Psaltérion
Le psaltérion ou canon (nonca) est un instrument de musique à cordes, pincées ou frottées, de la famille des cithares, qui date de la Grèce antique et qui réapparaît au Moyen Âge ; il est fréquemment représenté, illustré ou sculpté à partir du Xe siècle.
Étymologie et histoire
modifierLe nom de l'instrument vient de Psaltérion, mot qui désigne un instrument à cordes et qui provient du ψαλτήριον / psaltḗrion, mot lui-même dérivé du verbe ψάλλω / psállō, « pincer les cordes d'un instrument »[1]. Plutarque rapporte que Thémistocle déclara[2]: « Je ne sais ni accorder une lyre ni manier un psaltérion, mais si l'on me confie une cité petite et obscure, je la rends célèbre et grande. » Il est probable aussi qu'à l'époque de Plutarque, que c'était plutôt des femmes, parfois des courtisanes, qui jouaient de cet instrument[2].
On en trouve une description au Ve siècle. Il porte alors les noms de nabulon ou decacordum. Psalterion ou canon les remplacent vers la fin du Moyen Âge[3].
Dans la même famille, on trouve le mot ψαλμός / psalmós qui désigne, lui, un air joué sur le psaltérion[1]. Le mot psalmos sera repris dans la traduction grecque dite de la Septante, vers 270 av. J.-C. Par ailleurs, le nom de l'instrument, psalterion, servira aussi à donner son titre en grec au Psautier, à savoir le recueil des Psaumes[4]. Au Moyen Âge, le psaltérion sera utilisé pour accompagner des chants de psaumes.
Aux instruments originels, en forme d'un trapèze, succèdent des modèles dont les côtés sont incurvés. On en jouait des deux mains, le psaltérion posé sur les genoux ou contre la poitrine. Il est souvent monté avec des cordes doubles à l'unisson, en accordage diatonique. Pour jouer à "cordes pincées", les cordes doivent être fines et touchées avec les doigts ou un plectre. Avec des cordes plus grosses, les notes sont obtenues en les frappant. Le demi psaltérion est baptisé micanon[3],[5].
Usage actuel
modifierOn trouve des psaltérions parmi les instruments d'orchestres folkloriques d'Europe du Nord : kantele finlandais, kandele carélien, kokle letton, gousli russe, kanklės lituanien[6]...
Présentation
modifierSes cordes, initialement en boyaux puis faites de métal, sont fixées par des chevilles au-dessus d'une caisse de résonance plate, comme la cithare dont il est en réalité une des formes sur table. Son cadre est triangulaire ou trapézoïdal, avec de nombreuses variations de forme comme le groin de porc (une sorte de trapèze dont les petits côtés s'incurvent vers l'intérieur[7]). Les cordes vont par paires pour chaque note, et sont montées tête-bêche.
Le psaltérion est très proche structurellement du tympanon. On en connaît au Moyen-Orient une version plus grande, le qanûn (sans doute du grec Kanon, qui a donné canon en Occident), qui continue d'être utilisé dans les orchestres. Ce qanûn est lui-même peut-être dérivé d'un instrument monocorde utilisé pour étudier les intervalles en musique et connu déjà de Pythagore[8]. C'est lui qui est l'ancêtre du psaltérion.
Il est possible d'en jouer en pinçant les cordes avec les doigts ou avec un plectre (en plume d'oie), ou bien en les frottant avec un archet. On peut également frapper les cordes avec le bois de l'archet ou des petits marteaux, ce qui est peut-être à l'origine du tympanon. L'instrument est joué en appui sur les genoux ou relevé contre la poitrine.
Le psaltérion est probablement l'ancêtre du clavecin, par l'adaptation sur l'instrument d'un clavier, invention qui semble dater du XIVe siècle.
Psaltérion folklorique mexicain
modifierAu Mexique, cet instrument baptisé aussi « saltério mexicain », est couramment utilisé dans le folklore aux côtés de la Marimba et des Mariachis traditionnels, jouant notamment des valses, polkas, zapateados et cumbias, dans bien souvent les mêmes compositions, ou pouvant même s'adapter à quelques chansons de variété.
Il est parfois accompagné d'un grand orchestre d'ambiance avec violons.
Parmi les plus célèbres interprètes ayant joué sur disque, figurent le maestro Pedro Ruis ou Raoul Diaz.
Psaltérion de monastère
modifierLes psalmodies dont est issu le nom psaltérion sont propres au chant religieux ; d'ailleurs l'instrument accompagnait les psaumes chantés dans les monastères et couvents. Pierre Bestion de Camboulas renoue avec cette tradition en jouant régulièrement, à la cathédrale de Quimper, sur un instrument à 121 cordes, provenant de l'abbaye d'En-Calcat. Il a appris à en jouer auprès de Catherine Weidemann[9], seule professeure en Europe à donner des leçons en Allemagne, Suisse, Espagne et France[10].
Notes et références
modifier- Fernand Martin, Les mots grecs, Paris, Hachette, 1990 [1937] (ISBN 978-2010-16919-9) p.
- Annie Bélis, « La musique dans la Grèce antique » In École pratique des hautes études. 4e section, sciences historiques et philologiques. Livret 11. 1995-1996. 1997. p. 85-89 (v. p. 86) [lire en ligne (page consultée le 1 décembre 2022)]. Traduction de Plutarque, Vies parallèles, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 258.
- « psalterion », sur jcmonzani.com (consulté le )
- Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 1981 (ISBN 2-204-01491-5) p. 709
- « micanon », sur jcmonzani.com (consulté le )
- Encyclopædia Universalis, « PSALTÉRION », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- « Exemple de psaltérion en forme de groin de porc » (consulté le )
- Kanun, ministère de la Culture turc. Voir aussi Le grand Bailly grec-français s.v.κανών, II.1 μουσικός κανών / mousikós kanốn, Theol.2,27; DL. 8,12, « appareil monocorde, sorte de diapason ». V. aussi Meizon elliniko lexiko, s.v. κανονάκι / kanonáki et s.v. κανόνι / kanóni .
- « C.Weidemann professionnelle enseigne/Cithare-Psaltérion », sur www.amis-cithare.com (consulté le )
- Marine LEBEGUE, « À Quimper, il joue du psaltérion pour « rendre hommage aux bâtisseurs de la cathédrale » », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Fleurant-Voirpy, La Musique par les textes, vol. 5, éditions Henry Lemoine, Paris, 1973, p. 74
Discographie
modifier- 2023 : Vivaldi's Salterio. Franziska Fleischanderl (psaltérion), Il Dolce Conforto. Éditeur : Christophorus.
- 2017 : Sacred Salterio - Lamentations of the Holy Week. Franziska Fleischanderl (psaltérion), Miriam Feuersinger (soprano), Il Dolce Conforto. Éditeur : Christophorus.
- 2009 : L'Art du psaltérion. Maurice Guis, Les musiciens de Provence. Maurice Guis, Les musiciens de Provence, « L'Art du psaltérion », sur Deezer, Arion, (consulté le ).
- Le Saltério mexicain, Maestro Pedro Ruiz, saltério, Felipe Ruiz, guitare, Manuel Ruiz, basse, disques Arion, prise de son : Gérard Krémer (1972). (OCLC 77389246).
- Mexique insolite, Raúl Diaz, Le mage du saltério, 33 tours supervisé par Pierre-Marcel Ondher (1965)