Suspension de vol du Boeing 737 Max
La suspension de vol du Boeing 737 Max a été décidée entre le 11 et le selon les autorités de certification. Elle fait suite aux écrasements des vols Lion Air 610 le et Ethiopian Airlines 302 le [1]. Ces accidents, les premiers impliquant la nouvelle version des B737 Max, sont survenus peu après le décollage, à moins de cinq mois d'écart et ont causé la mort de 346 personnes[2]. Après avoir réduit de 52 à 42 appareils par mois sa cadence de production, Boeing la suspend en . À ce moment, près de 400 avions neufs doivent déjà attendre dans différents sites dont près de l'usine de Renton, en plus de 389 avions en service mais cloués au sol partout dans le monde.
En novembre 2020, après des modifications aux appareils et de la formation aux pilotes, les autorités américaines puis brésiliennes lèvent la suspension. Le premier vol commercial après cette crise a lieu le au Brésil.
Suspension de vol
modifierPlusieurs pays et compagnies aériennes décident d'interdire de vol tous les 737 Max[3], Cayman Airways le jour même de l'écrasement[4], la Chine, l'Éthiopie, l’Indonésie, Singapour et Royal Air Maroc le lendemain [3],[5].
Le , l’Allemagne, l’Australie, l’Irlande, la France, la Malaisie, l'Oman, le Royaume-Uni, l'Inde et la Suisse[6],[7] prennent la décision d'interdire aux Boeing 737 MAX (8 et 9) tout vol commercial dans leur espace aérien, interdiction étendue à 19 h 0 UTC à l'ensemble de l'espace européen par décision de l'Agence européenne de la sécurité aérienne[8], contraignant tous les avions déjà en vol vers l'Europe à se dérouter.
Le , le Canada, après avoir reçu des données ADS-B via le système de suivi satellitaire d'Aireon (en)[9] prend la même mesure de précaution, « l'analyse de multiples vols de Boeing 737 Max 8 suggérant une corrélation inquiétante entre les deux écrasements[10] ».
Après avoir demandé au constructeur de modifier d'ici le mois d'avril le système de commandes de vol MCAS et initialement réaffirmé la sécurité de l'avion, la FAA prononce à son tour la suspension de tous les vols[11],[9]. Cette décision serait motivée par les données ADS-B reçues par satellite ainsi qu'à la découverte d'une pièce parmi les débris indiquant que l'avion était configuré pour piquer[12].
Le 21 mars, Boeing annonce qu'un signal d'alerte lumineux signalant un dysfonctionnement du système MCAS, jusqu'alors proposé en option payante et dont étaient dépourvus les deux avions écrasés, serait généralisé à tous les 737 Max[13].
Remise en question de la méthode de certification
modifierLe , le département des Transports des États-Unis lance un audit du processus qui a conduit à prononcer en mars 2017 la certification du Boeing 737 Max 8, pour s'assurer que les procédures nécessaires à la Federal Aviation Administration pour assurer la sécurité sont suffisantes[14] ; le Congrès des États-Unis a aussi annoncé une enquête sur ce même processus[15]. Le FBI a également rejoint l'enquête criminelle concernant la certification[16],[17].
Selon une enquête publiée le par The Seattle Times, il y aurait plusieurs problèmes concernant la certification du Boeing 737 Max[18] :
- la FAA a délégué à Boeing la responsabilité de certifier lui-même la conformité de ses produits aux normes de sécurité. D'après The Washington Post, il s'agit d'une pratique appliquée depuis 2009 par la FAA en faveur de Boeing puis de plus de 80 autres avionneurs[19].
Le Boeing 737 Max dont 370 exemplaires sont déjà en service et plus de 4 500 autres en commande, est la dernière évolution de cet avion conçu dans les années 1960. En cela, il a bénéficié d'une certification allégée (dite « droits du grand-père »)[20]. Les pilotes de 737 ne repassent pas de qualification de type, leur transition vers cette nouvelle version peut se réduire à une autoformation d'une heure sur tablette, sans entrainement supplémentaire en simulateur, et ne mentionnait pas l'existence du Maneuvering Characteristics Augmentation System, un système censé prévenir le décrochage et ajouté en raison des caractéristiques aérodynamiques plus délicates de la version Max[2].
Pour Boeing, le MCAS devait être « transparent » pour les pilotes, donc inconnu de la majorité d'entre eux, en plus de ne pas être documenté dans le manuel de vol. Une semaine après le vol de Lion Air, en , Boeing a émis un bulletin (safety warning) décrivant la procédure à suivre pour désactiver le MCAS[21],[22].
La commission des transports du Congrès américain publie un rapport complet en où de nombreux dysfonctionnements, voire des dissimulations et des conflits d'intérêts entre Boeing et la FAA, sont épinglés, tout comme le défaut de conception de cet appareil[23],[24].
Remise en service
modifierLe [25], après plusieurs modifications de l’appareil (dont celle du MCAS, système de prévention du décrochage impliqué dans les deux accidents) et de la formation des pilotes, la FAA lève l'interdiction de vol, suivi par les autorités brésiliennes dont la compagnie brésilienne Gol fait le premier vol le [26] suivie par les compagnies américaines et européennes début 2021.
Conséquences
modifierLe , la Southwest Airlines Pilots Association, syndicat des pilotes de la compagnie aérienne américaine à bas prix Southwest Airlines, porte plainte contre Boeing pour avoir menti, affirmant que Boeing a « délibérément » induit les pilotes en erreur sur la sécurité du 737 Max. Ils réclament 100 millions de dollars au nom des pertes de salaire[27].
La mise en cause de Boeing a conduit aux démissions de Kevin McAllister, président-directeur général de la division Avions Commerciaux (BCA), en , puis à celle de Dennis Muilenburg, celui de Boeing, le 23 décembre. Il est remplacé le par David Calhoun, qui avait déjà été nommé président non exécutif en octobre.
En janvier 2020, le coût de la suspension des vols pour Boeing est estimé à 9,2 milliards de dollars, dont l'indemnisation de ces compagnies aériennes et des sous-traitants ainsi que les indemnités aux familles des victimes[24]. Cette crise fait que Boeing enregistre sa première perte annuelle depuis 1997[28].
Selon une opinion du cabinet Oxford Economics émise en , l'impact sur le PIB des États-Unis serait de 0,5 % en chiffres annualisés[29].
Accord financier pour abandon de poursuites pénales
modifierEn janvier 2021, Boeing annonce avoir signé une entente avec le ministère de la justice américain pour mettre un terme à une poursuite judiciaire où la société est accusée au criminel. Elle verse 2,5 milliards de dollars : 243 millions à titre d'amende, 1,77 milliard pour régler une petite partie des indemnités dues aux compagnies aériennes ayant acquis des 737 MAX, et 500 millions environ pour dédommager les familles endeuillées à la suite des événements de Lion Air et Ethiopian Airlines en 2018 et 2019[30],[31],[32]. Cet arrangement sous forme de « plaider coupable » évite le procès à Boeing, et permet notamment à la compagnie de rester en mesure de répondre à des appels d'offres publics. Cependant, si l'affaire est réglée vis-à-vis du parquet américain, Boeing reste exposé aux poursuites qui pourraient être lancées à titre personnel par les familles des victimes[32].
En mai 2024, le ministère américain de la Justice accuse l'avionneur de ne pas avoir respecté certaines conditions de l'accord qui avait permis à Boeing d'éviter les poursuites en 2021 en reconnaissant une fraude. Selon le ministère, l'avionneur a failli à prévoir, mettre en place et faire respecter un programme qui lui aurait permis d'être en conformité avec les lois américaines. Boeing serait donc finalement passible de poursuites pénales pour les accidents de 2018 et 2019. Pour Catherine Berthet, mère d'une des victimes, il s'agit d'une victoire et elle déclare : « Nous nous battrons pour un procès pour homicide involontaire de la part de Boeing et ses dirigeants. » De son côté, Boeing affirme avoir respecté l'accord de 2021[30],[33].
Notes et références
modifier- LUC OLINGA AVEC VIRGINIE MONTET À WASHINGTON et CHRIS STEIN À ADDIS-ABEBA, « Éthiopie: les boîtes noires montrent des «similarités» avec l'écrasement de Lion Air », La Presse, (lire en ligne, consulté le )
- Leslie Josephs, Christine Wang, « Transportation Department seeks audit of FAA's certification of Boeing 737 Max », sur www.cnbc.com, (consulté le )
- « Crash d'Ethiopian Airlines : les Boeing 737 Max cloués au sol », sur fr.euronews.com, (consulté le ).
- (en) « Cayman Airways suspends use of Boeing 737 Max 8 aircraft », sur caymancompass.com, (consulté le ).
- « Après le crash d’Ethiopian Airlines, la RAM suspend ses vols sur B 737-800 MAX », sur telquel.ma (consulté le ).
- « Écrasement en Éthiopie: plusieurs pays immobilisent les Boeing 737 MAX », sur lapresse.ca, La Presse (consulté le ).
- (en-GB) « Europe and India join Boeing aircraft ban after crash », sur bbc.com, BBC, (consulté le ).
- « Le Boeing 737 MAX interdit de vol en Europe après l'accident en Éthiopie », sur boursorama.com, Boursorama, (consulté le ).
- (en-US) « Aireon space-based ADS-B data helps in driving decision on 737 MAX groundings », sur paxex.aero, (consulté le ).
- (en) « Garneau grounds all Boeing 737 Max 8 airliners in Canada », sur cp24.com, (consulté le ).
- « Les États-Unis vont obliger Boeing à modifier le 737 MAX », sur lapresse.ca, La Presse, (consulté le ).
- (en) « Piece Found at Boeing 737 Crash Site Shows Jet Was Set to Dive », Bloomberg,
- « Le Boeing 737 MAX sera équipé d'un signal lumineux d'alertes de dysfonctionnements », sur 20minutes.fr, 20 Minutes, (consulté le ).
- « Audit of Certification for the Boeing 737 MAX 8 », U.S. Department of Transportation
- « Congress To Investigate FAA Approval Of Boeing 737 Max Aircraft », WBBM-TV, (lire en ligne)
- « FBI joining criminal investigation into certification of Boeing 737 MAX », The Seattle Times, (lire en ligne, consulté le )
- « FBI joins criminal investigation into Boeing 737 MAX certification:... », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
- (en-US) « Flawed analysis, failed oversight: How Boeing, FAA certified the suspect 737 MAX flight control system », sur The Seattle Times, (consulté le )
- (en) Aaron C. Davis, « How the FAA allows jetmakers to ‘self certify’ that planes meet U.S. safety requirements », sur Washington Post (consulté le )
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- (en) « Why Boeing’s emergency directions may have failed to save 737 MAX », The Seattle Times, (lire en ligne, consulté le ).
- Radio-Canada, « Boeing 737 MAX : un manuel muet sur le système mis en cause », sur radio-canada.ca, (consulté le ).
- « Défauts d’ingénierie et manque de supervision : Boeing et le régulateur américain blâmés pour les crashs du 737 MAX », sur Le Monde (consulté le )
- « Le cauchemar continue pour Boeing : le 737 MAX ne revolera pas avant cet été », sur La Tribune (consulté le )
- « « Le Boeing 737 MAX fait son retour dans un secteur aéronautique frappé par la crise la plus grave de son histoire » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Boeing 737 MAX : premier vol commercial depuis vingt mois, au Brésil », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
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- Ouest-France, « La crise du Boeing 737 MAX, un « choc » pour l'économie américaine », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
- Mathieu Simonnet, « Crashs mortels des 737 MAX : la justice américaine envisage de poursuivre Boeing au pénal », sur La Dépêche, (consulté le )
- (en) Dave Michaels, Andrew Tangel et Andy Pastzor, « Boeing Reaches $2.5 Billion Settlement of U.S. Probe Into 737 MAX Crashes », The Wall Street Journal, (lire en ligne)
- « Boeing débourse encore 2,5 milliards de dollars pour le scandale du 737 MAX », sur Les Echos, (consulté le )
- « 737 MAX : Boeing pourrait être poursuivi au pénal pour deux accidents qui ont fait 346 morts », sur Le Figaro avec AFP, (consulté le )