toutes les classes sondées et se répartissent de façon égale entre LV1 et LV2.
Troisième hypothèse : l'allemand est plus facile pour les bons élèves. Qui sont maintenant les jeunes qui trouvent que l'allemand est difficile ? Peut-on constater des corrélations entre leur appréciation de cette langue en terme de difficulté et les résultats qu’ils obtiennent, que ce soit dans cette matière ou de façon plus générale ?
On peut déjà se faire une idée de leur répartition dans les différentes classes interrogées. Elle est bien sûr à considérer en pourcentages vu les disparités d’effectifs entre les groupes concernés. Les élèves de BEP et Bac Pro ont été regroupés dans la catégorie LP.
Ce qui, à mon sens ressort surtout ici, est le nombre élevé d’apprenants de 3ème et de 2de LV2 situant leur réponse dans les trois rubriques allant de „très“ à „assez difficile“. Nous verrons plus loin si cela correspond à un profil particulier de ce groupe par rapport à leurs camarades de 1ère langue.
Résultats scolaires d'ensemble et niveau en allemand. Si on calcule le coefficient de corrélation entre deux séries de données on obtient : - pour les résultats scolaires d’ensemble corrélés aux résultats en allemand, r = 0,65, ce qui est relativement élevé, en tout cas significatif d’une certaine corrélation : les bons élèves sont aussi plutôt bons en allemand, comme cela ressortait de l'étude de la DEP commentée au 2ème chapitre. - plus surprenant est le coefficient obtenu entre résultats en allemand et degré de difficulté. il est de 0,44 : l'appréciation que les élèves ont de la difficulté de l'allemand ne correspond donc pas forcément avec les résultats qu'ils disent obtenir.
Rubrique 6 du questionnaire : Quel type de regard ont les élèves sur certaines déclarations auxquelles on pourrait penser qu’ils souscrivent puisque, dans leur majorité, ils trouvent l’allemand plutôt difficile ? * Une fort petite minorité (16%) est d’avis que l’étude de l’allemand devrait être réservée aux bons élèves (aff 3), elle se recrute d’ailleurs, ce qui n’est peut-être pas vraiment surprenant, surtout chez les élèves jugeant l’allemand difficile, mais touche aussi ceux qui trouvent cette langue facile... Nous verrons plus loin que ces deux groupes se „ressemblent“ à propos d’autres points. Le vécu des apprenants ne reflète donc pas nécessairement la fonction sélective de l'allemand montrée par l'étude de la DEP. * L’idée selon laquelle il faut bien maîtriser la grammaire de la langue française afin d’obtenir de bons résultats dans l’apprentissage de l’allemand (point 6, aff 4) fait plus d’adeptes : 48% la partagent, mais un groupe non négligeable est sans opinion : 19%. * 21% des élèves interrogés voient un handicap dans le fait de commencer l’apprentissage de l'allemand dès la 6ème. Une importante majorité est donc d’avis qu’on peut comprendre dès l’âge de 11 ans comment fonctionne la langue allemande. Ceci semble contradictoire avec l’avis des concepteurs des instructions pour la classe de 2de en date du 9 juillet 1987 qui considèrent qu'en 2de il est possible de faire réfléchir les élèves sur les mécanismes de la langue puisque leur “âge mental“...“leur permet de comprendre le fonctionnement du système linguistique élémentaire“, ce qui, d’après eux, n’était sans doute pas le cas avant cette classe, donc surtout pas en 6ème. Nous aurons plusieurs occasions de revenir sur la problématique de la réflexion sur la langue. Précisons ici que seuls 8 élèves estiment en même temps que l'on est trop jeune en 6ème pour comprendre l'allemand et que c'est une langue à réserver à l'élite. * En ce qui concerne la quantité de travail à fournir, à part 23 élèves sans opinion, les avis sont très partagés puisque 71 affirment qu’il faut plus travailler en allemand qu’ailleurs pour obtenir de bons résultats, et 71 ne sont pas d’accord avec cette affirmation. On peut sans doute mettre ceci sur le compte de différences dans les méthodes de travail et les exigences des enseignants. Mais on peut aussi sentir à travers ces 47% de réponses positives le poids d’une matière parfois lourd à porter pour des élèves en difficulté. Il faudra donc voir ce qu'il en est dans l'analyse des profils de groupes où l'on pourra entre autre examiner le cas des classes de 2de langue.
4.1.3.2 Quelles difficultés ?
La rubrique 4 du questionnaire proposait aux élèves, à travers des formulations à la première personne (allant de „cela ne me pose pas de problèmes“ à „je ne m’en sors pas du tout“) de se mettre en situation face à différentes compétences partielles définies lors du dépouillement des entretiens préalables. Passer en revue toutes les réponses données serait fastidieux, je citerai et commenterai donc les plus révélatrices, observant si c'est l'opinion selon laquelle c'est la grammaire qui est difficile en allemand se confirme. Certains aspects seront précisés dans l’étude des profils de groupes.
Dans l’ensemble, c’est la case „Ce n’est pas très facile mais j’y arrive presque toujours“ qui remporte le plus de suffrages, ce qui est en cohérence avec les niveaux déclarés des élèves qui, que ce soit en général ou en allemand, s’estiment surtout „moyens“, et ne contredit pas non plus leur vision globale de la difficulté de la langue Ces élèves n’esquivent pour autant pas la difficulté puisqu’ils disent „presque toujours“ la surmonter.
Voyons maintenant les résultats les plus marquants. Un groupe important d'élèves déclarent avoir des difficultés à retenir le lexique. Ils sont en effet seulement 39 (23%) à avoir coché la case „cela ne me pose par de problème“, et 26 % s’estiment en échec total ou partiel dans ce domaine. On retrouvera d’ailleurs ce phénomène en examinant les besoins exprimés. C’est un aspect qui m'a personnellement surprise par son ampleur et sur lequel on n'a, à ma connaissance, pas suffisamment insisté dans les méthodologies récentes. Dans le domaine de la compréhension de la langue il est nécessaire de s’arrêter sur ce que disent les apprenants d’une part sur la langue écrite, d’autre part à propos de la langue parlée, pour constater que c’est cette dernière qui leur pose le plus de problèmes. Si 30% déclarent avoir du mal à comprendre un texte - ce qui n’est certes pas négligeable, mais peut-être pas vraiment surprenant - ils sont pour ainsi dire la moitié (49%) à avoir de sérieuses difficultés à saisir le sens d’un message oral. Sans doute faudrait-il pouvoir différencier : est-ce que ce sont plutôt les documents enregistrés, les interventions du professeur, de camarades, les situations authentiques qui leur posent des problèmes de compréhension ? ...Il n’en reste pas moins que la didactique de l’allemand en milieu scolaire semble en difficulté quant à l’une des „deux aptitudes fondamentales que sont la compréhension auditive et l’expression orale" , aptitudes ou "compétences" pourtant mises en avant parmi les objectifs de l'ELV depuis de nombreuses générations d'élèves. Qu’en est-il de la seconde aptitude fondamentale ? Les réponses des 167 collégiens et lycéens nous rendront ici sans doute plus optimistes. En effet, 2O% n’ont pas de problèmes en expression orale et 50% y arrivent malgré des difficultés. Restent bien sûr les 30% qui se sentent en échec plus ou moins grand dans ce domaine, mais le sentiment de réussite y est nettement plus fort qu’en ce qui concerne la compréhension auditive. Nous verrons plus loin le rôle central que l’expression orale joue pour les élèves et les „vertus“ qu’ils lui attribuent. Mais, au vu du constat exposé dans le § précédent, il faudra peut-être aussi se poser la question d’un rééquilibrage de l’entraînement aux différentes compétences fondamentales. Parler n’est donc pas très facile mais ne pose pas trop de problèmes.
Mais lorsqu’il s’agit de „communiquer avec des germanophones“ cela devient plus délicat : 56% des jeunes qui ont répondu à cet item (il n’était pas soumis aux débutants) disent avoir beaucoup de mal dans ce domaine. La question était un peu „osée“ puisque d’une part, elle les entraînait en dehors de la classe, d’autre part elle allait laisser perplexes ceux n’ayant jamais eu l’occasion de se débrouiller en situation authentique de communication. Je l’ai cependant proposée suite à plusieurs déclarations relevées au cours des entretiens semi-directifs. Elle reviendra d’ailleurs sous une autre forme dans le chapitre „motivation“.
Pour aborder ce que disent les élèves interrogés à propos de l’expression écrite, autre compétence ou „aptitude dérivée“ je tiens à préciser que les remarques des jeunes avec lesquels j’avais discuté m’ont amenée à distinguer „parler“ et écrire („rédiger“) de „utiliser la grammaire à l’oral“ et „utiliser la grammaire à l’écrit». Cette distinction s’est avérée porteuse de sens puisque les chiffres obtenus sont passablement divergents, surtout en ce qui concerne l’expression orale.
Je ne m'en sors pas du tout J'y arrive rarement Pas facile mais j'y arrive Pas de problèmes
PARLER 6 % 24 % 50 % 20 %
REDIGER 7% 41% 42% 10%
UTILISER.GR ECRIT 7% 32% 40% 21%
UTILISER.GR ORAL 10% 40% 39% 11%
Il faut analyser maintenant ce qu’expriment les élèves à propos de leurs difficultés dans le domaine grammatical. Il leur était demandé si „comprendre la grammaire“ représente un problème pour eux. Seuls 16% affirment que non, tandis que 44% sont dans une incertitude fort grande, voire totale par rapport au fonctionnement du système grammatical. Certes, 70% disent arriver à parler mais le coefficient de corrélation entre parler et comprendre la grammaire n'est que de 0,22 ! Peut-on se contenter que seulement un peu plus de la moitié des élèves saisissent les mécanismes de la langue qu'ils sont en train d'apprendre à faire fonctionner ? N'aurait-on pas affaire à des élèves plus heureux si on n’en laissait moins dans le flou et l’incertitude grammaticaux ? Alors ? Plus d’explications ou moins de grammaire ? Nous verrons plus loin ce qu’en pensent les élèves. Voyons déjà quels "points de grammaire" ils évoquent et quel degré de difficulté ils leur attribuent.
4.1.3.3 La grammaire
J’ai déjà expliqué comment la rubrique 5 avait été conçue et formalisée. Les élèves devaient citer des structures morpho-syntaxiques de la langue allemande en les classant selon leur degré de difficulté. La terminologie retenue reprendra celle que les élèves ont employée et n'aura donc aucune prétention scientifique ; en effet, la notion de "points de grammaire" relève du langage des apprenants et n'a pas de pertinence sur le plan de la linguistique. Mais elle en a une dans la construction de la compétence linguistique individuelle des élèves...
A partir des réponses fournies, j'ai pu constituer une typologie comprenant au total 26 "points de grammaire" différents. Le regroupement en catégories n'a pas toujours été aisé. On peut par exemple se demander s'il était judicieux de distinguer deux points différents pour la morphologie du groupe nominal (les élèves de 6ème ont surtout cité les cas, les autres parlé de déclinaisons). De même, plusieurs "points" relèvent de la syntaxe de la phrase allemande, mais recouvrent-ils les mêmes réalités dans la tête des élèves ? ...Ceux de 4ème évoquent la "place des mots", ceux de 6ème, la "place du verbe", parlent-ils de la même chose ? ..Fallait-il distinguer "temps" et "conjugaisons ? " Veulent-ils parler de la morphologie du groupe verbal ou de l'emploi des temps, voire des modes en allemand ? ... Il est de toute façon évident que le flou règne dans certaines têtes, peut-être entre autre dans celles des élèves qui n'ont pas du tout rempli cette rubrique ou donné des indications on ne peut plus vagues : "grammaire", erronées "vocabulaire" ou surréalistes : "les déclinatifs"...
Trois questions sont à résoudre : * quels sont les "points" évoqués le plus fréquemment ? * ces "points" sont-ils considérés comme étant difficiles (échelle de 1 à 5, 5 = facile) ?”
- le fait que des élèves n’aient pas évoqué certains "points", voire qu’ils n’aient donné aucune réponse nous renseigne sur quoi ?
Les "points" évoqués par au moins vingt élèves sont : 1.les déclinaisons ( 96 fois) plus les cas (29 fois) 2.place du verbe, construction des phrases (56 fois) plus place des mots (21 fois) 3.les subordonnées (65 fois) 4.les conjugaisons (54 fois) 5.les temps (38 fois) 6.les verbes forts (32 fois) 7.le subjonctif ( 3O fois) 8.les relatives (22 fois) 9.le passif (21 fois) 10.les pronoms (20 fois)
Quel niveau de difficulté leur attribuent-ils ? Voici les pourcentages :
T DIFF DIFF A DIFF A FACILE FACILE DEC 19 3O 32 13 6 CAS 7 17 28 34 14 P VERBE 5 5 23 37 29 SUB 5 15 14 26 40 CONJUG 2 7 20 44 26 TPS 5 24 21 39 11 V FORTS 9 19 56 13 3 SUBJ 3 30 47 17 3
Ce ne sera sans doute pas une surprise de constater que la palme de la difficulté revient aux déclinaisons.- Mais en 6ème les „cas“ sont encore considérés comme étant plutôt faciles. L'approche progressive donc, à priori facilitatrice, qu'en a la méthodologie actuelle ne porterait-elle plus ses fruits au-delà de la 6ème ?
Les conjugaisons, quant à elles, ne posent pas trop de problèmes aux élèves qui les évoquent ; ils ont par contre plus de déboires avec les temps et avec les verbes forts.
La syntaxe de la phrase allemande est jugée plutôt facile ; on verra au chapitre 4 qu'elle est mise en avant dans le programme grammatical de 6ème. Ceci semble avoir un effet positif, et les élèves donnent par leurs réponses l'impression d'être assez bien familiarisés avec cette particularité de la langue allemande et donc de ne pas trop la redouter.
4.1.4 Aides
Quels types d’activités peuvent, d’après les élèves, les aider à mieux assimiler l’allemand et à en surmonter les difficultés ?
La rubrique 8 du questionnaire leur soumettait onze „activités“ de type assez général pratiquées en classe ou en dehors des heures de cours, sans qu’il soit fait mention de supports particuliers. Ils devaient d’une part leur accorder un degré d’importance, d’autre part dire s’ils éprouvent le besoin que certaines de ces activités prennent une plus grande place dans l’enseignement de l’allemand qui leur est proposé. Sur le plan de la méthode, il aurait sans doute été préférable de modifier quelque peu les formulations pour la deuxième partie de la question. En effet, l’activité „écouter», par exemple, combinée à „il faudrait le faire plus souvent“ renvoie plutôt à l’élève lui-même qu’à l’organisation des cours. Cela revient alors pour lui à dire „il faudrait que j’écoute plus souvent“ (que je sois plus attentif/ve), et non pas „il faudrait qu’on me propose plus souvent des choses à écouter“...
Une seule activité est explicitement déclarée peu importante pour le processus d’assimilation tel qu’il est vécu par les apprenants : il s’agit de l’apprentissage par cœur. 43% des élèves interrogés l’estiment secondaire, et c’est la seule activité à obtenir un score „négatif“ supérieur aux 12% attribués à „répéter“. On peut remarquer au passage que ces deux activités ont en commun de n’être que purement imitatives. Voilà qui vient confirmer le rejet par les apprenants du psittacisme lié à certaines méthodes -et méthodologies- structuro-globales. Même les débutants (6ème et 4ème) voient les choses de cette façon. En effet, une étude par classe montre que le „rejet“ du par cœur est assez général, quel que soit le niveau d'apprentissage.
Toutes les autres activités soumises aux suffrages des élèves dans cette rubrique sont considérées comme étant, assez, “ voire très” importantes. Mais les enseignements les plus riches viennent du résultat obtenu par deux pratiques que les tenants des méthodologies à objectif communicationnel ont longtemps crues antinomiques, voire inconciliables : la réflexion sur le fonctionnement de la langue et l’expression orale. Une écrasante majorité des collégiens et lycéens interrogés (81%) considère que, pour mieux apprendre l’allemand, il est très important de „parler», et, l'item "comprendre les mécanismes de la langue“ remporte l’adhésion du même nombre d'apprenants. Et il s’avère que 114 élèves ont classé les deux activités dans la case „très important“. Les jeunes apprenants ne sont-ils pas en train de nous dire : d’une part, je veux comprendre ce que je fais, d’autre part, je sais que la meilleure façon de progresser est d’essayer d’appliquer, à l’oral, ce que j’ai compris. - On pourra étudier de plus près ces considérations dans le chapitre consacré à l’activité orale.- Pour l’heure, mettre ces conclusions en parallèle avec ce qui a été analysé ci-dessus à propos de l’apprentissage par cœur permet de se faire une idée de plus en plus précise des besoins et du fonctionnement des apprenants actuels. L'importance accordée à la pratique d'exercices est, elle aussi, élevée : les apprenants veulent non seulement comprendre mais aussi assimiler ; on y reviendra.
En analysant les réponses au deuxième volet de la question (Est-ce que tu trouves que tu pratiques ces activités suffisamment en classe ?), on s’aperçoit que les jeunes sont globalement plutôt satisfaits de ce qui se fait en cours, en tout cas en ce qui concerne l’activité orale dont 72% estiment qu’elle est pratiquée suffisamment : il est donc très important de parler, et on parle effectivement beaucoup en cours (même si quelques élèves de 6ème, notamment, indiquent, dans la réponse libre à propos de l'oral que les professeurs parlent beaucoup ! ...)
Il n’en va pas de même pour la compréhension des mécanismes de la Langue pour laquelle la demande semble dépasser de loin l’offre ou en tout cas ce qui est ressenti comme tel par les élèves. Nous avons vu que 80% y attachent une grande importance, alors que seulement 55% sont d’avis que les cours leur donnent suffisamment l’occasion de comprendre le système linguistique qu’ils doivent apprendre à faire fonctionner. Près de la moitié des élèves souhaitent donc que l’on consacre plus de temps à les aider à comprendre, parmi ceux-ci, 4O sont en difficulté, voire grande difficulté avec la grammaire. (rubrique 4 du questionnaire). Anticipant, à la suite des remarques entendues lors des entretiens préliminaires, sur la valeur que les élèves répondant au questionnaire allaient donner à la compréhension des mécanismes de la Langue, j’avais décidé de leur soumettre quatre questions plus précises à ce propos. En voici les résultats :
Penses-tu qu’on te donne ou qu’on t’a donné assez d’explications sur la grammaire allemande ? Réponses : oui : 58% non : 42%
Les listes (verbes) et les tableaux (déclinaisons) t’aident-ils à mieux comprendre ? Réponses : oui : 67% non : 33%
Trouves-tu qu’on étudie trop de choses à la fois et qu’il est donc difficile de tout comprendre ?
Réponses : oui : 49% non : 51%
Trouves-tu qu’il est gênant de ne pas comprendre tout de suite un nouveau point de grammaire ? Réponses : oui : 70% non : 30%
Ces réponses viennent effectivement confirmer les constats établis jusqu’ici et annoncent, en quelque sorte, les demandes exprimées par les élèves eux-mêmes et qui vont être examinées plus loin.
Une autre rubrique doit retenir notre attention : les élèves devaient aussi donner leur opinion à propos de l’importance que revêt pour eux la traduction. Il s’agit là d’un sujet complexe que cette enquête n'aura fait qu'effleurer. L’emploi du verbe „traduire“ permettait donc de rester très vague tout en mettant en avant l’aspect actif - „est-ce que j’ai besoin de traduire pour mieux apprendre ?“ - en tant qu’élément du processus d’assimilation. On sait combien la didactique des langues, et particulièrement celle de l’allemand, est hésitante face au rôle et à la place de la traduction et de la langue maternelle dans l’apprentissage. Globalement, on estime que le recours à la traduction constitue un frein à la mise en place d’automatismes langagiers. Une étude plus précise impliquerait qu’on définisse quel type de traduction et à quel stade - ou dans quelle phase - du processus d’apprentissage. Les réactions des élèves au verbe „traduire“ renvoient donc plutôt à leurs représentations individuelles qu’à un quelconque schéma de classe. Ces précautions épistémologiques étant prises, voyons si les élèves attachent une grande importance à la référence à leur langue maternelle.
Traduire est - très important : 41 % - assez important : 53 % - pas important : 6 %
Les deux premiers chiffres sont élevés, mais dans la rubrique “très important”, traduire est dépassé par plusieurs autres activités, dont, on l’a vu plus haut, parler. Plus révélatrice est peut-être l’attitude adoptée dans la deuxième partie de la question : près de la moitié des élèves souhaiteraient que l’on traduise plus souvent. Ce constat n’est pas satisfaisant en soi pour les raisons évoquées plus haut, mais devrait inciter à redéfinir, avec les apprenants, ce que peut apporter la mise en parallèle de la langue étrangère et de la langue maternelle, et quelles en sont éventuellement les limites, voire les dangers .
4.1.5 Les besoins ressentis
Dans la dernière partie de ce chapitre, je vais tenter d’exposer et d’analyser ce qui ressort des réponses libres que les jeunes ont fournies dans la dernière rubrique du questionnaire. Ils devaient formuler d’une part ce dont ils pensaient avoir besoin pour mieux comprendre les mécanismes de l’allemand, d’autre par ce qui pourrait les aider, de façon générale, à résoudre leurs difficultés avec cette langue. J’ai donc, à partir des réponses exprimées, établi une typologie de besoins. Une analyse productive ne saurait se baser uniquement sur un décompte mathématique des réponses, il sera donc intéressant d’y ajouter une étude de nature plus qualitative. On peut cependant chercher à savoir combien d’élèves ont rempli cette rubrique et si certains besoins sont exprimés à plusieurs reprises et à quoi cela correspond.
Seuls 22 élèves sur 167 ne se sont pas exprimés sur le sujet. Les raisons de ce mutisme peuvent bien sûr être diverses, mais cette faible proportion permet de dire que, dans l’ensemble, les destinataires du questionnaire ont pris à cœur de faire savoir qu’ils ont des besoins spécifiques et de quelle nature sont ces derniers.
Type de besoin Nbre d'élèves l'ayant exprimé Plus de temps 47 Nécessité de mieux comprendre 32 Nécessité de mieux assimiler 70 Aide individualisée 12 Plus d'activité orale 20 Contenus et supports plus intéressants 18 Plus de contacts authentiques avec langue 14 Attitude différente du professeur 13
Plus difficiles à identifier sont les remarques des élèves concernant la motivation : ceux qui déclarent qu’il faudrait qu’ils soient plus motivés voient-ils les raisons de leurs difficultés uniquement en eux-mêmes ou ne savent-ils pas nommer les facteurs qui permettraient peut-être à cette motivation d’augmenter ?
Reprenons maintenant les demandes les plus fréquemment exprimées. Si l'on regroupe les problèmes de rythmes d'apprentissage et de besoin d'assimilation on obtient au total plus de 100 demandes allant dans le même sens : des élèves qui ont besoin de plus de temps pour comprendre et pour apprendre, qui se heurtent à l'ampleur des programmes grammaticaux et lexicaux. Ils demandent qui des exercices d’entraînement, qui d’application ; des révisions ; des activités permettant de mieux retenir le lexique, et qu’on étudie moins de choses à la fois. Ils veulent comprendre et semblent prêts à faire aussi des efforts pour retenir, mais ils sont trop souvent " dépassés par les événements". Les demandes spécifiques d’explications supplémentaires ne sont cependant pas les plus nombreuses (22), la priorité semble plutôt porter sur la façon dont elles sont données (trop vite) et sur la quantité jugée insuffisante d'activités favorisant l’assimilation puis le transfert des nouvelles structures étudiées. Peut-être les élèves se situent-ils eux-mêmes sur le terrain de l’induction : on a vu plus haut qu’ils veulent comprendre les mécanismes de la langue, on sait aussi qu’à 58% ils estiment avoir reçu ou recevoir suffisamment d’explications sur la grammaire allemande. Je pense qu’ils sont en fait conscients de l’importance de leur démarche cognitive personnelle et individuelle par rapport aux divers faits de langue qu’on leur présente. C’est donc bel et bien sur le processus d’appropriation menant au transfert et sur la mise en place de stratégies d'apprentissage que devraient porter les priorités d'une didactique adaptée à l'ensemble des apprenants si l'on veut aider tous les élèves à réussir. Une des solutions serait, à mon sens, une diminution des quantités de structures linguistiques à assimiler, notamment pour les débutants. A titre d'illustration, voici quelques formulations révélatrices : "On devrait apprendre moins de grammaire en 6ème car je suis un peu perdue"(élève de 6ème). "Dans chaque leçon, il y a des mots nouveaux qui ne sont pas repris dans les autres leçons" (4ème LV2). J'ai besoin "d'apprendre moins rapidement et plus clairement"(4ème LV2). Il faudrait "moins de choses à apprendre, ce qui amènerait plus de temps pour les apprendre"(3ème LV2) "La grammaire est pour moi quelque chose de très difficile. Il faut que je fasse beaucoup d'exercices pour comprendre."(2de LV2) J'ai besoin "d'un apprentissage par l'application, c'est à dire que tout ce que l'on saurait, ce serait parce qu'on l'aurait appliqué. A force de l'appliquer, on retiendrait mieux"(2de LV2) ; J'ai besoin "de beaucoup de temps personnel en face à face avec les problèmes."(Term L LV2). J'ai besoin "que les professeurs consacrent plus de temps à une leçon." (2de BEP)
Autres remarques sur les besoins signalés : Le nombre élevé d’élèves mentionnant l’apprentissage du lexique (37) nous renvoie à ce que nous avions constaté plus haut et devrait inciter à proposer aussi des stratégies d’aide à l’apprentissage dans ce domaine. Nous avons parlé de traduction au chapitre précédent : les demandes explicites allant dans ce sens ne sont qu’au nombre de 10. Mais on peut cependant lire qu’un élève de 1ère LV1 souhaiterait que „tous les mots du cours“ soient traduits „car on n’ose pas demander quand on n’a pas compris“. Ceux qui mentionnent l’enseignant attendent de lui de l’aide, mais aussi des encouragements, de la patience, de la sympathie et qu’il s’assure que chaque élève a bien compris. On reviendra plus loin à la place que l’attitude de l’enseignant tient dans la motivation des élèves.
4.1.6 Quelques profils
Peut-on, à partir des données récoltées et analysées jusqu’ici de façon globale, dégager des „profils“, sinon individuels, mais en tout cas de groupes d’élèves ?
La démarche adoptée va consister à croiser un certain nombre de variables afin d’établir des constats ou de vérifier des hypothèses étant, bien sûr, en rapport avec la problématique de départ. Les groupes étudiés seront les suivants : Les germanistes 1ère langue et les latinistes à propos desquels on tentera de constater s’ils présentent un profil correspondant à la représentation d’usage : s’agit-il effectivement d’élèves particulièrement brillants et pour lesquels l’allemand devrait donc être moins difficile que pour les autres ? Les élèves de l’échantillon qui, d’emblée, ont classé l’allemand dans les catégories très difficile et difficile. On essaiera de répertorier leurs difficultés et d’analyser les attitudes qu’ils adoptent à leur encontre, et on les mettra en parallèle avec les autres élèves de l’échantillon. Les 96 élèves qui, dans la rubrique „points de grammaire“, évoquent les déclinaisons. Sont-ils particulièrement en difficulté ? Quelles aides demandent-ils ? Quelle vision ont-ils de l'allemand ?
4.1.6.1 LV1 et LV2
Les élèves de 1ère langue sont au nombre de 67 (4O% de l’ensemble) dont seulement 4 font ou ont fait du latin. 66% d’entre eux ont dans leur entourage quelqu’un qui pratique ou a pratiqué l’allemand, contre 59% en LV2. Cette différence, bien qu’elle ne soit pas négligeable, ne semble par vraiment significative. Il faut dire qu’au total près des deux tiers des élèves interrogés évoquent une personne proche ayant appris cette langue. Une comparaison avec des anglicistes s’imposerait pour tirer d’autres conclusions.
Sur le plan des résultats scolaires d’ensemble, 32% des germanistes première langue situent leur niveau entre bon et très bon contre seulement 20% de leurs camarades de LV2. On aurait donc effectivement affaire à plus de bons élèves en LV1.
Résultats scolaires d'ensemble
En ce qui concerne les résultats qu'ils déclarent obtenir en allemand, l'écart est moins grand : 18% de bons à très bons en LV1 et 15% en LV2. Par contre, les élèves de deuxième langue ont plus tendance que leurs camarades à situer leur niveau en allemand dans la rubrique "moyen" (5O% en LV2 et 38% en LV1) et moins dans la rubrique "insuffisant" (LV2 : 19%, LV1 : 24%)
Résultats en allemand
Les avis des germanistes 1ère langue sont aussi assez divergents de ceux de leurs camarades lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent de la difficulté. de l’allemand. Mais on ne peut pas en conclure que l'allemand serait beaucoup plus facile pour les uns que pour les autres.
Difficulté de l'allemand
Lorsqu’on aborde des questions plus concrètes, les constats sont contrastés.
Des domaines de difficulté différents : Les élèves de LV1 sont plus à l’aise que leurs camarades dans les domaines suivants :
- Compréhension auditive : 61 % déclarent s’en sortir assez bien, contre 44% en LV2,
* Expression orale : nous avions vu que 70 % de l'ensemble de l'échantillon disaient assez bien réussir dans ce domaine. Si l'on considère les deux groupes comparés depuis le début de ce chapitre, l'écart est très important : on a en effet 13% de plus de réponses positives chez les élèves pratiquant l'allemand depuis la 6ème.
Ils ont par contre plus de problème lorsqu'il s'agit de : * Comprendre la grammaire : 50% contre 40 % des élèves de LV2 * Utiliser la grammaire à l’écrit : 45% contre 35 % * Comprendre la langue écrite : 37% contre 26 %
Cependant, 59% des élèves de LV1 estiment qu’il vaut mieux commencer par l’allemand en 6ème et ne pensent pas qu’on est alors trop jeune pour en comprendre le fonctionnement. Une manière de s'arranger avec leur situation ou un constat véritablement fondé ? Peut-être aurait-on obtenu tout autre chose en leur demandant s’ils regrettaient ou non d’avoir commencé par l’étude de cette langue... Car on compte tout de même parmi les germanistes de LV1 16 des 26 jeunes qui pensent que l’allemand devrait être réservé aux bons élèves, dont 10 sont en classe de 6ème...
Quant à la nécessité de bien maîtriser la grammaire française, il semble qu’elle soit pour eux plus évidente que pour leurs camarades de LV2. En effet, 58% (contre 44%) répondent oui à cette question.
On s'aperçoit donc que beaucoup des problèmes spécifiques aux élèves de LV1 de l'échantillon étudié sont liés à la grammaire, mais à propos des points de grammaire cités par ce groupe, on ne remarque pas de différences significatives avec les autres. Ce qui est considéré comme difficile par l’ensemble l’est aussi par les élèves qui font de l’allemand depuis la 6ème. Seuls les élèves de ce niveau (6ème) ont tendance, on l’a déjà signalé, à attribuer un degré de difficulté moindre aux cas et à la proposition subordonnée.
Quant aux difficultés qu’ils rencontrent en ce qui concerne la compréhension et l’utilisation de la grammaire. , elles ne paraissent pas à imputer à un déficit d’explications, puisque 63 % disent qu’on leur en donne assez.
Les élèves de deuxième langue sont nettement moins nombreux à être satisfaits de la quantité d'explications reçues : 46% disent ne pas en obtenir suffisamment, et pourtant ils semblent avoir moins de problèmes en grammaire. On peut avancer, en se référant aussi aux besoins exposés plus haut de façon globale, l'hypothèse explicative suivante : ce n'est pas tant la quantité d'explications reçues qui est déterminante mais les pratiques mises en ou non en œuvre pour favoriser les processus d'assimilation. Et des élèves qui font de l'allemand depuis plus longtemps et ont donc forcément "entendu" plus souvent un certain nombre d'explications, mais ne progressent pas pour autant, en ressentent peut-être plus cruellement le manque. Il faut donc maintenant Examiner quelles sont leurs demandes spécifiques permettra sans doute d'avancer dans la vérification de cette hypothèse.
Les élèves de 1ère langue ne font effectivement pas partie de ceux qui demandent le plus d’explications, voire de révisions, par contre, le facteur temps semble jouer un rôle particulièrement important pour eux, puisqu’ils représentent la moitié de ceux qui en réclament, sous diverses formes : 6ème : “Qu’on explique moins vite” ; “Moins de grammaire. en 6ème” ; 1ère: “Avoir beaucoup de temps pour bien comprendre”, etc.
Bilan: Si les germanistes de LV1 de cet échantillon présentent un profil plutôt habituel, dans le sens où ils s'en sortent relativement bien sur le plan scolaire global, les divergences constatées entre eux et les élèves de LV2 ne sont pas très grandes quand on aborde l'apprentissage de l'allemand. Cela peut être lié à la composition de l'échantillon mais ne remet nullement en cause les questions de fond sur une didactique de l'allemand adaptée à tous les élèves.
4.1.6.2 Les latinistes Ils sont 29 et il se trouve qu'ils apprennent presque tous l’allemand comme 2ème langue vivante. La description de leur profil se basera sur des comparaisons avec le reste de l'échantillon, c'est à dire les 138 autres élèves. En quoi ce groupe se distingue-t-il ?
Que pensent-ils de la difficulté de l'allemand ? En fait il n’y a pratiquement pas d’écart entre leur point de vue et celui de leurs camarades : ils n’ont aucunement tendance à trouver l’allemand plus facile, puisqu’on retrouve les mêmes chiffres pour „très difficile“ à „assez difficile“. Mais un seul d'entre eux dit que l'allemand est très difficile (3%) contre 10% des non-latinistes. Ce constat étant établi, il faut se demander si cette appréciation correspond à une difficulté réellement vécue et donc observer ce que disent ces élèves à propos de leurs résultats.
Leur niveau scolaire d’ensemble est plus élevé que celui de l’échantillon (66% se déclarent assez bons à très bons contre 49% de leurs camarades non-latinistes), et si aucun ne s’estime très bon en allemand, seuls 7% se disent faibles dans cette matière, contre 24% pour les autres. On a donc ici affaire à des élèves meilleurs que le reste de l’échantillon.
Une deuxième hypothèse demandait à être vérifiée : celle qui consisterait à ce que les latinistes aient moins de problèmes avec la grammaire allemande que leurs camarades. Elle s’avère vraie avec 83% de ces élèves déclarant arriver toujours ou presque toujours à comprendre la grammaire et seulement 51 % chez leurs camarades L’utiliser à l’écrit leur semble aussi assez facile (76% contre 59%), par contre, quand il s’agit de l’oral, appliquer ce qu’ils ont compris des structures de la langue ne leur réussit pas beaucoup mieux qu'aux autres élèves (56% contre 5O%). On peut d'ailleurs signaler ici que parler ne semble de toute façon pas leur point fort : 10% seulement de ce groupe déclarent ne pas avoir de problèmes dans ce domaine, contre 22% chez les autres.
Le domaine de la grammaire semble donc bien être celui qui donne son profil particulier au groupe des latinistes. A la rubrique 10, on constate que les trois quarts de ces apprenants apprécient les listes et les tableaux, donc la systématisation, et qu’ils sont moins gênés que leurs camarades par l’abondance de la matière à apprendre. Mais ne pas comprendre tout de suite un point de grammaire. les handicape tout autant. Mais ce ne sont certainement pas les déclinaisons qui leur posent le plus de problèmes, laissons tout simplement parler les chiffres : par les non-latinistes, elles sont classées à 58% dans les catégories 1 et 2 (très difficile et difficile), par leurs camarades à seulement 11%... Sont-ils pour autant élitistes par rapport à l’apprentissage de l'allemand ? Si on se réfère à leur réaction à l’affirmation 3 de la rubrique 6, on verra qu’ils répondent non à 80% ; encore moins que le groupe dans son ensemble, ils n’estiment que l'allemand est à réserver aux bons élèves. En ce qui concerne les besoins, ils sont surtout demandeurs d'explications (6 fois), d'exercices (8 fois) et de travail sur le vocabulaire (7 fois).
Bilan: Ne trouvant certes pas l'allemand particulièrement facile, le groupe des apprenants de langue ancienne a beaucoup moins de difficultés à surmonter que les autres élèves de l'échantillon. Ce constat rejoint tout à fait ceux de l'étude de la DEP présentés précédemment.
4.1.6.3 Les élèves en difficulté avec l'allemand
Le groupe présenté maintenant est composé de 64 élèves : les 14 qui trouvent l'allemand "très difficile" et les 50 apprenants qui ont coché la case "difficile". Je les traiterai la plupart du temps comme un groupe homogène tout en étant attentive à certains traits distinctifs, notamment dans leurs attitudes face à la difficulté.
Ces diagrammes représentent la répartition des résultats obtenus en allemand par le groupe défini ci-dessus en comparaison des autres élèves interrogés. Près d’un tiers s’estiment faibles dans cette matière, c’est le double par rapport au reste de l’échantillon. Le contraste est par contre beaucoup moins saisissant en ce qui concerne les résultats dans les autres disciplines où ces élèves se répartissent plus également sur l’ensemble des échelons. Ceci nous permet de dire que les élèves trouvant allemand difficile ne sont pas que des élèves „faibles“ mais ne se recrutent que rarement parmi les meilleurs : seuls dix parmi les „bons“ à „très bons“ élèves trouvent que l'allemand est difficile.
On peut donc considérer que ce qui va suivre nous éclairera sur les problèmes et les demandes spécifiques d'élèves en difficulté avec l'allemand.
Il se trouve qu’un pourcentage un peu plus faible que sur l’ensemble a dans son entourage quelqu'un qui fait ou a fait de l'allemand. Mais cela ne semble pas avoir une influence déterminante, ou cette enquête n'a pas pu la mettre en lumière.
Quels sont leurs problèmes spécifiques ? En passant en revue les compétences énumérées à la rubrique 4 du questionnaire, on n’est pas vraiment surpris de constater que tout est difficile pour ce groupe. Je me contenterai de citer les trois points pour lesquels les cases 1 (je ne m’en sors pas du tout) et 2 (j’y arrive rarement) ont été cochées au total à plus de 50% :
* utiliser la grammaire à l’oral : 64 % (contre 41 % chez les autres) * comprendre la grammaire : 56 % (contre 36%) * Utiliser la grammaire à l’écrit : 53% (contre 30%)
Une fois de plus on est amené à des considérations sur la compréhension et l’assimilation du système grammatical de l'allemand. Car, lorsqu'on a affaire à des élèves sinon en échec, en tout cas en difficulté, la motivation ne suffit pas à compenser les obstacles que la grammaire dresse sur le chemin de l’expression : les 70% qui arrivaient à parler quand on considérait tout l’échantillon chutent ici à 58%. Mais il est vrai qu’on aurait pu s’attendre à pire et qu’il faudrait finalement peut-être se réjouir que, malgré les difficultés qu’ils rencontrent, ces jeunes disent qu'ils arrivent assez bien à parler...
La grammaire, donc : 9 des 14 élèves les plus en difficulté déplorent un déficit d’explications. Par contre, listes et tableaux ne leur apportent pas grand chose. Plus clairement que l’ensemble, eux et leurs 50 camarades d’infortune regrettent qu’on „étudie trop de choses à la fois“ et perdent très vite pied lorsqu’ils ne comprennent pas (13 sur les 14 évoqués plus haut). Cette quatrième question de la rubrique 10 était assortie d’une possibilité d’explication de la part des élèves. Or, on s’aperçoit que peu de ceux pour qui la langue est très difficile ne savent (ou ne veulent ? ...) dire pourquoi ils perdent vite pied. Il en va de même au moment où ils ont à citer des "points" de grammaire, et à leur attribuer un niveau de difficulté. Il me semble que le fait que cette rubrique soit fort peu remplie par les élèves qui nous préoccupent dans ce chapitre est plus révélateur que le degré de difficulté qu’ont attribué au plus un tiers (5 sur 14 ont cité les temps) à tel ou tel point. Je pense en effet que les difficultés évoquées à propos de la compréhension et de l’utilisation de la grammaire ont pour corollaire une grande confusion terminologique - on ne sait pas nommer - et un flou grammatical complet. S’ajoute bien sûr à ceci le découragement, voire l’indifférence que peuvent ressentir des apprenants en grande difficulté. Nous verrons à la fin de ce chapitre s’ils sont cependant demandeurs d’aide, et, si oui, desquelles.
Une autre question m’intriguait particulièrement : ces apprenants qui considèrent que l'allemand est bien difficile à comprendre et à apprendre souhaitent-ils plus que les autres qu’on ait recours à la traduction, à la „béquille“ de la langue maternelle pendant les cours ? Les chiffres ne permettent en fait pas de constater de différences notables avec leurs camarades, et ce ne sont pas les quelques pour cent en plus (5O contre 46 pour les autres disant que traduire est très important ) qui inciteront à proclamer que l’utilisation de la traduction permettrait de rendre l’apprentissage de l’allemand moins difficile.
Et la compréhension des mécanismes de la langue, lui attribuent-ils une importance proportionnelle aux problèmes qu’ils disent avoir dans ce domaine ? On peut déjà remarquer que certains semblent avoir abandonné la partie : 4 des 5 élèves qui estiment qu’il n’est pas important de comprendre les mécanismes de la langue proviennent du groupe que nous étudions ici. Les 5O éléments du groupe „difficile“ sont par contre très demandeurs dans ce domaine puisqu’ils sont 42 à avoir coché la case „très important“. On retrouve d’ailleurs cette attitude lorsque 50% de ce groupe déclarent qu’il faudrait pratiquer plus souvent la compréhension des mécanismes de la langue (39% des autres). (rmq : du coté des 5 "forts en allemand", 4 souhaiteraient aussi plus d’explications...)
Observons maintenant à l'aide du graphique ci-dessus comment les 6 sous-groupes constitués à partir de leur avis sur la difficulté de l'allemand ont réagi à l'affirmation 3 de la rubrique 6. Ceux qui nous intéressent plus particulièrement dans ce chapitre sont plus fortement que les autres d’avis que l’allemand, „c’est pour les bons élèves“. Mais ils ne sont pas les seuls : on trouve une remontée de cette opinion chez le groupe pour qui l’allemand est facile, constitué, il est vrai, de seulement cinq éléments.
Un constat similaire s’impose à propos de la dernière affirmation de cette rubrique : tant pour les élèves pour lesquels allemand est très difficile que pour ceux pour qui il ne l’est pas „il y a beaucoup de choses à apprendre avant de pouvoir se servir de la langue“. Il est vrai que cette affirmation remportait de toute façon l’adhésion des ¾ des élèves interrogés. Mais les élèves en grande difficulté en allemand estiment, à une exception près, qu’obtenir de bons résultats dans cette matière leur demande plus de travail qu’ailleurs, en quoi ils se situent largement au-delà de l’opinion moyenne de l’échantillon (43% de oui).
Essayons d’interpréter cette “ressemblance” dans la différence des deux extrémités de “l’échelle” : je crois qu’elle met tout simplement en évidence la grande hétérogénéité des classes avec d’une part des élèves pour qui tout va trop vite et qui auraient besoin de beaucoup plus de temps pour assimiler, d’autre part quelques apprenants (5 sur notre lot) qui sont plus demandeurs car ils assimilent plus vite.
Leurs besoins
Premier constat qui rejoint des remarques déjà faites : c’est plutôt le groupe 2 (allemand = difficile) qui s’exprime à ce propos et avec des demandes concrètes et précises. Les élèves du groupe 1 (allemand = très difficile) font preuve de presque aussi peu d’initiative que lorsqu’il s’agissait de citer des points de grammaire. Je présenterai cependant de façon globale pour l’ensemble des élèves en difficulté avec l’allemand les besoins exprimés. Nous avons eu l’occasion d’analyser les demandes de l’ensemble de l’échantillon, je ne reviendrai donc pas sur leur signification. Je me contenterai de rapporter que les élèves en difficulté représentent :
* 64 % de ceux qui demandent plus de temps, des rythmes moins soutenus, * 56% „ „ „ des révisions et des répétitions, * 52 % „ „ „ des explications supplémentaires, * 63% „ „ déclarent avoir besoin d'être plus motivés.
Bilan: On a vu que les élèves "qui trouvent l'allemand difficile" sont devenus, au cours de ce chapitre, "les élèves en difficulté avec l'allemand". En effet, bien que quelques élèves obtenant de bons résultats aient classé la langue allemande dans la rubrique "difficile", ce sont principalement ceux qui ont des problèmes, parfois très importants, qui ont cette opinion : résultats décourageants, incertitudes quant au fonctionnement de la langue, problèmes de compréhension. Regrettent-ils d'avoir choisi l'allemand ? Il aurait été intéressant de le leur demander, mais il serait surtout urgent de les aider à mieux s'en sortir, même s'ils ne savent pas forcément dire, d'eux-mêmes, ce dont ils ont besoin, car ils font certainement partie de ceux qui, d'après J. BENHADJI-SCHAFF, "se noient" dans le "flot de connaissances" où ils sont "plongés dès le début de l'apprentissage."
4.1.6.4 Ceux qui parlent des déclinaisons
Pourquoi partir maintenant des 96 élèves qui ont mentionné les déclinaisons parmi les points de grammaire qu’ils ont évoqués ? Parce que c’est, me semble-t-il, la structure morphosyntaxique qui est la plus porteuse de représentations liées à la difficulté . N’avons-nous d’ailleurs pas constaté que seuls 19% des élèves qui ont évoqué cette structure en répondant au questionnaire la rangent dans les rubriques “assez facile” et “facile” ?
Je propose donc de présenter les hypothèses à vérifier sous forme de questions :
Les déclinaisons sont-elles, aux yeux des apprenants, une raison de n'apprendre l'allemand que si on s'en sort bien dans ce domaine, donc, une sorte de critère de sélection ? Il semble que non, car 71 des 96 élèves. qui les mentionnent ne pensent pas qu’on devrait réserver l'allemand aux bons élèves, y compris les 47 qui les trouvent difficiles ou très difficiles. Mais, à l'inverse, parmi les 27 qui réservent l'allemand aux élèves plus performants, 12 parlent des déclinaisons dont 8 pour dire qu’elles sont difficiles... Les déclinaisons participent donc encore à la mauvaise réputation de la grammaire allemande...
Devraient-elles contribuer à déterminer le moment le plus favorable pour apprendre l'allemand ? Sur les 35 qui disaient que les élèves de 6ème sont trop jeunes pour comprendre les mécanismes de la langue, 22 évoquent les déclinaisons parmi les "points" de grammaire, dont 13 qui les trouvent difficiles. C’est sans doute peu par rapport à l’ensemble de l’échantillon, mais le facteur difficulté des déclinaisons. n’a sans doute pas été étranger à cette réaction positive, d’autant qu’aucun des 35 élèves qui l’ont eue ne trouve les déclinaisons faciles.
Leur maîtrise nécessite-t-elle une bonne connaissance de la grammaire du français ? Les apprenants qui les trouvent très difficiles pensent à 60% que oui, c’est plus que pour l’ensemble du groupe, mais c’est autant que lorsqu’on s’adresse aux élèves trouvant l'allemand facile.
Leur difficulté est-elle particulièrement ressentie par les élèves ayant en général des problèmes en grammaire ? Voici sans doute le résultat le plus probant, bien que pas vraiment surprenant : aucun des élèves trouvant les déclinaisons difficiles n’a de facilité à comprendre la grammaire, et 66% disent y arriver rarement ou jamais. Quoi d’étonnant à ce que la plupart attachent beaucoup d’importance à ce qui leur permettrait de comprendre les mécanismes de la langue et que, d’après eux, ils n’ont pas reçu suffisamment.
Leur difficulté est-elle une entrave à la réalisation des quatre compétences fondamentales ? Pour répondre à cette question, le plus commode est de comparer systématiquement les opinions des élèves trouvant les déclinaisons difficiles ou très difficiles - ils sont 47 sur 96 -, et celles du reste de l'échantillon.
Dans le domaine de la compréhension :
Pas de différence réellement significative en ce qui concerne la compréhension de l'écrit, les difficultés ressenties sont sensiblement du même ordre, que l'on trouve les déclinaisons difficiles ou non.
Par contre, le constat général de déficits importants en compréhension de l'oral présenté plus haut s'accentue nettement chez les élèves pour qui la morphologie du groupe nominal pose des problèmes : ils sont 54 % à avoir de gros problèmes en compréhension orale, alors que leurs camarades ne sont que 20% dans ce cas.
Dans le domaine de l'expression :
Les deux diagrammes comparatifs présentés ci-dessus tendent à prouver que les élèves trouvant les déclinaisons difficiles ont plus de mal à participer à l'activité orale de la classe. On peut sans doute voir là un effet inhibitif de la structure, les élèves diraient sans doute : je ne parle pas en cours car j'ai peur de faire des fautes de déclinaisons Ce facteur devrait jouer un rôle moindre quand il s'agit de s'exprimer par écrit. Qu'en est-il dans les faits ?
Les chiffres sont parlants : la difficulté que les déclinaisons représentent pour certains élèves a aussi d'importantes répercussions à l'écrit.
Pour conclure, deux diagrammes résumant, en quelque sorte la situation car ils nous montrent que la vision des déclinaisons coïncide avec celle de la langue
Bilan: Inhibant beaucoup d'élèves dans leur prise de parole et les rendant peu sûrs d'eux à l'écrit, le système des déclinaisons allemandes est, pour ceux qui le déclarent difficile, source de problèmes aussi dans le domaine de la compréhension. C'est un constat qui concrétise l'échec de tentatives pour minimiser l'impact de réalisations erronées de cette structure dans la communication.
Personnellement, je pense que, en plus d'activités appropriées qui permettraient peut-être aux élèves de mieux saisir le fonctionnement du système, il faudrait avant tout dédramatiser le phénomène déclinaison dans l'enseignement de la langue allemande en adoptant des attitudes correctives différentes de celles que l'on pouvait avoir dans un enseignement non axé prioritairement sur la communication.
4.1.7 L’activité orale
Sa place et ses fonctions aux yeux des apprenants
A la suite de ce qui m’avait été dit lors des sept entretiens individuels, j’ai estimé nécessaire de consacrer une rubrique complète du questionnaire à l’activité orale. J’avais en effet été frappée par les nombreuses références faites à cette activité, notamment lorsqu’il s’agissait de citer ce qui pouvait aider à progresser : “Parler nous fait habituer à la langue”, “L’oral joue un grand rôle”, etc. Il s’est avéré que ces réactions reflétaient l’avis général : je rappelle que 81% des élèves remplissant le questionnaire ont estimé que parler était très important pour les aider à apprendre. Le simple verbe “parler” - tout comme traduire plus haut - me sembla être ce qui mettrait le mieux l’élève en situation : il ne s’agissait en effet pas de déterminer, par exemple, dans quelle phase du processus d’apprentissage l’expression orale était la plus appropriée ou la plus efficace, mais, encore une fois, de mesurer le vécu des apprenants qui devaient donc être amenés à se demander : „Quand je prends la parole en cours de langue, ça m’apporte quoi ?“
Essai d'analyse par catégorisation.
Les déclarations des élèves interrogés quant à l'intérêt de l'activité orale seront tout d'abord analysées globalement, c'est à dire sans prendre en compte les profils de groupe décrits précédemment. En effet, l'objectif était de savoir ce qu'elle apporte aux élèves en général.
22 items étaient proposés à l’approbation ou la désapprobation des apprenants. La catégorie “peut-être” engageait plus les hésitants que ne l’aurait fait le “sans opinion” habituel. Mais les pourcentages attribués au “oui” et au “non” sont suffisamment révélateurs pour qu’on ne la prenne pas véritablement en considération dans l’analyse qui va suivre. Aucune hiérarchisation ou classification n’avait présidé à la présentation des items : seule leur formalisation avait conduit à établir trois rubriques distinctes. Une démarche de conceptualisation va maintenant permettre d’étudier les fonctions que, du point de vue des apprenants, l’activité orale remplit dans le processus d’apprentissage et d’assimilation de l’allemand, et sans doute aussi d’autres langues.
On peut catégoriser les items qui avaient été proposés de la façon suivante : - ceux qui relèvent d’opérations cognitives du type comprendre, s’approprier, et construire ; - ceux qui renvoient au domaine de l’affectif. Je distinguerai ici trois aspects de l’implication affective : la prise de contact (familiarisation), la prise de confiance en soi et tout ce qui a trait au plaisir. Les items afférents aux opérations de transfert devant aboutir à l’installation des automatismes langagiers, sont, à mon avis, un prolongement et un aboutissement des deux premières catégories.
Les constats.
Les plus fortes valeurs relevées dans les réponses au questionnaire se répartissent assez équitablement entre les catégories définies ci-dessus : * oser, se "dépasser" : 96% disent que „Parler oblige à se débrouiller avec ce que l’on sait“ * se familiariser : 94% pour lesquels „Parler aide à s’habituer à la prononciation“, * s’approprier et construire : pour 80%, „Parler aide à appliquer ce que l’on apprend“. Le transfert préoccupe aussi les élèves : 74% considèrent que l’activité orale est une forme d’entraînement (vers des automatismes) et 72% qu’elle permet de tester des formulations personnelles.
D’autres atouts de l’oral sur le plan cognitif sont : * pour les trois quarts des élèves interrogés, un apport en ce qui concerne la compréhension de la langue. * pour 68% une façon de retenir -donc de s’approprier - ce que l’on apprend, ce qui va permettre de construire le savoir (au sens de connaissances et de compétences).
Ils ne sont par contre pas du tout convaincus que l’activité orale les aide à comprendre la grammaire (45% de oui et 40% de peut-être...) et à apprendre les fameuses déclinaisons (25% de non).
Dans le domaine affectif, on relève surtout des qualités attribuées à l’expression orale qui mettent en jeu la prise de confiance et ce que, faute de mieux j'appellerai ici le "dépassement de soi" : * La prise d’initiatives remporte 74 % des suffrages exprimés, et pour 69% „parler aide à prendre de l’assurance“. Les élèves savent qu’ils doivent surmonter leurs appréhensions, éventuellement leur timidité, que parler devant la classe n’est pas évident, mais ils s’aperçoivent aussi que prendre part à l’activité orale en cours de langue étrangère les amène à prendre confiance en eux et que cela peut donc aussi avoir des retombées positives sur l'image qu'ils ont en eux. * C’est en ce qui concerne le "plaisir" que peut procurer la participation orale en classe qu’ils sont le moins enthousiastes : parler est certes motivant, mais pour à peine plus de la moitié (et pas du tout pour 9%), c’est agréable pour tout juste la moitié et désagréable pour 12%, et c’est plus facile qu’écrire seulement pour 45%. Quant à la "frustration" que cette activité peut représenter par rapport à l’activité écrite, les avis sont très partagés.
On voit que l’activité orale recouvre de nombreuses réalités et procède de mécanismes cognitifs et psychologiques complexes.
Bilan: Ce qui me semble ressortir le plus des réponses au questionnaire, c’est qu’elle représente une évidence pour les élèves. En font-ils pour autant l’usage qui devrait correspondre aux convictions exprimées ici ? Si ce n’est pas le cas, répondre aux questions évoquées ci-dessus leur aura peut-être permis de prendre conscience de certains processus de leur démarche d’apprentissage. Mais leur désarroi face à la langue ( cf. chapitres précédents) en conduit certains, à baisser là aussi les bras puisque, de toute façon : „Ce sont toujours les meilleurs qui prennent la parole, donc les moins bons se lassent et ne veulent plus rien dire. Alors les moins bons s’enterrent et les meilleurs progressent encore.“ (élève de 1ère LV1, section STI, en échec en allemand).
J'ai donc mesuré si les élèves en difficulté avaient des points de vue différents de ceux de leurs camarades en ce qui concerne les apports de l'oral, s'ils en voyaient par exemple, moins l'utilité. Il s'avère que là où il y des divergences significatives, elles jouent, si je puis dire, au profit de l'activité orale. C'est le cas pour les items "Parler aide à prendre de l'assurance", "Parler est plus profitable que l'écrit", "Parler permet de tester des formulations personnelles" et "amène à prendre plus d'initiatives". Encore plus que leurs camarades, les élèves en difficulté sont conscients des enjeux de l'activité orale, même s'il ne leur est pas facile d'y prendre part.
4.1.8 La motivation
Y était consacré le chapitre 7 du questionnaire. L'hypothèse de l'importance de ce facteur pour les élèves est largement vérifiée : la motivation joue un grand rôle pour 89% d'entre eux.
Mais à quoi est-elle liée ? Considérant l'hétérogénéité des classes, tant au lycée qu'au collège, et la difficulté que l'apprentissage de l'allemand représente pour un certain nombre d'élèves, on pouvait s'attendre à ce que les différences de niveau qui existent dans les groupes constituent un frein à l'envie d'apprendre. C'est effectivement le cas pour 23% des élèves interrogés, ce qui n'est pas une proportion négligeable, mais ce qu'il me semble important de souligner ici, c'est que 39% n'y attachent pas d'importance et 38% ne prennent pas ce facteur en considération ( le niveau des autres élèves leur est égal). La présence d'élèves de force très inégale dans les groupes d'allemand n'est donc pas un facteur démotivant, ni pour les élèves les plus en difficulté, ni pour les plus forts (les pourcentages sont sensiblement les mêmes.)
Le facteur de motivation de loin le plus important aux yeux des élèves est l'attitude du professeur à laquelle 82% sont sensibles. L'item était cependant formulé de façon trop générale pour qu'on puisse en déduire le profil du "prof" idéal. Mais treize élèves reviennent sur ce point dans la réponse libre sur leurs besoins, appelant de leurs vœux un enseignant plus encourageant, plus patient, moins exigeant et plus à l'écoute des élèves. En observant comment se répartissent les opinions concernant le rôle de l'attitude de l'enseignant, on fait un constat intéressant : les élèves qui trouvent l'allemand facile y attachent nettement moins d'importance que leurs camarades, seuls 55 % répondent qu'elle contribue à les motiver, 27 % y sont indifférents et 18 % n'y attachent pas d'importance.
Supports (textes, manuels) et contacts réels avec la langue jouent aussi un rôle important dans la motivation des élèves avec respectivement 65 et 64 % d'opinions positives. Quelques-uns uns ont ajouté dans la rubrique "autres raisons" leur projet professionnel, il s'agit en l'occurrence d'élèves de STT, et non de futurs étudiants germanistes. Une autre preuve de l'attachement des jeunes apprenants à la dimension communicationnelle de leur travail en allemand.
Bilan: L'attitude du professeur joue pour les élèves le rôle le plus déterminant. Bien que beaucoup d'enseignants le sachent, l'exercice quotidien de la profession ne permet pas toujours de prendre suffisamment de recul pour mesurer la portée de tel ou tel type de comportement et de pratique, notamment auprès des élèves que les difficultés rendent plus fragiles. Si l'on souhaite que l'allemand ne rebute pas toute une catégorie d'apprenants potentiels, il faudra aussi thématiser cet aspect de la relation pédagogique.
4.1.9 Conclusion
Il n'a été à aucun moment question de se voiler la face : pour la grande majorité des élèves interrogés, l'apprentissage de l'allemand n'est pas chose facile. Mais, si le découragement et le désarroi sont nets chez quelques-uns uns, il est loin d'être général, notamment parmi les élèves moyens dont les performances scolaires ne les prédestinaient pas à l'étude de l'allemand Et ce sont justement les dires de ces élèves qui peuvent faire avancer la didactique de l'allemand vers une plus grande démocratisation.
En disant où se situent leurs difficultés et ce qui pourrait faciliter leur apprentissage, ils tracent les grandes lignes d'une didactique mieux adaptée à tous les élèves grâce à laquelle l'enseignement de l'allemand serait ramené "à une échelle accessible au plus grand nombre." D'après les enseignements de cette enquête, cela impliquerait de
- réduire la quantité de structures à assimiler pendant les premières années de l'apprentissage, - laisser plus le temps aux élèves de s'approprier les savoirs et construire les savoir-faire, - accorder une place et un rôle plus grands aux démarches cognitives des apprenants, - éviter que ne s'installent trop d'incertitudes en aidant les apprenants à avoir une vue claire et "dédramatisée" du fonctionnement de la langue, - proposer plus d'activités entraînant à la compréhension, notamment de la langue parlée, - proposer des modalités plus efficaces dans l'apprentissage du lexique.
Nécessaire avec tous les élèves optant pour l'allemand, ces démarches sont sans doute encore plus fondamentales quand on a affaire à des apprenants de LV2, élèves souvent moins forts sur le plan scolaire et disposant de moins de temps que leurs camarades de LV1 pour assimiler sensiblement la même chose.
On aurait aussi tout intérêt à mieux exploiter les "vertus" que la plupart des élèves reconnaissent à l'activité orale, même et peut-être surtout quand ils sont en difficulté, et l'évidence que l'apprentissage de la communication en langue étrangère représente pour eux.
Les élèves qui font de l'allemand ont, comme c'est le cas dans toute démarche d'apprentissage, des difficultés à vaincre. Sans doute peut-on mieux les aider à les surmonter que l'on ne l'a fait jusqu'à maintenant. Car, quelles que soient les aptitudes d'un apprenant, "la joie de la difficulté vaincue favorisera la poursuite de l'effort. Au contraire, une suite d'échecs rend peu à peu impossible tout progrès postérieur, aboutissant ainsi parfois à la naissance de blocages irréversibles." C'est ce qu'un élève de première, aux résultats plutôt faibles, exprime à sa façon" : Parler allemand est le but des cours", dit-il à propos de la place réservée à l'oral dans les cours (rubrique 9 du questionnaire). "Si l'élève s'aperçoit qu'on le comprend et qu'il comprend les phrases des autres, il sera motivé et satisfait de toutes ces années d'effort."
4.2 Les difficultés des apprenants - Quelques points de vue d’enseignants
Puisque l'allemand est vécu comme étant difficile, mais que, même si son enseignement ne s'est que peu démocratisé, il arrive que des élèves moyens en choisissent l'apprentissage, nous allons maintenant nous demander, avec Jean Petit, enseignant aux universités de Reims et de Constance, s'il existe "une baisse du niveau langagier chez les lycéens et les étudiants apprenant l'allemand." Ce long article, auquel nous reviendrons par la suite, où l'auteur aborde la question de l'évaluation des résultats de l'enseignement de l'allemand en France sous l'angle de la psycholinguistique vient, entre autre, réagir aux constats et aux prises de positions d'un autre universitaire, Paul Canonne, pour qui...
4.2.1 Le niveau baisse inexorablement
Signalons que leur auteur, maître-assistant d'allemand à Paris IV, a fait paraître à quelques mois d'intervalle des articles pratiquement identiques dans les trois revues sur lesquelles je me suis plus particulièrement penchée pour ma recherche. J'y vois pour ma part une sorte d'acharnement à vouloir faire partager au plus grand nombre d'enseignants concernés par l'allemand en France son opinion sur la décadence du niveau des germanistes de ce pays. Outre Jean Petit, d'autres collègues ont réagi aux propos de P. Canonne, dont Jean Rovéa, professeur dans le secondaire et Président de la commission allemand de l'APLV, disant entre autre que l'on a "toujours trouvé des collègues pour se lamenter sur le "niveau qui baisse" et d'autres pour affirmer le contraire." J'y ajouterai une des citations listées par les auteurs du livre destiné à réfuter "la vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles" : Le baccalauréat est devenu dérisoire. Notre élite ne sait pas raisonner, elle ne sait pas exposer." Cette phrase date de... 1926 ! Bref, Monsieur Canonne n'est pas le premier à se lamenter sur la baisse du niveau des élèves et étudiants français ; voyons comment il argumente.
D'après lui, les étudiants d'allemand de première année ignorent tout de la culture "germanique" et sont pratiquement incapables de s'exprimer correctement en allemand Leur niveau catastrophique conduit donc à des échecs nombreux au terme de cette première année. Ayant moi-même vécu la sélection qui régnait dans les UER d'allemand dans les années soixante-dix, je suis assez d'accord avec Jean-Paul Vernon qui remonte encore plus loin pour dire que les étudiants de la fin des années 50 (dont il était, ainsi que P. Canonne) ne savaient pas non plus l'allemand et qu'ils l'ont appris... à l'université !
Pour P. Canonne, les causes de cet échec sont :
- des conceptions pédagogiques néfastes dans l'enseignement secondaire,
- des méthodes administratives contestables qui imposent les méthodologies néfastes et des modalités d'évaluation non fiables,
- le peu d'influence qu'ont les enseignants du supérieur sur ce qui se passe dans le secondaire et sur la confection des sujets de bac.
Que pense P.Canonne de la démocratisation ? Je suis tout à fait d'accord avec Jean Rovéa qui fait remarquer que certains de ses propos laissent transparaître des "positions élitistes." On sent en effet une certaine nostalgie d'une époque où seuls les meilleurs élèves choisissaient l'étude de l'allemand. Aujourd'hui, les meilleurs optent pour d'autres carrières, et les UFR d'allemand récoltent "le reste - et quel reste !" Ceci n'arriverait pas si on se préoccupait mieux "de savoir si l'allemand [...] conviendra ou non" aux élèves qui le choisissent au collège. Cela ne revient-il pas à dire que l'allemand est et doit rester la langue de l'élite ? Là aussi, Jean-Paul Vernon, qui partage pourtant certains points de vue de P. Canonne, réagit en se félicitant de "l'accès au secondaire pour tous" qui a contribué à l'augmentation significative du nombre de personnes apprenant l'allemand en France. Ce qu'il faut donc faire, y compris à l'université, c'est "s'accommoder de ces élèves, ne pas les rejeter." Mais cela semble poser de gros problèmes à son collègue très méfiant quant à "l'horizon chimérique de 80% de bacheliers dans une classe d'âge" vers lequel on "prétend" aller
"L'allemand n'est pas l'anglais." En aurions-nous douté ? La démonstration de P. Canonne va peut-être nous convaincre : "L'anglais est en effet la langue la plus enseignée, et de loin. L'enseignement de l'anglais est donc d'abord un enseignement de masse, ce qui n'est pas le cas de l'allemand," et les auteurs des instructions, "victimes de l'impérialisme anglo-saxon (sic)", ont eu le tort d'aligner l'enseignement de la langue de l'élite sur celui de la langue de la masse. Comme le fait remarquer J. Rovéa, les anglicistes apprécieront certainement à leur juste valeur les considérations de P. Canonne sur l'anglais et son enseignement... Il ne faut donc pas brader l'allemand en le laissant apprendre à n'importe qui et, en plus, en abusant les élèves par une surnotation démagogique telle qu'elle semble avoir lieu, d'après P. Canonne, dans le secondaire et au bac, qui est devenu "un bac à lauréats dont la fonction première est de garantir la moyenne, même au candidat médiocre"
Outre que P.Canonne ne démontre pas ses allégations, relevant plus de la "pétition de principe" et du jugement de valeur (qu'est-ce qu'un allemand "acceptable" ?), que de l'argumentation, il fait preuve d'une ironie, voire d'un mépris à mon sens inacceptables. Quelques exemples : ce qui est actuellement enseigné aux élèves, c'est du "sabir touristique normalisé" ou du "berlitz". A propos des nouvelles épreuves du bac, il parle du "petit jeu du vrai-faux", ou des "jeux de Télé-7-Jours"...
On ne s'étonnera donc pas que cet enseignant voie, comme solution à cette déchéance, la réhabilitation des épreuves et des exercices d'antan. Il précise cependant que l'on ne serait pas obligé de les "imposer à toutes les langues", soulignant ainsi encore son point de vue sur le statut particulier qu'a l'allemand à ses yeux.
Certes, il fait par ailleurs quelques remarques allant dans le même sens que certains constats établis auprès des élèves : - nécessité de laisser une plus grande part à la réflexion sur la langue dans l'enseignement secondaire, - nécessité de consacrer plus de temps au travail écrit.
Ses critiques à propos de l'insipidité de certains sujets d'expression au bac ne sont pas non plus infondées. Mais sa vision des nouvelles épreuves n'est autre qu'élitiste ! Exposer toute la polémique à propos des modalités des épreuves du baccalauréat dépasserait le cadre de ce travail. Jean Petit résume les intentions de l'Inspection générale en précisant, en réponse aux objections de Paul Canonne, que "les nouvelles dispositions procédaient d'une volonté courageuse d'introduire plus d'objectivité et de validité dans la notation." Pour l'anecdote on peut aussi faire remarquer que, bien que le bac soit le premier degré de l'enseignement supérieur - ce que les universitaires font tous remarquer -, c'est par ses étudiants que P. Canonne a appris que les épreuves avaient changé... La coordination entre le secondaire et le supérieur était alors quelque peu lacunaire...
Un dernier point dont je ne saurais dire s'il relève de l'ignorance ou de la mauvaise foi. Pour "prouver" l'indigence des lycéens français, P. Canonne a eu l'idée de comparer aux sujets du nouveau bac français, un sujet de français proposé à des "Gymnasiastes" allemands. "Le miracle allemand" qu'il décrit a une explication qui en relativise beaucoup les effets mais que P. Canonne ne connaît peut-être pas. En Allemagne, les sujets du bac sont proposés par l'enseignant de la classe et portent sur ce qui a été étudié en cours, quoi d'étonnant, donc, à ce que des élèves de Leistungskurs soient interrogés sur une pièce de Giraudoux s'ils ont passé une partie de l'année à travailler dessus avec leur professeur ! ...L'organisation nationale des épreuves françaises et l'absence de programme de littérature et/ou de civilisation, rend ce genre de "prouesse" impossible de ce côté-ci du Rhin... Il vaudrait peut-être donc mieux comparer ce qui est comparable...
4.2.2 Une vision plus objective
Jean Zehnacker, Inspecteur général de l'Education nationale écrivait en 1988 qu'un "état d'esprit, plus répandu qu'on le croit [...] voudrait que l'enseignement de l'allemand dans les lycées et les collèges soit la propédeutique de l'enseignement qui est proposé aux étudiants germanistes dans les UER des universités. " D'après lui, "cette conception circulaire, parfaitement fermée sur elle-même [...] sonnerait le glas, si elle était admise, de tout enseignement de l'allemand en France" car elle s'appuierait sur l'acquisition de savoirs d'érudition.
Quelques années plus tard, l'APLV proposait à un universitaire, René Metrich, Nancy II, de contribuer au dialogue entre enseignants du Secondaire et enseignants du Supérieur en présentant son analyse des "acquis et non acquis des étudiants germanistes". C'est sur ses constats et ses analyses que nous allons nous pencher maintenant.
Comme en écho aux propos de Jean Zehnacker évoqués ci-dessus, il s'appuie sur le reproche fait parfois aux universitaires "d'ignorer la spécificité des objectifs de l'enseignement secondaire" pour admettre que "l'enseignement supérieur doit faire un effort pour s'adapter au nouveau public que lui apporte la démocratisation". Le point de départ est donc tout autre que celui de Paul Canonne : René Metrich accepte les effets de la massification de l'enseignement, mais il signale aussi que l'enseignement secondaire, de son côté, se doit de s'intéresser à ce qui se passe après lui et de ne pas faire "comme si le bac n'était qu'une espèce de certificat de fin d'études. ”
Pour tenter de mesurer les acquis et non acquis des étudiants, R. Metrich a procédé à une enquête auprès d'enseignants de faculté. Cette modalité, même si elle "n'entraîne pas une garantie absolue de validité" va lui permettre d'étayer ses constats de façon un peu plus objective que ce qui a été vu plus haut.
4.2.2.1 Les constats Ils ne sont pas très positifs ; les enseignants ayant répondu à l'enquête de leur collègue déplorent chez leurs étudiants, un manque de motivation, de persévérance, de goût pour l'effort. Les jeunes qui leur sont confiés n'ont pas de projet défini (l'auteur est tout à fait conscient des causes conjoncturelles de cet état d'esprit), et leurs acquis culturels sont minces. De plus, ils ont des difficultés à abstraire, à analyser et à transférer. Peut-être beaucoup de jeunes choisissent-ils, en voulant faire des études, une "voie qui ne leur convient pas" Effectivement, ils ne ressemblent plus aux étudiants d'autrefois. Mais R. Metrich ne se lamente pas sur ce phénomène, il pose par contre les questions fondamentales qui y sont liées : " La démocratisation des études secondaires, dont on ne peut évidemment que se réjouir, a sans doute été [...] un facteur important d'éclatement du fonds culturel naguère commun à la population des lycées. Toute la question est de savoir s'il est possible (et souhaitable) de reconstituer un tel fonds [...] ou s'il faut chercher d'autres réponses à la situation actuelle."
Sur le plan linguistique, l'auteur fait la distinction entre la maîtrise des quatre compétences et celle des "connaissances dites de base" (grammaire et lexique) pour constater que les difficultés des étudiants sont plus grandes dans ce deuxième domaine. Voyons le détail.
Le domaine de la compréhension écrite semble être celui où les étudiants se débrouillent le mieux. En compréhension et expression orale, les constats sont "variables", certains enseignants - dont l'auteur - constatant une diminution des performances en compréhension par rapport au passé, d'autres un progrès. Quant à l'expression, d'après certains enseignants consultés, elle fait "illusion". Ce jugement est assez courant, aussi de la part d'enseignants du secondaire interrogeant à l'oral du bac ; personnellement, je n'ai jamais tout à fait saisi quels en étaient les fondements docimologiques et la signification réelle... L'expression écrite est, d'après l'enquête de R. Metrich, la plus défectueuse des quatre compétences fondamentales. Il remarque à ce propos qu'un "très grand nombre d'étudiants traduisent plus ou moins mot à mot des pensées manifestement formulées en français" ce qui d'après lui, remet totalement en cause "l'idée selon laquelle le bannissement de la traduction et de tout recours au français [...] allait permettre d'éviter les interférences en amenant les élèves à penser en allemand".
Mais, "ce sont les connaissances grammaticales qui suscitent les lamentations les plus grandes de la part des collègues enseignant à des étudiants de première année" . Ce qui ressort du listage des lacunes, c'est que les étudiants ont, ce qu'on pourrait appeler des problèmes de systématisation. R. Metrich parle lui-même d'une absence de "vue d'ensemble" concernant la déclinaison du groupe nominal, de l'ignorance de "règles" de formation du pluriel et des listes de prépositions régissant tel ou tel cas. Mais il y a aussi des erreurs "excusables" à ce niveau, telle la confusion entre sollen et müssen L'auteur décrit ensuite "l'incertitude" (les connaissances ne sont pas assimilées) et "l'absence de vigilance ou même de conscience grammaticale" que l'on constate chez beaucoup d'étudiants. Ceci appelle plusieurs remarques : a . La distinction établie entre "lacunes quantitatives - celles qui concernent le contenu grammatical lui-même - et lacunes qualitatives, relatives, elles, à la qualité du savoir" est curieuse, tout comme le sont les remarques à propos d'erreurs qui relèveraient de l'ignorance et d'autres de l'inattention. Certes, ces deux sources d'erreurs existent, ainsi que d'autres d'ailleurs, mais on comprend mal ce qui permet à l'auteur de classer une erreur telle que "sie hatten nicht akzeptieren" du côté de l'ignorance plutôt que du côté de l'inattention. b . L'erreur de syntaxe après "denn" qui n'est pas "pardonnable" et mise par l'auteur sur le compte de "l'ignorance pure et simple", me semble plutôt relever de ce que Jean Petit appelle les "erreurs structurantes ou stratégiques", car il s'agit ici certainement d'une surgénéralisation de la position finale du verbe avec "weil". R. Metrich se proposait d'énumérer dans cet article les erreurs des étudiants germanistes, il serait maintenant intéressant de les analyser à la lumière des connaissances acquises sur la constitution de l'interlangue des apprenants . On obtiendrait ainsi des indications peut-être plus constructives pour une didactique des langues adaptée aux étudiants de première année que le seul constat d'ignorance. c . Où est la frontière entre les "erreurs excusables" et celles qui ne le sont pas ? Voyons une remarque intéressante de l'auteur pour deux raisons presque contradictoires : "Je dirais, par parenthèses, que c'est notre rôle d'enseignants de première année de fac que d'amener les étudiants à la maîtrise de ces verbes (sollen et müssen), alors que la construction d'une phrase en denn devrait, elle, être parfaitement acquise par tout étudiant entrant en faculté." Sans doute a-t-il raison sur le fond, mais un autre collègue - Monsieur Canonne, par exemple - fera-t-il la même distinction et "pardonnera-t-il " la méconnaissance des emplois du verbe sollen ? Cela relève d'appréciations par trop subjectives liées au seuil de tolérance de tel ou tel enseignant face aux erreurs. La "définition" du rôle du prof de fac me parait par contre très constructive et va dans le sens de J.P. Vernon qui rappelle que "L'étudiant qui travaille sérieusement finira par combler ses lacunes, par apprendre l'allemand pour de bon ; le supérieur [ étant ] là pour continuer [ l'action du secondaire ], assurer le relais."
Les connaissances lexicales sont, elles aussi, considérées comme floues et incertaines, bien que pas forcément moins nombreuses qu'autrefois, au contraire, R. Metrich se demande même si le vocabulaire avec lequel les élèves ont été en contact dans le secondaire n'était pas trop abondant. Mais "l'apprentissage non systématique du vocabulaire, au coup par coup, au hasard des textes" qu'il incrimine n'est sans doute pas la cause principale de ces incertitudes. Lui-même ne suggère d'ailleurs pas le recours à des listes thématiques préfabriquées mais tout simplement la tenue par les élèves d'un "cahier de vocabulaire" personnel. Par ailleurs, nous avons vu que retenir le lexique pose des problèmes à la majorité des élèves du secondaire.
4.2.2.2 Recherche des causes et d’éventuels remèdes L'auteur ne cède "pas à la tentation de trouver un bouc émissaire commode dans les méthodes en usage " et les "remèdes" proposés relèvent d'autre chose que d'un retour en arrière, car, il le dit lui-même, René Metrich "ne souhaite nullement revenir au bon vieux temps." S'inspirant de l'approche cognitiviste, il préconise de "réhabiliter le recours à la démarche réflexive" affirmant qu'il est nécessaire que les apprenants aient "une représentation claire du fonctionnement de la langue." Il est un peu surprenant qu'en 1994 il ait encore une représentation de l'enseignement dans le secondaire sous l'angle apparemment exclusif de l'approche globale et intuitive, les instructions de 1985 ayant tout de même introduit une dose de "prise de conscience grammaticale" dans l'enseignement au collège et au lycée (cf. chap 4). Mais il est vrai que ce souci de clarification rejoint, nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, les demandes des apprenants eux-mêmes. Pour l'auteur s'y ajoute la nécessité de clarifier et d'harmoniser le métalangage grammatical "brouillé" par des méthodologies différentes selon les époques et les langues. C'était déjà le point de vue de Paul Valentin qui écrivait en 1973 : "L'impression générale [à propos de la terminologie grammaticale dans l'enseignement de l'allemand] est celle de manque de cohérence, voire de bariolage. Tout cela résulte de l'histoire de la grammaire scolaire, où se sont succédé, sans s'annuler, les influences les plus diverses." Parmi les remèdes aux difficultés qu'ont les étudiants germanistes René Metrich propose aussi de "redonner une certaine importance à l'écrit" ce que faisait aussi P. Canonne, avec la différence que Metrich suggère deux attitudes correctives différentes à l'oral et à l'écrit, celui-ci étant destiné à inciter à "la rigueur et la précision" , l'oral restant plus communicatif, donc moins exigeant sur le plan de la correction linguistique. Mais peut-être faudrait-il tout de même nuancer l'affirmation selon laquelle "la grande majorité des étudiants ont une représentation complètement brouillée de la langue, sans avoir pour autant acquis ni de près ni de loin les fameux automatismes dont on nous parle depuis vingt ans." Que resterait-il alors ?
Rappelant en conclusion les dérives de l'approche communicative, il suggère, non pas de l'abandonner, mais de lui "fixer des objectifs intermédiaires moins ambitieux mais plus réalistes". Doit-on comprendre par-là qu'il estime nécessaire de réduire la quantité de structures et de lexique à laquelle les élèves du secondaire sont confrontés afin que les étudiants potentiels disposent d'un "bagage de connaissances lexicales et grammaticales bien assimilées et donc réellement opératoires" ? Si telle est sa vision des choses, cela signifierait que les souhaits de certains enseignants du supérieur prêts à aider tous leurs étudiants à progresser vont dans le même sens que ceux des apprenants du secondaire, celui d'un accès plus démocratisé à la langue allemande.
Bilan: Ces deux exemples de point de vue d'enseignants du supérieur sur le niveau actuel des germanistes français ne permettent bien sûr pas de tirer des conclusions d'ordre général. Il faudrait d'une part entendre d'autres avis, mais surtout pouvoir mesurer plus objectivement les acquis des élèves à la sortie du lycée, sans oublier qu'une infime minorité d'entre eux ont appris l'allemand au collège puis au lycée dans la perspective d'étudier cette langue et de l'enseigner à leur tour...
5. QUELLES PRISES EN COMPTE PAR LES RESPONSABLES DE L'ACTE ÉDUCATIF ?
Certes, l'allemand continue d'être choisi, en tout cas en première langue, par une majorité de bons élèves, issus de milieux culturels favorisés où ils bénéficient d'un soutien intellectuel important. Mais l'hétérogénéité a aussi gagné les classes d'allemand, y compris les 6èmes. Qu'on s'en félicite ou non, ce phénomène doit être pris en considération par l'Institution scolaire, tout comme cela est le cas pour les autres disciplines, car l'enjeu est double : d'une part la démocratisation de cette langue, d'autre part le maintien de son enseignement, donc du plurilinguisme au niveau scolaire
Nous venons de voir que les apprenants d'allemand ont des demandes et des besoins spécifiques et que des enseignants souhaitent des évolutions. C'est surtout la lourdeur des programmes (notamment en 6ème, 4ème et 3ème LV2) qui est en cause. Beaucoup d'élèves ont du mal à assimiler, je préfère dire s'approprier, la quantité de lexique et de structures grammaticales qui leur est présentée lors des premières années de l'apprentissage. Certes, une progression des compétences en langue étrangère se construit en spirale. Certes, on peut et on doit mettre en place des mesures de remédiation à l'entrée au lycée afin d'essayer d'aider les élèves à combler les déficits qui se sont peut-être accumulés au collège, mais ne serait-il pas plus efficace de se poser la question des contenus de façon plus radicale ? C'est tout d'abord en examinant l'évolution des Instructions officielles et surtout des programmes grammaticaux de l'allemand depuis une trentaine d'années que je vais tenter de mesurer jusqu'à quel point cet aspect a été pris en compte par les autorités pédagogiques. Mon hypothèse de départ est que cela n'a pas été suffisamment le cas.
5.1 Les Instructions officielles entre 1963 et 1995
Remarque préalable : il sera avant tout question du contenu des programmes de la classe de 6ème particulièrement intéressants à observer puisqu'ils sont destinés à poser les bases de l'apprentissage de la langue. En prenant en considération les constats établis lors du dépouillement du questionnaire en ce qui concerne les élèves de LV2, on signalera si leur particularité est ou non prise en compte par les rédacteurs des instructions officielles, ce dont on peut d'ores et déjà douter d'après les propos de l'IPR Favard cités précédemment.
5.1.1 L’esprit
5.1.1.1 Une permanence dans les finalités L'objectif fondamental formulé dès les instructions de 1950 reste le même : "Créer et maintenir en les enrichissant graduellement, les automatismes nécessaires à l'expression orale spontanée." Texte de 1995 : "Faire acquérir progressivement par les élèves des automatismes de langue."
5.1.1.2 Des différences de hiérarchisation Les structures grammaticales à étudier sont regroupées en fonction des évolutions de la description de la langue : En 1963 paraissent les premiers programmes grammaticaux pour l'enseignement de l'allemand. La terminologie y est traditionnelle, axée autour du mot (article, nom, verbe, etc.) et assortie d'une grammaire plutôt morphologique : la syntaxe, étant encore appelée "construction", n'apparaît qu'à la fin de la liste des points à étudier en 6ème. Par la suite, l'influence des travaux en linguistique et linguistique appliquée introduira les notions de "groupes", "morpho-syntaxe", "syntagme", "structure régressive", etc. A partir de ce moment là, la syntaxe est citée en premier lieu, mais on sent des hésitations, et des recoupements apparaissent entre syntaxe et morphologie.
Entre 1950 et 1995, on assiste donc à de nombreuses modifications méthodologiques qui entraînent une évolution dans la présentation des contenus. On verra aussi que la place et le rôle de la réflexion sur la langue subissent des fluctuations importantes. Mais le problème de la quantité des connaissances grammaticales à assimiler par les élèves débutants reste posé, et avec lui, l'efficacité de l'enseignement en fonction de l'évolution du public concerné.
5.1.1.3 Une très grande discrétion à propos de la quantité Peu de remarques explicites dans les introductions des différents textes. On citera cependant, en 1950, la volonté de subordonner la quantité à la qualité" : Aucune leçon ne devrait être étudiée avant que l'essentiel de toutes celles qui la précèdent ait été méthodiquement inculqué, et sa possession pratique vérifiée à maintes reprises" (Cela n'est pas sans nous rappeler une remarque d'une élève de 1997 estimant que l'on passe trop vite d'une leçon à l'autre...) Ce principe conduit les rédacteurs du texte de 1950 à préciser aux enseignants qu'il serait "absurde, sauf avec des groupes exceptionnellement bien doués (sic) et dirigés, de prétendre "voir" au cours de l'année un manuel entier, même et surtout dans les classes initiales." On admet donc plus ou moins que les manuels sont trop ambitieux...On incite aussi les enseignants à s'adapter au niveau des élèves afin qu'ils ne se découragent pas et, en ce qui concerne la grammaire, à "éviter toute subtilité dont l'intérêt ne serait que théorique" (p 105). Cette mise en garde a pour but d'éviter que les professeurs ne pratiquent un enseignement grammatical de type encyclopédique. Il faut dire qu'à l'époque il n'existait pas encore de programme grammatical officiel, ce que déploraient d'ailleurs certains enseignants comme Paul Dehem qui, dans un article des LM, se demande s'il n'est "pas possible que des commissions de spécialistes établissent pour chaque langue une liste de ces connaissances grammaticales en dehors desquelles il n'est pas de salut ?"
La circulaire de 1963 qui établit, justement, le premier programme grammatical pour le collège, a pour objectif de "fixer l'ordre d'urgence dans lequel il serait bon que les notions grammaticales essentielles fussent présentées" On précise qu'il s'agit là d'un programme minimum, mais qu'il "serait prudent de ne jamais dépasser ce minimum avant d'avoir acquis la certitude qu'il est vraiment assimilé."
1969: Les collèges accueillent maintenant tous les enfants ("démographisation" de l'enseignement secondaire). Cela amène-t-il les autorités pédagogiques à alléger le programme grammatical établi en 1963 ? C'est ce qui semblerait s'imposer car on admet que certains élèves sont en difficulté, voire en échec puisqu'on estime nécessaire de leur donner, lors de séances de travaux dirigés "la possibilité d'avouer franchement ce qu'ils n'ont pas compris" Apparaît alors la notion d'individualisation de l'enseignement que l'on retrouvera dans les textes de 1977 sous le nom de "techniques de rattrapage" et en 1985 avec la "pédagogie différenciée". Il est donc reconnu qu'il faut adapter les méthodes au nouveau public du collège, mais rien n'est dit clairement quant à la nécessité de revoir à la baisse la quantité des contenus.
5.1.1.4 La "nature de la langue allemande" Elle est par contre évoquée à plusieurs reprises. Les rédacteurs des textes de 1977 n'hésitent par exemple pas à présenter l'allemand comme "une langue d'apprentissage facile" , à quoi bon effectivement alléger le programme grammatical puisque "l'assimilation des données grammaticales fondamentales sur lesquelles porte l'enseignement du cycle d'observation, [...] est réalisable [...] par l'ensemble des élèves" . Il s'agit là d'un phénomène que nous avons déjà critiqué à partir de documents de l'ADEAF et dont on peut résumer l'essence en citant la conclusion du texte de 1977 relatif au cycle d'observation (6ème et 5ème)" : Le type d'enseignement défini ci-dessus" (méthodologie structuro-globale) "est accessible à tous, parce qu'il évite l'analyse abstraite, la mémorisation de formules théoriques, et propose pour objet d'étude la vie même de la langue, et non sa description savante"
En 1985, on reste dans le vague quant à la somme des savoirs à assimiler : l'acquisition d'automatismes doit porter sur "un nombre appréciable de faits de langue." Quant à la pédagogie différenciée évoquée plus haut, elle doit "permettre à tous les élèves ou presque (sic !) d'atteindre les mêmes objectifs généraux"(p 29). La seule concession faite aux contenus consiste à souligner la nécessité de faire acquérir des automatismes "quitte à ralentir la progression"
5.1.1.5 Une nécessaire différenciation Elle est effectivement prônée, mais, à part quelques grandes lignes directrices, sa réalisation est confiée à l'initiative de l'enseignant. Yves Bertrand souligne cet aspect avec une certaine virulence en estimant que "Concrètement, on se débarrasse du problème [de l'hétérogénéité] en le donnant à résoudre au professeur." On peut certes se féliciter avec Jacques Athias de "la prise en compte de l'élève en tant qu'individu" , car les textes de 1985 reconnaissent effectivement qu'il existe plusieurs types d'apprenants aux besoins différents desquels il faut tenter de répondre, mais nulle part il n'est explicitement question des élèves en difficulté. , à moins que ce soit à eux que l'on pense en évoquant, par exemple, la catégorie des apprenants " qui ont une tendance marquée à vouloir constamment se référer à la langue première" ?...
5.1.1.6 Quelques ouvertures Le programme grammatical proposé depuis la rentrée 1996 contient quelques caractéristiques qui pourraient aller dans le sens d'un éventuel allégement. Tout d'abord une certaine souplesse puisqu'il est souligné en préambule qu'il "est difficile, à chaque palier de l'apprentissage, d'isoler ou de délimiter avec précisions des compétences spécifiques" Intéressante est aussi la mise en garde concernant l'enseignement de la LV2. Auparavant, on considérait que les deux années de quatrième et troisième devaient grosso modo permettre d'assimiler les mêmes contenus que quatre années de LV1. Ici, on dit clairement qu'en deux ans, un élève ne pourra pas "assimiler la même quantité de faits de langue (lexique et grammaire)" qu'en quatre, et que l'apprentissage des bases devra se prolonger en seconde. C'est aussi ce que Jean Favard préconise lorsqu'il évoque le problème d'une didactique de la deuxième langue. La formation méthodologique visant à associer l'élève à son apprentissage et à le rendre plus autonome fait aussi partie des objectifs de l'ELV. Mais n'oublie-t-on pas que cela nécessite du temps et est donc fort peu compatible avec un programme grammatical pratiquement inchangé ?
5.1.2 La lettre
Je vais maintenant proposer une comparaison quantitative des contenus grammaticaux pour la classe de 6ème à travers une étude détaillée des textes de 1963, 1977, 1985 et 1996. Suivant les cas, j'utiliserai la terminologie dite traditionnelle ou ferai appel à des notions plus récentes.
5.1.2.1 Quelques allégements Il est indéniable que des évolutions ont eu lieu et que certains "points de grammaire" présents sur la liste de 1963 ont entre temps disparu du programme des débutants de 6ème. Ceci concerne avant tout la morphologie du verbe. En 1963, il fallait étudier tous les temps de l'indicatif (sauf le futur antérieur). Par la suite, et ce dès 1977, on se contente du présent et du parfait, auxquels s'ajoute le prétérit de "sein" et "haben" uniquement. Et si les verbes forts accompagnent les quatre périodes, leur nombre passe de 50 en 1963 à quelques-uns uns en 1996, sans leur forme au prétérit. Les particules verbales, quant à elles, changent de nom au cours du temps, et l'étude des particules dites inséparables n'apparaît donc plus en tant que telle après 1963. A partir des textes de 1977, on n'apprend plus non plus en 6ème les degrés de comparaison de l'adjectif et de l'adverbe.
5.1.2.2 Un déplacement des ambitions J'ai déjà signalé plus haut que le programme de 1963 était plus "morphologique" que les suivants que je qualifierais donc de plus "syntaxiques" Effet des évolutions de la recherche en linguistique, la syntaxe de la phrase allemande ou de l'énoncé occupera toujours la première place dans les programmes grammaticaux à partir des textes de 1977. De même, tandis qu'en 1963 on proposait une initiation éventuelle à la proposition subordonnée, en 1977 une simple sensibilisation à la place du verbe conjugué dans la subordonnée (introduite par dass et ob), apparaît en 1985 en tout premier point du programme la place du verbe conjugué dans la dépendante introduite par dass, ob et weil conservée dans le dernier texte en date où elle est évoquée, cette fois, après la place du verbe conjugué dans un énoncé déclaratif, interrogatif, injonctif. La syntaxe de la subordonnée s'est donc imposée peu à peu comme partie intégrante du programme de la classe de 6ème où sa mise en place mobilise certainement largement autant d'énergie que l'apprentissage exhaustif des conjugaisons, y compris les 50 verbes forts de 1963...
Un autre point qui est apparu en 1977 et s'est maintenu depuis à trait aux déclinaisons. En 1963, la déclinaison de l'adjectif épithète était réservée à la classe de 5ème, or, le programme grammatical en date de 1977 prévoit d'initier les élèves de 6ème à cette structure qui fait ensuite carrément partie de celui de 1985. Bien sûr, il s'agit de la désinence de l'épithète dans les emplois les plus usuels qui ne doit pas déboucher sur une description complète du système, mais on admettra qu'aborder la structure morphologique de l'épithète avec des débutants n'est peut-être pas fait pour clarifier leur vision du système morphologique de l'allemand. D'ailleurs, les derniers textes de 1996 en reviennent plus modestement à une sensibilisation.
Une étude qui analyserait plus finement les différences induites par les variations terminologiques et les théories linguistiques qui les sous-tendent amènerait certainement à des constats supplémentaires. Il faudrait alors mesurer aussi l'impact que ces variations ont eu sur la conception des manuels qui, surtout avec des débutants, jouent un rôle prépondérant quant aux contenus lexicaux et grammaticaux proposés aux élèves. D'après J. Benhadji-Schaff, enseignante en collège, l'évolution dans ce domaine n'a pas été vraiment favorable à une meilleure assimilation par les élèves.
5.1.2.3 Une stabilité des contenus La priorité donnée à certains contenus grammaticaux est bien sûr liée aux approches méthodologiques qui se sont succédé, et, du point de vue du méthodologue, il est par exemple pertinent de dire que l'approche communicative ne peut repousser éternellement l'étude de telle ou telle structure sous prétexte de difficulté. Mais cela ne supprime pas, comme par enchantement, la difficulté réelle perçue par les apprenants. Pour conclure sur ce point il est intéressant de s'attarder sur les derniers textes parus qui s'inspirent fortement de la méthodologie notionnelle/fonctionnelle utilisée depuis de nombreuses années pour l'enseignement de l'anglais. Le programme grammatical y est donc une référence parmi d'autres, puisqu'on propose aussi, d'une part une liste de thèmes et, surtout, des "orientations fonctionnelles". Il s'agit en fait d'une longue énumération d'actes de parole à réaliser dans des situations qui ont effectivement le mérite d'être en rapport avec ce dont peuvent avoir besoin des jeunes en situation authentique de communication. Il n'est pas ici question de remettre en cause cette approche mais de montrer que l'allégement du programme grammatical par rapport à celui de 1985 n'est en fait qu'apparent. Prenons quelques exemples : - le génitif saxon ne fait plus partie du programme grammatical, mais il apparaît dans le listage des actes de paroles lorsqu'il s'agit de "dire ce que quelqu'un possède ou ne possède pas : Das ist Susannes Buch." - l'impératif n'est pas listé dans la catégorie "morphologie du verbe", or, on en a explicitement besoin pour "demander à quelqu'un de faire quelque chose" : "Gib mir das Glas, bitte !" - il en va de même pour "kein" ( "dire ce qu'on a ou on n'a pas"), - la conjugaison des auxiliaires de mode ( "les modalités de l'action").
Quand on aura vu que ces instructions se basent sur un "apprentissage méthodique" où l'élève " ne se contente pas de mémoriser des énoncés tout prêts pour l'emploi mais apprend à [en] identifier la nature, la forme..." on se demandera si les faits de la langue susmentionnés ont été "oubliés" dans le programme grammatical, car, comme les autres, ils devraient logiquement faire l'objet d'un apprentissage conscient. Nous allons y revenir.
On constate donc que, quels que soient les regroupements établis et la terminologie utilisée, la quantité de structures à maîtriser par les élèves en fin de 6ème reste sensiblement la même. Il n'est donc pas foncièrement étonnant que des élèves moyens aient besoin de temps pour assimiler tout ce qu'on leur propose, d'autant plus qu'ils ont, contrairement peut-être à leurs aînés, intériorisé l'évidence de l'objectif communicationnel.
5.1.3 Et la réflexion sur la langue ?
Cela a été démontré par les études empiriques présentées dans les chapitres précédents : les élèves ont besoin de comprendre ce qu'ils font quand ils apprennent une langue et pourquoi ils le font. Dans un article consacré en 1986 à la "réflexion sur la langue", Michel Candelier parle de "la résistance passive et [de] la revendication active des élèves face à des méthodes prônant le silence métalinguistique." C'est pourquoi je vais maintenant examiner le traitement qui est réservé à la réflexion sur la langue dans les textes officiels dont il a été question précédemment.
5.1.3.1 La grammaire “honteuse” Dès l'avènement de la méthodologie directe, s'est imposée la pratique de la grammaire inductive qui fait cheminer les apprenants des faits de langue rencontrés à la règle. Elle subira pendant la première moitié du XXème siècle de nombreux avatars qui tendent à montrer que l'on était alors peut-être à la recherche d'un juste milieu entre induction et déduction d'une part, grammaire implicite et grammaire explicite de l'autre.
Le texte de 1950 est, quant à lui, imprégné de ce que J. Athias appelle la "méfiance envers la chose grammaticale." La méthode est clairement inductive et la grammaire réduite à la portion congrue" : Les règles grammaticales ne seront expliquées et brièvement formulées qu'après des exercices [...] qui auront mis l'élève en présence de formes encore nouvelles, dont il doit saisir empiriquement la valeur et le sens avant tout raisonnement analytique. La règle, avant d'être donnée en français doit surgir inductivement de la masse des exemples où elle est appliquée." L'analyse -donc la réflexion - n'est pas proscrite, mais elle apparaît comme tout à fait secondaire par rapport à une appropriation par la pratique qui semble garantir la compréhension ("saisir empiriquement la valeur et le sens") des faits de langue ainsi étudiés.
Ce principe est bien sûr repris dans l'introduction du programme grammatical de 1963 qui commence cependant par cette phrase - peut-être destinée à rassurer les germanistes, "chez qui le programme grammatical joue le rôle d'une sorte de sur-moi" - : "L'enseignement de l'allemand ne se conçoit pas sans qu'une place importante soit faite à la grammaire." Ce qui garantira l'efficacité de cet enseignement grammatical, c'est que "l'acquisition des réflexes précédera l'appel à la réflexion" et "ainsi sera respectée la démarche du concret à l'abstrait qui est naturelle et normale pour de jeunes esprits."
Cela n'est pas vraiment l'avis de J. Real qui, dans un article paru en 1963, critique vivement les principes méthodologiques issus des instructions de 1950 et du programme grammatical qui les a complétées en 1963. En effet, l'un des rédacteurs du manuel "Speath et Réal" utilise la tribune libre des LM pour exposer ce qu'il appelle les "Propos d'un hérétique" quelque peu découragé et pessimiste. Voyons ses réactions quant à l'étude de la grammaire allemande telle qu'elle est préconisée dans les textes officiels. Nous sommes en 1963, donc encore loin du Collège unique, pourtant, déjà, des élèves "faibles" apprennent l'allemand... et ce sont eux qui constituent le principal souci de J. Réal qui déplore de devoir se "résigner à [les] abandonner à leur impuissance." D'après lui, "bien des esprits, après l'exercice grammatical empirique et intuitif sont déjà perdus" et "certains, rebutés par une méthode trop ambitieuse [se sont] murés depuis des années déjà dans un mutisme qui, peu à peu, [a] engendré une solide aversion pour l'allemand." La méthode préconisée aurait donc été trop "ambitieuse" et inefficace, voire rebutante pour les élèves en difficulté qu'elle "décourage" en approfondissant en plus "le fossé entre les bons et les médiocres". J. Réal se défend cependant d'être "un affreux détracteur de la méthode directe " se disant même convaincu "qu'elle est la seule qui permette d'apprendre vraiment une langue étrangère. A condition que nous sachions l'utiliser en fonction des circonstances nouvelles", c'est à dire à l'hétérogénéité grandissante des classes. D'après lui, "l'élève, dès la 6ème, éprouve le besoin de comprendre logiquement" tandis que le cours d'allemand accorde "à l'intuition une place trop grande aux dépens de la réflexion". Il propose donc de "trouver un moyen d'utiliser les avantages indiscutables de la méthode directe en évitant ses graves inconvénients." Mais ce ne seront sûrement pas les textes officiels suivants qui feront place à l'éclectisme méthodologique qui aurait pu, selon le vœu de J. Réal, mettre la réflexion sur la langue au service des élèves en difficulté.
M. Candelier parle à propos de cette période de "ce qu'on pourrait appeler la grammaire "à la sauvette", qui est en même temps une grammaire "honteuse", effectuée avec une certaine mauvaise conscience, tant est forte la pression des conceptions véhiculées par la vague communicationnelle". Les instructions concernant les travaux dirigés (1969) confirment cette impression. On convient certes qu'il existe des inégalités d'aptitudes entre les apprenants, mais que propose-t-on pour les compenser ? En fait, le même type d'activité que celles qui ont lieu en classe entière ; et c'est seulement avec moult précautions qu'est abordée l'éventualité d'une prise de conscience grammaticale :"Il serait regrettable pour la formation intellectuelle des élèves de ne pas leur faire découvrir la rigueur des structures souvent très consciemment élaborées de la langue allemande. [...] une synthèse en français, illustrée de schémas explicatifs simples pourra parfois coordonner sobrement des données grammaticales déjà assimilées et exploitées. Ce recours à la langue maternelle et à l'intelligence abstraite n'interviendra, bien entendu, qu'en cas de nécessité, et sera de brève durée." Cette longue citation me semble révélatrice sur plusieurs points : 1/ La prise de conscience du fonctionnement de la langue n'est pas destinée à faire progresser les élèves en allemand mais à les enrichir intellectuellement... 2/ N'y a-t-il pas incohérence à évoquer les structures très consciemment élaborées de la langue (par qui ?), alors qu'on refuse aux élèves cette élaboration consciente ? 3/ La démarche proposée est relativisée par une série de précautions verbales ("il serait regrettable", "pourra", "parfois", "en cas de nécessité" ) qui en réduisent considérablement la portée et mettent l'enseignant en face de ce que Michel Candelier appelle "un bel exemple de double contrainte."
5.1.3.2 La réflexion grammaticale : un handicap 1977: Nous en sommes à l'avènement du Collège unique mais aussi à l'apogée des MAV. L'acquisition de la langue est considérée comme la mise en place de mécanismes en partie inconscients qu'il ne faut surtout pas briser par "un recours désespéré à la grammaire abstraite." Hiede Wegener écrit à ce propos dans un article des LM de 1982 consacré à un enseignement de l'allemand fondé sur des principes cognitifs et communicatifs, que "les méthodes audiovisuelles ont banni des cours de langue la réflexion sur la langue, en prétendant que réfléchir sur ce qu'on fait empêche de faire, ici : d'employer la langue." Si réflexion grammaticale il y a tout de même, celle ci se fera "à posteriori sur des faits de langue dont la pratique active aura assuré au moins un commencement d'assimilation." La grammaire inductive reste à l'ordre du jour, mais avec une concession : on admet que les faits de langue ne sauraient être complètement assimilés uniquement par leur pratique ("commencement d'assimilation"). C'est aussi l'époque où l'on présente l'allemand comme "une langue d'apprentissage facile, contrairement à une opinion inspirée par le souvenir d'une pédagogie aujourd'hui abandonnée qui imita celle des langues mortes." J'ai déjà commenté ce genre d'affirmations à plusieurs reprises. Je me contenterai donc d'ajouter ceci, en ce qui concerne plus particulièrement la réflexion sur la langue : on considère que l'exclure du cours -ou la marginaliser à l'extrême- facilite l'apprentissage ; on pense ici surtout aux élèves les moins bons, s'imaginant qu'on les aidera en ne parlant presque plus de grammaire... Il est vrai que ce qui est réputé difficile en allemand, c'est avant tout la grammaire, alors, même si on en fait tout de même avec les élèves, "on ne leur dit pas " , donc on ne mobilise pas leurs aptitudes cognitives et, de plus, on les dupe... Mais une phrase relevée dans les instructions de 1981 relatives, cette fois, aux classes de lycée, présage peut-être d'une ouverture : "La prise de conscience par les élèves de la configuration des structures grammaticales et lexicales doit être utilisée, en milieu scolaire, pour hâter et faciliter la progression" vers l'autonomie langagière.
5.1.3.3 Vers une "pratique raisonnée" Michel Candelier voit cette ouverture ou ce "tournant" se concrétiser dans les textes de 1985 relatifs aux collèges. Dans le préambule commun à toutes les langues vivantes, on pose en effet que " la pratique raisonnée d'une langue étrangère intègre une réflexion grammaticale directement utile à la formation intellectuelle." Là encore, la réflexion grammaticale paie son tribut à la formation intellectuelle, mais elle est aussi considérée explicitement comme contribuant à la mise en place des compétences langagières. De plus, la pratique de la langue est voulue "raisonnée" et non plus intuitive ou empirique.
Mais dans les textes consacrés à l'allemand, le terme de pratique raisonnée disparaît et, comme le fait remarquer M. Candelier dans une étude comparative des Instructions de 1985, "Les faits de langue ne sont jamais présentés comme un objectif à propos duquel on vise à la formation intellectuelle. Et la nécessité de fournir des explications grammaticales n'apparaît pas comme relevant d'un objectif explicitement formulé." La démarche proposée présente cependant des avancées importantes sur le plan cognitif : "L'appropriation de la langue comporte trois phases : la phase initiale dans laquelle l'acte grammatical demeure parfaitement conscient et volontaire ; la phase intermédiaire, où, grâce à des exercices appropriés, la prise de conscience grammaticale s'avère de moins en moins nécessaire, et la phase terminale, caractérisée par l'apparition de l'automatisme." On est loin de l'époque où l'acquisition des réflexes devait précéder l'appel à la réflexion, voire le rendre inutile. Et on admet donc que le transfert nécessite un entraînement basé sur des actes conscients et volontaires. Mais quel rôle est donné à l'élève dans cette prise de conscience ? En est-il partie prenante ? Candelier fait remarquer que "les explications grammaticales sont présentées comme données par l'enseignant aux élèves." Or, s'il y a effectivement explication des faits de langue, donc grammaire explicite, y a-t-il pour autant réflexion de la part des élèves ? En fait, on semble hésiter entre une démarche d'inspiration inductive : "donner aux élèves en les incitant à une participation aussi active que possible, des explications en français..." , et la pure déduction : l'exercice structural est "le pendant pratique des explications théoriques qui, la plupart du temps le précèdent" On a vu à travers les remarques des élèves que, ce qui leur manque le plus ne sont pas les explications.
5.1.3.4 "L'apprentissage méthodique" Les derniers textes parus pour les classes de sixième s'inscrivent dans la mise en place du Nouveau contrat pour l'école. Dans cette optique, est souligné dans les textes généraux le "rôle d'insertion et de cohésion sociale" que doit jouer le collège "lieu de passage obligé de tous les enfants". Jamais la fonction démocratisante de l'école n'avait été soulignée de cette façon dans des Instructions officielles. Quant à l'apprentissage des langues vivantes, il "implique une prise de conscience progressive de leur mode de fonctionnement, [laquelle ] contribue à développer les facultés conceptuelles et favorise l'autonomie d'expression." Prendre conscience du fonctionnement de la langue semble donc être présenté comme un atout susceptible de contribuer aux progrès des élèves dans les domaines cognitif et langagier.
Pour ce qui est de l'allemand, on retrouve l'objectif des automatismes de langue ; mais il sera poursuivi dans le cadre d'un "apprentissage méthodique [...] fondé sur la prise de conscience des éléments constitutifs et du fonctionnement de la phrase allemande aux fins de sa maîtrise opératoire dans la communication." Les apports de la psychologie cognitive sont ici évidents, et l'on assiste à un "reniement" complet des conceptions prônées vingt années auparavant
Que signifie "apprentissage méthodique" ? Cette conception repose sur le constat qu'il est "illusoire de penser que l'élève s'approprie la langue par les seules vertus des contacts qu'il a avec elle en classe et des occasions qu'on lui donne de la manipuler. L'appropriation n'est [donc] possible que si elle bénéficie du soutien de la réflexion qui met en lumière la cohérence du code de l'allemand, les régularités de son fonctionnement et ses spécificités par rapport au français" Cette approche cognitiviste de l'appropriation d'une langue est-elle compatible avec l'approche notionnelle/fonctionnelle qui a conduit les rédacteurs de ces dernières Instructions à proposer une liste d'actes de paroles "prêts à l'emploi". C'est aussi ce que semble se demander C. Puren qui souligne que "La prise en compte simultanée dans les récentes instructions officielles de la description linguistique par actes de parole ainsi que de l'hypothèse cognitiviste fait que l'on y trouve juxtaposées quatre approches différentes (lexicale, thématique, grammaticale et fonctionnelle) dont l'articulation concrète se trouve poser problème aussi bien dans les manuels que dans les pratiques de classe" . De plus, je l'ai déjà fait remarquer plus haut, un apprentissage "méthodique" de ces actes de parole avec prise de conscience de leur fonctionnement peut conduire à la surenchère grammaticale qu'on a si longtemps cherché à éviter, avec, une fois de plus, des retombées négatives pour les élèves les moins forts...
5.1.3.5 Bilan L'évolution vers plus de place à la réflexion sur la langue amorcée dans les textes de 1985 se poursuit donc. Espérons qu'elle bénéficiera aux élèves qui ont le plus besoin du soutien de la réflexion pour asseoir leurs progrès. Mais cette volonté de chercher à faciliter le travail de l'élève par une prise de conscience du fonctionnement de la langue portera-t-elle tous les fruits que l'on pourrait en espérer avec des programmes grammaticaux (et fonctionnels) restés fort ambitieux qui, comme le fait remarquer J.Benhadji-Schaff, "restent encore bien trop lourds pour être assimilés correctement." Et ne risque-t-on pas, à vouloir trop réhabiliter l'explication grammaticale, de retomber peu à peu dans certains travers de la méthode traditionnelle ? A la lecture des textes de 1996, on comprend que l'intention est d'aider les élèves à développer leurs compétences de compréhension et d'expression en allemand, et non d'accumuler des connaissances sur la langue. Mais il faut être très vigilant, et la question que se posait M. Candelier en 1986 : "Comment faire pour que la réflexion sur la langue qui est proposée aujourd'hui soit [...] qualitativement "un cran au-dessus" des pratiques antérieures destinées à apporter aux élèves des connaissances sur la langue ?" est toujours d'actualité.
Une citation de C. Puren peut contribuer à conclure ce chapitre sur une note plutôt optimiste. Malgré les constats qu'il a pu établir, il ne considère pas que l'histoire des méthodologies "tourne en rond" mais plutôt qu'elle repasse par des endroits qu'elle a déjà traversés. Espérons avec lui que "si l'on repasse au même endroit, c'est avec d'autres expériences antérieures qui devraient faire de ce parcours une expérience plus riche" et plus profitable au public auquel elle s'adresse qui, lui aussi, a évolué.
5.2 Attitudes des enseignants
Nous avons constaté que, malgré de nombreuses transformations au cours du temps, les textes officiels qui régissent l'enseignement de l'allemand ne prennent pas suffisamment en compte la "démographisation" de l'enseignement secondaire. Ils n'ont donc pas vocation à favoriser la démocratisation de l'accès à l'allemand telle qu'elle a été définie dans les chapitres qui précèdent. Certes, les pratiques pédagogiques résultent en principe de l'application des Instructions officielles par les enseignants, mais différents types d'attitudes sont cependant possibles de la part de ces derniers. Celles-ci dépendent de leurs options socio-politiques et/ou didactiques, ou de leur propre représentation de la matière qu'ils enseignent. C'est pourquoi il serait utile, pour la suite d'une recherche axée sur la représentation de difficulté liée à la langue allemande, de pouvoir consulter directement les praticiens de l'enseignement de cette langue. On pourrait alors mesurer jusqu'à quel point J. Benhadji-Schaff a raison lorsqu'elle affirme, en parlant des enseignants d'allemand, dont elle fait partie : "Nous défendons l'idée que l'allemand n'est pas plus difficile qu'une autre langue, mais dans la pratique, il faut bien admettre, nous ne rendons pas son accès aisé, tant par les contenus, les pratiques enseignantes, que par un élitisme volontiers entretenu."
Je vais donc proposer dans ce dernier chapitre les grandes lignes qui pourraient constituer la trame d'une enquête auprès des enseignants d'allemand, quel que soit leur niveau d'intervention. J'essayerai ce faisant de me baser sur les constats établis tout au long de cette recherche tout en intégrant quelques apports supplémentaires issus principalement de l'approche cognitiviste de l'ELV et de la théorie de l'interlangue. .
5.2.1 Quelques constats
Mais je souhaite tout d'abord consacrer quelques paragraphes à une enquête menée au début des années 80 par une équipe de l'INRP. Son objectif - analyse de l'articulation école/collège - a conduit les chercheurs et didacticiens de l'INRP à s'adresser uniquement aux enseignants ayant en charge des classes de 6ème, mais ils ont pu établir des constats intéressants à signaler ici. S'ils ont aussi sollicité les enseignants de langues vivantes, bien qu'alors elles n'étaient pratiquement pas présentes dans les écoles primaires, c'est qu'on avait remarqué que, bien que motivés au départ et n'ayant pas à porter le poids d'échecs antérieurs dans cette matière, beaucoup d'élèves de 6ème "n'arrivent pas à suivre avec aisance l'enseignement d'une langue vivante."
Christiane Luc, qui a coordonné le rapport concernant spécifiquement les langues vivantes, a rédigé pour les LM deux articles synthétisant les résultats les plus marquants . Ce qui retiendra en priorité notre attention est bien sûr ce qu'on pourrait appeler les "spécificités" des enseignants d'allemand telles qu'elles sont apparues aux chercheurs de l'INRP et qui les ont conduits à les comparer à leurs collègues anglicistes. Signalons tout de même que de nombreuses ressemblances ont aussi été constatées mais que des divergences existent et, "parmi les hypothèses formulées par l'auteur pour expliquer ces divergences, on trouve que ces langues - de par le rôle qu'on veut parfois leur faire jouer dans le système éducatif - ne sont pas enseignées exactement aux mêmes élèves." Comme le disait P.Canonne, l'enseignement de l'anglais s'adresse à la "masse" des élèves, l'allemand aux meilleurs...
Qu'ont constaté les chercheurs de l'INRP comme différences entre les professeurs des deux langues qui permette à Christiane Luc d'avancer cette explication corroborant l'image élitaire de l'allemand ? Dans une typologie des professeurs de langues établie par les auteurs de l’enquête , deux tiers des germanistes interrogés sont regroupés dans la classe "A" qui présente, entre autre, les caractéristiques suivantes :
Conduite de la classe : - pratique presque exclusive de l'activité orale sans recours au support écrit lors de la présentation des sketches, - prise de parole personnelle des élèves préférée à la simple répétition, - très peu d'explications grammaticales, - recours au français pratiquement exclu.
On voit donc que ce groupe d'enseignants a une attitude "moderniste", dans le sens ou ils appliquent de façon stricte et rigoureuse les principes de la méthodologie audiovisuelle structuro-globale, il ne s'agit donc pas de "traditionalistes" pour qui, comme le leur reprochait Monsieur Favard, l'enseignement de la grammaire resterait une fin en soi . On a même pu constater que la correction grammaticale n'est pas le souci premier des enseignants d'allemand interrogés pour cette recherche, ce qui amène d'ailleurs Christiane Luc à espérer que l'image traditionnelle de l'allemand, langue difficile à cause de sa grammaire s'en trouve modifiée auprès du public. Et pourtant, ces mêmes enseignants -ceux du groupe A, où les germanistes, rappelons -le, sont le plus nombreux - rejettent massivement l'hétérogénéité des classes, ils sont très pessimistes vis-à-vis des élèves en difficulté, et attachent la plus grande importance aux aptitudes intellectuelles des élèves et à la dimension de l'effort.
Gabriel Langouet, dont il a déjà été question dans le chapitre consacré à l'approche sociologique de l'enseignement/apprentissage de l'allemand, s'est attaché à démontrer que l'innovation pédagogique ou l'application de méthodes dites "modernes", liées ou non à l'utilisation d'outils technologiques, n'était pas la garantie d'une meilleure démocratisation de l'enseignement, même lorsque les objectifs affirmés de ces pratiques sont de faciliter le travail des élèves. . Les effets sociaux de méthodes innovantes, comme l'ont été les méthodes audiovisuelles, ne sont donc pas forcément ceux que l'on en attend. Je rappelle que les Instructions officielles de 1977 prônaient une méthodologie rendant l'allemand "accessible à tous" grâce à l'approche globale qui était celle des MAV. De nombreux enseignants y ont peut-être effectivement cru... Deux tiers de ceux que les chercheurs de l'INRP ont consulté avant la mise en place des Instructions de 1985 ne semblaient pas remettre en cause l'application de cette approche, peut-être parce qu'elle fonctionnait effectivement bien... avec les bons élèves.
Les anglicistes, par contre, semblaient essayer de "rendre la tâche plus facile" aux apprenants en pratiquant une méthodologie qu'on pourrait qualifier de moins orthodoxe ( support du texte écrit plus courant, pratique de la reproduction plutôt que de la création langagière autonome, etc.). Christiane Luc y voit des "mesures de facilitation de l'apprentissage et d'adaptation bénéfique aux élèves." Ces divergences seraient peut-être en même temps la cause et l'effet du recrutement différent des élèves d'allemand et d'anglais. En effet, les professeurs d'allemand, sachant qu'ils ont affaire à de "bons élèves", peuvent être plus exigeants avec eux (rappelons-nous les propos de M. Brenez évoqués au chapitre 2). Christiane Luc développe à ce propos une démonstration relative à la pratique chère aux germanistes de la "Nacherzählung" ( 67% des germanistes interrogés en font usage, contre 4% des professeurs d'anglais). Or, cet exercice, certes très formateur, n'est possible, d'après elle, qu'avec des élèves possédant "un certain nombre de pré-requis d'ordre conceptuel." Avec des élèves moins "forts", il faut donc adopter d'autres techniques. L'analyse des résultats de cette enquête tend à prouver que les anglicistes le font et qu'ils n'auraient de toute façon pas le choix, alors que la majorité du public des élèves d'allemand ne contraint pas les germanistes à évoluer de la même manière. J. BENHADJI-SCHAFF est encore plus catégorique lorsqu'elle affirme que "bon nombre de professeurs d'allemand, accoutumés à avoir des élèves triés sur le volet, des effectifs souvent peu chargés, se satisfont de cette situation élitiste et refusent d'aller au charbon ; ils répugnent à descendre de leur piédestal pour s'adapter à un nouveau public avec toute la part de remise en question et de réflexion didactique que cela implique."
Les différences de démarches didactiques entre enseignants d'allemand et d'anglais ont très certainement d'autres raisons, mais ce qu'ont constaté les chercheurs de l'INRP il y a une quinzaine d'années peut être pris en considération pour s'adresser aux enseignants d'allemand aujourd'hui, sachant que l'hétérogénéité a continué de s'accentuer et a aussi gagné le public des lycées et des universités.
La question qui est posée ici est en fait de savoir s'il faut adapter les élèves aux pratiques, en l'occurrence "attirer" en allemand les meilleurs élèves, comme cela continue d'ailleurs d'être le cas, ou s'il faut essayer d'adapter les pratiques aux élèves afin de donner leur chance à tous en ce qui concerne l'apprentissage de cette langue, et de voir cesser son déclin dans les établissements français.
5.2.2 Quelques pistes pour une enquête
Un questionnaire s'adressant spécifiquement aux enseignants d'allemand des collèges et lycées français (avec possible adaptation à l'enseignement supérieur) devrait à mon sens comporter les axes principaux suivants, déterminés à partir des constats établis aux divers niveaux de ma recherche :
* représentations sur les finalités de l'enseignement de l'allemand, * représentations sur les contenus que doit avoir l'enseignement /apprentissage de l'allemand, en termes qualitatifs mais aussi quantitatifs, * attitudes face à la représentation de difficulté liée à la langue allemande, * attitudes face aux difficultés des élèves, * attitudes face aux élèves en difficulté, * attitudes face à l'évolution des méthodologies, * importance accordée à la réflexion de l'apprenant sur la langue qu'il est en train de s'approprier.
On chercherait donc à vérifier un certain nombre d'hypothèses sur les liens entre les représentations et attitudes des enseignants et la dimension plus ou moins démocratisante de leurs pratiques pédagogiques. Voici quelques exemples des renseignements qu'on pourrait ainsi essayer d'obtenir :
5.2.2.1 Les finalités de l'enseignement de l'allemand.
Interroger les enseignants à propos de leurs représentations sur les finalités de l'enseignement de l'allemand permettrait de savoir si, dans leur majorité, ils cherchent à "former et sélectionner de futurs germanistes" , à faire acquérir des "savoirs d'érudition" ou des "savoir-faire de communication" , à contribuer à la formation intellectuelle des jeunes, ou à répondre à leurs attentes d'ordre pragmatique telles qu'elles sont décrites par Jacques Martin. De ce facteur peut dépendre le niveau d'exigence vs. de tolérance des enseignants vis à vis de la correction linguistique et de la quantité de "contenus" à faire acquérir. De plus, le sentiment qu'ont peut-être encore certains enseignants d'allemand de "brader" cette langue à des fins purement utilitaires peut avoir des retombées sur leurs attitudes pédagogiques.
5.2.2.2 Les contenus linguistiques Qu'est-il indispensable qu'un apprenant d'allemand maîtrise, et dans quel ordre de priorité ? Les représentations des enseignants sont, sur ce point, certainement fort divergentes. Il n'est que de penser à la structure du groupe nominal. On a vu au chapitre 3 le profil des élèves trouvant les déclinaisons difficiles. Ils représentent plus de 30% de l'échantillon total, et ce ressenti obère l'ensemble de leur comportement vis à vis de l'apprentissage de l'allemand. Quelle place les enseignants accordent-ils, indépendamment des progressions plus ou moins imposées par les Instructions et les manuels, à l'apprentissage des déclinaisons - ou d'autres structures ? Sont-ils plutôt favorables à un allégement des contenus à acquérir qui permettrait peut-être de mieux "asseoir" des bases sur lesquelles construire plus solidement, ou plutôt "maximalistes", avec l'espoir qu'il en restera toujours quelque chose ?
5.2.2.3 La difficulté de l'allemand La question n'est peut-être pas tellement de savoir si les enseignants disent à leurs élèves que l'allemand est facile ou difficile, mais s'ils abordent ce problème avec eux, et, si oui, comment. Pour avoir plus de précisions sur ce point, il faudrait essayer de savoir si les enseignants eux-mêmes estiment l'allemand facile ou difficile, car leur vécu personnel, quel qu'il soit, peut être déterminant dans ce qu'ils transmettent, pas forcément consciemment, à leurs élèves.
5.2.2.4 Les difficultés des élèves Comment les enseignants réagissent-ils face à elles ? Quelles origines leur attribuent-ils ? Quelles attitudes correctives adoptent-ils ? Quel regard ont-ils face aux erreurs ? Les utilisent-ils comme facteurs susceptibles de faire progresser les élèves ? Nous avons vu au chapitre précédent qu'incriminer l'ignorance des apprenants est peu apte à faire avancer les choses en matière de remédiation. Par ailleurs, les textes officiels relatifs à l'allemand recommandent une certaine indulgence. Yves Bertrand le faisait remarquer dans une comparaison des Instructions de 1985 régissant les différentes langues : "L'allemand admet l'erreur, pudiquement nommée imperfection." La didactique des langues, quant à elle, s'intéresse depuis longtemps au rôle de l'erreur dans le processus d'apprentissage, ce qui amène J. Petit, à affirmer qu'il "conviendrait maintenant de purger l'enseignement des langues vivantes de toute attitude didactique hypercorrective à l'égard des erreurs stratégiques." Les enseignants ont-ils l'occasion - et la motivation - de réfléchir à la manière dont se construisent les compétences des apprenants et au rôle que peuvent y jouer les erreurs ?
5.2.2.5 Les élèves en difficulté On a vu que ce ne sont pas forcément eux qui optent pour l'allemand, en tout cas en 6ème. Comment les enseignants considèrent-ils cette situation ? Quels conseils donneraient-ils par exemple à un jeune face au choix de sa première ou deuxième langue ? Tiendraient-ils compte de ses résultats scolaires ? Suivraient-ils le conseil de J. Martin qui préconise que "les germanistes encouragent les familles à réclamer pour leurs enfants le droit d'être sélectionnés." ? Sont-ils maintenant plus ouverts à l'hétérogénéité des classes que ne l'était l'échantillon interrogé par l'INRP dont il a été question plus haut ? Sont-ils favorables à la répartition des élèves germanistes sur plusieurs classes de 6ème ? Sont-ils favorables à la pratique de la remédiation et d'activités différenciées tenant compte des aptitudes ou des rythmes de progression des élèves ?
5.2.2.6 Les méthodologies Il serait sans doute intéressant d'étudier comment les enseignants se situent par rapport à elles et, du même coup, par rapport aux consignes des Instructions officielles. Pas tant pour savoir s'ils les appliquent ou comment ils les appliquent, mais plutôt pour comprendre leurs motifs à en tenir compte ou non. Les enseignants français sont très attachés à leur liberté pédagogique. Quel rôle cela joue-t-il dans les pratiques didactiques des enseignants d'allemand, et cela est-il ou non favorable aux élèves ? Revendiquent-ils, comme le préconise C. Puren, favorable à "la fin de tous les dogmes et interdits", "la pleine liberté et l'entière responsabilité des moyens qu'ils utilisent" ? "Les relations entre la linguistique et la didactique des langues ressemblent [certes] à une longue histoire d'amour" , mais les rebondissements de cette idylle ont souvent dérouté les enseignants et en ont rendu plus d'un sceptique face aux théories, quelles qu'elles soient. J. Petit estime qu'il faudrait que les germanistes "cessent de considérer la didactique des langues et la psycholinguistique comme des disciplines de seconde zone" , il parle en l'occurrence des universitaires, mais le problème peut aussi se poser à d'autres niveaux de l'enseignement. Il est fondamental quant au devenir de la recherche en didactique. On pourrait d'ailleurs en déduire aussi des pistes de réflexion pour la formation - initiale et continue - des enseignants d'allemand.
5.2.2.7 La réflexion sur la langue C'est, à mon avis, le point central de la problématique. Nous avons constaté que l'époque de l'acquisition intuitive de la langue en milieu scolaire était révolue et que la réflexion a repris sa place dans les démarches prônées par les méthodologies actuelles. M. Candelier constatait dès 1986 qu'il y avait "un consensus, dans les pratiques les plus récentes et les plus innovantes, en faveur d'une véritable réflexion de l'apprenant." Mais, il y a réflexion et réflexion, et on doit effectivement se demander si, "faire de la grammaire contribue à (faire) apprendre une langue." De plus, certaines démarches réflexives sont plus à mêmes que d'autres de faire progresser des élèves n'ayant pas forcément le "don" pour les langues. Les questions à poser aux enseignants sont dès lors nombreuses. En voici quelques-unes unes qui s'inspirent, entre autre, des réflexions exposées par M.Candelier dans l'article cité ci-dessus. Elles sont énumérées ici sans hiérarchisation.
Quel type d'enseignement grammatical est privilégié : implicite vs. Explicite ? Les élèves accèdent-ils aux régularités de façon inductive ou déductive ? Y a-t-il systématisation par des règles, des tableaux, des listes à retenir ? Quel métalangage est utilisé et à quel moment ? Des explications sont-elles fournies suivant les besoins exprimés par les élèves ou d'après une progression inhérente aux manuels ou construite par l'enseignant ? La prise de conscience du fonctionnement de la langue par les élèves eux-mêmes est-elle favorisée ? Par quel type d'activités ? Quelles types d'activités sont proposés aux élèves afin qu'ils aient plus de chance de s'approprier (d'intérioriser) les structures qu'ils auront étudiées ? Le travail de réflexion sur la langue s'appuie-t-il sur les expériences qu'ont les élèves avec leur langue maternelle et/ou d'autres langues étrangères ? Le travail sur les erreurs est-il intégré dans la réflexion et à quelles fins ? L'enseignant est-il prêt à passer plus de temps que prévu sur certains points afin d'en garantir au mieux l'appropriation par les élèves ?
D'après J.P.Confais, il est "urgent d'améliorer la formation grammaticale des futurs enseignants, même et précisément si l'objectif est de ne pas faire "trop" de grammaire en cours, de manière à ce que l'enseignant dispose d'un solide recul par rapport à son propre discours grammatical." Les enseignants ressentent-ils des besoins dans ce domaine ?
Il est évident qu'il manque à cette trame de nombreux éléments et que les pistes proposées ici demandent à être affinées, nuancées, étayées par d'autres apports théoriques. Mais, après une approche mettant en lumière le vécu et les besoins des apprenants, une étude de la pratique consistant, entre autre, à consulter les professeurs d'allemand sur leurs représentations et leurs attitudes serait certainement riche d'enseignements sur l'avenir de cette discipline.
5.2.3 Un défi pour les germanistes
Dans l'article déjà mentionné à plusieurs reprises, J. Petit imagine tout ce que l'on pourrait faire en cours de langue si l'objectif de la compétence de communication était abandonné, car "l'on peut effectivement se demander si l'obtention d'une compétence de communication n'est pas un objectif démesuré par rapport aux conditions dans lesquelles s'exerce l'enseignement des langues vivantes" en milieu scolaire.
Il me semble que le défi auquel sont soumis les enseignants de langue, et d'allemand en particulier, est de concilier la poursuite de cet objectif avec un apprentissage fondé sur des principes cognitifs, de mettre en quelque sorte en "harmonie" l'indispensable installation des automatismes langagiers avec la réflexion sur la langue. C'est aussi le point de vue de J.Petit qui conclut sa réflexion sur l'enseignement de l'allemand en France par une mise en garde, à mon sens fondamentale : "Il faudrait éviter [...] que la réflexion grammaticale et la traduction prennent dans nos classes une place telle que nous nous retrouvions dans la situation qui précéda l'avènement de la méthode directe et qui consistait à viser l'objectif d'une compétence de communication avec les méthodes élaborées par l'antiquité gréco-latine à des fins toutes différentes. L'application de ces méthodes à l'objectif d'une compétence de communication s'est déjà soldée par un fiasco dont bien des germanistes ont conservé le cuisant souvenir. Il y aurait là comme une leçon de l'histoire à ne pas oublier." Je pense personnellement que la plupart des enseignants d'allemand sont conscients de ce risque, mais il n'est pas forcément facile à éviter dans la pratique quotidienne des cours de langue. Peut-être pourrait-on conclure à ce propos sur une note optimiste empruntée à une Allemande qui expose dans les colonnes de la revue de l'ADEAF sa vision de l'enseignement de l'allemand en France. D'après elle, les professeurs d'allemand français parviennent à enseigner l'allemand comme "langue de conversation" tout en continuant de le rendre attrayant pour "l'élite". Cette remarque, en soi positive à l'égard des enseignants français, nous fait revenir à notre point de départ : pourquoi l'allemand, qu'elle considère d'ailleurs dans son article comme une langue difficile, ne serait-il pas "attrayant" aussi pour les autres élèves, ceux qui n'ont pas la chance d'appartenir à l'élite ? ...
6. LA LANGUE EN CONSTRUCTION
Il a été plus haut question des erreurs des apprenants et de la façon que les enseignants ont de les "gérer". Les recherches actuelles portant sur la "langue de l'apprenant" appelée aussi "interlangue" nous fournissent des renseignements précieux quant aux démarches cognitives mises en jeu lors de l'élaboration des compétences de compréhension et d'expression en langue étrangère. Je me contenterai ici de signaler quelques points me semblant directement en rapport avec ma problématique de départ.
Tout d'abord, une définition de l'interlangue : "Par interlangue, nous entendons la langue qui se forme chez un apprenant d'une langue étrangère à mesure qu'il est confronté à des éléments de la langue-cible, sans pour autant qu'elle coïncide totalement avec cette langue cible."
La langue de l'apprenant peut donc ne pas être en adéquation avec les normes de la langue cible. Elle est le résultat d'un processus "structuré et systématique" fonctionnant par élaboration et vérifications d'hypothèses. Les productions erronées ne sont alors plus à considérer comme des échecs, mais comme des éléments constitutifs de la construction de l'interlangue, l'équivalent de ce que J.Petit appelle les "erreurs stratégiques" ce qui implique effectivement une attitude corrective très nuancée et surtout constructive pour l'apprenant.
Les difficultés que comporte une langue pour des apprenants relèvent moins de ce que l'auteur appelle la "distance objective, c'est-à-dire les contrastes réels entre des formes et des structures de la langue de départ et de la langue-cible, que [de] la distance subjective, c'est-à-dire le contraste tel que l'apprenant le perçoit." Cette perception qu'a l'apprenant de cette distance est liée à plusieurs facteurs, notamment à son ressenti de sa langue maternelle, mais il me semble qu'elle peut aussi être influencée par les attitudes de l'enseignant.
Ce sont les "performances" de l'apprenant qui viennent alimenter sa "compétence", elles peuvent notamment avoir recours à des stratégies de compensation, destinées à contourner les lacunes inhérentes à l'interlangue. Ces stratégies doivent donc être évaluées positivement, voire encouragées.
Les travaux de recherche menés sur l'interlangue sont centrés sur l'apprenant - en dehors de qui l'interlangue n'existe pas -, et sur "la réussite de son apprentissage" En analysant les stratégies qu'il met en œuvre, on pourra donc lui fournir des aides qui lui permettront d'en réajuster certaines pour les rendre plus efficaces. Les observations effectuées sur la façon dont les élèves vivent, par exemple, ce qui se joue à l'oral en classe permettent d'ores et déjà de dire qu'ils sont relativement conscients d'appliquer un certain nombre de stratégies. Une réflexion plus systématique sur leur nature et leurs avantages faciliterait certainement le travail des élèves et le rendrait effectivement plus fructueux.
A l'issue de ma recherche, je crois pouvoir me permettre de dire que c'est ce qu'attendent les élèves de la part de leurs enseignants, y compris ceux qui n'ont peut-être pas l'ambition de devenir de parfaits germanistes, mais tout simplement de s'initier à une langue - et à une culture - étrangère à la leur en ayant la satisfaction de ne pas avoir fait tous ces efforts pour rien...
7. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 7.1 Auteurs
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7.2 Articles extraits de revues
Ils sont ici cités par ordre chronologique, les plus récents étant repris dans la bibliographie générale à partir du nom de leur auteur.
7.2.1 Les Langues modernes
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1910, p 273 à 280, En marge de la question "Faut-il apprendre l'allemand ?", Camille PITOLLET, docteur ès lettres, professeur agrégé au Lycée de Saint-Brieuc.
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1957, p 47 à 49, Journées préparatoires à l'étude du rôle des langues vivantes dans l'enseignement moderne (Sèvres, 19-22 décembre 1956), Mercredi 19 décembre 1956, séance de l'après-midi, débat.
1959, p 35 à 40, Y a-t-il des remèdes à l'inefficacité de notre enseignement ? , Paul DEHEM.
1959, p 99 à 106, Instructions générales pour l'enseignement des langues vivantes (instructions de 1950).
1963, N° 3, p 75 à 78, Textes officiels : Enseignement grammatical de l'allemand : directives pédagogiques relatives à l'enseignement grammatical de l'allemand dans le premier cycle et à l'enchaînement du programme, complétant les instructions générales du 1er décembre 1950 sur l'enseignement des langues vivantes.
1963, N° 6, p 41 à 47, Tribune libre : Propos d'un hérétique, J. REAL, Lycée Champollion, Grenoble.
1971, N° 5/6, p 71 à 83, Pédagogie des langues et démocratisation de l'enseignement, M. ANTIER.
1973, N° 4, p 440 à 442. La terminologie grammaticale dans l'enseignement de l'allemand, Paul VALENTIN, Professeur à l'Université de Paris-Sorbonne.
1975, N°4, p 327 à 330, Pourquoi enseigner l'allemand aux élèves français ? , Claude ARNOUX, Echternach /Luxembourg.
1975, N° 4, p 331, Situation de l'espagnol, La commission d'espagnol de l'APLV.
1978, supplément au N° 1 des Langues modernes, Quelle langue choisir ? , Dossier pour une diversification de l'enseignement des langues vivantes étrangères.
1979, N° 5/6, p 445 à 447, L'allemand n'est pas une seconde langue, Richard THIEBERGER.
1980,N° 1, p 33 à 53, Evolution de l'enseignement des langues vivantes de 1950 à 1980, Contributions diverses aux assises nationales des langues vivantes.
1982, N° 2, p 144 à 152, Etude comparée des programmes et instructions pour les classes de seconde, Yves BERTRAND, Université de Paris X.
1982, N° 2, p 193 à 201, Rencontres des germanistes à Pau, Pour un enseignement de l'allemand fondé sur des principes cognitifs et communicatifs, Hiede WEGENER, Université de Paris III.
1986, N° 1, p 87 à 99, Les avatars d'un triptyque, A propos des objectifs définis dans les instructions de 1985 pour l'enseignement des langues vivantes étrangères au collège, Michel CANDELIER.
1986, N° 2, p 19 à 34, Enseignement/apprentissage des langues étrangères et connaissances grammaticales et linguistiques, H. BESSE.
1986, N° 2, p 59 à 72, La "réflexion sur la langue" : d'où vient-elle et qu'en ferons- nous ? , M. CANDELIER.
1986, N°..., p 85 à 96, Opération miroir, enquête, Christiane LUC, INRP.
1986, N° 3, p 81 à 92, Méthodologie comparée des programmes et instructions de langues vivantes pour les collèges, Yves BERTRAND, Université de Paris X.
1988, N° 1, p 38 à 51, Des langues classiques aux langues modernes : mythes et réalités, Marie-Hélène CLAVERES, Université Paul-Valéry..
1988, N° 1, p 1O7 à 114, La logique de l'échec, Paul CANONNE, Maître-assistant à Paris IV.
1988, N° 1, p 114 à 117, Soyons sérieux, Jean ROVEA, Professeur et conseiller pédagogique de l'enseignement secondaire.
1988, N° 1, p 118 à 121, Vous savez lire ? ... Confirmez par écrit ! , Jean-Paul VERNON, Université du Maine.
1994, N° 1, p15 à 34, Acquis et non acquis des étudiants germanistes de première année de faculté : constats, analyses, suggestions, René Metrich, Université de Nancy II.
1996, N° 2, p 21 à 28, Pour que l'école favorise le pluralisme linguistique, il faut qu'on le veuille vraiment, Michel CANDELIER, Paris V.
Articles que l'on pourra consulter par ailleurs :
1939, p 62 à 65, A propos du programme d'allemand dans le second cycle, Barth. OTT.
1946, p 251 à 255, L'enseignement des langues vivantes : l'allemand, par L.A. FOURET, Inspecteur général de l'Enseignement secondaire.
1947, p 141 à 155, Une survivance pédagogique ; L'inversion et le rejet dans la construction de la phrase allemande, par Lucien TESNIERE.
1964, p 23 à 28, Pédagogie : L'enseignement des langues vivantes après la réforme, Denis RIEU, Inspecteur d'Académie.
1970, N° 2, p 135 à 142, Portrait du professeur de langue idéal, Yves Bertrand.
1973, N° 4, p 440 à 442, La terminologie grammaticale de l'allemand, Paul VALENTIN, Professeur à l'Université de Paris- Sorbonne.
1976, N° 2/3, p 225 à 234, Une orientation désastreuse, R. BALESDENT, Lycée d'Evreux, et, p 233,234, réaction de la Rédaction des LM par Pierre MOREAU, Lycée Chaptal- Paris.
1976, N° 5/6, p 587, 588, réaction de la Rédaction des LM par Pierre MOREAU, Lycée Chaptal- Paris.
1988, N° 2, p 19 à 34, La place de la langue maternelle dans la construction par l'élève des notions grammaticales requises pour l'apprentissage d'une langue étrangère, Ch. BOURGUIGNON, CNRS, CDL, Grenoble III, M. CANDELIER, Université Paris V.
1996, N° 4, p 6 à 14, Les épreuves de langue vivantes au baccalauréat de 1852 à 1914, M. H. CLAVERES.
7.2.2 Revue de l’ADEAF
1981, N° 5, p 12 et 13, Première langue à apprendre : l'allemand, (texte de propagande), Jacques MARTIN, Président de l'association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France.
1983, N° 10, p 4 à 9, Place de l'allemand dans un système scolaire non sélectif, Claude HULLARD, Inspecteur pédagogique régional.
1983, Recrutement des élèves, tract.
1984, N° 12, p 23 à 27, Une intervention auprès des maîtres de CM1 et CM2, R.-B. KEYSERS.
1986, N° de septembre, p 2 à 5, Effectifs en baisse, pourquoi ? Michelle BRENEZ.
1987, N° de mars, p 2 à 7, Situation et perspective de l'enseignement de l'allemand en France, Article paru dans le N° spécial de l'APLIUT sur les langues vivantes, Michelle BRENEZ.
1987, N° de juillet, p 5,6, Pitié pour les secondes LV2, Michelle BRENEZ.
1987, N° 21, p 23 à 28, Le crépuscule de l'allemand, Paul CANONNE, Maître-assistant à Paris IV.
1989, N° de juin, Jeu test de l'enseignant d'allemand..
1990, N° de juin, L'allemand, difficile ? , Michelle BRENEZ.
1990, N° de sept., Lust auf eine schwere Sprache, Renate Reismann, Paris.
7.2.3 Les Nouveaux cahiers d’allemand
1987, n° 3, p 337 à 351, L'allemand en perdition, Paul CANONNE, Paris IV.
1987, N° 4, p 371 à 410, Y-a-t-il faillite de l'enseignement de l'allemand en France ? , J. PETIT, Université de Reims et de Constance.
1988, N° 1, p 1 à 5, Sauver l'enseignement de l'allemand ? , Jacques MARTIN.
1988, N° 2, p 113 à 123, Le bout du tunnel, Jean ZEHNACKER, Inspecteur général de l'Education nationale.
1990, N° 4, L'allemand à la croisée des chemins, Jacques MARTIN, Inspecteur général honoraire.
1995, N° 3, p 295 à 299, Le blues, Jeanine BENHADJI-SCHAFF, collège Paul-Verlaine, Metz.
1997, N° 1, p 19 à 28, Métalangage grammatical et apprentissage des langues, Jean-Paul CONFAIS, Université de Toulouse 2.
1997, N° 2, p 8 à 14, Que reste-il de l'idée de progrès en didactique des langues ? , Christian PUREN, IUFM de Paris, Université de Paris 3.
7.3 Sources des textes officiels cités
Préambule aux instructions sur l'enseignement des Langues Vivantes, Les Langues modernes, 1953, p 69 à 75, Jean FOURQUET.
Instructions générales pour l'enseignement des langues vivantes, 1er décembre 1950, Les Langues modernes, 1959, p 99 à 106.
Enseignement grammatical de l'allemand, Ref : Instructions du 25 février 1963, "B.O.", n° 13 du 28-3-63, Les Langues modernes, N° 3, 1963, p 74 à 78.
Les travaux dirigés en Sixième I et II, cinquième I et II, Circulaire n° IV 69-363, Ministère de l'Education, Langues vivantes, Paris, CNDP, 1978.
Brochure sur la réforme du système éducatif consacrée à l'allemand, classes des collèges, Ministère de l'Education, Collection horaires, objectifs, programmes, instructions, CNDP, 1979.
Brochure sur l'enseignement de l'allemand, classes des collèges, Ministère de l'Education, Collection horaires, objectifs, programmes, instructions, CNDP, édition de 1996.
Fascicule n° 755 00693 consacré à l'allemand, Arrêté du 22 novembre 1995 relatif aux programmes de le classe de Sixième des collèges.
8. LISTE DES ABRÉVIATIONS
ADEAF : Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France.
APLIUT : Association des professeurs de langues des instituts universitaires de technologie.
APLV : Association des professeurs de langues vivantes de l'enseignement public.
CNDP : Centre national de documentation pédagogique.
DEP : Direction de l'évaluation et de la prospective.
ELV(E) : Enseignement des langues vivantes (étrangères).
IPR : Inspecteur pédagogique régional.
MAV : Méthodes audio-visuelles
NCA : Les nouveaux cahiers d'allemand.
9. ANNEXES
Annexe I Lettre de M. Raymond Poincaré (1) ancien Président de la République à M.Veillet-Lavallée, Président de l'Association
17juillet 1920 « Monsieur le Président,
« Vous avez bien voulu me demander mon sentiment sur un problème qui préoccupe vivement votre Association, celui des études allemandes en France. « Pour quiconque examine de sang-froid cette question, il ne peut y avoir, à mon avis, aucun doute sur la réponse. « Qu’un certain nombre de Français aient eu avant la guerre un goût excessif pour les méthodes germaniques, qu ils se soient exagéré comme à plaisir la grandeur de la science allemande et la beauté des lettres allemandes, c'est un fait que je me garde de nier et dont nous n'avons pas, je pense, à craindre le retour. Mais, pour éviter de retomber, après la victoire, dans le même travers qu’après la défaite, allons-nous commettre la faute inverse et ignorer de parti pris la langue et la civilisation de ceux que nous avons vaincus ? Nous devons occuper pendant quinze ans au moins la rive gauche du Rhin ; nous devons réapprendre le français à une partie de l'Alsace qui a perdu l'habitude de le parler ; nous avons une œuvre de longue haleine à poursuivre dans la Sarre ; nous pouvons créer en Allemagne des entreprises françaises et y développer notre influence économique. S'imagine-t-on qu'il soit indifférent de savoir la langue allemande pour réussir dans ces tâches diverses ? « Mais si importantes que soient ces considérations d’ordre pratique, elles ne sont pas les seules. Pour dominer la science allemande, nous avons besoin de la connaître. Pour maintenir l'indépendance et la supériorité même de notre littérature, nous ne devons pas fermer les yeux sur les littératures étrangères, pas plus sur l’allemande que sur les autres. C'est par opposition au non-moi que le moi prend le mieux conscience de lui-même.
« Que désormais nous apprenions surtout l’anglais, j'y consens volontiers. Mais la meilleure façon de bien savoir tout l’anglais, l'ancien et le moderne n'est-elle pas de le suivre attentivement dans ses deux courants mélangés, le germanique et le latin, et de commencer, par conséquent, par pratiquer à la fois le français et l'allemand ? « Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d'autres, je partage, Monsieur le Président, l'opinion que votre Association a constamment défendue et que je crois conforme aux intérêts permanents de la France. « Recevez l'assurance de mes sentiments distingués. « R. Poincaré. » ___________________________________________________________
(1) Cette lettre a été communiquée- par les soins de l'Association à la presse de Paris et des départements, et reproduite par un grand nombre de journaux, parmi lesquels le Temps, les Débats, le Journal, la Liberté, le Petit Parisien ; elle a en outre été envoyée sous forme- de circulaire à tous les chefs d'Etablissements des enseignements secondaire et primaire supérieur, pour qu'ils puissent s'en servir auprès des parents au moment de la rentrée.
Annexe II RECRUTEMENT DES ELEVES. TRACT
ALLEMAND 1ère LANGUE,
ALLEMAND 2ème ET 3ème LANGUE
Aujourd'hui l'apprentissage d'une langue étrangère moderne ne sert pas seulement à orner l'esprit. Il aide également à trouver plus facilement du travail et à mieux vivre.
L'apprentissage de deux langues vivantes au moins, dont l'une peut être l'anglais a été recommandée en France par la Commission des Titres des Grandes Ecoles et Outre-Rhin par le Plénipotentiaire de la République Fédérale d'Allemagne pour les relations culturelles franco-allemandes.
Si une des deux langues ainsi choisies est l'anglais. il y a intérêt à opter d'autre part pour l'apprentissage de l'allemand. ~est en effet la langue d'un groupe de 110 millions d'habitants environ, situé à notre frontière et qui appartient pour une part au bloc occidental et pour une autre au bloc oriental, ce qui est un fait exceptionnel. La RFA. en dépit de la crise, a une économie et une monnaie solides : ce sont des éléments à considérer Si l'on envisage pour son enfant des relations professionnelles lucratives, avec un pays étranger. Les pays germanophones (République Fédérale d'Allemagne, Autriche, République Démocratique allemande, Suisse alémanique) figurent dans les statistiques de notre Ministère du Commerce Extérieur comme les premiers fournisseurs et les premiers clients de la France. Comme l'enseignement de l'allemand a été peu favorisé chez nous depuis des années, le marché du travail français offre d'intéressants créneaux pour qui aura une bonne pratique de l'allemand, et ceux-ci ne seront pas encore comblés quand les jeunes élèves d'aujourd'hui auront terminé leurs études dans 7,12 ou 15 ans. (Tourisme et hôtellerie, prospection industrielle et commerciale, secteur tertiaire, industrie métallurgique, chimique, aéronautique, électrotechnique, informatique, recherche scientifique, etc.). Notons que 40 % seulement des études scientifiques allemandes sont traduites en anglais, contre 56 % des études scientifiques françaises,
Pourquoi apprendre l'allemand comme 1ère langue ? - A l'âge de la sixième un enfant possède des facultés d'acquisition linguistique plus grandes qu'au début de l'adolescence. L'apprentissage de l'allemand le mettra en possession de deux éléments qui faciliteront ses études ultérieures : d'une part un vocabulaire allemand de base qui lui permettra d'apprendre ensuite l'anglais plus vite et plus aisément, (la langue anglaise étant composée de deux apports principaux, l'un latino-français, l'autre germanique, et d'autre part, grâce à la clarté des structures bien arrêtées de l'allemand, une formation grammaticale qui facilitera pour lui l'étude d'autres langues étrangères et du français lui-même.
Rappelons à ceux qui seraient tentés de présenter l'étude de l'allemand comme un élément de sélection élitiste que les enfants turcs, yougoslaves, italiens et Portugais dont les parents viennent travailler en Allemagne apprennent cette langue vite et bien.
Pourquoi apprendre l'allemand comme 2ème ou comme 3ème langue ? Si l'on n'a pas choisi l'allemand dès la 6ème, on sera bien inspiré de le choisir comme 2ème langue. en raison même des débouchés signalés plus haut, que cette langue offre sur le marché du travail, Une enquête de la Chambre d'Industrie et de Commerce de Paris a révélé que des possibilités d'exportation de produits français vers des pays de langue allemande sont entravées par des « difficultés de communication», c'est-à-dire par la pratique insuffisante de l'allemand qu'ont les français. En effet, Si l'anglais est généralement la langue des états-majors industriels et commerciaux, la prospection et l'exploitation sur le terrain exige la connaissance de la langue du partenaire local.
Rappelons qu'en marge de l'enseignement proprement dit, de nombreuses possibilités d'apprentissage et de séjours dans les pays de langue allemande sont offerts aux divers âges par des accords internationaux, par les nombreux jumelages de villes et d'établissements scolaires, par l'Office franco-allemand pour la Jeunesse, par les échanges individuels d'élèves d'apprentis, par les échanges de classes, etc.,, par les cours de 7 Instituts Goethe implantés en France et d'un Institut de la République Démocratique prévu pour Paris, enfin par un vaste éventail de cours de vacances, de stages, de séminaires organisés chaque année dans les pays de langue allemande, et pour lesquels des bourses peuvent être obtenues.
Annexe III
L’ALLEMAND DIFFICILE ?
_______________________________________________________________________________
Des professeurs d'allemand, on en rencontre beaucoup. Dans les trois académies parisiennes, dans l'Est, le Sud, le Nord, un peu moins à l'Ouest, mais beaucoup, vraiment. On se voit à des stages, des colloques, des réunions, des assemblées générales, des expositions. On discute dans le train, en avion, au bistrot, après les cours, sur skis ou à la plage (sous l'eau, moins). Or, quand surgit le mot "difficile", on en trouve peu que le doute ne ronge pas. "Est-ce bien raisonnable, bien réaliste, bien vrai, de soutenir que l'allemand n'est pas difficile ? " En vérité, comme dirait tout brillant Khâgneux, la question est mal posée. L'allemand difficile ? De quel allemand s'agit-il ? De l'allemand enseigné en jardin d'enfant, en sixième, en seconde, en fac à des non-spécialistes, aux candidats à l'agrégation d'allemand ? De l'allemand appris à la MJC avant d'aller passer la Pentecôte dans la ville jumelée ? De l'allemand choisi pour Maguelonne Fleury-Dupré par des parents soucieux de la voir intégrer une bonne classe de la sixième à la terminale, quelle que soit la section vers laquelle elle s'orientera ? De l'allemand enseigné à l'instigation des Chambres de Commerce ou des GRETA aux ingénieurs des grandes entreprises internationales ? Il faudrait analyser toutes les données et tous les objectifs avant de se livrer à des estimations théoriques sur le poids et la taille de la charrue qu'on met allégrement avant les bœufs,POURQUOI ? Premier point incontournable dernière réflexion, il faut demander à tout apprenant qu'attendez-vous de l'apprentissage de l'allemand ? Voulez-vous devenir un espion capable de vous faire passer pour un autochtone ? Voulez-vous pouvoir communiquer avec des contemporains de langue allemande, soit pour le travail, soit pendant vos loisirs ? Voulez-vous lire de l'allemand ? Voulez-vous avoir des bonnes notes à l'école ?COMMENT ? Autre constatation des millions d'Allemands, bornés ou intelligents communiquent en allemand, lisent l'allemand, l'écrivent parfois et comprennent, en tout cas, ce qui se dit à la télévision. En revanche, ils éprouveraient probablement des difficultés à interpréter Angelus Si ! esius ou la Critique de la Raison Pure. La seconde étape consiste donc à se poser des questions sur la nature de la langue enseignée. De quel allemand désirez-vous disposer ? Voulez-vous être interprète, traducteur ou député européen ? Voulez-vous conduire un car, un bus ou un groupe de voyageurs d'Amboise à Leningrad ? A L'ÉCOLE Le cas de figure le plus courant concerne l'enseignement de l'allemand à l'école. Bien. Songez à votre propre scolarité. Avez-vous aimé la biologie, la gymnastique, le latin, la chimie ? .Pourquoi oui, pourquoi non ? Vos camarades de classe avaient-ils les mêmes préférences, les mêmes joies, les mêmes angoisses que vous ? Pas forcément. La philosophie pouvait être révélation, extase, cauchemar. Les maths, voltige de l'esprit ou écran total. Si vous avez tiré le rideau en géologie, ce n'est pas parce que la géologie présente en soi la moindre difficulté, mais parce que votre professeur était… n'était pas... ce qu'il aurait dû être. D'après vous. Ou les deux, l'un dans l'autre.TEST A ce stade, on peut, sans prendre de grands risques, énoncer une vérité première : il est impossible de dire d'une matière si elle est difficile ou non. En ce qui concerne l'allemand, il faudrait donc soumettre à l'examen d'autres qualificatifs, par exemple :L'allemand est-il : compliqué ? non différent du français ? oui traître ? non riche ? oui évident ? non motivant ? ouisi vous le voulez bien.Et l'enquête se poursuit :Est-ce que l'allemand : -Exige du travail ? Bien sûr, comme toute autre matière. -Est formateur ? Certes, si vous voulez être formé. -Est utile ? A moi, oui. A vous ? Il faudrait savoir lire l'avenir dans le marc de café. -Est réservé aux bons élèves ? Souvent, oui. Mais...MAIS Mais quoi ? C'est un cercle vicieux. Si l'allemand est réservé aux bons élèves, beaucoup de bons élèves choisissent l'allemand. Donc les classes d'allemand seront meilleures. Il en résulte que le professeur d'allemand pourra travailler plus vite. En outre, il devra exiger davantage pour ne pas décevoir ses élèves ou leurs parents. Donc ces élèves travailleront plus que les autres. Et deviendront meilleurs. En revanche, les moyens paraîtront plus moyens et les mauvais plus mauvais.TU QUOQUE ?²Pendant ce temps, les enseignants cultiveront un certain nombre de complexes.- Ils ne voudront pas reconnaître qu'ils ont de bons élèves.- Ils croiront être les seuls à avoir parfois des classes moins chargées.- Ils s'excuseront d'emmener leurs élèves à l'étranger.- Ils ne souligneront pas le soutien de l'OFAJ , des Instituts Culturels, l'aubaine des magazines gratuits, l'aide des comités de jumelage, bref, tout ce qu'apportent les liens étroits unissant la France et l'Allemagne.- Ils ne feront pas état de leur propre formation, pourtant fort rigoureuse. Ils assumeront bravement leur pédagogie, même s'ils la trouvent à certains moments bien contraignante.- Ils ménageront dans toute la mesure du possible les enfants exigeants, les parents méfiants et les collègues malcontents.VRAI OU FAUX ? Tous ces développements correspondent-ils bien à la vérité ? Non. Chaque élève, chaque collègue, chaque classe, chaque cycle, chaque année scolaire ont des profils différents, d'autres caractéristiques, répondent à d'autres critères. Allez dire à tel collègue du fin fond de l'Essonne qu'il est un privilégié élitiste. Ça le fera sourire doucement. Car dans ses classes homogènement lourdes et faibles, il enseigne du mieux qu'il peut l'allemand correspondant aux besoins et aux capacités de chacun. Avec trente-six élèves provenant de six sections différentes et disposant, pour corser la chose, d'horaires variables, on ne peut pas s'appesantir sur le problème de la difficulté, on est tout simplement occupé à inventer de nouvelles méthodes, à mettre au point des objectifs communs, à solliciter l'accord du plus grand nombre et à leur présenter des modèles.ALORS ? L'allemand ne saurait être plus facile ou plus difficile que n'importe quelle autre matière, c'est évident. Pourquoi alors cette tenace réputation, tenace au point de la retrouver tapie au fond du cœur de ceux mêmes qui essaient de la combattre ? On a un peu l'impression que la Société secrète cette image pour se protéger. Les initiés et les privilégiés souhaitent préserver cette dernière filière qui leur reste pour assurer une "meilleure chance" à leurs enfants. De la maternelle à la terminale, ils souhaitent que les germanistes se retrouvent et aient comme signe distinctif l'engagement de travailler plus et mieux. Des chefs d'établissement ont essayé de nier cet état de fait, de s'en débarrasser comme d'un préjugé tombé en désuétude. Mais, pas plus que les Ministres de l'Education tentant de briser le rôle sélectif des mathématiques, ils n'ont pu nager à contre-courant de l'opinion publique. Informée on ne sait d'où, guidée par on ne sait quelle recherche obstinée de voie royale, les parents jouent sans cesse les chiffres réputés gagnants. Peut-être est-ce, d'ailleurs, le corps enseignant lui-même qui fournit le modèle.PIRE: Le contre-pied de cette attitude est pris par une certaine gauche intellectuelle, syndicale, journalistique, récusant toute filière, tout élitisme - fût-il républicain - et souhaitant donc voir disparaître la notion de privilège attachée au choix de l'allemand première langue. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. On parlera donc le moins possible de l'allemand, et s'il faut absolument en dire quelque chose, on soulignera qu'il remplace le latin ou toute autre langue tout aussi morte.
Exemple très frappant de ce procédé : : au moment de la mise en place de l'expérimentation Jospin visant à introduire les langues à l'école primaire, journaux, radios et télévision ont remplacé le terme "langues vivantes" par "anglais". Négligence, hasard, mauvaise information, tournure d'esprit révélatrice, les raisons peuvent être multiples, le résultat s'appelle désinformation.TERTIO : Un dernier point à propos de la Société. Aux temps d'avant la massification de l'enseignement secondaire, trente, quarante ou plus encore d'élèves sur cent apprenaient l'allemand. "Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?" Ou encore "der Lowe, das Glas, die Gans". Mal, souvent, il faut bien le dire. Car les objectifs étaient complètement différents. Et même s'il y a de très brillantes exceptions.. Ces anciens élèves contribuent pour une bonne part à la diffusion d'une contre-image de l'allemand. Car leurs capacités de communication se sont avérées extraordinairement basses en regard des efforts accomplis. Peut-être n'avaient-ils même pas trouvé l'allemand difficile au lycée, mais ont-ils découvert à l'usage que leur acquis ne s'accommodait pas aux besoins sur le terrain. Vous avez peut-être eu vous-même des maîtres intimement persuadés que la petite grammaire de Fourquet était tissée de saints mystères insondables ? Auquel cas, tels les enfants battus devenant à leur tour des parents indignes, vous êtes normalement tentés de reproduire aujourd'hui ce schéma subconscient.DONC ? Enseigner n'est pas une tâche aisée. Et comme nombre d'apprenants confondent automatiquement enseignant et matière, votre responsabilité est immense. Aussi, chers collègues, essayez d'extirper définitivement du plus profond de vos cortex l'idée que l'allemand pourrait être difficile. C'est faux. L'allemand est une matière comme les autres, nous l'aimons et ne devons pas la laisser hypothéquer plus longtemps par des ignorants ou des malveillants. "Wie etwas sei billig, wie etwas sei leicht, das weiß nur derjene, der es erreicht", Si Goethe l'a écrit, c'est que c'est vrai.Michelle BRENEZ
Annexe IV
Annexe V
Les items précédés d’un point n’ont pas été proposés aux élèves de 6 ème.
L'apprentissage de l'allemand Questionnaire
1 - Quelques renseignements personnels: Classe :………. Garçon Age :…………. Fille
1 ère langue ………………………. Résultats scolaires d'ensemble: •2 ème langue………………………… insuffisants •3 ème langue :………………………. moyens • Latin assez bons • Grec bons très bons
2 - Tes résultats en allemand : ils sont faibles Notes obtenues cette année: moyens entre…..…….et……….. assez bons bons très bons
à l'oral Tu t'en sors mieux à l'écrit
en compréhension
Tu t'en sors mieux
en expression
· Evolution de tes résultats (notes) depuis le début de ton apprentissage de l'allemand :
- ils étaient meilleurs avant - ils étaient moins bons avant - ils sont restés semblables Remarque éventuelle
Quelqu'un dans ton entourage fait ou a fait de l'allemand :
Non. Oui. Qui ? 3 - Que penses-tu de l'allemand ? C'est une langue :
très difficile normale difficile assez facile assez difficile facile
·Compare-la avec les autres langues que tu apprends ou as appris :
L'allemand est plus difficile que : L'allemand est plus facile que :
Autres remarques à ce propos :
4 - Qu'est-ce qui te pose des problèmes en allemand ?
Coche à chaque fois la colonne qui te concerne
Cela ne me pose pas de problèmes Ce n'est pas très facile mais j’y arrive presque toujours C'est difficile et j’y arrive rarement Je ne m'en sors pas du tout
Retenir le vocabulaire
Prononcer
Lire à voix haute
Comprendre - la langue écrite
- la langue parlée
Parler Comprendre la grammaire Utiliser la grammaire - à l'écrit
-à l'oral
· Rédiger · Faire des traductions · Communiquer avec des germanophones
5 - Ton avis sur la grammaire allemande
Quels sont les points de grammaire qui sont pour toi les plus difficiles, les plus faciles ? Cite au moins 4 points et indique leur degré de difficulté pour toi. Tu peux ajouter un commentaire.
Difficulté Points de grammaire Trèsdifficile Difficile Assezdifficile Pas tropdifficile Facile Commentaire éventuel
6 - Que penses-tu des affirmations suivantes : - Il vaut mieux commencer par l'allemand en 6ème, après, l'anglais (ou une autre langue) est plus facile D'accord Pas d'accord Sans opinion
- En 6èm, on est trop jeune pour comprendre les mécanismes de la langue allemande. D'accord Pas d'accord Sans opinion
- L'allemand est une langue qu'on devrait réserver aux bons élèves. D'accord Pas d'accord Sans opinion
- Pour être bon en allemand, il faut être bon en grammaire du français. D'accord Pas d'accord Sans opinion
- Il faut travailler plus que dans les autres matières pour obtenir des résultats satisfaisants en allemand. D'accord Pas d'accord Sans opinion
·- En allemand, il y a beaucoup de choses à apprendre avant de pouvoir se servir (parler et écrire) de la langue. D'accord Pas d'accord Sans opinion
7 - On dit qu'une matière paraît plus facile aux élèves quand ils sont motivés. Qu'en penses-tu ? 1 - Pour moi, c'est vrai 2 - Cela ne joue pas un grand rôle Si tu as coché la case 1, donne ton opinion sur les raisons pour lesquelles tu as envie d'apprendre ou pas
important égal pas important A cause du livre et/ou des sujets abordés en cours A cause de l'attitude du professeur (stricte, encourageante, exigeante...) A cause du niveau des autres élèves dans la classe A cause des contacts réels avec la langue (voyages, échanges, correspondances)
Vois-tu d'autres raisons ? Si tu veux, tu peux maintenant expliquer ta réponse.
8 - Qu'est ce qui, selon toi, peut aider le mieux un élève à apprendre l'allemand ?
Trèsimportant Assezimportant Pasimportant Ecouter Lire Répéter Parler Traduire Faire des exercices de grammaire · de compréhension
· d’expression
Ecrire Comprendre les mécanismes de la langue Apprendre par cœur Autre :
Est-ce que tu trouves que tu l'as fait ou le fais suffisamment en classe :
On le fait suffisamment Il faudrait le faire plus souvent Ecouter Lire Répéter Parler Traduire Faire des exercices - de grammaire
·- de compréhension ·- d’expression
Ecrire Comprendre les mécanismes de la langue Apprendre par cœur Autre
9 - Certains élèves pensent que l'activité orale (parler) facilite l'apprentissage de l'allemand. Est-ce ton avis ?
D'accord Peut-être Non Parler aide à : - comprendre la langue
- comprendre la grammaire - s'habituer à la prononciation - s'habituer aux constructions de phrases - appliquer ce que l'on apprend -retenir ce que l'on apprend -apprendre les déclinaisons ·- prendre des réflexes ·- prendre de l’assurance ·- progresser à l’écrit
Parler est : - plus facile qu'écrire
- agréable - motivant - une sorte d’entraînement (comme en sport) · - moins frustrant que l'écrit (les erreurs se remarquant moins) ·- plus profitable que l'écrit (on a une correction immédiate) ·- à privilégier en cours ·- une perte de temps en cours
Parler: ·- oblige à se débrouiller avec ce que l'on sait
· -permet de tester des formulations personnelles · -amène à prendre plus d'initiatives ·- n'apporte rien de plus que l'écrit
Autres ? :
Penses-tu que les cours d'allemand favorisent suffisamment l'activité orale ? Oui Non Explique ta réponse et compare avec tes autres cours de langues :
10 - Pour certains élèves, il est important de bien comprendre les mécanismes de la langue.
- Penses-tu qu'on te donne ou qu'on t'a donné assez d'explications sur la grammaire allemande ? Oui Non -Les listes (verbes) et les tableaux (déclinaisons) t'aident-ils à mieux comprendre ? Oui Non - Trouves-tu qu'on étudie trop de choses à la fois et qu'il est donc difficile de tout comprendre ? Oui Non - Trouves-tu qu'il est gênant de ne pas comprendre tout de suite un nouveau point de grammaire ?
Cela me gêne et je perds vite pied Cela n'est pas gênant Pourquoi ?
- De quoi penses-tu avoir besoin personnellement pour mieux comprendre ?
Bilan: Peux-tu résumer en quelques lignes les difficultés que tu rencontres en allemand et ce qui pourrait t'aider à les résoudre ?
Je te remercie d'avoir rempli ce questionnaire et te souhaite bonne chance pour l'apprentissage de l'allemand et pour ta scolarité.
F. Crochot