La prise de moyenne volumique, souvent désignée par son nom anglais volume averaging, est une technique mathématique de changement d'échelle largement utilisée dans l'étude des milieux poreux, dont l'objectif est de créer des modèles macroscopiques à partir de problèmes à l'échelle microscopique. Historiquement cette technique a permis à divers auteurs en 1967[1],[2],[3],[4] d'obtenir la loi de Darcy, valable à l'échelle macroscopique, en moyennant l'écoulement de Stokes à l'échelle microscopique. On traite ici de ce problème, mais la technique utilisée s'étend à de nombreux autres domaines comme la diffusion de la matière, la conduction thermique ou la mécanique des milieux continus.
La description des phénomènes physiques dans un milieu poreux peut s'effectuer à différents niveaux :
L'échelle microscopique de longueur caractéristique qui est l'échelle du pore, espace vide où circule le fluide. La notion de fluide est ici à prendre au sens large : il peut s'agir d'un écoulement monophasique (liquide ou gaz) ou diphasique (gaz/liquide ou liquide/liquide). Les interactions entre phases (à la fois fluide-solide, mais aussi fluide-fluide dans le cas d'un écoulement polyphasique) sont prises en compte via les conditions à l'interface de ces deux phases.
Une échelle plus grande que l'on nommera l'échelle macroscopique de longueur caractéristique est quant à elle de l'ordre de grandeur des dimensions du système. On la caractérise par où q représente la valeur moyennée de toute quantité décrivant le milieu.
Les deux niveaux de détails présentés ci-dessus diffèrent généralement de plusieurs ordres de grandeur. Par exemple, la longueur caractéristique de l'écoulement microscopique dans une colonne d'adsorption contenant des billes est de l'ordre du millimètre alors que l'ordre de grandeur de l'échelle macroscopique est celui de la colonne, c'est-à-dire du mètre. On suppose vérifiée l'hypothèse de séparation des échelles :
De plus on suppose que l'on sait définir un volume élémentaire représentatif (VER) du milieu, lequel permettra de faire une hypothèse de périodicité de celui-ci.
La notion de moyenne d'une fonction à valeur dans une phase est propre au problème que l’on souhaite étudier. Cependant, il est courant de la définir comme l’intégrale sur un volume arbitrairement défini. Ce volume contient du solide (la structure poreuse) autour duquel s'écoule un fluide. Ce dernier peut être monophasique ou multiphasique. On définit la moyenne volumique par:
On définit également la moyenne intrinsèque à la phase par :
Généralement, lorsque l'on cherche à créer un modèle macroscopique à partir d'un problème à l'échelle du pore, on cherche les équations différentielles qui régissent les moyennes intrinsèques à chaque phase.
Ces deux moyennes sont reliées par la relation
Dans le cas où la phase est la seule phase qui s'écoule à travers le volume , on peut identifier à la porosité du milieu.
La prise de moyenne volumique n'est pas une opération évidente, notamment en ce qui concerne la moyenne d'une dérivée. En effet, la moyenne d'un gradient est dans la plupart des cas différente du gradient de la moyenne. Les expressions suivantes, conséquence du théorème de Leibnitz nous permet de relier ces deux opérations[6] :
- gradient d'une quantité scalaire
- divergence d'une quantité vectorielle
où
est la frontière, à l'intérieur de , entre et les autres phases , et est le vecteur normal unitaire à cette frontière, dirigé de vers .
L'intégrale exprime à l'échelle macroscopique les effets à l'interface entre deux phases (par exemple entre un fluide et la structure poreuse). C'est à travers ces intégrales que sont calculées les propriétés macroscopiques telles que la perméabilité.
À ce système il faut ajouter les conditions initiales et aux limites.
La relation d'incompressibilité est moyennée en tenant compte de la condition à la limite
Si l'on s'intéresse à la moyenne intrinsèque à β pour un milieu inhomogène on a
Le moyennage de la conservation de la quantité de mouvement, plus difficile, aboutit à l'équation
où est un tenseur qui exprime l'interaction du fluide avec le milieu solide.
Démonstration
Décomposition de Gray
D'un point de vue macroscopique, tout champ de variable microscopique peut-être vu comme la contribution d'un champ moyen et d'une perturbation (ou fluctuation spatiale) . La décomposition de Gray (analogue à la décomposition de Reynolds) s'écrit[7]
Moyenne du gradient de pression
En utilisant la décomposition de Gray et la moyenne intrinsèque
Or
Donc
Moyenne du laplacien de la vitesse
En appliquant la méthode utilisée pour la pression et en négligeant le gradient de la petite échelle il vient
Et, compte tenu de la condition limite fluide-solide
Moyennage de la conservation de la quantité de mouvement
Celle-ci s'écrit
Soit en insérant les expressions de moyennes ci-dessus
On suppose une variation spatiale « lente » de la porosité, alors[6]
La conservation de la quantité de mouvement se simplifie en
Le dernier terme dans l'équation constitue la correction de Brinkman[8].
Ce tenseur peut s'exprimer dans le cas d'un milieu périodique
↑C. M. Marle, « Écoulements monophasiques en milieu poreux », Revue de l'institut français du pétrole, vol. 22, no 10, , p. 1471-1509
↑(en) T. B. Anderson et R. Jackson, « A Fluid Mechanical Description of Fluidized Beds », Industrial & Engineering Chemistry Fundamentals, vol. 6, , p. 527-538
↑(en) J. C. Slattery, « Flow of Viscoelastic Fluids through Porous Media », AIChE Journal, vol. 13, , p. 1066-1071
↑(en) S. Whitaker, « Diffusion and Dispersion in Porous Media », AIChE Journal, vol. 13, , p. 420-427
↑(en) Yohan Davit, Christopher G. Bell, Helen M. Byrne, Lloyd A. C. Chapman, Laura S. Kimpton, Georgina E. Lang, Katherine H. L. Leonard, James M. Oliver, Natalie C. Pearson, Rebecca J. Shipley, Sarah L. Waters, Jonathan P. Whiteley, Brian D. Wood et Michel Quintard, « Homogenization via formal multiscale asymptotics and volume
averaging: How do the two techniques compare? », Advances in Water Resources, vol. 62 Part B, (lire en ligne)
↑(en) W. G. Gray, « A Derivation of the Equations for Multiphase Transport », Chemical Engineering Science, vol. 30, , p. 229-233
↑(en) H. C. Brinkman, « A Calculation of the Viscous force Exerted by a Flowing Fluid on a Dense Swarm of Particles », Applied Scientific Research, vol. A1, , p. 1-27