Réduit national

Système d'installations de défense militaire dans les Alpes suisses

Le « Réduit national » ou « Réduit » désigne en Suisse le système de fortifications dans les Alpes suisses. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il est devenu l'emblème de la volonté de résistance de la Suisse face au Reich allemand.

Carte du Réduit national (trait rouge plein)

Le Réduit est la partie la plus importante de l'ordre d'opération no 13 (ordre Réduit) du qui ordonne un nouveau dispositif de défense, fondé sur le principe de la dissuasion (stratégie de dissuasion). La défense en profondeur, avec les troupes frontières, notamment sur le Jura et le Rhin, les troupes mobiles dans le Moyen-Pays et la position fortifiée dans les Alpes, complétée par la destruction des importantes voies de communication nord-sud et, pour l'assaillant, la perspective d'un combat prolongé en montagne, doit exercer un effet dissuasif sur l'adversaire.

D'une manière plus générale, la fortification des Alpes fut planifiée dès les années 1930. Ayant connu son apogée durant la Seconde Guerre mondiale, elle tomba en désuétude en raison des changements géopolitiques survenus en Europe (fin de la guerre froide), de la modernisation de l'armement et des réformes dont fut l'objet l'Armée suisse elle-même.

Histoire

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Camouflage en faux rocher de deux canons de 105 mm en coupole du Fort d'artillerie de San Carlo au col du Saint-Gothard en 2005

Ce principe de défense suisse a été théorisé par Alphons Maximilian Pfyffer von Altishofen (en) (1834–1890) au XIXe siècle[1].

En 1933, le gouvernement suisse prend des dispositions pour établir des fortifications dans les montagnes suisses. Les travaux s'effectuent durant toute la décennie suivante.

Le général Henri Guisan se rend compte bien vite, au début de la Seconde Guerre mondiale, que la Suisse ne peut pas résister à une invasion allemande sur le plateau, essentiellement formé de rase campagne. L'armée se voit donc attribuer la tâche de construire dans les Alpes un noyau bien fortifié : le réduit national.

Celui-ci repose notamment sur les fortifications de Saint-Maurice (de) à l'ouest, qui barre la vallée du Rhône, du Saint-Gothard (de) au centre et de Sargans (de) à l'est, qui barre la vallée du Rhin alpin. Ce nouveau principe de la politique militaire est approuvé dès par le Conseil fédéral de la Suisse.

Le de la même année, Henri Guisan convoque les officiers lors du rapport du Grütli pour y exposer sa nouvelle stratégie, tout en voulant redonner confiance à l'armée et à la population dans leur volonté de résistance[2].

Le but de son nouveau plan est de défendre les objectifs stratégiques les plus importants pour l'Allemagne : les axes de communication à travers les Alpes. En cas d'attaque, l'ennemi doit faire face à une longue et épuisante guerre de montagne pour finalement trouver les principaux itinéraires rendus impraticables : les tunnels et les ponts sont minés dans ce but.

Mais le plan a aussi l'inconvénient de laisser le plateau suisse et sa population avec des défenses moindres, d'autant que la majeure partie de l'industrie y est concentrée. Le plan prévoyait également le transfert d'une partie de l'appareillage industriel dans le réduit alpin.

De 1940 jusqu'à la fin de la guerre, l'armée construit 21 000 ouvrages fortifiés[réf. nécessaire]. Cet ensemble de fortification présente la particularité d'être entièrement et astucieusement camouflé : faux rochers, fausses falaises, fausses cabanes ou maisons, fausses granges, etc.[3],[4]

Ordres et zones d'opérations pendant l'occupation Réduit (Ordre d'opération no 13 du )
Unité Commandant Troupe (TO 38) Ordre Zone d'opération
1er corps d'armée (de) Jules Borel 94 000 Défendre le front nord du Réduit, barrer la haute vallée de l'Aar, protéger l'accès au Réduit dans les Préalpes occidentales Rochers de Naye à Hohgant (en)
1re division Léonard Combe 20 000 Défendre le Réduit entre les Rochers de Naye et le Kaiseregg, en priorité les axes qui vont de Bulle au Simmental Rochers de Naye au Kaiseregg
2e division Jules Borel 24 000 Défendre le Réduit entre le Stockhorn et le Kaiseregg Kaiseregg au Stockhorn[Lequel ?]
3e division (de), division bernoises René von Graffenried 16 000 Stockhorn - Lac de Thoune - Hohgant
Brigade de montagne 10 Schwarz 11 000 Bas-Valais, Chablais
Brigade de montagne 11 (de), brigade du Simplon Buhler 13 000 Col du Simplon - Haute Vallée du Rhône
1re Brigade légère Charrière 10 000 Retarder l'adversaire dans le Moyen-Pays Région du Léman, Canton de Fribourg
Fortifications de Saint-Maurice (de) Saint-Maurice
2e corps d'armée (de) Friedrich Prisi (de) 46 000 Défendre le Réduit avec le front nord, bloquant l'accès au Brünig, rive gauche du lac des Quatre-Cantons Hohgant au Bürgenstock
8e division de montagne Alfred Gübeli 16 000 Hohgant à Stillaub (Finsterwald)
4e division Emil Scherz 20 000 Stillbust à Stansstad / Bürgenstock
2e brigade légère Koller 10 000 Retarder l'adversaire dans le Moyen-Pays Moyen-Pays bernois
4e corps d'armée (de) Jakob Labhardt (de) 80 000 Défendre le Réduit avec le front nord, bloquant l'accès au Gothard depuis le nord Bürgenstock jusqu'à Linthebene
5e division Eugen Bircher / Rudolf von Erlach 22 000 Bürgenstock au Rigi
6e division Herbert Constam (de) / Marius Corbat 26 000 Bloquer l'accès à la vallée de Schwyz Rigi - Zugerberg - Etzel
7e division Herbert Flückiger / Hans Frick 22 000 Bloque l'accès au Wägital, réduit du Sihlsee, arrête Oberegg, Etzel, retarde les avances à Linthebene Etzel - Stöcklichrüz - Linthebene
3e brigade légère Wirth 10 000 Retarder l'adversaire dans le Moyen-Pays Suisse du nord-est
Fortifications de Sargans (de) Gubler Sargans
3e corps d'armée (de) Renzo Lardelli/Constam 40 000 Défendre le Réduit avec le front sud, bloque l'accès au Gothard du sud-ouest, sud et est Haut-Valais, Saint-Gothard, Tessin, Grisons
9e division de montagne Edouard Tissot 16 000 Haut-Valais et Gothard
Brigade de montagne 9 (de), brigade du Gothard 11 000 Gothard
3e division de montagne (de) Hold 11 000 Grisons
Fortifications du Saint-Gothard (de) Massif du Saint-Gothard, Grimsel
Brigades frontières 90 000 Frontières
Brigades frontières 1 à 5 10 000 chacune Genève au Jura argovien
Brigade frontière 6 10 000 Schaffhouse
Brigade frontière 7 10 000 Thurgovie
Brigade frontière 8 10 000 Vallée du Rhin
Brigade frontière 9 10 000 Tessin, bassin de Bellinzone

Le tableau montre les troupes de combat proprement dites (infanterie, troupes légères). Elles sont appuyées par l'artillerie (52 000 hommes), les troupes du génie (30 000 hommes), les troupes d'aviation et de défense contre avions (30 000 hommes), les troupes sanitaires (30 000 hommes), les troupes d'approvisionnement alimentaire (7 000), les troupes de transport motorisé (9 000), le train (14 000), le service auxiliaire (200 000) et le Service complémentaire féminin (SCF) (15 000 femmes).

Démantèlement

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Une partie des 7,6 km de galerie souterraine du fort d'artillerie de Furkels, Pfäfers, SG
 
Baraquement souterrain du fort d'artillerie de Furkels, Pfäfers, SG

Une bonne partie de ce dispositif, obsolète, coûteux et ne répondant plus aux exigences militaires, fut progressivement démantelée après guerre. Certaines constructions peuvent maintenant être visitées, comme le Fort de Pré-Giroud à Vallorbe.

D'autres forts importants ont toutefois été modernisés et sont toujours actifs, comme le Fort de Dailly sur la rive droite du Rhône près de Saint-Maurice (le Fort de Savatan étant maintenant occupé par l'académie de police et les galeries de la rive gauche ayant été abandonnées au début des années 1990). D'autres bunkers, en particulier ceux destinés au commandement et à l'aviation, sont encore utilisés par l'Armée suisse.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Pascal Bruchez, Dailly, une batterie d’exception : les Tourelles de 15 cm (1952-2012), Saint-Maurice, Association Saint-Maurice d’Études Militaires, (ISBN 978-3-908544-69-2)
  • Pierre Delévaux, Histoire des troupes de forteresse de la Suisse romande, Saint-Maurice, Association Saint-Maurice d’Études Militaires, (ISBN 978-3-908544-63-0)
  • Bernard Dubuis, La Forteresse abandonnée, Martigny, Pillet, (ISBN 2-940145-43-1)
  • Leo Fabrizio, Bunkers, Gollion, Infolio, (ISBN 2-88474-008-2)
  • Hans Fuhrer et al., Forts et fortifications en Suisse : Sargans, Gothard, Saint-Maurice et autres ouvrages de défense, Lausanne, Payot, (ISBN 2-601-03116-6)
  • Jean-Jacques Rapin, De la Garnison de St-Maurice à la Brigade de forteresse 10 (1892-2003), Saint-Maurice, Association Saint-Maurice d’Études Militaires, 2004.
  • Jean-Jacques Rapin, L'Esprit des fortifications : Vauban, Dufour, les forts de Saint-Maurice, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003. (ISBN 2-88074-593-4)
  • Julius Rebold, Histoire de la construction des ouvrages fortifiés fédéraux : 1831-1860 et 1885-1921, Saint-Maurice, Association Saint-Maurice d’Études Militaires, 2017 (ISBN 978-3-906812-02-1)

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Markus Lischer, « Pfyffer, Max Alphons (von Altishofen) » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  2. « Souvenirs du service actif et du réduit », sur Archives fédérales suisses, (consulté le )
  3. Jean-Bernard Wahl, « Incroyable fortification helvétique : Regards sur les ouvrages fortifiés suisses », sur Atlantik-Wahl, (consulté le )
  4. Les forteresses du Gothard - Sur les traces du Réduit national [Production de télévision], Nathalie Rufer (réalisateur), dans Histoire vivante (, 53 minutes), consulté le