Ponte Navi
Le ponte Navi (souvent appelé ponte delle Navi) est un des quatorze ponts[1],[2] jetés sur le cours de l'Adige dans la ville de Vérone en Italie.
Type | |
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Matériau | |
Longueur |
90 m |
Franchit |
Localisation |
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Coordonnées |
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Histoire
modifierPremiers ouvrages
modifierLa tradition indique que le premier pont construit à l'emplacement du ponte Navi a été érigé en 895 à la demande du roi Bérenger Ier de Frioul († 924) pour mettre en communication l'île San Tommaso[3] avec le quartier qui s'étendait alors autour de l'église de San Vitale et avec le quartier San Fermo. Alors situé hors les murs, initialement construit en bois, il est emporté par les crues en 1087, en 1153[4], et reconstruit à chaque fois.
En 1338 est institué, au niveau du ponte Navi, un pontatico toloneo, c'est-à-dire un péage pour les marchandises[5].
En 1354, le pont est le théâtre de l'affrontement entre Cangrande II della Scala et son demi-frère Fregnano. Ce dernier, abusant de la confiance de Cangrande, qui lui a confié la garde de la ville pendant son absence, se fait proclamer capitaine. C'est sur le pont que s'affrontent les partisans de Fregnano et les soldats de Cangrande, bientôt rejoints par la foule qui, constatant le retour du seigneur légitime, fait volte-face et abandonne l'imposteur qu'elle avait pourtant soutenu[6],[7].
Le pont de Cansignorio (1373-1761)
modifierEntre 1373 et 1375[8], Cansignorio della Scala, maître de la cité, le fait rebâtir en pierre. Il se trouve alors dans l'enceinte de la ville, à proximité d'un des lieux d'accostage les plus fréquentés par les navires venant de Bolzano et du littoral, ce qui consacre son nom « delle Navi » (pont des bateaux). L'ouvrage, vraisemblablement confié aux architectes Giovanni da Ferrara e Giacomo da Gozo, et bâti sous la direction de Giovanni Dionisi, aurait coûté à la ville trente mille florins d'or. Il est en partie bâti avec des pierres prélevées dans les ruines de l'époque romaine. Trois de ses arches enjambent l'Adige, et la quatrième le canal dit dell'Acqua Morta (aujourd'hui couvert). On y accède alors de la rive par un portail percé de trois portes (les deux latérales plus petites), surmonté d'une niche dans laquelle se trouve la statue d'un enfant portant un globe (le portail est rasé en 1808)[9]. Au milieu du pont se dresse alors une tour, sous laquelle on peut passer par deux portes. Au-dessus de la porte faisant face à San Fermo, une inscription en latin porte la date du début des travaux, sur une plaque de « quatre pieds et demi de long et large de deux », portant le blason de la famille della Scala. Sur la rive gauche, une rampe (la rampa della Pontara) relie la partie sud de l'île San Tommaso au pont[10].
Au-dessus de la porte faisant face à San Paolo di Campo Marzo, une inscription (une des premières en italien vernaculaire), gravée en lettres « gothiques », porte la date de l'inauguration, sur une plaque de marbre « haute de presque deux pieds et large de six pieds et demi »[11].
« Meraveir te po letor che miri
la gran magnificiencia el nobel quaro
qual mondo non a paro
ne an segnor cum quel che fe mey ziri.
O veronese popol da luy spiri
tenuto en pace la qual ebe raro
Italian nel karo
te saturo la gratia del gran siri
Cansignò fo quel che me fe iniri
mille trexento setàta tri e faro
po zonse el sol un paro
de ani che 'l bon signò me fe finiri »
« Meravigliar ti può lettor che miri
la gran magnificenza il nobil quadro
qual mondo non ha pari
ne anche signor come quel che fè i miei giri (archi).
O veronese popol da lui spiri (respiri)
tenuto in pace la qual ebbe raro
(L') Italian. Nel caro (carestia)
te saturò la grazia del gran Siri (Sire)
Cansignorio fu quel che mi fè iniri (iniziare)
(nel) mille trecento settanta tre e fare
poi aggiunse il sol un paro (paio)
di anni che 'I buon signor mi fè finire »
En 1493 une crue de l'Adige fait s'écrouler une des arches, qui est rapidement réparée[12].
En 1602, la république de Venise profite de la présence historique du péage des marchandises pour installer les bureaux de la douane, sur la rive droite de l'Adige et à proximité du pont. À cette date un commerce actif s'est installé sur la berge, mais également sur le pont où des maisonnettes, des cabanes, des taudis s'appuient contre le pied de la tour[10].
Destruction par la crue de 1757
modifierLes 1er et , une inondation catastrophique ravage Vérone et emporte deux arches latérales du ponte Navi, tandis que la tour érigée au milieu du pont résiste. Dans cette tour, ébranlée par la crue, quatre personnes sont en perdition quand un certain Bartolomeo Rubele, surnommé Leone, a le courage d'intervenir. À l'aide d'échelles et de cordes, il parvient à sauver les occupants de la tour. C'est en hommage à son courage désintéressé[13] que le « Lungadige Rubele », qui longe la rive droite du fleuve en aval du pont, porte son nom[10].
La tour, ruinée, est abattue l'année suivante. En 1761 le pont est restauré sous la direction d'Adriano Chrisofoli[12]. Dans l'intervalle, un solide pont de bois est jeté sur l'Adige face à l'église San Rustico[14].
D'autres inondations ont lieu en 1767 e 1778. En 1882 le canal dell'Acqua Morta est recouvert et le ponte Navi est endommagé par une nouvelle inondation. En 1892, avec les travaux d'endiguement de l'Adige, la décision est prise de le démolir.
Époque moderne
modifierUn nouveau pont est érigé en 1893 sur un projet de l'ingénieur Alessandro Peretti. Contrairement au précédent, il ne possède que trois arches et sa largeur est de 5 mètres supérieure (12 mètres contre 7,8 mètres). Le nouveau pont repose sur deux piliers (trois pour le précédent) bâtis en pierre de taille, s'appuyant sur des fondations constituées de 138 troncs de mélèze et protégées par des enrochements. Sur le tablier, des trottoirs de deux mètres de large entourent une chaussée asphaltée, dans laquelle passent les deux jeux de rails du tramway à cheval. Les trois travées de métal sont moulées en arches d'une ouverture de 29 mètres, sur sept poutres continues renforcées par des tirants verticaux et horizontaux. Il peut supporter une charge de 400 kg/m2. Le pont est inauguré le . Une plaque est posée, à proximité, sur le parapet de la digue.
Il ponte cui il vicino approdo diè il nome delle Navi
edificato in pietra da Cansignorio della Scala 1373-1375
rinnovato in parte dalla Repubblica veneta dopo la piena del 1757
memoranda per l'eroismo di Bartolomeo Rubele fu abbattuto
e nella presente forma ricostruito nel 1893
quando Verona con romano ardimento
oppose all'ira dell'Adige sicure difese
mdcccxcvii
Dans les années 1930, l'évolution du trafic urbain et la détérioration rapide des ferraillages imposent une rénovation, confiée par la commune de Vérone à Bertelè, une entreprise locale. Le projet de l'architecte turinois Arturo Midana met en évidence les arches, revêtues de plaques de marbre local et couronnées d'un léger parapet de fer. Les rostres des piliers se prolongent jusqu'au niveau du trottoir, où ils s'élargissent pour former balcon. Le nouveau pont est inauguré le [10].
Une inscription est gravée à droite en arrivant de San Fermo :
Ricostruito sulle spalle - e pile preesistenti - l'anno 1936[10],[15]
Il résiste jusqu'au , quand il est détruit, comme les autres ponts sur l'Adige, par l'armée allemande en retraite. Il est reconstruit sur la base d'un projet validé en 1946.
Pont actuel
modifierLe pont actuel est construit en ciment armé, pour mieux résister au fort courant de l'Adige. La structure est recouverte de briques rouges, sauf les piliers, parés de pierre blanche. Appuyé sur trois arches, le pont est long de 90 mètres et large de 12 mètres environ.
Notes et références
modifier- (it) mondoingegneri.it « Copie archivée » (version du sur Internet Archive) A. Zanolini, G. Puglisi Guerra, I ponti di Verona, fra ingegneria e storia.
- De l'amont vers l'aval : la passerelle de Chievo (la diga del Ceo), le pont du Saval (il prend le nom du quartier où il se trouve, mais sa dénomination officielle est ponte Unità d'Italia ou Strada statale 12), le ponte della Catena (ou ponte Catena), le ponte del Risorgimento, le ponte Scaligero, le ponte della Vittoria, le ponte Garibaldi, le ponte Pietra (ou ponte della Pietra), le ponte Nuovo del Popolo (anciennement ponte Umberto), le ponte Navi (ou delle Navi), le ponte Aleardi, le ponte San Francesco (anciennement dei Cappuccini), le pont du chemin de fer et le ponte del Pestrino (anciennement di San Pancrazio, officiellement rebaptisé ponte Mariano Rumor).
- L'île San Tommaso est alors bordée à l'ouest par le cours de l'Adige et à l'est par le canal dell'acqua morta. Ce dernier va être couvert par la suite, rattachant l'île aux quartiers est de la ville.
- Paride da Cerea parle d'un effondrement en 1153, dû à la même inondation qui emporte la dernière pile du ponte Postumio, et d'un autre le 3 octobre 1239, confirmé par des inscriptions conservées à Santo Stefano et à San Zeno.
- Archivio Bevilacqua, Archivio di Stato di Verona.
- Cipolla, p. 264
- « Il giorno de Carnevale […] a capo il ponte de le Navi attaccò il fatto d'arme, neI quale messer Cane d’animoso soldato fece l'ufficio avanti la prima schiera, sempre combattendo. Al suono della campana grossa di San Fermo, il popolo, che prima parteggiava per Fregnano, gridò : Cane ! Cane ! Impaurito Fregnano con li suoi abbandonò la battaglia, fuggendo pose in disordine i suoi, ne furono morti circa 200 e preggionati altrettanti […] Fregnano entrò in un burchiello […] ma l'ignoranza del remigare fece che 'l burchiello si riversò e lui […] grave d'armi si soffocò […] il suo corpo fu attaccato per un piede (alla forca) per maggior vituperio. » (Saraina, 1586).
Le jour du Carnaval […] sur le ponte delle Navi se déroula le fait d'armes au cours duquel, monseigneur Cane d'âme guerrière fit front avec la première ligne, toujours au combat. Au son de la grosse cloche de San Fermo, le peuple, qui avait pris parti pour Fregnano, se mit à crier : Cane ! Cane ! Fregnano, pris de peur, abandonna le combat avec les siens, et en s'enfuyant, mit le désordre dans ses rangs, où furent 200 morts environ et autant de prisonniers […] Fregnano monta dans une barque […], mais l'ignorance du rameur fit que le bateau se renversa et lui […], entraîné par le poids de ses armes, se noya […] pour faire un exemple, son corps fut attaché par un pied (à la potence). - Dates attestée par une plaque de marbre déposée au Museo lapidario de Vérone (cf. Persico).
- Bisesti, 1825, p. 217
- (it) travelitalia.com. Verona. Ponte Navi.
- Traduction : « Émerveille-toi, lecteur qui regardes
la grande magnificence et la noblesse du tableau
qui n'a pas son pareil au Monde
ni un seigneur comme celui qui construisit mes arches
Ô peuple de Vérone, par lui tu respires
gardé en une paix que n'eut pas souvent
l'Italien. Pendant la famine
les grâces du grand Seigneur te comblèrent
Cansignorio me fit commencer
en 1373 et bâtir
puis le soleil y ajouta
deux ans avant que le bon Signeur me fasse terminer. » - Da Persico, 1821, p. 16.
- Il refuse la prime proposée par le marquis Giambattista Spolverini (cf. Persico).
- Biancolini, 1765, p. 291.
- « Reconstruit en 1936 sur les culées et les piles préexistantes ».
Bibliographie
modifier- (it) C. Cipolla, Compendio della storia politica di Verona Cipolla
- P. Zagata et al., Supplementi alla cronica di Pier Zagatta, Parte II, Volume II, Vérone, Dionigi Ramanzani Libraio, .
- (it) G.B. Da Persico, Descrizione di Verona e della sua provincia, Volume II, Vérone, Società tipografica editrice, .
- (it) G. Venturi, Compendio della storia sacra e profana di Verona. Volume II, Vérone, Pietro Bisesti, .
- (it) G. Biancolini, Notizie storiche delle chiese di Verona. Livre VI, Vérone, Erede di Agostino Carattoni, .
- T. Saraina, Le Historie e fatti de' Veronesi ne i tempi del popolo e signori Scaligeri, Vérone, .