Théorème de Frobenius (géométrie différentielle)

théorème de géométrie différentielle

Le théorème de Frobenius donne une condition nécessaire et suffisante d'intégrabilité locale d'un système d'équations aux dérivées partielles du premier ordre dont le membre de droite dépend des variables, des inconnues, mais ne dépend pas de dérivées partielles de ces inconnues : un tel système d'équations aux dérivées partielles est appelé un « système de Pfaff ». Les fonctions du second membre sont supposées seulement de classe , ce qui rend impossible l'application du théorème de Cauchy-Kowalevski, qui suppose ces fonctions analytiques. Le théorème de Frobenius a des liens étroits avec le lemme de Poincaré pour les 1-formes, ce lemme indiquant alors sous quelle condition une 1-forme différentielle est localement exacte. Le théorème de Frobenius conduit à considérer les « variétés intégrales » de la géométrie différentielle et peut s'exprimer dans ce langage. Ces variétés intégrales conduisent à la notion de feuilletage[1]. Le « théorème de Frobenius » a en réalité été établi par Feodor Deahna (en) en 1840, dans un article approfondissant les travaux de Johann Friedrich Pfaff et de Charles Gustave Jacob Jacobi sur les équations aux dérivées partielles du premier ordre (remontant quant à eux à 1815 et 1827 respectivement) et qui est passé inaperçu jusqu'à ce que Ferdinand Georg Frobenius l'exhume en 1875[2]. Le théorème de Chow-Rashevskii (en) et celui de Hector Sussmann, datant de 1938-39 et 1973 respectivement[3],[4], étudient l'existence de variétés intégrales pour des « p-champs » singuliers ; ils sont, comme le théorème de Frobenius, très utilisés pour étudier la commandabilité des systèmes non linéaires[5] (le lien entre cette question de commandabilité et le théorème de Frobenius a en premier lieu été noté par Robert Hermann (en) en 1963).

Théorème de Frobenius : formulation « fonctionnelle »

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Soit U un ouvert de  , V un ouvert de  , et, pour tout k,  , une fonction   de classe   ( ). Considérons le système (F) d'équations aux dérivées partielles, ou « système de Pfaff »

(F) :  

Une variété intégrale de ce système, si elle existe, est une sous-variété de N de  , de classe  , définie par la représentation paramétrique (RP) :

(RP) :  

sur laquelle s'annulent donc les 1-formes différentielles (ou « formes de Pfaff ») linéairement indépendantes

 

Résoudre le système de Pfaff (F) équivaut à déterminer une variété intégrale N de ce système, et (F) admet une solution si, et seulement si une telle variété intégrale existe.

Théorème de Frobenius sous forme fonctionnelle — Les conditions suivantes sont équivalentes : (1) Pour tout point   il existe un voisinage ouvert   de  , un voisinage ouvert   de  , et une unique fonction v de classe  , de S dans T, solution de (F) et telle que  . (2) Les fonctions   vérifient dans   la « condition d'intégrabilité de Frobenius »

 
 

Remarque

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Il existe une généralisation de ce théorème au cas où   et   sont remplacés par des espaces de Banach[6].

Crochets de Lie

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Désormais,   et toutes les variétés différentielles (qu'on appellera simplement variétés) sont de classe  . Soit M une variété de dimension n. On désigne par   la  -algèbre des fonctions indéfiniment dérivables sur la variété M et par   le  -module des champs de vecteurs de classe   sur M. Par définition,   est l'ensemble des sections du fibré tangent  .

  • Soit  . La dérivée de Lie de f suivant le champ de vecteurs X est  , où   est la différentielle de f. L'opérateur   est une dérivation de l'algèbre  .
  • Étant donné  , il existe un élément de  , déterminé de manière unique et noté  , appelé le crochet de Lie de X et de Y, tel que  .
  • Le crochet de Lie est une application  -bilinéaire antisymétrique de   dans  . Soit   une carte de M,   un repère de classe   au-dessus de U et   deux champs de vecteurs de coordonnées   dans ce repère. Les coordonnées   de   dans le repère r sont alors
 .
  • Le crochet de Lie a la « propriété fonctorielle » suivante : soit M, N deux variétés,   un difféomorphisme et   son application linéaire tangente (ou, par abus de langage, sa « différentielle »). Alors, pour tous champs de vecteurs  ,  .
  • Soit   le  -module des p-formes sur M et   la dérivée extérieure. Soit alors   et  . On a la formule de Maurer-Cartan
 .
  • Soit  . Alors
 

On a donc le résultat suivant :

Lemme — Si  , alors quels que soient les champs de vecteurs   appartenant au  -module   engendré par   et  , le crochet de Lie   appartient à  .

Exemple

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Considérons le cas élémentaire où   et voyons comment le théorème de Frobenius dans sa forme fonctionnelle s'exprime dans le formalisme géométrique des crochets de Lie, en se ramenant à la situation où M est un ouvert de  . Posons   avec

 ,
 .

La condition d'intégrabilité de Frobenius s'écrit, avec  ,

 ,

qui équivaut à  . En conséquence, la condition d'intégrabilité de Frobenius entraîne, d'après le lemme ci-dessus, que pour tous champs de vecteurs  ,on a  . Comme on va le voir plus loin, on peut exprimer ceci en disant que le « 2-champ »   est « involutif ».

Redressement des champs de repères

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Le théorème de redressement des champs de repères généralise le théorème de redressement des champs de vecteurs.

Théorème de redressement des champs de repères — Soit M une variété de dimension n,   un point de M et   des champs de vecteurs sur M tels que   sont linéairement indépendants. Les conditions suivantes sont équivalentes : (1) Les crochets de Lie   sont tous nuls  . (2) Il existe une carte   centrée sur   telle que  

(La question étant locale, on peut supposer que   est un ouvert de  . La condition est nécessaire, car la fonctorialité du crochet de Lie implique  . On montre qu'elle est suffisante grâce à la théorie des équations différentielles[7].)

Théorème de Frobenius : formulation géométrique

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Commençons par quelques définitions.

(1) Un p-champ (ou une p-direction, ou une distribution d'éléments de contact de dimension p, ou un sous-fibré de dimension p du fibré tangent  ) de classe   est une application    est un sous-espace de dimension p de l'espace tangent   à M au point x, vérifiant la condition suivante : pour tout  , il existe un voisinage ouvert U de x dans M et des champs de vecteurs   tels que   forment une base de   pour tout   (on écrit alors   et  , cette dernière écriture signifiant que   est le  -module engendré par  ). Dans ce qui suit, « p-champ » signifie « p-champ de classe   ».

(2) Une sous-variété N de M est appelée une variété intégrale du p-champ   si pour tout  , et en désignant par   l'inclusion,   (autrement dit, l'espace tangent   s'identifie au sous-espace  ). Cette variété intégrale est dite maximale si toute variété intégrale qui la contient coïncide avec elle (elle est alors de dimension p[8]). La notion d'intégrabilité est locale et invariante par difféomorphisme.

(3) Le p-champ   est dit complètement intégrable s'il admet une variété intégrale. Il est dit involutif si   pour tous  .

(4) Pour tout  , soit   le polaire de  , c'est-à-dire le sous-espace de l'espace cotangent   orthogonal à  , et   une base de  . L'application  , si elle est de classe   (notion que l'on définit en « dualisant » celle de p-champ de classe  ), est une codistribution, à savoir un  -module, ayant pour base   1-formes (ou formes de Pfaff)  . Ces formes de Pfaff s'annulent sur N, à savoir que pour tout champ de vecteurs  ,  . On dit encore que le système de Pfaff

(P):: 

où les   sont linéairement indépendantes, est associé au p-champ   et définit la variété intégrale N.

(5) Soit   l'espace vectoriel des formes de degré q sur M et   l'algèbre graduée définie par

 .

On désigne par   l'idéal gradué de   constitué par les formes   vérifiant la condition suivante : pour toute q-forme   et tous champs de vecteurs  ,

 .

Enfin, on désigne par   le  -espace vectoriel constitué des  .

Théorème de Frobenius sous forme géométrique — Soit   un p-champ sur une variété M et (P) le système de Pfaff associé. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i)   est complètement intégrable.
(ii)   est involutif.
(iii)  .
(iv) Pour tout  , il existe un voisinage ouvert W de x et des 1-formes   de classe   définies dans W telles que, dans cet ouvert,
 
(v) Pour tout  , il existe un voisinage ouvert W de x et des fonctions     telles que, dans W,
 .

Remarques

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  • L'équivalence (i) ⇔ (ii) de la formulation géométrique du théorème de Frobenius s'étend à la dimension infinie en raisonnant avec des variétés banachiques[9]. En revanche, elle ne s'étend pas au cas des variétés de Fréchet.
  • Dans le cas où  , l'équivalence (iv)   (v) se particularise comme suit : étant donné une 1-forme   et un ouvert W suffisamment petit, il existe dans W une 1-forme   telle que, dans cet ouvert,   si, et seulement s'il existe des fonctions   telles que, dans W,  .
  • Dans le cas analytique, le théorème de Cartan-Kähler (en) est un théorème d'existence d'une variété intégrale pour un système différentiel ; ce théorème est une généralisation du théorème de Frobenius.

Articles connexes

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Notes et références

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  1. Leborgne 1982, Sect. 4.5
  2. Sur l'histoire complexe du théorème de Frobenius et du lemme de Poincaré, voir Samelson 2001.
  3. Chow 1940-1941
  4. Sussmann 1973
  5. Jurdjevic 1997
  6. Dieudonné 1969-1971, vol. 1, Sect. X.9.
  7. Leborgne 1982, p. 240.
  8. Dieudonné 1969-1971, vol. 4, (18.4.2).
  9. Lang 1999, Chap. VI.

Références

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