Une séquence Alu est un court fragment d'ADN appartenant à la famille des éléments nucléaires dispersés courts ou SINE (short interspersed nuclear element). Elles sont caractérisées par la présence d'un site de restriction de l'endonucléase de restriction AluI (5'-AGCT-3')[1]. Elle provient de la rétrotransposition de l'ARN 7SL (Cet ARN non codant fait normalement partie du complexe appelé particule de reconnaissance du signal, qui intervient lors de la synthèse par le ribosome des protéines membranaires et des protéines excrétées) qui a eu lieu chez l'ancêtre commun des Euarchontoglires. Cette séquence a évolué en séquence Alu chez les primates. Elle est longue d'environ 300 pb et ne comporte aucun gène.

On pense que certaines séquences Alu sont capables de se transposer dans le génome. Elles seraient transcrites en ARN par l'ARN polymérase III avant d'être rétrotransposées ADN, en utilisant la machinerie des éléments LINE-1, d'autres séquences répétées appartenant à la famille des éléments nucléaires dispersés longs[2].

Les séquences Alu sont les répétitions dispersées (ou éléments mobiles) les plus abondants du génome humain (1 090 000 séquences Alu[3]), réparties dans l'ensemble des chromosomes, ce qui représente environ 10 % du génome humain[4]. À titre de comparaison, l'ensemble des SINE (comprenant les séquences Alu, MIR et MIR3) équivaut à 13,14 % du génome humain.

Les séquences Alu peuvent se regrouper en plusieurs catégories, de séquences nucléotidiques légèrement différentes. Les deux principaux groupes sont appelés AluJ et AluS[5]. La première est la plus ancienne dans notre génome et serait apparue il y a environ 65 millions d'années, elle est aujourd'hui largement inactive. La famille AluS est apparue plus récemment, il y a environ 30 millions d'années, et contient encore certaines séquences actives, c'est-à-dire capables de transposition dans notre génome. Un sous-groupe d'AluS, appelé AluY contient en particulier le plus grand nombre de ces éléments actifs[6].

Des insertions de séquences Alu ont été impliquées dans plusieurs maladies humaines héréditaires[7] et dans plusieurs formes de cancer.

L'étude de séquences Alu a joué un rôle important dans l'étude génétique des populations humaines et de l'évolution des primates dont celle d'Homo sapiens. Notamment, la perte de la queue des hominoïdes (qui comprennent les humains et les singes)[8] qui « est l’un des changements anatomiques les plus notables[9],[10] survenus le long de la lignée évolutive menant aux humains et aux « singes anthropomorphes » », déjà signalé par Darwin, en 1871[11]; Selon Bo Xia et ses collègues (2024), ce changement s'est fait il y a environ 25 millions d’années, quand la lignée hominoïde a divergé des anciens singes de l’Ancien Monde. Il ne nous a laissé que 3 à 5 vertèbres caudales qui forment, chez les humains modernes, le coccyx. avec un rôle proposé dans la contribution à la bipédie humaine[12],[13],[14]. Pourtant, le mécanisme génétique qui a facilité l’évolution de la perte de queue externe chez les hominoïdes est resté longtemps inconnu.
On sait maintenant qu'il est due à la présence d'une séquence Alu sur le 6e intron (gène TBXT) TBXT[15],[16],[17], qui a pour effet que l'exon no 6 soit inclus dans une boucle puis excisé lors de la maturation de l'ARN messager (on parle d'épissage génétique, et celui ci est spécifique aux hominoïdes).
Cette présence résulte probablement d'un accident génétique qui se serait produit dans une très petite population (en situation, donc, de « goulet d'étranglement ») il y a environ 25 millions d'années[18],[19]. Chez la souris de laboratoire génétiquement modifiée, le transcrit sauté d’exon suffit à induire un phénotype de souris sans queue[20], avec des anomalies du tube neural évoquant une maladie retrouvée chez environ 1 nouveau-né sur 1 000 chez l’homme[21]. L’évolution qui a conduit à la perte de queue chez les pourrait donc avoir été associée à un coût adaptatif (potentiel accru d’anomalies du tube neural, qui continuerait d’affecter la santé de la population humaine.

Notes et références

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  1. (en) Catherine M. Houck, Frank P. Rinehart et Carl W. Schmid, « A ubiquitous family of repeated DNA sequences in the human genome », Journal of Molecular Biology, vol. 132, no 3,‎ , p. 289-306 (ISSN 0022-2836, e-ISSN 1089-8638, PMID 533893, DOI 10.1016/0022-2836(79)90261-4  , S2CID 10299154, lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) D.A. Kramerov et N.S. Vassetzky, « Short retroposons in eukaryotic génomes », Int. Rev. Cytol., vol. 247,‎ , p. 165–221 (PMID 16344113, DOI 10.1016/S0074-7696(05)47004-7)
  3. (en) Eric S. Lander, Lauren M. Linton, Bruce Birren et Chad Nusbaum, « Initial sequencing and analysis of the human genome », Nature, vol. 409,‎ , p. 860-921 (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/35057062, lire en ligne, consulté le )
  4. Li Zhang, Ju-Gao Chen et Qi Zhao, « Regulatory roles of Alu transcript on gene expression », Experimental Cell Research, vol. 338,‎ , p. 113-118 (ISSN 1090-2422, PMID 26210645, DOI 10.1016/j.yexcr.2015.07.019, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) J. Jurka et T. Smith, « A fundamental division in the Alu family of repeated sequences », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 85,‎ , p. 4775–4778 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 3387438, DOI 10.1073/pnas.85.13.4775, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) E. Andrew Bennett, Heiko Keller, Ryan E. Mills et Steffen Schmidt, « Active Alu retrotransposons in the human genome », Genome Research, vol. 18,‎ , p. 1875–1883 (ISSN 1088-9051 et 1549-5469, PMID 18836035, PMCID 2593586, DOI 10.1101/gr.081737.108, lire en ligne, consulté le )
  7. M. R. Wallace, L. B. Andersen, A. M. Saulino et P. E. Gregory, « A de novo Alu insertion results in neurofibromatosis type 1 », Nature, vol. 353, no 6347,‎ , p. 864–866 (ISSN 0028-0836, PMID 1719426, DOI 10.1038/353864a0, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Miriam K. Konkel et Emily L. Casanova, « A mobile DNA sequence could explain tail loss in humans and apes », Nature, vol. 626, no 8001,‎ , p. 958–959 (DOI 10.1038/d41586-024-00309-z, lire en ligne, consulté le )
  9. Campbell, B (2017). Human Evolution: An Introduction to Man’s Adaptations ; Routledge
  10. R. Shane Tubbs, Jason Malefant, Marios Loukas et W. Jerry Oakes, « Enigmatic human tails: A review of their history, embryology, classification, and clinical manifestations », Clinical Anatomy, vol. 29, no 4,‎ , p. 430–438 (ISSN 0897-3806 et 1098-2353, DOI 10.1002/ca.22712, lire en ligne, consulté le )
  11. Charles Darwin, The descent of man, and selection in relation to sex, J. Murray, (lire en ligne)
  12. GRAHAM C. HICKMAN, « The mammalian tail: a review of functions », Mammal Review, vol. 9, no 4,‎ , p. 143–157 (ISSN 0305-1838 et 1365-2907, DOI 10.1111/j.1365-2907.1979.tb00252.x, lire en ligne, consulté le )
  13. Kevin D. Hunt, « The evolution of human bipedality: ecology and functional morphology », Journal of Human Evolution, vol. 26, no 3,‎ , p. 183–202 (ISSN 0047-2484, DOI 10.1006/jhev.1994.1011, lire en ligne, consulté le )
  14. Scott A. Williams et Gabrielle A. Russo, « Evolution of the hominoid vertebral column: The long and the short of it », Evolutionary Anthropology: Issues, News, and Reviews, vol. 24, no 1,‎ , p. 15–32 (ISSN 1060-1538 et 1520-6505, DOI 10.1002/evan.21437, lire en ligne, consulté le )
  15. Bernhard G. Herrmann, Siegfried Labeit, Annemarie Poustka et Thomas R. King, « Cloning of the T gene required in mesoderm formation in the mouse », Nature, vol. 343, no 6259,‎ , p. 617–622 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/343617a0, lire en ligne, consulté le )
  16. Y H Edwards, W Putt, K M Lekoape et D Stott, « The human homolog T of the mouse T(Brachyury) gene; gene structure, cDNA sequence, and assignment to chromosome 6q27. », Genome Research, vol. 6, no 3,‎ , p. 226–233 (ISSN 1088-9051, DOI 10.1101/gr.6.3.226, lire en ligne, consulté le )
  17. A. Kispert, B. Koschorz et B. G. Herrmann, « The T protein encoded by Brachyury is a tissue-specific transcription factor. », The EMBO Journal, vol. 14, no 19,‎ , p. 4763–4772 (ISSN 0261-4189, DOI 10.1002/j.1460-2075.1995.tb00158.x, lire en ligne, consulté le )
  18. Hervé Le Guyader, « Comment les grands primates ont perdu leur queue », Pour la science, no 560,‎ , p. 92-94 (présentation en ligne, lire en ligne   [PDF], consulté le ).
  19. (en) Bo Xia, Weimin Zhang, Guisheng Zhao, Xinru Zhang, Jiangshan Bai et al., « On the genetic basis of tail-loss evolution in humans and apes », Nature, vol. 626,‎ , p. 1042-1048 (DOI 10.1038/s41586-024-07095-8  ).
  20. (en) « On the genetic basis of tail-loss evolution in humans and apes : Fig. 3: The TBXTΔexon6 isoform is sufficient to induce tail-loss phenotype. », Nature,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. Jonathan J. Wilde, Juliette R. Petersen et Lee Niswander, « Genetic, Epigenetic, and Environmental Contributions to Neural Tube Closure », Annual Review of Genetics, vol. 48, no 1,‎ , p. 583–611 (ISSN 0066-4197 et 1545-2948, DOI 10.1146/annurev-genet-120213-092208, lire en ligne, consulté le )

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