Repose-baguettes

accessoire de table

Un repose-baguettes[1], aussi appelé porte-baguettes[2] ou encore support à baguettes[3], est une vaisselle utilisée pour poser des baguettes durant un repas afin d'éviter qu'elles tombent ou qu'elles entrent en contact avec la table.

Ils sont utilisés en Asie de l'Est, souvent placés devant les plats de sorte que les baguettes soient parallèles à la table et pointées vers la gauche, ou placés à droite des plats pour que les baguettes pointent vers l'avant.

Appellations

modifier

Les repose-baguettes sont appelés en japonais hashioki (箸置き?)[4], ou moindrement hashimakura (箸枕?) et hashiyasume (箸休め?). Hashioki signifie « baguettes » (箸) et « placer » (置き)[5]. Hashimakura signifie quant à lui « oreiller » (枕) à « baguettes » (箸)[6],[7].

En mandarin, ils portent le nom kuaizi zuo (筷子座, pinyin : kuàizǐ zuò), qui signifie « siège » (座) à « baguettes » (筷子)[5]. Un autre nom en mandarin est kuaizi jia (筷子架), soit « support » (架) à « baguettes » (筷子)[8]. Au Vietnam, les repose-baguettes sont appelés gác đũa[9].

En français, ils sont appelés « repose-baguettes »[1], « porte-baguettes »[2], « support à baguettes »[3] ou « pose-baguettes »[10]. Ils sont parfois désignés par leur appellation japonaise « hashioki »[11].

Utilisation et typologie

modifier
 
Agencement de repose-baguettes traditionnel.

Le repose-baguettes est une petite vaisselle qui permet de soulever légèrement l'extrémité pointue des baguettes au-dessus de la table et empêche donc que la table ou la nappe soient salies par les baguettes[12],[13]. Il garde aussi les baguettes propres[12],[13]. Un repose-baguettes prend souvent la forme d'un mince morceau rectangulaire et peut être fait de bois, de céramique, d'émail, de pierre, de métal ou de tissu[12],[4]. La majorité sont cependant faits de bois ou de céramique[12]. Une partie concave au centre ou des bords soulevés sont présents dans la plupart des repose-baguettes pour tenir les baguettes en place[12]. Leur longueur est habituellement de moins de 5 centimètres[13].

Beaucoup de repose-baguettes sont décorés de motifs assortis comme des animaux[12]. Les motifs représentés sur ces repose-baguettes ont souvent un but commémoratif, agissant comme un témoin de la tradition de son pays de fabrication[13]. Ils se vendent souvent par paquet de cinq au Japon, ce chiffre portant chance dans la tradition bouddhiste[14],[7].

Leur usage est répandu en Chine, au Japon, en Corée et au Vietnam[4]. L'usage des repose-baguettes s'est depuis exporté en Europe et en Amérique du Nord avec la popularisation des mets est-asiatiques et de l'utilisation des baguettes[13].

Avant le début d'un repas formel, les baguettes sont placées sur le repose-baguettes[1]. L'extrémité pointue est supportée par le repose-baguettes, tandis que l'extrémité large reste sur la table[4]. Le repose-baguette est placé à gauche de l'utilisateur, en face de son assiette. Les baguettes sont placées parallèles à la table, l'extrémité pointue pointant vers la gauche[4]. Entre quelques bouchées et lorsque l'utilisateur veut prendre la parole ou boire, il doit replacer ses baguettes sur le repose-baguettes[15]. À la fin du repas, les baguettes doivent retourner sur le repose-baguettes[1]. À tout moment où les baguettes ne sont pas en utilisation, elles doivent être placées sur le repose-baguettes[4],[1].

 
Repose-baguettes en origami.

Dans un repas où seulement des baguettes jetables sont à disposition, comme au restaurant, un repose-baguettes peut être confectionné à partir de l'emballage en papier des baguettes jetables[15],[4].

Histoire

modifier
 
Ustensiles dans un repas en Chine, le repose-baguettes est visible à droite.

L'origine des repose-baguettes est incertaine, mais semblerait provenir de la Chine, tout comme les baguettes, elles, apparues vers le Ve siècle av. J.-C.[16]. Des repose-baguettes ont été mis au jour dans des fouilles de sites archéologiques datant du début de l'époque Heian (794-1185) à Kyoto au Japon[16],[17]. Au Japon, l'origine des repose-baguettes semble aussi provenir de la tradition shinto, où les baguettes utilisées pour effectuer des offrandes aux dieux étaient placées sur un support pour ne pas les contaminer[16]. Ces supports étaient souvent faits de matériaux naturels comme le bois[16]. Une illustration dans l'ouvrage de 1612 « Shijō-ke Shichigosan Kazarikata » (四条家七五三飾方) semble montrer des repose-baguettes, mais le repose-baguette dans l'illustration semble plutôt balancer les baguettes, ayant été placé au centre de celles-ci[16],[18]. Ces supports correspondent aux « mimikawarake » (耳かわらけ), des petits plateaux de terre cuite incurvés pour tenir des baguettes utilisés depuis très longtemps au sanctuaire d'Ise notamment[19]. On retrouvait aussi le « batōban » (馬頭盤), un plateau en forme de tête de cheval avec quatre petites pattes, sur lequel on déposait des cuillères et des baguettes lors du don d'offrandes. Le « batōban » est mentionné dans l'Engishiki (延喜式), un ouvrage rédigé en 927, et dans le Chūji Ruiki (厨事類記), rédigé durant l'époque de Kamakura (1185-1333)[20].

 
Repose-baguettes Cercle, triangle et carré, œuvre d'art de Masahiro Mori, 1992.

Selon le japonologue britannique Charles J. Dunn (en), les repose-baguettes étaient utilisés au Japon durant l'époque d'Edo (1603-1868) par les familles plus fortunées[16],[21]. Cela est peut-être dû aux taxes sur les produits d'usage quotidien, forçant certains marchands à se concentrer sur la décoration élaborée de petits objets, tel les repose-baguettes[22],[23]. L'émergence de l'usage des repose-baguettes au Japon se fait seulement au début du XXe siècle selon Elliott McClure (en)[16],[24]. Cela s'explique par plusieurs raisons, dont l'apparition des grands magasins, qui entraîne l'émergence d'une société de consommation[16]. Les repose-baguettes apparaissent alors sur les rayons, souvent avec des motifs traditionnels pour évoquer la culture japonaise[16]. Au tournant du XXe siècle, les habitudes alimentaires des Japonais changent aussi, ceux-ci commençant à manger ensemble réunis à un même lieu, alors qu'auparavant, les membres d'une même famille mangeaient à des heures différentes[16]. L'utilisation des repose-baguettes permet donc des conversations à table[16]. Une dernière raison est un désir des Japonais de retourner à la tradition, surtout après la réouverture du pays à l'Occident en 1854 et l'introduction de traditions occidentales[16]. L'utilisation de repose-baguettes permettaient aux Japonais de continuer d'utiliser des baguettes et de rapporter de motifs traditionnels sur la table[16].

L'utilisation du repose-baguette connaît une popularité à l'international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l'explosion du tourisme. Les repose-baguettes sont devenus des souvenirs faciles à transporter et pas chers[16]. Un autre type de repose-baguette, le « hashimakura », connaît aussi un essor durant cette période. Sa forme permettait de tenir le centre des baguettes et sa composition était dure et rigide[6],[7].

Notes et références

modifier
  1. a b c d et e « Le savoir-vivre à table », フランス語+日本語・英語, JTB Publishing (ja),‎ , pp. 121 (ISBN 9784533074752).
  2. a et b « Les types de porte-baguettes japonais », sur Zenpop, (consulté le ).
  3. a et b Musée et institut d'ethnographie de la ville de Genève, Bulletin annuel, Musée d'ethnographie de Genève, (lire en ligne), pp. 43.
  4. a b c d e f et g Stano 2015, p. 62.
  5. a et b (en) Mimi Dollinger, « What's in a Name? » [« Que signifie un nom ? »], sur Hashiokipedia, (consulté le ).
  6. a et b (en) Mimi Dollinger, « Shapes » [« Formes »], sur Hashiokipedia, (consulté le ).
  7. a b et c McClure 1979, p. 46.
  8. (zh) Tsang Kaichi, 國際禮儀 [« Bienséance internationale »], Wu-Nan Book (zh),‎ , 244 p. (ISBN 9789571142319), pp. 46.
  9. (vi) Băng Sơn (vi), Người Việt từ nhà ra đường [« Les Vietnamiens à la maison et à table »], Nhà xuất bản Thanh niên, , 249 p., pp. 229.
  10. « Un pose-baguettes à utiliser pour des visiteurs inattendus. Un pose-baguettes comme cadeau. », sur Blog Shokunin, (consulté le ).
  11. « Hashioki, l’ustensile incontournable », sur Les Petits papiers de Mélo, (consulté le ).
  12. a b c d e et f Hutton 2020.
  13. a b c d et e (en) Mimi Dollinger, « What are Hashioki? » [« Qu'est-ce qu'un Hashioki ? »], sur Hashiokipedia, (consulté le ).
  14. (en) Mimi Dollinger, « The Power of 5 » [« La force du chiffre « 5 » »], sur Hashiokipedia, (consulté le ).
  15. a et b Petersen 2012, p. 353.
  16. a b c d e f g h i j k l m et n (en) Mimi Dollinger, « Hashioki Origin & Timeline » [« Origine et chronologie du Hashioki »], sur Hashiokipedia, (consulté le ).
  17. (en) Naomichi Ishige (ja), The History and Culture of Japanese Food [« L'Histoire et la culture de la gastronomie japonaise »], Kegan Paul,‎ , pp. 67.
  18. (en) Eric C. Rath, Food and Fantasy in Early Modern Japan [« Gastronomie et fantaisie au Japon des Temps modernes »], University of California Press, , Fig. 5.
  19. (ja) Haruko Katsuda, « 食文化における箸についての一考察 : わが国における箸の変遷 (第3報) (明治時代~昭和時代) » [« Étude sur les baguettes dans la gastronomie : l'évolution des baguettes au Japon (partie 3) (ère Meiji-ère Shōwa »], 研究紀要, 化女子大学研究紀要編集委員会, no 22,‎ , pp. 103-113 (lire en ligne).
  20. (ja) Hachirō Isshiki (ja), 箸の文化史 世界の箸・日本の箸 [« Histoire culturelle des baguettes : les baguettes au Japon et à travers le monde »], Ochanomizu Shobō (ja),‎ (ISBN 4275017315), pp. 41, 78.
  21. (en) Charles J. Dunn, Everyday Life in Traditional Japan [« Vie quotidienne au Japon traditionnel »], Tuttle Publishing, , pp. 136.
  22. (en) Mimi Dollinger, « Making More out of Less », sur Hashiokipedia, (consulté le ).
  23. (en) Reed Darmon, Made in Japan [« Fait au Japon »], Chronicle Books, , pp. 7.
  24. McClure 1979, p. 45.

Annexes

modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

modifier

Bibliographie

modifier
  • (en) Elinor Hutton, The Encyclopedia of Kitchen Tools : Essential Items for the Heart of Your Home, And How to Use Them [« L'Encyclopédie des ustensiles : Articles essentiels pour la maison et comment les utiliser »], Running Press (en), , 288 p. (ISBN 9780762497300).
  • (en) Elliott McClure, « Hashioki : Art of the Chopstick Rest » [« Hashioki : Art du repose-baguette »], Orientations,‎ .
  • (en) Gloria Petersen, The Art of Professional Connections : Dining Strategies for Building and Sustaining Business Relationships [« L'Art des connections professionnelles : Stratégies pour créer et maintenir des relations professionnelles à table »], Wheatmark, , 450 p. (ISBN 9781604947052).
  • (en) Simona Stano, Eating the Other : Translations of the Culinary Code [« Manger l'autre : Traductions du code culinaire »], Cambridge Scholars Publishing (en), , 271 p. (ISBN 9781443881609).