Réutilisation ou recyclage des eaux usées

La réutilisation des eaux usées, ou recyclage, consiste à récupérer les eaux usées après plusieurs traitements destinés à en éliminer les impuretés, afin de stocker et d'employer cette eau à nouveau. Le recyclage remplit donc un double objectif d’économie de la ressource : il permet à la fois d'économiser les ressources en amont en les réutilisant, mais aussi de diminuer le volume des rejets pollués. L'intérêt en est cependant limité quand il n'y a pas de tension quantitative sur la ressource en eau dans le secteur concerné.

Panneau indiquant en français : « Eau recyclée utilisée sur ce site pour conserver nos ressources naturelles ».

En France, on dénomme cette filière de recyclage sous le sigle REUT, pour Réutilisation des Eaux Usées Traitées (en anglais : ReUse)

Procédés

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Les méthodes utilisées pour le recyclage ont d’abord recours aux traitements classiques. Des traitements complémentaires sont ensuite mis en place, en fonction de la qualité de l’eau que l’on souhaite obtenir :

Applications

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La réutilisation de l’eau est essentiellement utilisée pour l’irrigation (70 %), mais aussi essentiellement par des utilisations qui ne nécessitent pas de l’eau potable (usages industriels à environ 20 % et usages domestiques pour environ 10 %)[1].

Le recyclage de l’eau est d’abord pratiqué pour les eaux résiduaires internes des industries : certaines industries recyclent leur eau, qui fonctionne ainsi en circuit fermé. Les entreprises peuvent ainsi viser à réduire leur consommation de 40 % à 90 %[2].

Mais le procédé est aussi utilisé pour les eaux usées municipales secondaires : l’eau récupérée après traitement en station d'épuration reçoit un traitement supplémentaire afin d’être utilisée, essentiellement pour des usages qui ne nécessitent pas une eau potable : irrigation, réalimentation des nappes phréatiques, utilisations industrielles, etc.

Une source de chaleur

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Si les eaux usées peuvent être recyclées et réutilisées pour l'irrigation notamment, et qu'elles tendent également à devenir potables ; des innovations voient le jour en matière de recyclage et de traitement de ces dernières.

Ainsi, les eaux usées des logements deviennent « l'or noir des énergies vertes »[3]. En effet, les eaux usées des cuisine et salle de bain sont récupérées dans le but de chauffer l'eau. Ce système est également utilisé par les collectivités locales, pour les réseaux municipaux et se développe dans les hôtels.

Innovante, une solution a permis la production par méthanisation de gaz naturel liquéfié (GNL), utilisable comme carburant pour les véhicules[4].

Réglementation

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La législation européenne vise à encourager le recyclage. Elle a d’abord été relativement floue : « les eaux usées traitées sont réutilisées lorsque cela se révèle approprié » (Article 12 de la directive ERU 91/271/CEE)[5]. En 2000, la directive cadre 2000/60/CE propose un cadre pour la « gestion durable » des ressources et pose que le recyclage contribue à cette gestion durable[6].

En 2007, l’OMS a émis des recommandations pour favoriser les pratiques de recyclage[7].

En France

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En France, l'utilisation des eaux usées épurées pour l'irrigation est mentionnée par :

  • l'article R211-23 du code de l'environnement[8] : « Les eaux usées peuvent, après épuration, être utilisées à des fins agronomiques ou agricoles, par arrosage ou par irrigation, sous réserve que leurs caractéristiques et leurs modalités d'emploi soient compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de l'environnement » ;
  • l'arrêté du [9] (article 10) : « Dans le cas où le rejet des effluents traités dans les eaux superficielles n'est pas possible, les effluents traités peuvent être soit éliminés par infiltration dans le sol, si le sol est apte à ce mode d'élimination, soit réutilisés pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation des cultures, conformément aux dispositions définies par arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'environnement ».
  • l'arrêté du relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts[10].

Et les avis suivants :

  • recommandations du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) émises en 1991 pour une utilisation après épuration pour l'irrigation des cultures et des espaces verts[11] ;
  • avis afssa 2008 : réutilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage ou l'irrigation, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, [12] (avis relatif à un projet d’arrêté fixant les prescriptions techniques, les modalités de mise en œuvre et de surveillance applicables à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires des collectivités territoriales pour l’arrosage ou l’irrigation de cultures ou d’espaces verts).
  • avis afssa 2010[13] (risques sur les effluents issus des établissements de transformation de sous-produits animaux. L'Anses a publié en 2012 un rapport évaluant les risques liés à l'exposition par voies respiratoire aux eaux usées traitées et donnant des préconisations[14].

Exemples d’utilisations

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L’utilisation du recyclage est de plus en plus étendue. 70 % des eaux d'égout sont recyclées, après traitement partiel : ces eaux permettent d'irriguer environ 20 000 hectares de terres, ce qui revient à plus de 16 % de l'ensemble des besoins en eau. De nombreuses villes du monde ont recours au recyclage :

En 2017, la France ne réutilisait que 0.2 % des eaux usées, loin de la moyenne européenne (2 %) et de l’Espagne (environ 10 %)[16]. On compte ainsi quelques installations à Narbonne[17], Clermont-Ferrand[18], Sainte-Maxime[2], Le Mont-Saint-Michel, Pornic, La Grande-Motteetc.

Perspectives d’évolution

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La demande d’utilisation de la méthode de recyclage des eaux usées est en forte expansion dans le monde, avec des différences selon les pays.

D’ici à 2015, les principaux acteurs du recyclage de l’eau estiment que le volume d’eau recyclée va doubler, passant de 19,4 Mm3/jour recyclées en 2005 à environ 55 Mm3/jour en 2015. La croissance de la demande devrait varier selon les zones géographiques : très forte (de 40 à 60 % de croissance) dans les zones en fort stress hydrique (Espagne, Australie, Italie) ou d’urbanisation intensive (Chine), importante dans les pays industrialisés (environ 25 %).

En France, depuis 2015, le nombre de projets augmente du fait de l'assouplissement du cadre réglementaire et du lancement d'un ambitieux appel à projets de l’Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse qui a abouti en 2016, au financement d’une quarantaine de dossiers. En parallèle, les recherches s’intensifient pour acquérir des connaissances permettant des pratiques optimales de réutilisation et proposer des recommandations pour la modification de la réglementation. Par exemple, dans le cadre de divers projets menés en France[19] et au Maghreb[20], les scientifiques d'INRAE étudient les risques environnementaux et sanitaires de la réutilisation des eaux usées ainsi que les phénomènes de « bouchons » qui se créent dans le matériel d'irrigation (sédimentation, développement de biofilms, dépôts par précipitation des sels minéraux). Une plateforme expérimentale dédiée au suivi des impacts de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) a été créée en 2017 à Murviel-lès-Montpellier (Hérault). Elle a vocation à être pérenniser pour devenir un pole agronomique expérimental de la REUT en France et en Europe[21].

L'acceptabilité sociale des consommateurs, des agriculteurs et des élus vis-à-vis des pratiques de réutilisation des eaux usées traitées est également un sujet d'étude[22],[23].

Notes et références

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  1. « LA REUTILISATION DES EAUX USEES », sur u-picardie.fr (consulté le )
  2. a et b « Informations sur l'eau dans le monde: Le recyclage de l’eau », sur Informations sur l'eau dans le monde, (consulté le )
  3. « Les eaux usées des logements deviennent le nouvel or noir de l'énergie verte en Europe », Les Échos (consulté le ).
  4. « A Valenton, les eaux usées deviennent du carburant », Les Échos, (consulté le ).
  5. Guide de définition ERU : application de la directive 91/271/CEE relative aux eaux résiduaires urbaines sur eaudoc.oieau.fr
  6. La gestion durable en Europe, europa.eu
  7. Directives de l'OMS pour favoriser le recyclage, sur bvsde.paho.org [PDF]
  8. « Article R211-23 - Code de l'environnement », sur Légifrance (consulté le )
  9. « Arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de DBO5 », sur Légifrance (consulté le )
  10. Arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts, Légifrance (lire en ligne)
  11. Recommandations sanitaires relatives à l’utilisation, après épuration, des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation des cultures et des espaces verts Conseil supérieur d'hygiène publique de France, 1991[PDF]
  12. http://www.afssa.fr/Documents/EAUX-Ra-EauxUsees.pdf, sur Agence française de sécurité sanitaire des aliments[PDF]
  13. https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2009sa0288.pdf, sur Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail [PDF]
  14. « Réutilisation des eaux usées traitées : l'Anses complète ses précédents travaux », sur anses.fr, (consulté le ).
  15. Boerema A., « Sydney, une ville ayant choisi d'économiser l'eau », Sciences Eaux & Territoires, no 10,‎ , p. 86-95 (lire en ligne)
  16. « Utiliser les eaux usées, pas l'eau potable : la France s'y met », Les Échos, (consulté le )
  17. Eau recyclée de Narbonne, sante.gouv.fr [PDF]
  18. « Qualité de l'eau et assainissement en France (annexes) », sur Sénat, (consulté le )
  19. « Projet NOWMMA », sur Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, (consulté le )
  20. « MADFORWATER », sur madforwater.eu, 2016-2020 (consulté le )
  21. « Irriguer avec des eaux usées traitées : une plateforme expérimentale », sur Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, (consulté le )
  22. Gaillagot, A., Consommateurs face à des produits issus de l'agriculture irriguée avec des Eaux Usées Traitées : quelles attitudes ? Étude de cas sur Montpellier et dans la Communauté de Communes du Grand Pic Saint Loup, , 76 p. (lire en ligne)
  23. « Irriguer avec des eaux usées traitées : approches et perceptions des français à l’étude », sur Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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  • (en) Water Reuse: Potential for Expanding the Nation's Water Supply Through Reuse of Municipal Wastewater, National Academies Press, (ISBN 978-0-309-25749-7, DOI 10.17226/13303, lire en ligne)
  • (en) Committee on the Beneficial Use of Graywater and Stormwater: An Assessment of Risks, Costs, and Benefits, Water Science and Technology Board, Division on Earth and Life Studies et National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, Using Graywater and Stormwater to Enhance Local Water Supplies: An Assessment of Risks, Costs, and Benefits, National Academies Press, (ISBN 978-0-309-38835-1, DOI 10.17226/21866, lire en ligne)
  • (en) National Research Council, Issues in Potable Reuse : The Viability of Augmenting Drinking Water Supplies with Reclaimed Water, (ISBN 978-0-309-06416-3, DOI 10.17226/6022, lire en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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