Tololoche

instrument régional du Nord du Mexique en forme de contrebasse qui sert à accompagner les mélodies.

Le tololoche est un instrument de la famille des contrebasses qui est principalement utilisé dans la musique traditionnelle du Mexique et dans la musique régionale mexicaine moderne. Il possède, en général, quatre cordes, se joue sans archet et se pince avec les doigts ou en utilisant la technique du « pizzicato ».

Tololoche
Image illustrative de l’article Tololoche

Classification Instrument à cordes
Famille Instrument à cordes pincées
Instruments voisins Contrebasse

Étymologie

modifier

Le mérite de la première tentative d'établir une étymologie du mot « tololoche » revient au philologue Cecilio Agustín Robelo (es), dans son Diccionario de Aztequismos (litt. dictionnaire des aztèquismes), dans lequel il définit le tololoche de la manière suivante « Nom que les Indiens ont donné à l'instrument de musique nommé contrabasse quand ils virent ses formes rondes, et qu'elle ressemblait à une sphéroÎde irrégulier. »[note 1], le faisant dériver des mots, en langue Nahuatl, « Tololo Tic », qu'il interprétait comme « rond ou sphérique »[1].

L'explication de Robelo a du mal à s'imposer, car dès cette époque, les botanistes utilisent le mot « tololonchi » pour désigner les fruits, de forme sphérique, de diverses espèces de Passiflora bryonioides (en), une variété de Passiflore, qui poussent dans les États mexicains de Sonora, Chihuahua, Sinaloa et Guanajuato, et aux États-Unis dans l'État d'Arizona[2].

Le mot « tololoche » pose toujours problème aux historiens et aux étudiants de l'histoire de la musique mexicaine. Il trouve son origine dans la nomenclature des instruments du vice-royaume de Nouvelle-Espagne, qui, encore qu'elle a été dérivée de la terminologie espagnole des XVIe et XVIIe siècles, fait souvent référence aux instruments de musique d'une manière différente des habitudes européennes de la même époque[3].

Origines et usage

modifier

Dès le milieu du XVIIIe siècle, on voit apparaître dans les représentations picturales et sculptées des cérémonies religieuses, et des fêtes publiques ou privées, un cordophone de grande taille, doté de trois cordes frottées, que les archives du chapitre de la Cathédrale métropolitaine de Mexico décrivent comme une contrebasse (en espagnol : « contrabajo [4] » ou « contrabaxo » [5]), parce qu'accordée à l'octave basse de la basse vocale[note 3]. Dès la même époque, on voit apparaître dans les archives des chapitres cathédraux de Morelia et d'Oaxaca de Juárez le terme « tololoche », et dans les archives du chapitre de la cathédrale de Durango le terme « toroloche »[6]. Vers la fin du siècle, les termes « tololoche » et « contrabajo » sont interchageables un peu partout, encore que personne n'a jamais établi une cartographie exhaustive de l'usage de ces mots[7]. Il est difficile néanmoins de savoir si le tololoche était une variante locale de l'instrument européen, si le nom s'appliquait à des contrebasses fabriquées au Mexique ou si c'était simplement le nom populaire de la contrebasse au Mexique[8].

Le tololoche des origines était une invention du musicien yucatèque Juan Tolvaños-Ferráez, qui a fabriqué, vers 1863, un violoncelle-guitare à quatre cordes dont le manche était divisé par sept frettes, et dont on pinçait les cordes. Cet instrument était en quelque sorte un hybride entre le violoncelle et le guitarrón, plus petit que le tololoche actuel [9]. Les autres musiciens, pour s'en moquer, ont alors appelé, par dérision, cet instrument « tolo loch », de : tolo (taureau [10],[note 4]) et loch (embrasser), qui est devenu avec le temps « tololoche »[11],[note 5].

Dans la période contemporaine, toute contrebasse utilisée dans la musique régionale mexicaine tend à être appelée « tololoche ». Dans certaines parties des États de Jalisco et de Michoacán, enfin, le guitarrón des mariachis est incorrectement appelé tololoche.

Chansons célèbres dédiées à l'instrument

modifier

« Dijo: ¡chispas, qué grandote violinsote,
de seguro algún gigante lo tocó!,
sin saber que había encontrado el tololoche
que marcaba todo ritmo a la canción.

Il dit, ça étincelle, quel grand violon,
Un géant certainement en a joué !
Sans savoir qu'il avait trouvé le tololoche
Qui donnait tout son rythme à la chanson. »

— Chava Flores[13].

Autres usage du nom

modifier

Aéronautique

modifier

Le « Tololoche » était le surnom donné au « Quetzalcoatl », un avion, nomenclaturé « 3-E-130 », conçu par l'ingénieur Ángel Lascurain y Osio (es) et produit par la société Talleres Nacionales de Construcciones Aeronáuticas (es) qui effectue son premier vol le . Cet avion, équipé d'un moteur Le Rhône, produit en France, volait à une vitesse moyenne de 133 km/h et pouvait monter jusqu'à 10 000 m d'altitude[14].

En 1924, pendant la répression la rébellion conduite par Adolfo de la Huerta contre le président Álvaro Obregón et son successeur Plutarco Elías Calles, une bombe explosa à bord d'un « Tololoche » et tue ses occupants. L'accident conduit le général Ralph O'Neill (es) à remettre en cause les qualités techniques de l'appareil. Tous les avions de la série « Tololoche/Quetzalcoatl », sauf un, sont retirés du service, démantelés et leurs moteurs sont remployés sur d'autres appareils[14],[note 6]. En 1927, l'aviateur Emilio Carranza (es), surnommé le « Lindbergh de Mexico », retape, aidé par son fils Sébastien, le dernier « Tololoche/Quetzalcoatl » existant. Le , il effectue avec celui-ci un vol sans escale, d'une durée de onze heures, sur une distance d'un peu moins de 1 800 km, entre Mexico et Ciudad Juárez[14],[note 7].

Notes et références

modifier
  1. « (Tololo Tic: redondo, esférico) Nombre que dieron los indios al instrumento músico llamado « Contrabajo » cuando vieran sus formas redondas, y que era semejante a un esféroide irregular[1]. »
  2. L'orthographe de l'époque a été conservée, aujourd'hui on écrirait : « La voz más profunda, que suena en proporción octava del bajo. »
  3. La voz mas profunda, que suena en proporción octava del baxo[5],[note 2]
  4. C'est le mot espagnol « toro » écrit à la manière des dialectes espagnols du Yucatán car la langue Maya ne possède pas vraiment de son qui pourrait être représenté par la lettre « r ».
  5. Le musicologue mexicain Jesús C. Romero, affirme, dans son « Historia de la música en Yucatán », que le nom original de l'instrument était en langue Maya, « mek’loch » qui signifie « celui que l'on embrasse ».
  6. Ralph O'Neill considérait que la taille de l'appareil était trop grande et que son armature était trop fragile pour qu'il soit un avion de combat efficace[14].
  7. Emilio Carranza avait rééquipé l'avion d'un moteur BMW fabriqué en Allemagne et l'avait rebaptisé « Coahuila »[14].

Références

modifier

Ressources en ligne

modifier

Bibliographie

modifier
  • (es) Francisco Del Hierro, Diccionario de la lengua castellana : en que se explica el verdadero sentido de las voces, su naturaleza y calidad, con las phrases o modos de hablar, los proverbios o refranes, y otras cosas convenientes al uso de la lengua, t. II, Madrid, Real Academia Española, .  .
  • (es) Esteban Terreros y Pando, Diccionario castellano con las voces de ciencias y artes y sus correspondientes en las tres lenguas francesa, latina é italiana : A-D, Madrid, Imprenta de la Viuda de Ibarra, Hijos y Compañia, , 988 p.  .
  • (es) Cecilio Agustin Robelo, Diccionario De Aztequismos, Ó Sea Catálogo De Las Palabras Del Idioma Nahuatl, Azteca Ó Mexicano, Introducidas Al Idioma Castellano Bajo Diversas Formas., Cuernavaca, A compte d'auteur, , 764 p. (lire en ligne).
  • (es) Ricardo Lugo Viñas, « ¿Y dónde quedó el tololoche? : Un instrumento musical que hizo historia », Relatos e historias en Mexico, Editorial Raíces, S.A, no 107,‎ (lire en ligne, consulté le ).  .
  • (es) Citlalli's blog, « "el tololoche", Canción de Chava Flores interpretada por Oscar Chávez », Relatos e historias en Mexico, Editorial Raíces, S.A,‎ (lire en ligne, consulté le ).  .
  • (es) Armando Fuentes Aguirre, « Tololoche », Periódico Vanguardia (Saltillo), Grupo Editorial Coahuila,‎ (lire en ligne, consulté le ).  .
  • (es) Víctor M. Suárez Molina, El español que se habla en Yucatán : apuntamientos filológicos, Mérida, Universidad Autonoma De Yucatan, (1re éd. 1945), 192 p. (ISBN 968-7556-22-6 et 968-7556-22-6, lire en ligne).
  • (en) Walter Zapotoczny Jr, The Aztec Eagles : The Forgotten Allies of the Second World War, Fonthill Media, , 240 p. (ISBN 978-1-78155-747-1, lire en ligne).
  • (es) Manuel Urbina, « Los Ayotli de Hernandez ó Calabazas indigenas : Ayotectli ó planta semejante à la calabaza », Anales del Museo Nacional de México, Ciudad de México, Imprenta del Museo Nacional, t. tomo VII,‎ (lire en ligne).  .
  • (es) Evguenia Roubina, « El tololoche en las artes de México o la virtud de llamar a las cosas por su nombre » [« El tololoche dans les arts du Mexique ou la vertu d'appeler les choses par leur nom »], Cuadernos de Iconografía Musical, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de México, vol. III, no 2,‎ , p. 26 (lire en ligne).  .