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Suse ou Shushan dans la Bible (Šušan en élamite) est une ancienne cité de la civilisation élamite, située dans le sud de l'actuel Iran à environ 140 km à l'est du fleuve Tigre aux coordonnées 32° 11,4′ N, 48° 15,3′ E. Elle ne présente plus aujourd'hui qu'un champ de ruines. La petite ville iranienne de Shush se trouve à proximité.

Suse a été fondée vers 4000 av. J.-C. sur un point de passage qui relie la vallée du Tigre au plateau iranien. La ville est mentionnée dans la Bible. C'est l'une des plus anciennes cités de la région ; elle a été occupée jusqu'au XIVe siècle, soit une période de plus de 5000 ans.

Le site

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La partie la plus importante de la Suse antique est une zone d'environ cent hectares divisé en trois parties, qui surplombe une petite rivière, la Chaour. La première est l'Apadana, du nom du grand palais que Darius Ier a construit à cet endroit, sur les ruines de constructions élamites. La seconde est l'Acropole, la partie la plus élevée du site, sur laquelle se trouvait un fort achéménide, qui est en fait la première zone habitée de la ville, et son centre à l'époque élamite. En contrebas se trouve la Ville royale, zone résidentielle, tell constitué par les différentes couches dues à l'ancienneté de l'occupation de cette partie. Ce grand ensemble est celui qui a été peuplé en premier, dès la fin du Ve millénaire. C'est là que se trouvait la Suse élamite. Il était ceinturé d'un glacis qui servait de système de défense (il n'y avait pas de murailles). La ville s'est ensuite étendue vers l'est aux périodes plus tardives, dans la « ville des artisans », où se trouvait la ville à l'époque islamique. Les deux ensembles étaient séparés par un fossé, et par les eaux de la Chaour qui avaient été détournées.

Historique des fouilles

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Le site de Suse n'a jamais été oublié. La ville est restée dans les mémoires locales par la présence du tombeau du prophète Daniel, qui en fait un lieu de pèlerinage. Elle est également restée dans les mémoires des européens par le livre d'Esther, dont l'histoire se déroule dans cette cité. Benjamin de Tudèle, qui visite la ville au XIIe siècle, peut ainsi l'identifier aisément.

Le premier archéologue à effectuer des relevés sur le site sera W.K. Loftus, vers le milieu du XIXe siècle. Les premiers à fouiller le site sont les époux Marcel et Jane Delafoy, de 1884 à 1886, mais les fouilles restent limitées.

 
Stèle du Code d'Hammourabi, originaire de Sippar et ramenée à Suse par Shutruk-Nahhunte où elle a été exhumée par les équipes de Jacques de Morgan en 1901

Il faut attendre l'arrivée sur le site de Jacques de Morgan en 1897 pour que les fouilles débutent réellement. Les fouilles de Suse de cette période ont gardé une funeste réputation du fait des méthodes peu académiques de ce fouilleur (même pour la période des fouilles). Il ne se préoccupe pas des bâtiments qu'il rencontre, ne cherchant pas à les identifier, et se concentre avant tout sur la découverte d'œuvres d'art, et la recherche des preuves de ce qu'il pense être le site des origines de la civilisation. De nombreux niveaux archéologiques de l'Acropole sont ainsi rasés, le projet de de Morgan étant d'arriver aux débuts du site. Les monuments des époques suivant la période protohistorique sont donc irrémédiablement perdus. Au moins les découvertes d'objets d'arts sont fructueuses : notamment la stèle du Code de Hammurabi et celle de Naram-Sîn d'Akkad, et par la suite les nombreux objets de la période protohistorique. En 1903, de Morgan est rejoint par Roland de Mecquenem, qui devient directeur des fouilles après son départ en 1908, et qui poursuit selon les mêmes méthodes. Jusqu'en 1913, il s'attèle à dégager l'Apadana. Il revient après la guerre, en 1920, et continue d'explorer le site, puis fouille d'autres tells dans la région, avant de découvrir Chogha Zanbil en 1935.

Après la Seconde Guerre Mondiale, c'est Roman Ghirshman qui fouille le site avec la volonté d'en découvrir plus sur la période élamite, avec des méthodes nettement plus conventionnelles. Puis il explore les niveaux des périodes plus récentes jusqu'en 1951, date à laquelle il part pour Chogha Zanbil. Il revient en 1961, secondé par Herman Gasche, et oriente ses recherches vers la période médio-élamite.

En 1967, Jean Perrot arrive pour diriger les fouilles dans la région. Lui et son équipe entreprennent de tenter de sauver ce qui peut l'être des fouilles de l'Acropole de la première moitié du XXe siècle, et réussissent à établir une périodisation du site sur les quelques espaces ayant été épargnés. Ils travaillent beaucoup sur les niveaux restant, ceux de la période protohistorique, renseignant notamment sur les débuts de l'écriture. Les fouilles s'arrêtent en 1979, à cause de la guerre Iran-Irak. Ces dernières explorations ont permis la mise à jour de nouvelles œuvres d'art, comme la statue égyptienne de Darius Ier, et ont donné plus de renseignements sur les différentes périodes d'occupation de Suse.

Protohistoire

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La période protohistorique de Suse est divisée en trois périodes :

  • Suse I (fin du Ve millénaire), jusqu'à environ 3700,
  • Suse II, de c. 3700 à c. 3100 (quand s'achève la période d'Uruk en Mésopotamie),
  • la période proto-élamite jusqu'à c. 2800 .

La Susiane d'avant Suse connaît déjà quelques agglomérations fondées à la fin du VIè ou au début du Vè millénaires : chronologiquement Jafarrabad, Jowi et Bendebal, puis Chogha Mish. Ceci montre que Suse naît dans une région déjà avancée.

La ville de Suse I est divisée en deux centres : un sur le tell de l'Acropole, et un autre sur le tell de l'Apadana. La cité possède de nombreux points communs avec celles du sud mésopotamien de la culture dite d'el Obeid (du moins jusqu'à la fin du Ve millénaire), qui s'épanouit à la même époque. La ville possède une organisation similaire à celle-ci. Pour ainsi dire, Suse fait alors partie de la civilisation d'Obeid, puis d'Uruk ancien, tellement l'influence mésopotamienne s'y fait ressentir. Suse a livré pour cette époque d'intéressants exemples d'architecture. C'est ainsi que les Susiens d'alors ont bâti une construction sur terrasse, dont la fonction n'est pas clairement déterminée, sur un plan identique à celui de bâtiments similaires de la Mésopotamie contemporaine.

Les fouilles ont fourni un assez grand nombre de sceaux ou d’empreintes de sceaux de forme encore circulaire qui présentent des affinités réelles avec les productions du Lorestan, ainsi que des scellements de portes. Il y a donc, dès cette époque, installée sur la terrasse, une gestion administrative dont on ne peut dire si elle était le fait d’un temple mais qui marque nettement, plus tôt qu’en pays sumérien, la transformation des structures économiques caractéristiques d’une civilisation villageoise.

 
Vase caréné aux échassiers et aux oiseaux aux ailes éployées, Suse I (4200-3800 av. J.-C.), découvert dans la nécropole du Tell de l'Acropole

À partir de 3600-3500 av. J.-C., au début de l’époque d’Uruk, Suse semble basculer encore plus dans l’orbite mésopotamienne et prendre ses distances avec l’univers iranien. Elle reste un lien entre la Mésopotamie et le plateau iranien, lien commercial comme culturel. La ville aurait pu connaître dans un premier temps une phase de repli autour de l'Acropole, puis s'étendre ensuite. La Ville Royale et le Donjon commencent à être peuplés à la fin de la période. Bien que cette époque ait livré peu de monuments, on peut affirmer sans doutes que l'influence mésopotamienne devait toujours y être très importante, et que la ville devait être très ressemblante à celles de Sumer. Un monument important de la cité pour cette époque est la « haute terrasse », édifice dont un seul côté a été dégagé. Il s'agit probablement d'un édifice avec un étage unique. Dans le domaine de l'artisanat, le style de la céramique devient plus minimaliste, mais l'art de la statuaire se développe. De manière générale, le style artistique devient plus abstrait. La métallurgie connaît aussi une progression importante (maîtrise notamment de technique de la cire perdue).

On retrouve à Suse les mêmes phénomènes qu’à Uruk : essor des bulles et des calculi, substitution du sceau-cylindre au cachet circulaire traditionnel, apparition des premières tablettes à la fin de la période, vers 3100 av. J.-C., et parfois de signes pictographiques, importance accrue du métal. La comptabilité connaît ainsi une extension sans précédent, signe d’une gestion sans cesse plus complexe des domaines agricoles et d’un accroissement des échanges.

Période proto-élamite (Suse III)

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Le recul de l'influence urukienne en Susiane se fait au profit de nouveaux arrivants, les porteurs de la civilisation proto-élamite, venus des hauts plateaux situés à l'est, autour d'un centre qui émerge à cette période, Anshan. Cette période préfigue la situation qui a lieu aux périodes historiques quand Suse est politiquement rattachée à l'ensemble élamite, tout en gardant de forts traits culturels mésopotamiens.

La Susiane connaît sans doute une crise au début de cette période, avec un dépeuplement. Mais elle se relève. La ville de Suse connaît un renouveau, et s'étend vers l'est.

On a retrouvé au cours des fouilles plusieurs tablettes écrites en proto-élamite, écriture spécifique à cette période qui ne ressemble pas à celle de Mésopotamie, et n'a pas pu être traduite.

Cette période a vu le développement d'un artisanat assez avancé, avec notamment de remarquables armes en bronze. La tradition des poteries des périodes précédentes fut cependant abandonné. Dans l'art, l'animal remplace l'homme comme sujet principal des représentations.

Du point de vue commercial, la ville conserva son statut de relais entre la Mésopotamie et l'Iran, et profita même de l'intensification des échanges dans cette région.

 

Suse et l'Élam : généralités

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À l'origine, Suse n'est pas une ville élamite. La Susiane est une région plus proche de la Mésopotamie du sud. Sa population est majoritairement akkadienne. Les dieux vénérés à Suse, en plus de divinités tutélaires dont la plus importante est le dieu de la cité, Inshushinak (littéralement « le Seigneur de Suse »), étaient originaires du panthéon mésopotamien. Cependant, du fait de sa situation géographique, Suse s'est retrouvée tiraillée entre deux influences, la Mésopotamie et l'Élam.

Il semble que la première phase de domination élamite date de la période proto-élamite (c.3100-2800). La première mention historique de Suse date de l'époque du royaume d'Akkad, dans lequel elle est incorporée depuis le règne de Sargon (2334-2279). C'est le souverain d'Awan, Puzur-Inshushinak, qui fait rentrer la cité dans la mouvance élamite après l'effondrement du royaume d'Akkad. Mais les Mésopotamiens reviennent ensuite au début du XXIè siècle, en la personne de Shulgi, souverain d'Ur. Quand Kindattu, le roi de Simashki, abat le royaume d'Ur en 2004, Suse retourne dans la domination élamite.

Elle y restera définitivement malgré quelques assauts Mésopotamiens, mais qui n'établissent pas de domination durable sur la région. Quand les Élamites dominent Suse, ils en font une de leurs capitales. Mais, il semble qu'en dehors des dignitaires élamites, la population de la ville reste majoritairement akkadienne. Les Élamites ont au moins tenté une fois d'implanter leur culture en Susiane, sous le règne d'Untash-Napirisha (1345-1305), qui construit à Dur-Untash (Chogha Zanbil), près de Suse, un centre cultuel destiné essentiellement au culte de divinités élamites en plus d'Inshushinak. Cela entama un lent processus d'élamitisation de la Susiane, poursuivi par les Shutrukides, qui s'installent à Suse.

La Susiane ne devient réellement élamite qu'au début du Ier millénaire, lorsque les Élamites sont repoussés vers l'ouest par la progression des peuples iraniens (surtout les Perses). Suse est alors la capitale de l'Élam, qui correspond à la Susiane.

La période paléo-élamite

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Le IIIe millénaire

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Dominée politiquement par les souverains d'Awan, tiraillée entre les puissances élamites, et la Mésopotamie qui a toujours exercé sur elle une forte influence, Suse sous la période de 2700 à 2340 (Suse IV) a une importance politique assez faible. Sa situation de lien entre l'Élam et la Mésopotamie lui permet de se développer grâce au commerce, mais la lutte d'influence entre ces deux ensembles provoque une instabilité politique en Susiane durant cette période. Cependant, la ville reste riche, et abrite toujours de remarquables artistes et artisans, qui ont produits de nombreux objets et œuvres d'arts à cette époque. On trouve ainsi des exemples d'une céramique polychrome et monochrome dite du "IIe style", qui se retrouve aussi au Lorestan. Sur l'Acropole, un grand temple, qui à l'époque historique est consacré à la déesse susienne, est bâti. Des tombes riches ont été retrouvées pour cette période au Donjon.

 
Statue de lion-gardien, règne de Puzur-Inshushinak, calcaire

Suse retrouve une importance politique sous l'impulsion de Puzur-Inshushinak vers la fin du XXIIIe siècle, après avoir été dominée par les souverains de l'Empire d'Akkad, qui avaient fait de cette ville le chef-lieu de leur province la plus orientale. Le souverain, animé par un esprit nationaliste, va même patronner un art élamite (qui va notamment produire une statuaire remarquable), ainsi qu'une nouvelle écriture dans la ville qui est alors un véritable centre culturel. Cependant, dès la fin du règne de Puzur-Inshushinak, Suse va retourner dans l'ombre puis retomber sous la coupe des Mésopotamiens de la Troisième Dynastie d'Ur menés par le roi Shulgi et ses successeurs. Le conquérant construit deux temples, un dédié à Inshushinak, l'autre à Ninhursag, et peut-être même une ziggurat sur l'Acropole. Il semble que Suse ait été pillée vers la fin de la Dynastie d'Ur III, sans doute par le dernier roi de celle-ci, Ibbi-Sîn. Peu de temps après, l'intervention du roi Kindattu de Simashki faisait tomber le royaume d'Ur et retourner Suse dans l'orbite élamite.

Suse sous les Sukkalmah

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Sous la dynastie suivante, celle des Sukkalmah (ou Dynastie d'Eparti), Suse est le lieu de résidence du Sukkal (« le Régent »), le successeur du trône d'Élam. La ville connaît à partir du XVIIIe siècle un développement notable.

De grandes et riches maisons sont construites dans le quartier nord de la Ville royale, signe de l'enrichissement des notables de la cité. Elles remplacent des maisons plus modestes construites aux périodes précédentes. Ces grandes demeures sont habitées par de grands personnages : Rabibi, chambellan du roi Kutir-Nahhunte, et Temti-wartash et Attar-uktush, deux grands propriétaires terriens. Ces maisons avaient une grande cour portée par quatre pilastres qui ouvrait sur une grande cour autour de laquelle s'organisait l'édifice. Des écoles et des bibliothèques ont aussi été identifiées à proximité de ces résidences. La période des Sukkalmah a aussi livré un corpus d'environ 450 documents administratifs et juridiques découverts au début du XXe siècle, qui n'ont pas fait l'objet d'études récentes. Ils sont écrits en akkadien. Leurs sujets sont divers : on trouve des actes de mariage, de divorce, d'héritage, d'adoption, de vente, de prêt, de remboursement, des donations, des décisions de justice sur des litiges. Les décisions de justice sont placées sous les auspices des dieux Inshushinak ou Shamash (le dieu de la Justice en Mésopotamie), ou bien sous l'égide du souverain. On a noté dans ces textes que les femmes avaient une place notable : elles peuvent témoigner, être désignées comme héritières principales devant leurs frères. La justice a aussi assez souvent recours à la pratique de l'ordalie dans une rivière.

Les pratiques funéraires de Suse à la période des Sukkalmah sont bien connues. Les morts étaient souvent enterrés sous les résidences, dans des caveaux voûtés. On note aussi une particularité qui semble d'origine élamite, qui consiste à enterrer des têtes de terre peintes avec les morts, sans doute une effigie les représentant. Ce phénomène peut toutefois être rattaché à des pratiques funéraires assez similaires dans le Kermān au IIIe millénaire (notamment à Shahdad).

Le quartier d'habitation au nord de la Ville Royale a été abandonné vers le XVe siècle.

La période médio-élamite

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La période médio-élamite constitue l'apogée de l'Élam. Après la dynastie des Kidunuides (XVe siècle), c'est celle des Igehalkides qui prend le relais (XIVe-XIIIe siècles). Anshan reste la ville privilégiée par le pouvoir royal, et d'autres villes importantes mais éphémères apparaissent en Susiane : Kabnak (Haft-Tappeh) et Dur-Untash (Chogha Zanbil). Mais Suse n'est pas délaissée pour autant, et reste prospère.

 
Homme-taureau protégeant un palmier. Panneau de briques moulées, terre cuite, période shutrukide. Trouvé sur le tell de l'Apadana, emplacement de l'ancien temple d'Inshushinak

Sous la Dynastie des Shutrukides (XIIe siècle), l'Élam atteint son apogée politique sous les règnes de Shutruk-Nahhunte (1185-1155) et de son fils Shilhak-Inshushinak (1150-1120). Ces souverains sont aussi d'ardents bâtisseurs. Shilhak-Inshushinak, à la suite de son frère Kutir-Nahhunte III, est le plus actif : il restaure tous les quartiers sacrés de Suse, dont les tempples d'Inshushinak et de Ninhursag bâtis par Shulgi, ainsi que la ziggurat et le bosquet sacré, et il l'entoure d'une muraille. Les temples étaient décorés par des façades en briques émaillées, qui ont été retrouvées sur le tell de l'Apadana où ils avaient servi à l'époque achéménide pour faire les murs d'une canalisation. C'est aussi à cette époque que de nombreuses œuvres mésopotamiennes, telles que la célèbre stèle du Code d'Hammurabi et la Stèle de la victoire de Naram-Sin d'Akkad sont amenées à Suse. Une partie d'entre elles fut alors entreposée à côté du temple d'Inshushinak. Des tombes, sans doute royales, ont été découvertes à proximité. Les corps avaient probablement été incinérés. Divers objets y ont été découverts : bijoux, statuettes, cachets anciens, etc.

Cette période faste fut de courte durée, car Hutelutush-Inshushinak, fils de Shilhak-Inshushinak, est vaincu par le roi babylonien Nabuchodonosor Ier, et Suse est pillée à cette occasion. Elle s'enfonce alors avec l'Élam dans une période obscure de près de quatre siècles.

La religion de Suse à l'époque élamite

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Suse présente une religion originale, fortement influencée par le monde mésopotamien (Sumériens et Akkadiens). L'influence élamite se fait néanmoins sentir dès l'époque paléo-élamite, même si elle ne devient prégnante que durant la période médio-élamite.

Le panthéon de Suse est dominée par la figure d'Inshushinak, littéralement « le Seigneur (IN) de Suse (ŠUŠINA(K)) » en sumérien. Il est présenté comme celui qui pourvoit la royauté au souverain dominant Suse, et de nombreux souverains portent un nom théophore composé à partir de ce dieu. Son temple principal, situé dans le quartier sacré de la ville, a été bâti par le roi Shulgi d'Ur au début du XXIe siècle, puis il a été restauré par les principaux souverains qui occupèrent la ville par la suite (Kindattu, Puzur-Inshushinak, Shilhak-Inshushinak). À côté de ce temple se trouvait une ziggurat dédiée elle aussi à ce dieu, qui n'a pas été retrouvée car elle a sans doute été détruite. Inshushinak est également une divinité liée au monde des morts. Il est chargé du jugement des âmes des défunts, tâche dans laquelle il est assisté par deux autres divinités, Ishme-karab (divinité au nom akkadien) et Lakamar (divinité au nom élamite parfois rapprochée de Nergal, le dieu mésopotamien des Enfers). Les parèdres d'Inshushinak varient selon la période.

 
Poissons-chèvres, détail d'un bassin cultuel : personnification de l'abîme des eaux douces, domaine du dieu Ea. Calcaire, période médio-elamite.

Les autres divinités identifiées dans les monuments ou les textes à Suse sont pour une grande partie d'origine mésopotamienne. On trouve ainsi Shamash, Inanna/Ishtar, Ninhursag (qui dispose d'un temple important), Enki/Ea, etc. Le culte des divinités varie selon les périodes. Ainsi, durant la dynastie des Sukkalmah, le temple d'Inshushinak est aussi un lieu de culte pour Ea et Enzag (une divinité originaire de Dilmun, l'actuel Bahreïn). Durant la période médio-élamite, les divinités d'origine élamite font leur entrée à Suse, sous le patronage des rois des dynasties Igehalkides et Shutrukides. Auparavant, seule la déesse Narundi disposait d'un temple à Suse. À cette période, des temples sont construits pour les dieux élamites à proximité de Suse, à Dur-Untash (Chogha Zanbil), par le roi Untash-Napirisha. À Suse même des temples dédiés aux divinités élamites sont bâtis. À l'époque élamite, de nombreuses divinités d'Élam ont un lieu de culte à Suse. Dans les inscriptions assyriennes commémorant la prise de la ville en 648, sont mentionnés des temples dédiés à Inshushinak, Shimut, Lakamar, Pinikir, Hutran.

Le quartier sacré (élamite kizzum) de Suse était situé sur le tell de l'Acropole. S'il est assez mal connu par l'archéologie, il est en revanche bien connu par les textes de l'époque Shutrukide (XIIe siècle). Ce quartier était dominé par la ziggurat d'Inshushinak, sur laquelle se trouvait un temple haut (kukunnum). En contrebas se trouvait le temple bas (haštu). Le complexe dédié à Inshushinak se trouvait dans un bosquet sacré (husa), une particularité élamite. Une porte monumentale se trouvait à l'entrée. D'autres temples entouraient cet édifice, mais il en existait aussi en dehors du quartier sacré.

La période néo-élamite

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Suse ne redevient prospère que vers la fin du VIIIe siècle. La puissance élamite est alors à nouveau importante, mais elle doit faire face à l'expansion assyrienne. On voit pour cette période l'apparition de nouveaux objets originaux (essentiellement de la poterie et de la vaisselle décorées), qui peuvent toutefois être rapprochés du matériel exhumé pour la période précédente. La poterie et la vaisselle vont ensuite évoluer pour s'apparenter à ce que l'on fait en Babylonie et en Assyrie à la même époque. Le roi Shutruk-Nahhunte II construit un temple carré sur le tell de l'Acropole. Les grands temples d'Inshushinak et de Ninhursag sont sans doute restaurés. En ce qui concerne les pratiques funéraires, une tombe collective voûtée a été retrouvée dans la Ville Royale.

 
Destruction de Suse par Assurbanipal en 648 av. J.-C.

Avec l'installation des Perses dans la région d'Anshan à cette période, Suse devient la capitale de l'Élam, siège de la royauté. Cette ville est donc au cœur des conflits opposant Élamites et Assyriens, qui durent pendant toute la première moitié du VIIè siècle. Lors de l'ultime bataille, qui voit la défaite du roi Humban-haltash III contre Assurbanipal en 648, Suse est ravagée par les Assyriens. Dans son récit du sac de Suse, le souverain assyrien évoque la terrible punition infligée à la capitale de ses plus farouches adversaires : pillage des lieux sacrés, destruction des principaux monuments, ravage de la campagne alentour.

La ville se relève de ce sac peu après, et une faible dynastie élamite va encore régner à partir de 625. Un de ses rois, Shutur-Nahhunte, a laissé son nom sur des briques émaillées constituant un relief, retrouvées sur le tell de l'Acropole.

Époque achéménide

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Lancier, détail de la frise des archers du palais de Darius, vers 510 av. J.-C.

Vers 540, le roi Perse Cyrus II s'empare sans difficultés de la Susiane. La ville tombe alors sous la coupe des Achéménides. Ceci entraîne un grand changement dans le matériel archéologique retrouvé, puisque la tradition ancienne se retrouve remplacée par celle des conquérants. Sous Cyrus II et Cambyse, Suse n'est que la capitale de la satrapie d'Élam. Mais Darius Ier (521-485) en fera une de ses capitales (avec Persépolis et Sardes), et la ville put alors connaître sa période la plus prestigieuse. Elle fut réaménagée, et de nouveaux monuments furent érigés, recouvrant les ruines élamites.

La palais de Darius Ie

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Statue acéphale de Darius Ie, faite en Égypte et ramenée à Suse par Xerxès Ie

Le monument principal de la période achéménide est le palais de Darius Ie. Le roi l'a fait bâtir durant les premières années de son règne. Le palais fut érigé sur une terrasse artificielle de 12 hectares, divisée en trois parties.

La première de ces parties est la grande porte. Il s'agit du seul point d'accès vers le palais. Il est relié avec la Ville Royale (vers l'est) par une rampe de briques crues. La Porte en elle-même est un vaste bâtiment de 40 mètres de longueur sur 28 de large, où on a retrouvé une grande statue de Darius Ie, venue d'Égypte, une des deux statues colossales gardant l'entrée. Par la porte on accédait à la Maison du Roi, en traversant une esplanade. Vers l'ouest, on accède à une série de cours intérieures, et de salles plus petites, dont la chambre du Roi et les appartements de sa famille. Juste à côté se trouvaient aussi des magasins.

 
Chapiteau d'une colonne de l'Apadana du palais de Darius

Au nord, on accédait à l'Apadana. Il s'agit de la salle du réception du roi. Cet ensemble de 12 000 mètres carrés était un salle hypostyle, soutenue par 36 colonnes. Les côtés ouest, nord et est de l'Apadana permettaient d'accéder à trois portiques. La partie nord de la terrasse n'a livré aucun vestige. Il se peut qu'il y ait eu des jardins. Le palais s'inspire de ceux de la période néo-babylonienne en ce qui concerne l'organisation des salles dans la Maison du Roi, avec sa succession de cours intérieures alignées, et le plan des salles. Mais il présente aussi des originalités, comme les salles carrées soutenues par quatre colonnes qui seront reprises ensuite à Persépolis. Du point de vue des matériaux, on voit le mélange de la technique mésopotamienne, donc susienne (briques crues et cuites), et de celle des montagnards perses (bois et pierre).

Les autres monuments de la ville perse

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Le propylée, était une construction carrée de 24 mètres ce côté constitué d'un passage axial entouré de petites salles. Il se trouvait dans la Ville royale, près de la rampe d'accès vers la Palais. On peut aussi mentionner la grande porte servant d'accès à la Ville Royale par l'est, donc séparant cette zone de la Ville des Artisans. À l'ouest de Suse, sur la rive occidentale du Chaour, en face du Palais de Darius, Artaxerxès a érigé un palais au début du IVe siècle. Ce bâtiment de 220 mètres de longueur sur 150 de large comprenait une grande salle hypostyle dans le même style que l'Apadana, avec des dimensions plus modestes. Dans l'ensemble, les techniques de construction ont peu évolué durant le siècle séparant la construction des deux édifices.

Époque séleucide

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Conquise par Alexandre le Grand en 323 av. J.-C., elle fait face à de nouvelles destructions et ne retrouve pas son influence sous la royauté séleucide, qui s'écroule à son tour vers 140 av. J.-C.

Époque parthe et sassanide

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terre cuite représentant Bacchus, Suse, Parthe.

Devenue après la chute des Séleucides l'une des deux capitales de l'Empire parthe — avec Ctésiphon, aujourd'hui en Irak — elle sert de refuge aux rois parthes puis aux rois perses sassanides fuyant les attaques romaines, lesquelles détruisent à cinq reprises Ctésiphon entre 116 et 297 ap. J.-C.

En 116, les Romains de Trajan entrent dans Suse, mais, isolés dans cette contrée hostile, ils doivent rebrousser chemin. Cette incursion marque l'extrême extension vers l'Est de l'Empire romain. La ville reste sous l'influence des rois sassanides de 226 à 643, date à laquelle la ville tombe sous la domination islamique, après avoir subi un nouveau saccage total en 639 par les armées musulmanes.

Époque islamique

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Fourchettes retrouvées à Suse, bronze moulé, VIIIe-IXe siècles, musée du Louvre

Sous la domination islamique, la ville continue à avoir une grande importance, comme le prouve la présence dans ses murs d'un hôtel de la monnaie. Au Xe siècle, elle s'étend sur quatre kilomètres carrés, ce qui inclut quatre Tepe : celui de la citadelle, celui de l'apadana, celui de la ville royale et celui de la ville des artisans, où se trouve la première mosquée élevée à Suse. La ville regroupe aussi bien des musulmans que des juifs ou des chrétiens. Selon le rabbin Benjamin de Tudèle, quatorze synagogues y existent encore au XIIe siècle, et un pèlerinage chrétien, autour de la tombe du prophète Daniel, s'y déroule.

Plusieurs productions de luxe sont réalisées à Suse, notamment des tissus (soieries, feutre, coton) et du sucre de canne, qui est exporté vers l'Iran, l'Irak et le Yémen. On y a d'ailleurs retrouvé des moules servant à réaliser des pains de sucre. Suse constitue également un site de première importance pour l'étude de la céramique des débuts de l'Islam .

La ville connaît un déclin rapide après les invasions mongoles du XIIIe siècle, mais reste néanmoins toujours active jusqu'au milieu du XVe siècle.

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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Généralités

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  • « Suse, dernières découvertes », Dossiers Histoire et Archéologie n°138, Faton, mai 1989
  • P. Amiet, Suse : 6000 ans d'histoire, Réunion des musées nationaux, Paris, 1988
  • P. O. Harper, J. Aruz et F. Tallon (dir.), La Cité royale de Suse. Trésors du Proche-Orient ancien au Louvre (catalogue de l'exposition), Réunion des musées nationaux, Paris, 1994

Publications des découvertes

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  • Mémoires de la Délégation en Perse (MDP) : vol. 1-13 jusqu'en 1913
  • Mémoires de la Délégation Archéologique en Susiane : vol. 14, 1913
  • Mémoires de la Mission Archéologique en Perse : vol. 15
  • Mémoires de la Mission Archéologique de Perse (MMAP) : vol. 16-28, 1921-1939
  • Mémoires de la Mission Archéologique en Iran (MMAI) : vol. 29-37, 1943-1965
  • Mémoires de la Délégation Archéologique en Iran (MDAI) : vol. 38-53, 1966-1987
  • Cahiers de la Délégation Archéologique Française en Iran (DAFI) : 15 vol., 1971-1987

Période protohistorique

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  • P. Amiet, L'âge des échanges inter-iraniens, 3500-1700 av. J.-C., Réunion des musées nationaux, Paris, 1986

Période élamite

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  • (en) F. Vallat, « Susa and Susiana in Second-Millenium Iran », in J.M.Sasson, Civilizations of the Ancient Near East, Scribner, 1995, p. 1020-1033

Période islamique

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  • Sophie Makariou (dir.), Suse, terres cuites islamiques, Snoeck, 2005.

{Commons|Susa|Suse}

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