Segment (mathématiques)

portion de droite délimitée par deux points
(Redirigé depuis Segment de droite)

En géométrie, un segment de droite (souvent abrégé en « segment ») est une portion de droite délimitée par deux points, appelés extrémités du segment. Un segment reliant deux points et est noté [1] ou [2] et représente la partie de la droite qui se situe « entre » les points et . Intuitivement, un segment correspond à un fil tendu entre deux points, en négligeant l’épaisseur du fil et la déformation due à son poids.

Le segment [AB].

Formalisation dans le cadre de la géométrie affine

modifier

Dans le cadre de la géométrie affine sur le corps des nombres réels, le segment   peut recevoir une définition précise[3] :

Définition — Le segment   est l’ensemble des barycentres à coefficients positifs ou nuls de   et  .

Dans cette définition, on suppose que   et   sont éléments d’un même espace affine (de dimension finie ou infinie, et qui peut être par ailleurs un espace vectoriel) sur le corps   des nombres réels.

Le barycentre ne changeant pas lorsque tous les coefficients sont multipliés par une même constante non nulle, on déduit immédiatement de cette remarque l’énoncé suivant[4] :

Proposition — Le segment   est aussi l’ensemble des barycentres de   muni du poids   et   muni du poids  , lorsque   parcourt  .

Lorsque l’on travaille dans un espace vectoriel, cette remarque fournit une description utile du segment  , à savoir :

 

Si l’espace affine est topologique et séparé (au sens de Hausdorff), alors un segment est compact, comme image du compact   par l’application continue  .

On pourrait inverser les bornes des segments ; ainsi il est tout à fait licite d’écrire par exemple   pour  . Cependant, il y a une ambiguïté dans le cas de   : si les segments   et   sont égaux au sens affine, ils ne le sont pas en tant qu’intervalles puisque   est l’intervalle vide (car  ).

Segments en géométrie euclidienne

modifier

En géométrie euclidienne, le segment est placé dans un espace euclidien   — ce peut être notamment un plan ou l’espace à trois dimensions muni de la distance familière entre points.

Soient   et   points quelconques de  . La longueur du segment   est égale à la distance  .

Le segment   est l’ensemble des points où l’inégalité triangulaire devient une égalité, ce qu’on peut écrire[5] :

Proposition — Dans un espace euclidien  ,  .

Segments en géométrie hyperbolique

modifier

En géométrie hyperbolique, on peut également disposer du concept intuitif de « segment » entre   et   représentant la portion de la droite hyperbolique   située « entre » ces deux points dans le plan hyperbolique (ou dans un espace hyperbolique de n’importe quelle dimension).

En revanche, on ne dispose pas d’une notion similaire aux barycentres pour écrire une définition plus précise. Il existe cependant d'autres voies menant à plusieurs définitions possibles selon qu’on ait choisi de privilégier la structure topologique de l’espace hyperbolique, ou sa structure d’espace métrique, ou le concept de géodésique. En voici une (topologique)[6] :

Définition — Pour   et   deux points d’un espace hyperbolique, le segment   s’obtient en adjoignant   et   à celle des composantes connexes de   qui est relativement compacte dans l’espace hyperbolique.

La caractérisation métrique donnée ci-dessus en géométrie euclidienne est également valide en géométrie hyperbolique[7].

Segments dans le contexte des ensembles ordonnés

modifier

Notion de segment initial

modifier

On peut définir un segment initial, parfois abrégé en segment[8], comme le « début » d’un ensemble ordonné. Cette notion est utile pour traiter des ordinaux ou pour construire le corps des réels et la droite réelle achevée par les coupures de Dedekind, ou plus généralement tout complété (pour la relation d’ordre) d’un ensemble totalement[9] ordonné.

Généralisation dans un corps ordonné quelconque

modifier

En théorie des ordres, on remplace la notion de segment par celle d’intervalle fermé borné dans la définition d’ensemble convexe[10]. Cette définition est cependant incompatible avec un certain nombre de théorèmes « classiques » sur les ensembles convexes : par exemple, la convexité n’implique pas la connexité ( est convexe mais non connexe).

Généralisation dans un espace affine sur un corps ordonné quelconque

modifier

On peut également généraliser la notion de d’espace affine réel à celle d’espace affine sur un corps ordonné quelconque[11]. Dans ce cas, le segment   est encore l’ensemble des barycentres de   et   à coefficients positifs ou nuls.

Cependant, de même que dans un corps ordonné quelconque, des théorèmes classiques de topologie ou de géométrie peuvent ne pas s’appliquer : ainsi un ensemble convexe n’est pas nécessairement connexe (on peut penser à n pour un n quelconque).

Références

modifier
  1. Marc Troyanov, Cours de géométrie, Lausanne/Paris, PPUR, coll. « Polycopiés de l’EPFL », , 358 p. (ISBN 978-2-88074-817-3, lire en ligne), p. 5.
  2. Dany-Jack Mercier, Cours de géométrie : préparation au Capes et à l’agrégation, Publibook, , 498 p. (ISBN 978-2-7483-0556-2, lire en ligne), p. 41.
  3. Claude Delode, dans Géométrie affine et euclidienne, Dunod, 2002, (ISBN 2100046438), p. 7 utilise cette définition.
  4. Claude Delode, op. cit. énonce cette proposition sous la forme d’une autre définition, p. 223.
  5. Cet énoncé est par exemple disponible sur le site Homeomath (pour le plan euclidien familier).
  6. C’est celle choisie par (en) Alan F. Beardon, The Geometry of Discrete Groups, Springer-Verlag, coll. « GTM » (no 91), (1re éd. 1983), 340 p. (ISBN 978-1-4612-1146-4, lire en ligne), p. 135 (elle y est donnée dans le contexte de la géométrie plane).
  7. C’est le théorème 7.3.2 de Beardon 2012, p. 135.
  8. Aviva Szpirglas, Mathématiques L3 Algèbre, Pearson, [détail des éditions] (lire en ligne), chap. 1 (« Ensembles »), p. 9, II.4. Segments.
  9. ou partiellement, mais on préfèrera dans ce cas le complété de Dedekind–MacNeille (en)
  10. M. Eytan, « Convexité dans les ensembles ordonnés », Mathématiques et sciences humaines, t. 30,‎ , p. 35-42 (lire en ligne).
  11. Bernard Le Stum, « Compléments d’algèbre et de géométrie pour l’agrégation », .