Utilisateur:P.gencey/Style reconstruction
Le Style reconstruction a été défini lors de la reconstitution de l'Appartement témoin Perret au Havre[1]. Il est l'expression d'un courant artistique issu du Mouvement moderne qui s'est épanoui immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Puisant ses sources dans les expérimentation des années 1930, à la croisée du style Arts & Crafts et du style International, il s'associe à la mise en place concrète d'une production industrielle dans l'architecture et dans l'ameublement. Il se définit comme un « style » en étant remarquable par sa cohérence dans une période de temps donné, comme l'indique Patrick Favardin[2] :
« De 1945 à 1955, la décoration française présente une dominante stylistique d'un indéniable cohérence formelle, qui fait pendant aux créations scandinaves de la même époque, par son utilisation systématique de matériaux traditionnels comme le bois, la paille ou le cuir, et sa recherche de lignes simples, agréables et fonctionnelles, dans une tradition européenne aussi bien vernaculaire qu'historique. Cette alternative au modernisme machiniste était déjà perceptible dès les années 1930 [...] »
S'épanouissant parallèlement au Style 1940, il disparait assez brutalement dans la seconde moitié des années 1950, lors de l'avènement d'un « style 1950 »[3] qui est relié aux principes du design et de la consommation de masse [4].
Histoire
modifierUn Mouvement moderne scandinave
modifierLe style Reconstruction marque un passage déterminant dans l'histoire des arts entre les productions artisanales aux formes mécanisantes de l'Art déco (ou du modernisme) qui dominent pendant l'Entre-deux-guerres et les objets industriels aux formes plus souples de l'organic design qui vont s'imposer dans le « néomodernisme »[5] après la Seconde Guerre mondiale. Le représentant le plus connu est le 'style scandinave qui s'affirme dans l'Exposition de Stockholm en 1930. S'inscrivant dans l'histoire du design et de l'architecture au milieu du XXe siècle, ces style obligent à complexifier l'opposition habituellement admise entre Art déco et Mouvement moderne). Edward Lucie-Smith[6] identifie dans cette période cinq tendances principales :
- 1) Art déco de luxe, fabriqué artisanalement, avec une variante conservatrice néoclassique et une opposition cubiste,
- 2) Art déco industriel surnommé « moderniste » car il simplifie le premier jusqu'au kitsch, pour le produire en grande quantité,
- 3) Style international fondé sur le fonctionnalisme et le purisme (style « sans style » de Marcel Breuer) ;
- 4) Arts and Crafts tolérant régionalisme, classicisme, design organique (modernisme « invisible » d'Alvar Aalto) :
- 5) Styles « historiques » populaires, s'identifiant à l'histoire comme le « tudorbethan » (Angleterre) ou le « Henri-II » (France).
Extension européenne
modifierOutre le formalisme dogmatique qu'impose le principe même d'une nommenclature, il faut admettre qu'à l'intérieur de ces bornes, seule la persistance du courant Arts and Crafts (4) reste ignorée par les historiens d'arts, hors d'Angleterre ou de Suède ; et encore, même dans ces pays on les délimite très lourdement. Le mouvement est ainsi défini par Edward Lucie-Smith :
« Une persistance des idées du mouvement Arts and Crafts quelque peu assouplies et accessibles au compromis, perceptible en Grande-Bretagne et en Scandinavie, où l'on assista dans les années 1930 au développement du style parfois appelé le Moderne suédois. »
Tendance Arts and Crafts qui (re)traverse toute l'Europe au milieu du XXe siècle - marquée par un début bien identifiable, avec l'Exposition de Stockholm de 1930[7], et par une apogée oubliée, pendant la Reconstruction après la Seconde Guerre mondiale.
- En Scandinavie, ce courant est bien connu comme « modernisme scandinave » qui devient design scandinave dans les années 1950.
- En Belgique, le style Reconstruction a été présenté dans une exposition récente aux Musées royaux d'art et d'histoire[8] comme comme un « mobilier social moderne »[9] formant une articulation entre l'Art déco et le design.
- En Italie, La VIIIe Triennale de Milan met au point un design social validé dans une opération expérimentale de logement, le QT8 (Quartiere Triennale 8) où sont testées les méthodes de préfabrication dans l'architecture et le mobilier.
Principaux représentants
modifier- Pays-Bas : Jaan Penraat, Van den Berg, Hein Salomonson, Groenewoud, Pas-Toe, Dora Mees, Kho-Liang-Ie, Crouwel (Studio Helmers), Coen de Vries (Slentel), Jan Prêt (Metzand), Friso Kramer (Eirkel), Auke Komter
- Suisse : Louis Martignoli, Kurt Haeberli
- Danemark : Arne Jacobsen, Hvidt, Hans Wegner, Kjaer, Christiansen, Larsen, Bender, Madsen, Morgensen, Jansen, Finn Juhl, Kierkegaard, Casse, Worts, Wanscher, Nielsen, Nanna Ditzel.
- Suède : Möbelindustri, Olof Persson, Grunnar Tahlberg, Karl Andersson, Svenska Möbelfabriken, Nordiska Kompaniet, Carl Malmsten, Elias Svedberg
- Finlande : Alvar Aalto
- Belgique : Eric Lemesre, Marcel Baugniet, Ohse, Huysmans, Emile Veranneman, Jacoba, Willy Van der Meeren, Raymond Van Loo, Max Deyaert
- Italie : Gio Ponti, Nico Valeri
- Grande-Bretagne : Gordon Russell
- France : René Gabriel, Marcel Gascoin, René-Jean Caillette, Jacques Hauville, etc.
Description du Style reconstruction en France
modifierContexte et caractéristiques
modifierDans sa volonté de démocratisation et son approche sociale[10], la période de la Reconstruction des villes (1945~1955) apparaît comme atypique dans l’histoire de la décoration française traditionnellement rattachée à l’idée de luxe et d’élitisme. Après 1945, les grands maîtres de l’Art déco sont rejetés, la critique[11] trouve cette débauche de luxe aussi absurde qu’indécente dans un pays touché par la misère. Quelques années après la Libération, les opulents décors cèdent leur place à des modèles prioritaires destinés aux sinistrés. Ces modestes meubles obéissent à une ligne à peu près constate, que l’on qualifie rapidement de « style », dont la revue Arts ménagers donne les principales caractéristiques»[12].
:
« L’exiguïté des pièces de nos appartements ne peut accueillir les meubles monumentaux et solennels […]. Le meuble moderne est avant tout un meuble sobre, aux lignes nettes, aux dimensions réduites, de volume ou de surface entièrement utilisable et d’ailleurs susceptible d’accroissement grâce à un nombre d’ingénieux aménagements. Sans surcharge, sans sculpture, sans incrustation, il est d’entretien facile pour la maîtresse de maison […]. Le bois est le plus souvent du bois naturel : chêne clair ou teinté, parfois cérusé, rarement verni. Il y a une unité de style dans le meuble moderne. Il n’est pas indispensable pour se meubler de faire appel à un seul décorateur. Les mobiliers de série, tout en étant variés dans leur exécution, tout en présentant des originalités qui les différencient, ressortent d’une certaine unité de conception »
les décorateurs
modifierCette idée de meubles simples et modulables est apparue chez Francis Jourdain au début du Vingtième siècle (les meubles interchangeables, 1912-1913) ; par la suite, quelques décorateurs comme René Gabriel, Louis Sognot ou encore Étienne-Henri Martin se penchent sur cette question d’un style combinant qualité et abaissement des coûts par préfabrication d’éléments modulaires. Après la mort prématurée de René Gabriel (1950), Marcel Gascoin devient la tête de file de ces recherches au Salon des arts ménagers, supervisant la section du « Foyer d’aujourd’hui » et la remise du prix René Gabriel - récompense offerte au mobilier de série innovant. Quand les chantiers de la reconstruction aboutissent, des appartements témoins (Appartement témoin (Le Havre)) diffusent les idées et les objets promulgués au Salon des arts ménagers sur l’ensemble du territoire français. En présentant des aménagements-types, Marcel Gascoin et ses proches imposent alors un mobilier paraissant aussi bien adapté aux besoins du foyer moyen que pouvait l’être le reste de l’équipement ménager.
Intérêt contemporain
modifierPourquoi cette amnésie ? Simplement parceque ce modèle industriel soft (économe, artisanal) entre dans les enjeux de la guerre froide et que le modèle industriel hard (consumériste, énergivore[13]) correspondait beaucoup mieux à la l'image américaine de l'expansion et du luxe - avec la maison individuelle, la cuisine gadgetisée, le chic Knoll. Tout au contraire, le mobilier modeste, tout en bois clair, sentait le rouge - même s'il ne l'était pas du tout !
Bibliographie
modifierCharlotte Fiell, Peter Fiell, Design of the 20th Century, Cologne, Tashen, 1999 (ISBN 3-8228-5873-0)
Notes et références
modifier- Elisabeth Chauvin, Appartements témoins de la reconstruction du Havre, éditions Point de vues, 2007
- Patrick Favardin,Les Décorateurs des années 50, Paris, Éditions Norma, 2002, nouvelle édition, 2012: (ISBN 978-2-909283-61-6),p.81
- Patrick Favardin, Le Style 50 : Un moment de l'art français, Paris, éditions Sous le Vent, 1987
- Dominique Forest, Mobi Boom : l'explosion du design en France, 1945—1975, Paris, éd. Les Arts Décoratifs, 2010
- Penny Sparke, 100 ans de design, Octopus, Paris, 2002
- Edward Lucie-Smith, Histoire du mobilier, éd. Thames and Hudson, 1990, p. 169-170)
- Helena Mattsson & Sven-Olov Wallenstein, Swedish Modernism: Architecture, Consumption, and the Welfare State, éd. Black Dog, 2010
- Claire Leblanc, Art nouveau & design: les arts décoratifs de 1830 à l'Expo 58, (Belgique) - Éditions Racine, Bruxelles, 2005, 199 pages
- Claire Leblanc, op.cit, p.177
- Bruno Demonsais, Gravoche, n°12, jeudi 13 novembre 2006, coll. l'Ours, éd. L'Harmattan, p.166
- principalement Michel Dufet dans la revue Meubles et décors
- Arts ménagers, no 34, octobre 1952, p. 68-73
- Jean-Baptiste Fressoz, Christophe Bonneuil, L'événement anthropocène : la Terre, l'histoire et nous, Le Seuil, 2013