Le Skírnismál (Dits de Skírnir), ou Skírnisför (Voyage de Skírnir), est un poème de la mythologie nordique contenu dans l'Edda poétique et résumé en prose par l'Edda de Snorri.

"Skírnir et Gerðr", Lorenz Frølich (1895)

Il décrit le voyage de Skirnir, le messager du Vane Freyr, dans le pays des géants afin de conquérir la femme dont son maître s'est épris, et le mariage qui s'ensuit.

Sources

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Le poème eddique est préservé dans le Codex Regius ainsi que dans le manuscrit islandais AM 748 I 4to, et constitue une sorte de Hieros Gamos scandinave[1]. Il compte un court début en prose puis 42 strophes en vers.

Le Skírnisför est également contenu, de manière très abrégée, dans le trente-septième chapitre de la Gylfaginning où le Codex Upsaliensis lui donne le titre de "Freyr épousa Gerdr"[2].

Résumé

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Intro. Alors que Freyr s'est assis sur Hlidskjálf, le siège d'Odin, il a aperçu le monde des géants Jötunheimr, et y a vu la géante Gerdr dont il est tombé amoureux. Njörd, le père de Freyr, demande à l'écuyer de celui-ci, Skírnir, de lui parler.

1-5. Skadi, la femme de Njörd, ordonne à Skírnir de demander à Freyr pourquoi il est triste. Ce dernier répond que dans la halle du géant Gymir, il a vu Gerdr dont il est tombé amoureux :

 
"Le chagrin d'amour de Freyr", W.G. Collingwood (1908)
Freyr qvaþ:
6.
I Gymis ga/rþom
ec sa ganga
mer tiþa mey;
armar lysto,
en af þaþan
alt lopt oc la/gr[3].
Freyr dit :
6.
Dans l'enclos de Gymir
J'ai vu marcher
Une fille après qui je languis ;
Ses bras brillaient
Et faisaient resplendir
Air et mer tout entiers[4].

7-10. Freyr demande à Skírnir de partir chercher la géante, ce pour quoi l'écuyer réclame un cheval, afin de traverser les flammes entourant le Jötunheimr, et son épée "qui combat d'elle-même".

11-13. Skírnir chevauche donc jusqu'à Jötunheimr. L'enclos de Gerdr est gardé par des chiens. Skirnir demande alors à un berger non loin comment passer malgré les chiens, ce à quoi le berger répond que vivant, Skirnir ne passera pas. Skirnir se résout à franchir l'enclos.

14-24. Gerdr se plaint d'un vacarme à sa servante qui lui explique qu'un coursier est arrivé. Gerdr l'invite et lui demande la raison de sa visite. Skirnir lui demande d'épouser Freyr et lui offre successivement pour la convaincre des pommes d'Idunn et l'anneau Draupnir, mais Gerdr refuse. Alors Skírnir la menace de lui trancher la tête, mais elle ne se laisse pas intimider[Note 1].

25-37. Skírnir lance ensuite une longue incantation au cours de laquelle il invoque successivement Freyr, Odinn et Thorr. Il a recours à la rune Þurisaz et à la magie[Note 2]. La géante cède alors. Elle donne rendez-vous à Freyr neuf nuits plus tard à Barri.

40-41. De retour chez lui, Skirnir informe son maître du rendez-vous. À la dernière strophe, Freyr déplore la date si lointaine du rendez-vous :

Freyr qvaþ:
42.
La/ng er nott,
langar ’ro tver,
hve vm þreyiac þriár?
opt mer manaþr
minni þotti,
enn sia half hynótt[3].
Freyr dit :
42.
Longue est une nuit,
Plus longues, deux nuits,
Comment languirai-je trois nuits?
Souvent un mois
M'a paru moins long
Que cette demi-nuit d'ardente veille[5].

Analyse

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Le Skírnismál est un mythe naturaliste évoquant l'union du dieu de la fécondité, Freyr, à la terre, Gerdr. La mort de Freyr du fait de la perte de son épée, symbole phallique, serait alors à interpréter comme l'épuisement du dieu fécond après l'insémination, et donc sa vulnérabilité[6].

En outre, au sujet du lieu où prend place le mariage, la Gylfaginning (37) évoque non Barri mais le mot Barey, sans doute formé sur barr, terme renvoyant au monde végétal, et -ey, l'île[2]. Il s'agirait peut être de Barra (Écosse), Barra Head ou encore Berneray.

Annexes

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  1. Cet épisode d'insultes rituelles entre Gerdr et Skirnir est représentatif, aux côtés par exemple de celui opposant Sinfjötli à Gudmundr dans la Helgakviða Hundingsbana I , de la pratique scandinave des joutes oratoires nommées senna ou mannjafnaðr, au cours desquelles les adversaires comparent leurs vertus, se menacent et se provoquent. Cf. Carol J. Clover, "The Germanic Context of the Unferþ Episode", in Speculum, Vol. 55, No. 3 (Jul., 1980), p. 444-447 .[1]
  2. Notez que Þurisaz vient du vieux haut-allemand duris-es (« (du) géant »

Bibliographie

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Ouvrages

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  • Régis Boyer, L'Edda poétique : textes présentés et traduits par Régis Boyer, Fayard, coll. « L'Espace intérieur »,

Articles

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  • (en) Annelise Talbot, "The Withdrawal of the Fertility God", in Folklore, Vol. 93, No. 1 (1982), p. 31-46. [2]
  • (en) Baul Bibire, "Freyr and Gerðr. The story and its Myths.", in Rudolf Simek et al. Sagnaskemmtun: Studies in Honour of Hermann Palsson., Wien, Köln, Graz, 1986. p. 19–40.
  • (en) Carolyne Larrington, "What Does Woman Want? Mær and munr in Skírnismál", Alvíssmál 1 (1992): 3–16. [3]
  • (de) Heinz Klingenberg, "För Skírnis: Brautwerbungsfahrt eines Werbungshelfers", Alvíssmál 6 (1996): 21–62. [4]
  • (de) Anatoly Liberman, Review of Klaus von See et al., "Skírnismál": Modell eines Edda-Kommentars, Alvíssmál 6 (1996): 114–18. [5]
  • (de) Anne Heinrichs, "Der liebeskranke Freyr, euhemeristisch entmythisiert", Alvíssmál 7 (1997): 3–36. [6]

Références

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  1. Régis Boyer, 1992 - L'Edda poétique, Fayard, p. 125, (ISBN 2-213-02725-0)
  2. a et b Snorri Sturluson, François-Xavier Dillmann, L'Edda : récits de mythologie nordique, Paris, Gallimard, 1991, p. 175.
  3. a et b « Sæmundar Edda by Sophus Bugge - Skírnismál », sur old.no (consulté le ).
  4. BOYER, 1992, p. 127
  5. BOYER, 1992, p. 136
  6. BOYER, 1992, p. 128