Transition démocratique

transition politique d'un pays qui passe d'un régime non-démocratique à un régime démocratique

La transition démocratique est un processus politique caractérisé par passage progressif d'un régime non-démocratique, par exemple une dictature, à une démocratie. La transition peut avoir lieu dans des conditions très différentes. Elle s'étale en général sur plusieurs années et des contextes très différents - le niveau de développement tout comme l'existence antérieure d'un système démocratique sont des facteurs favorisant le succès de cette transition. Ainsi, lorsqu'il s'agit de juntes militaires, celles-ci négocient souvent leur immunité avant de quitter le pouvoir (cf. le Chili sous Pinochet ou la dictature argentine.) Aussi, la transition en question peut parfois prendre de nombreuses années. En Espagne, au moment du vote sur la loi sur la mémoire historique en 2006, il y a encore des rues portant le nom de Franco. En Europe, outre la disparition des régimes socialistes du "bloc soviétique" à partir de l'année 1989, on peut citer la "Transition démocratique espagnole" (1975-82) ou la révolution des œillets au Portugal (1974) . L'Allemagne qui a connu trois transitions démocratiques au XXe siècle (1918-1933, 1945-1949, 1989-1990) est un autre cas particulier[1].

Afrique du Sud

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De Tuynhuis, résidence du chef de gouvernement au Cap (1991).

Les négociations sur le démantèlement de l'apartheid en Afrique du Sud se sont tenues entre 1990 et 1993 au travers d'étapes menées par le gouvernement de Frederik de Klerk.

Elles débutent par une rencontre entre le Congrès national africain et le gouvernement, le , à la résidence présidentielle de Groote Schuur, laquelle donne lieu à la signature de l'« accord de Groote Schuur » (Groote Schuur minute).

Ces négociations, visant à mettre un terme à l'apartheid et à négocier une nouvelle constitution sud-africaine, se tiennent entre le gouvernement de Klerk, le Parti national (NP) au pouvoir et le Congrès national africain (ANC), avec le concours de nombreuses autres organisations politiques parlementaires ou non-parlementaires. Les négociations se déroulent dans le contexte d'une importante violence politique dans le pays. Il existe à cette époque des allégations quant à l'existence d'une force subventionnée par l’État pour déstabiliser le pays.

En 1991, de Klerk crée la Commission Goldstone afin d'enquêter sur ces violences et, si possible, les prévenir. Celle-ci permet notamment la mise au jour de l'existence d'une unité secrète de contre-terrorisme, le Vlakplaas, lié aux services de sécurité de la police sud-africaine, alors dirigé par le colonel Eugene de Kock (arrêté en 1995).

Les négociations ont pour résultat les premières élections multiraciales au suffrage universel de l'histoire de l’Afrique du Sud en 1994, qui sont remportées par le Congrès national africain.

Argentine

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Raul Alfonsín.

Le , des élections furent organisées pour renouveler le président, le vice-président, les gouverneurs de province et les représentants locaux. Le scrutin fut validé par les observateurs internationaux. Raúl Alfonsín (1927-2009), de l'Union civique radicale, remporta l’élection présidentielle avec 52 % des voix. Son mandat de 6 ans débuta le . Il œuvre notamment pour le rétablissement des institutions publiques et des droits et garanties constitutionnels, instituant le la Comisión Nacional sobre la Desaparición de Personas (Commission nationale sur la disparition des personnes, CONADEP) présidée par l'écrivain Ernesto Sábato, tandis que les principaux dirigeants de la junte sont jugés, en 1985, lors du Procès de la junte. Cependant, la « théorie des deux démons » est alors en vogue, mettant sur le même plan violences des groupes révolutionnaires et terrorisme d'État, comme si le second était une réponse au premier alors que les guérillas avaient été démantelées dès avant le coup d'État. L'ex-gouverneur Ricardo Obregon Cano (es) est aussi condamné, lors du Procès de la junte, pour « association illicite » avec les Montoneros, tandis qu'Oscar Bidegain est de nouveau contraint à s'exiler. Certains secteurs de l'armée s'opposent par ailleurs aux procès contre les militaires, suscitant plusieurs soulèvements armés des Carapintadas. À la suite de cette instabilité politique, le gouvernement Alfonsín promulgue des lois amnistiant les crimes commis par les militaires avec la loi du Point final en 1986.

Le retour à la démocratie entraîne de sérieuses améliorations au niveau des relations extérieures. Sous le mandat de Raúl Alfonsín se règle un différend frontalier avec le Chili qui écarte un risque de conflit, qui avait failli provoquer une guerre en 1978 (conflit du Beagle). Les deux pays signent le un traité de paix et d'amitié. C'est ensuite avec son rival régional le Brésil que l'Argentine se réconcilie le , date de la déclaration de Foz do Iguaçu. Cette déclaration est la première pierre de ce qui va devenir le Mercosur.

Au niveau économique, la situation du pays, tout au long de son mandat, est extrêmement difficile. Les prix sont en hyperinflation constante, atteignant déjà des records mondiaux en 1983[2]. Durant l'année 1984, l'inflation annuelle s'établit à 625 %, alors que l'augmentation moyenne des salaires n'est que 35 %. À l'approche de la fin du mandat présidentiel en , l'inflation mensuelle est 78 %, accompagnée d'une hausse vertigineuse du taux de pauvreté, passant de 25 % en mai à 47 % en octobre.

Sur ce fond d'emballement économique, Raúl Alfonsín annonce une élection présidentielle anticipée, qui a lieu le , et voit la défaite de l'Union civique radicale et l'élection de Carlos Menem (parti justicialiste).
 
Cérémonie de passation de pouvoirs entre le général Augusto Pinochet (à droite) et Patricio Aylwin (à gauche) le au parlement réuni à Valparaiso.
La transition chilienne vers la démocratie (familièrement dénommée au Chili par Transición, « Transition ») a commencé à la fin du régime militaire d'Augusto Pinochet. Il n'existe pas de consensus concernant les dates précises de la période de la transition : pour certains, elle commence à la légalisation des partis politiques lors du référendum chilien de 1988 et se termine en 1994[3]. Pour d'autres, elle commence en 1990, alors que les élections ont déjà amené au pouvoir un nouveau gouvernement et se termine en 2005, 2006 voire plus tard en 2010 avec la première alternance de l'ère démocratique et le retour de la droite au pouvoir[4].

Espagne

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Drapeau de l'Espagne (1977-1981)
La transition démocratique espagnole (en espagnol : Transición democrática española) est le processus ayant permis la sortie du franquisme et la mise en place d'un régime démocratique en Espagne. On peut considérer qu'elle s'étend de la mort du général Franco, en 1975, jusqu'à la première alternance politique, en 1982, avec l'arrivée au pouvoir du Parti socialiste ouvrier espagnol de Felipe González.
Le Metapolítefsi (en grec moderne : Μεταπολίτευση, pouvant se traduire en « changement de régime ») est la transition démocratique qui, en Grèce, permit de passer de la dictature des Colonels (1967-1974) à la démocratie actuelle, la Troisième République, à la suite de la tenue d'élections législatives en 1974.
 
Le premier ministre tibétain Lobsang Sangay avec le 14e dalaï-lama à Boston en 2012.

La démocratisation tibétaine est un processus qui s'est développé en Inde après l'exil en 1959 d'une communauté tibétaine ayant suivi le 14e dalaï-lama. Née sous son impulsion, elle n'est pas le résultat d’un mouvement populaire, à la différence d'autres nations.

Ayant été intronisé chef temporel et spirituel du Tibet le peu après l'intervention de l'armée populaire de libération chinoise à l'est du Tibet, le dalaï-lama hérita d'un gouvernement théocratique. Il nomma un comité de réformes en 1952 afin de moderniser le fonctionnement et les institutions du Tibet[5]. S'il put mettre en place un certain nombre de réformes quand il était encore au pouvoir, d'autres furent contrecarrées par l'arrivée des communistes à Lhassa[6]. Il confirma sa volonté de modifier le système politique tibétain dans ses discours et ses actions en exil, et s'impliqua fortement dans la démocratisation du gouvernement tibétain en exil[7].

Le dalaï-lama a œuvré pour que les Tibétains s'émancipent, en leur apportant une éducation à la démocratie à l'aide du Centre tibétain pour les droits de l'homme et la démocratie et en quittant le devant de la scène politique[8]. Il renonce à sa fonction de chef du gouvernement tibétain en exil en 2011, laissant place au premier ministre tibétain Lobsang Sangay et se concentre sur sa fonction spirituelle[9]. Il conserve cependant une influence politique[9] et envisage de se retirer définitivement de la vie politique quand un accord sur le Tibet sera conclu avec la Chine[10].

Selon le Groupe interparlementaire d'amitié - France-Tibet du Sénat, la politique des Tibétains en exil préfigure un Tibet démocratique, « un véritable ferment démocratique pour une Chine qui s'ouvre au monde et aspire à rejoindre la communauté des nations »[11].

Tunisie

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Moncef Marzouki, président de la République, Mustapha Ben Jaafar, président de l'Assemblée constituante, et Ali Larayedh, chef du gouvernement, le , promulguant la nouvelle Constitution adoptée la veille.

La transition démocratique en Tunisie est une période de l'histoire de la Tunisie contemporaine qui se déroule après la révolution consécutive à la fuite du président Zine el-Abidine Ben Ali, le . Elle débute le , date de l'investiture du président par intérim Fouad Mebazaa.

Cette période d'instabilité voit l'élection d'une seconde assemblée constituante après celle de 1956 ainsi que l'adoption en 2014, sous la présidence provisoire de Moncef Marzouki, d'une nouvelle Constitution en remplacement de la Constitution de 1959. Elle est marquée par les assassinats de Lotfi Nagdh, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, la montée du terrorisme et finalement par les premières élections législatives et présidentielle démocratiques du pays. Les premières élections municipales depuis la révolution ont eu lieu en mai 2018.

Uruguay

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Azucena Berruti, avocate socialiste qui entama une grève de la faim en 1983. Ici, le , en tant que ministre de la Défense du gouvernement Vázquez.

Gregorio Álvarez Armelino prend le pouvoir le et a lentement repris le dialogue avec les partis politiques, organisant une transition démocratique tout en continuant à réprimer les mouvements sociaux (la dernière disparition forcée datant de 1984).

Des élections internes furent organisées en 1982 dans les partis autorisés (colorado, blanco et Union civique), et remportées par les secteurs de l'opposition à la dictature. Les syndicats clandestins se sont réorganisés, formant la PIT, puis, le , les principales forces politiques du pays (colorados et blancos) ainsi que le Front large et l'Union civique organisèrent l'Acte de l'Obélisque (es), manifestation rassemblant 400 000 personnes à Montevideo et des milliers en province, en vue de réclamer l'organisation d'élections libres. Les mobilisations en faveur des droits de l'homme grandissaient, avec la participation active du SERPAJ, auquel appartenait l'avocate socialiste Azucena Berruti. Contre l'avis du Parti colorado, dont son chef Julio María Sanguinetti, la confédération syndicale PIT organisa, avec le SERPAJ, la fédération de coopératives Fucvam (Federacíon Uruguay de Cooperativas de Viviendas por Ayuda Mutua) et le syndicat étudiant de l'Asceep (Asociación Social y Cultural de Estudiantes de la Enseñanza Pública) une grève générale le pour réclamer le retour de la démocratie, ce qui mena à une tentative du régime de dissoudre la PIT par décret[12].

Après des négociations secrètes entre les partis autorisés et les militaires, le pacte du Club Naval (es) du ouvrit la voie aux élections de novembre 1984 (es), remportées par le candidat colorado, Julio María Sanguinetti, élu avec un peu plus de 31 % des voix, contre 29 % pour Alberto Zumarán (es) (blanco) et 21 % pour Juan José Crottogini (es) (Front large). Le président du Front large, Líber Seregni, ainsi que le blanco Wilson Ferreira (es) n'avaient pas eu le droit de se présenter. L'autre candidat colorado, Pacheco Areco, eut moins d'un quart des voix au sein du Parti colorado, contre plus de 75 % pour María Sanguinetti (voir ley de lemas). Sanguinetti avait assuré aux militaires que même les plus hauts responsables ne seraient pas poursuivis.

Le Conseil de sécurité nationale (es) fut abrogé en avril 1986. Une loi d'amnistie fut votée en décembre 1986, et confirmée lors d'un référendum pour son abrogation, d'abord en 1989 puis lors des élections générales de 2009. Celle-ci subordonne toute poursuite judiciaire à l'autorisation de l'exécutif.

L'armée est restée influente sur la scène politique jusqu'aux années 2000, et certains secteurs (Arsenio Bargo, les généraux Manuel Fernández, Núñez, Luis Abraham et Yamandú Sequeira) continuent à revendiquer la dictature voire la mémoire du général fascisant Mario Oscar Aguerrondo, fondateur de la loge clandestine d'extrême-droite des Lieutenants d'Artigas[13].

Notes et références

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  1. François Genton, « Penser les transitions démocratiques en Allemagne après 1945 », ILCEA , 13 | 2010 , [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2010. URL : http://ilcea.revues.org/index876.html.
  2. 433,7 % d'inflation annuelle en 1983 selon le New York Times : [1].
  3. Bruno Patino, Pinochet s'en va : la transition démocratique au Chili, 1988-1994, IHEAL, 2000.
  4. Nicolas Prognon Le Chili, une transition vers la démocratie aboutie, ILCEA , 30 novembre 2010
  5. (en) Tsering Tsomo, Parliament in Exile, in Exile as Challenge: The Tibetan Diaspora, eds Dagmar Bernstorff et Hubertus von Welck, Orient Blackswan, 2003, (ISBN 8125025553), p. 151. : « he had taken initiatives to create a more democratic society through the appointment of a Reforms Committee »
  6. Terre des dieux, malheur des hommes : Sauver le Tibet entretiens de Gilles van Grasdorff avec le dalaï-lama, traduction du tibétain Oan Vovan, Jean-Claude Lattès, 1995, (ISBN 2709615010), p. 36
  7. Bentz 2010, p. 91-92
  8. Bentz 2010, p. 166-167
  9. a et b Audrey Garric, Le dalaï-lama renonce à son rôle politique mais pas à son influence, Le Monde, 10 mars 2011
  10. Pierre-Antoine Donnet, op. cit., p. 269
  11. Groupe d'information internationale sur le Tibet, Le Tibet en exil : à l'école de la démocratie, Rapport du Groupe d'information internationale sur le Tibet, n° 67 (2005-2006) - 14 juin 2006, site du Sénat.
  12. Gustavo González, « A 26 años del 18 de enero de 1984 », La República, 14 janvier 2010.
  13. « Reivindican al general Aguerrondo y el asalto militar al poder en 1973 », La Republica, 13 septembre 2007.

Articles connexes

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Autre lecture

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  • Julien Cleyet-Marel, Le développement du système politique tibétain en exil, préface Richard Ghevontian, Fondation Varenne, 2013, (ISBN 2916606726 et 9782916606729), p. 316-317.