Un supercondensateur est un condensateur de technique particulière permettant d'obtenir une densité de puissance et une densité d'énergie intermédiaires entre les batteries et les condensateurs électrolytiques classiques[1].

Supercondensateur

Composés de plusieurs cellules montées en série-parallèle, ils permettent une tension et un courant de sortie élevés (densité de puissance de l'ordre de plusieurs kW/kg) et stockent une quantité d'énergie intermédiaire entre les deux modes de stockage cités ci-dessus (densité d'énergie de l'ordre de quelque Wh/kg), et peuvent la restituer plus rapidement qu'une batterie. Ils sont donc souvent utilisés comme élément de stockage d’appoint d'énergie, en complément à des batteries ou à une pile à combustible[2]. Ils présentent notamment l'intérêt d'être efficaces par très faible température[2].

Un supercondensateur est principalement constitué de collecteurs de courant (généralement en aluminium), d'électrodes (une anode et une cathode) généralement en charbon actif imprégnées d'un électrolyte organique ou aqueux, et d'un séparateur qui isole les deux électrodes l'une de l'autre[2].

Principe de fonctionnement

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Majoritairement les supercondensateurs commercialisés sont réalisés selon le procédé double couche électrochimique, d'où le sigle anglo-saxon EDLC (electrochemical double layer capacitor)[3].

 
Condensateur électrolytique double couche.

Le supercondensateur est constitué de deux électrodes poreuses, généralement en charbon actif et imprégnées d'électrolyte, qui sont séparées par une membrane isolante et poreuse (pour assurer la conduction ionique). La couche double électrique se développe sur chaque interface électrode-électrolyte, de sorte que l'on peut voir schématiquement un supercondensateur comme l'association de deux condensateurs en série, l'un à l'électrode positive et l'autre à l'électrode négative. La mobilité des anions, beaucoup moins hydratés, est plus grande que celles des cations. Ils se déplacent plus facilement dans la structure du charbon actif et forment une couche d'épaisseur plus faible, de sorte que l'on observe une valeur de capacité d'anode supérieure à celle de cathode. En raison des lois d'association des condensateurs, la capacité de l'ensemble en série est toujours inférieure à la plus faible de ces deux capacités. C'est aussi pour cette raison que le supercondensateur est polarisé, chaque électrode étant optimisée soit pour des anions, soit pour des cations.

On sait que la capacité d'un condensateur est essentiellement déterminée par la géométrie des armatures (surface spécifique S et distance e) et de la nature du ou des isolants (le diélectrique). La formule suivante est souvent utilisée pour en estimer la valeur :

 

Ici, les molécules de solvant organique jouent le rôle de diélectrique (de permittivité ε). Cela correspond à une faible épaisseur e d'isolant (inférieure au nanomètre), ce qui entraîne une capacité par unité de surface élevée : de 0,1 à 0,3 F/m.

D'autre part, grâce à l'usage d'un dépôt de charbon actif sur un film en aluminium qui présente des surfaces spécifiques S typiques de 2 000 à 3 000 m2 par gramme, la surface de contact entre électrode et électrolyte est très importante, ce qui permet d'obtenir des valeurs de capacité très élevées.

En 2024, il a été montré que pour des dépôts de carbone nanoporeux ce n'était pas tant la taille des pores qui jouait un rôle déterminant dans l'amélioration des performances capacitives des supercondensateurs mais le désordre structurel dans les électrodes[4].

La tenue en tension est limitée par la décomposition du solvant organique. Elle est actuellement de l'ordre de 2,7 V.

Densité de puissance, densité d'énergie

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Supercondensateur de 1,5F.

La tension maximale par élément est actuellement d'environ 2,7 V[note 1]. Ce type de condensateur est polarisé. La résistance interne est très faible ce qui autorise une charge ou une décharge avec de forts courants ; en conséquence, le temps de charge peut être de l'ordre de quelques secondes.

Comparaison des performances (ordres de grandeur)
  Pile à
combustible
Batterie
Supercondensateur Condensateur
électrolytique
Densité de puissance (W/kg) 120 30 - 1000 1 000 - 5 000 100 000
Densité d'énergie (Wh/kg) 150 - 1 500 30 - 300 4 - 6 0,1

Concernant les densités d'énergie, elles sont comprises entre 0,5 et 10 Wh/kg pour les supercondensateurs du commerce. L'université américaine du MIT en a réalisé un atteignant 30 Wh/kg, les firmes japonaises Advanced Capacitor Technologies et JEOL annoncent avoir développé un supercondensateur d'une densité d'énergie de 20 Wh/kg.

Du point de vue du rapport puissance spécifique/énergie spécifique, ils sont comparables aux volants d'inertie[2].

Commercialisation

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Les supercondensateurs sont commercialisés sous différents noms et sous différentes appellations commerciales :

  • supercapacités : société Blue Solutions, filiale du groupe Bolloré ;
  • Ultracapacitors :
    • Ultracaps : société Epcos (ex Siemens-Matsushita) qui a annoncé l'arrêt de cette gamme de produit,
    • Goldcaps : société Panasonic, qui a arrêté sa gamme en
    • Boostcap : société Maxwell Technologies,
    • DL Caps : société Nippon Chemi-Con.
    • EESU : société EEStor (en).
    • NAWA Technologies, société française créée en 2013 sur la base des travaux du CEA et des universités de Cergy et de Tours sur les supercondensateurs, a mis au point des batteries (dont elle prépare en 2017 l'industrialisation) utilisant des électrodes en nanotubes de carbone permettant un rechargement 1 000 fois plus rapide qu'avec une batterie classique ; ces batteries peuvent supporter plus d'un million de cycles de charge, soit une durée de vie de près de vingt ans[5]. En janvier 2022, Nawa Technologies lève 18,3 millions  pour construire une usine de production dans la périphérie d'Aix-en-Provence. Elle projette la production de quelques millions d'unités d'ici à 2023-2024, puis plusieurs dizaines de millions en 2025 pour un chiffre d'affaires qui pourrait alors atteindre la barre des 100 millions. Sa cible principale est l'équipement des véhicules hybrides, électriques et à pile à combustible[6].

Applications

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Automobile

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Les supercondensateurs peuvent être utilisés comme tampon d'énergie entre le variateur de vitesse et les batteries dans une voiture électrique, ce qui peut aussi allonger la durée de vie de la batterie[7], mais aussi tous les cas de stockage d'énergie électrique avec des conditions climatiques extrêmes (par exemple : démarreur de locomotives, contrôle d'orientation des pales des éoliennes).

Les supercondensateurs sont de plus en plus utilisés pour récupérer l'énergie du freinage (système KERS). Certaines voitures les utilisent pour alimenter leur système Stop & Start permettant un redémarrage automatique du moteur afin d'économiser du carburant.

Dans les courses automobiles d'endurance, le Japonais Toyota utilise des supercondensateurs depuis 2012 pour récupérer de l'énergie lors des freinages. Une fois le supercondensateur chargé, le pilote peut booster sa voiture grâce à la puissance du supercondensateur qui va alimenter le moteur électrique de la voiture hybride[8]. Dans le cadre d'une production en petite série, en , Lamborghini a présenté le modèle Sián, dérivé de l'Aventador. Il est équipé, en plus du classique moteur thermique V12 de 785 chevaux, d'un petit moteur électrique de 34 chevaux. Ce moteur propulse la voiture à faible vitesse et assure la propulsion en marche arrière, exclusivement électrique. Il n'est pas alimenté par des batteries lithium-ion mais par un supercondensateur alimenté par l'énergie cinétique récupérée lors des freinages. Trois fois plus léger qu'une batterie lithium-ion, le supercondensateur peut se recharger et se décharger plus rapidement. Le supplément de poids de l'ensemble supercondensateur-moteur est de 34 kg. Seules les reprises de vitesse sont améliorées. Le coût qui a beaucoup diminué ces dernières années reste élevé mais le modèle ne sera construit qu'à soixante-trois exemplaires, tous déjà vendus malgré un prix de plus de deux millions d'euros hors taxes contre 320 à 420 000 euros pour l'Aventador de série.

Autobus

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Les supercondensateurs sont particulièrement intéressants pour les autobus, lesquels font des arrêts fréquents et peuvent être équipés de gros supercondensateurs pour récupérer l'énergie du freinage. En France en , la Régie autonome des transports parisiens (RATP) a commandé quinze autobus hybrides Diesel/supercondensateur permettant d'économiser jusqu'à 30 % de carburant[9]. En Chine, des autobus 100 % électriques à supercondensateur circulent depuis 2009. Ils se rechargent à chaque arrêt de bus à l'aide d'un pantographe (comme pour un tramway). Trente secondes suffisent pour recharger le bus à 50 % et il faut 80 secondes pour le recharger à 100 %. En , le département des transports publics de Shanghai a décidé de s'équiper de 200 bus électriques dotés à la fois d'une batterie et de supercondensateurs[10].

Vélo électrique

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Depuis 2023, les supercondensateurs sont également utilisés sur les vélos électriques[11]. L'entreprise française STEE basée à Olivet près d'Orléans fabrique le vélo électrique Pi-pop utilisant des supercondensateurs comme unique source d'énergie[12]. Ce modèle est équipé de 18 supercondensateurs d'une capacité de 430 Farads et d'une tension nominale de 3,0 V, montés en série, soit une énergie stockée (capacité de l'accumulateur) de 9,7 Wh (environ 35 kJ). Les supercondensateurs sont rechargés dans les descentes ou lors des phases de décélération par une machine électrique réversible Aikema Electric Drive Systems AKM100SX de puissance nominale de 250 W. La récupération d'énergie fonctionne également lorsqu'on actionne faiblement la poignée de freins, la machine électrique réalisant alors un frein moteur.

L'entreprise française Anod travaille également sur un vélo combinant les supercondensateurs à une petite batterie Lithium-Ion[13].

Coûts et durée de vie

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Avec la production en série, leur coût a rapidement diminué, passant, par exemple pour un condensateur de 2 700 farad, de 270 dollars en 2000 à 27 dollars en 2004 (soit un prix quasiment divisé par dix en quatre ans)[2].

Leur durée d'utilisation (environ dix ans selon les fabricants) est en outre plus élevée que celle des batteries[2],[14].

Recherche

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De nombreuses recherches portent sur ce sujet, dont en France autour du « Réseau français sur le stockage électrochimique de l'Énergie » (RS2E)[15] dont font notamment partie les chercheurs renommés Jean-Marie Tarascon, Patrice Simon ou encore Céline Merlet.

La recherche porte notamment sur :

  • La conception et production de « microsupercondensateur » à électrode à film d'or microporeux[16].
  • De nouveaux matériaux susceptibles d'être utilisés comme électrodes de supercondensateurs (ex : hydroxydes doubles lamellaires au cobalt[17] ;
  • l'augmentation de leur densité d'énergie sans trop diminuer leur densité de puissance élevée, par exemple grâce à une électrode capacitive classique de carbone activé et une électrode faradique ;
  • L'utilisation de structures tridimensionnelles, avec un dispositif test utilisant le diamant comme matériau d'électrode, qui présente dans l'eau une fenêtre de stabilité électrochimique importante d'environ 3 V. Ce test a montré qu'« une architecture de diamant "en aiguilles" permet de multiplier par 10 la capacité surfacique par rapport à une architecture plane »[18],[19];
  • Le développement de filières technologiques ad hoc[20].
  • L'étude de matériaux composites pour améliorer l'adsorption des ions[21]
  • L'innovation du substrat en induisant du graphène poreux par Laser sur du Kapton (Polyimide)[22] ou de la noix de coco[23]
  • Utilisation d'outils numériques pour comprendre les processus d'adsorption à l'échelle atomique[24],[25],[26]

Notes et références

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  1. Record actuellement détenu par Maxwell Technologies.

Références

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  1. Les supercondensateurs font un pas de géant, sur le site cnrs.fr
  2. a b c d e et f Gualous H, Gallay R & Berthon A (2004) Utilisation des supercondensateurs pour le stockage de l'énergie embarquée : applications transport. Revue de l'électricité et de l'électronique, (8), 83-90.
  3. (en) Transfert to conductive substrate, sur le site armee-du-futur.com
  4. (en) Xinyu Liu, Dongxun Lyu, Céline Merlet et Matthew J. A. Leesmith, « Structural disorder determines capacitance in nanoporous carbons », Science, vol. 384, no 6693,‎ , p. 321–325 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, DOI 10.1126/science.adn6242, lire en ligne, consulté le )
  5. Nawa Technologies va industrialiser ses batteries révolutionnaires au carbone, Les Échos, 23 octobre 2017.
  6. Nawa Technologies va équiper les véhicules électriques de ses batteries révolutionnaires, Les Échos, 26 janvier 2022.
  7. Bogdan Vulturescu et Christophe Forgez, « Résultats expérimentaux sur la durée de vie des batteries au plomb associées aux supercondensateurs », Symposium de Génie Électrique 2014, Cachan, France, [lire en ligne] [PDF].
  8. « Supercondensateur pour booster les voitures de course et récupérer l'énergie du freinage », Supercondensateur.com, .
  9. « Bus à supercondensateur : l'autobus hybride arrive à Paris », Supercondensateur.com, .
  10. « Le bus électrique à supercondensateur est adopté en Chine », Supercondensateur.com, .
  11. « Comment les supercondensateurs pourraient révolutionner le vélo urbain » (consulté le )
  12. « https://pi-pop.fr/ » (consulté le )
  13. Léandre Herman-Kasse, « Anod: un vélo électrique avec une batterie trois fois moins lourde », (consulté le )
  14. (en) P. Kreczanik, P. Venet, A. Hijazi et G. Clerc, « Study of Supercapacitor Aging and Lifetime Estimation According to Voltage, Temperature, and RMS Current », IEEE Transactions on Industrial Electronics, IEEE, vol. 61, no 9,‎ , p. 4895–4902 (ISSN 0278-0046, DOI 10.1109/TIE.2013.2293695, présentation en ligne).
  15. Simon, P. (2015, May). Le stockage électrochimique de l’énergie: principes, applications et futurs défis. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 2, pp. 67-72). FFE (résumé)
  16. Pastre, A., Raulin, K., Boé, A., Rolland, N., Cristini, O., & Bernard, R. (2014). Contrôle de la porosité dans des films d'or pour des micro-supercondensateurs. 17e Journées Nationales du Réseau Doctoral en Micro-Nanoélectronique, JNRDM 2014 (pp. 3-pages)
  17. Vialat P (2014) Composition, structure et comportement électrochimique d'Hydroxydes Doubles Lamellaires au cobalt: vers des applications en tant que matériaux d'électrodes ; Thèse de doctorat en ingénierie / matériaux mécanique énergétique environnement procédés production (Grenoble) , soutenue à l'université de Clermont-Ferrand 2).
  18. Dabonot, A. (2014). Nouveaux matériaux pour les supercondensateurs: développement et caractérisation ; thèse de doctorat en ingénierie - matériaux mécanique énergétique environnement procédés production (Grenoble), faite en partenariat avec le Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Grenoble) (laboratoire), Soutenue le 29-09-2014 à Grenoble (résumé)
  19. « New battery tech lasts for days, charges in seconds », sur Engadget (consulté le )
  20. DINH, T. M. (2014). {https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01150481/document Développement de filières technologiques pour la réalisation de micro-supercondensateurs intégrés sur silicium] (Doctoral dissertation, Universite Toulouse III Paul Sabatier)
  21. (en) Adnane Bouzina, René Meng, Cyrille Bazin et Hubert Perrot, « Highly Ordered Graphene Polydopamine Composite Allowing Fast Motion of Cations: Toward a High‐Performance Microsupercapacitor », Advanced Materials Interfaces, vol. 10, no 32,‎ (ISSN 2196-7350 et 2196-7350, DOI 10.1002/admi.202300442, lire en ligne, consulté le )
  22. « Video "Le courant passe - Supercondensateurs au graphène LIG" », Réalisé par un étudiant de L3 à Sorbonne-Université dans le cadre de la série de vulgarisation crée par Emmanuel Maisonhaute "Le courant passe", sur Société Chimique de France (SCF) (consulté le )
  23. (en) Yieu Chyan, Ruquan Ye, Yilun Li et Swatantra Pratap Singh, « Laser-Induced Graphene by Multiple Lasing: Toward Electronics on Cloth, Paper, and Food », ACS Nano, vol. 12, no 3,‎ , p. 2176–2183 (ISSN 1936-0851 et 1936-086X, DOI 10.1021/acsnano.7b08539, lire en ligne, consulté le )
  24. (en) Nicolas Gaudy, Mathieu Salanne et Céline Merlet, « Dynamics and Energetics of Ion Adsorption at the Interface between a Pure Ionic Liquid and Carbon Electrodes », The Journal of Physical Chemistry B, vol. 128, no 20,‎ , p. 5064–5071 (ISSN 1520-6106 et 1520-5207, DOI 10.1021/acs.jpcb.4c01192, lire en ligne, consulté le )
  25. (en) Camille Bacon, Alessandra Serva, Céline Merlet et Patrice Simon, « On the key role of electrolyte–electrode van der Waals interactions in the simulation of ionic liquids-based supercapacitors », Electrochimica Acta, vol. 455,‎ , p. 142380 (DOI 10.1016/j.electacta.2023.142380, lire en ligne, consulté le )
  26. « Molecular Dynamics Simulations of Ionic Liquids Confined Into MXenes », sur scholar.google.com (consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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  • Dabonot, A. (2014). Nouveaux matériaux pour les supercondensateurs: développement et caractérisation ; thèse de doctorat en ingénierie - matériaux mécanique énergétique environnement procédés production (Grenoble), faite en partenariat avec Laboratoire d'Innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Grenoble) (laboratoire), Soutenue le 29-09-2014 à Grenoble (résumé)
  • Gautier, L., Marrony, M., Zahid, M., Moçoteguy, P., Comminges, C., Fu, Q., ... & Larcher, D. (2014). Applications pour piles à combustible, accumulateurs, supercondensateurs. Les nanomatériaux et leurs applications pour l'énergie électrique, 111.
  • Simon, P. (2015, May). Le stockage électrochimique de l’énergie: principes, applications et futurs défis. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 2, pp. 67-72). FFE (résumé).