Polemius Silvius
Polemius Silvius est un écrivain gallo-romain du Ve siècle, auteur d'un calendrier réalisé en 448 ou début 449, conservé partiellement, et qui contient des listes de mots et de noms propres.
Identification
modifierOn l'identifie à un Silvius qui est mentionné dans la Chronique de 452 et dans la Vie d'Hilaire d'Arles. Dans le premier texte, il est question de lui pour l'année 438 : « turbatæ admodum mentis post militiæ in palatio exactæ munera aliqua de religione conscribit » (« [un homme] à l'esprit complètement dérangé [qui], après avoir exercé des fonctions au Palais, compose des textes sur la religion »). Dans le second, on lit le passage suivant : « [Hilarius] se ipso celsior apparebat, ut ejusdem præclari auctores temporis, qui suis scriptis merito claruerunt, Silvius, Eusebius, Domnulus, admiratione succensi in hæc verba proruperint, non doctrinam, non eloquentiam, sed nescio quid super homines consecutum » (« [Hilaire] se surpassait visiblement lui-même, si bien que d'illustres auteurs contemporains, réputés à juste titre par leurs propres écrits, Silvius, Eusèbe, Domnulus, se précipitèrent enflammés d'admiration vers cette parole, pour obtenir, non pas une doctrine, non pas de l'éloquence, mais je ne sais quoi de surhumain »). Hilaire d'Arles est mort en 449, la même année qu'Eucher de Lyon à qui le calendrier est dédié (« Domino beatissimo Eucherio episcopo Silvius »). L'identification avec l'auteur de celui-ci (« Poltmius Silvius » [sic] dans l'unique manuscrit conservé, du XIIe siècle) a été faite par Le Nain de Tillemont (Mém. pour l'hist. eccl., XV, 134).
Polemius Silvius est parfois identifié à un évêque, nommé Salvius ou Sylvius, auquel Eucher de Lyon a adressé sa Passio Acaunensium martyrum[1].
Œuvre
modifierL'ouvrage est conçu de la même façon que le Chronographe de 354 (son texte, non ses illustrations), et il est clair que l'auteur s'inspire, soit d'une copie de celui-ci, soit d'un modèle très similaire. Le mot utilisé dans la préface pour désigner l'ouvrage est « laterculus » (litt. « petite brique », et au sens figuré « registre »). Il s'agit formellement d'un calendrier romain (avec les noms des mois athéniens, macédoniens, égyptiens et hébreux indiqués), avec pour chaque jour, en colonnes, l'indication des fêtes (en supprimant beaucoup de références païennes par rapport à son modèle, et les éléments trop complexes à calculer), des anniversaires des empereurs (et également de Cicéron, de Virgile), de la date de prise de fonction des consuls et préteurs, etc., et des conditions météorologiques de chaque saison. L'auteur souligne dans la préface qu'il n'a rien dit du zodiaque, l'astrologie étant illusoire. Ensuite, voici les listes annoncées dans la préface (et conservées ou non) :
- liste des empereurs romains et des usurpateurs (entre janvier et février) ;
- liste des provinces romaines (entre février et mars) ;
- liste d'animaux terrestres, célestes et aquatiques (entre mars et mai) ;
- table des phases de la lune et du cycle pascal (non conservé) ;
- liste des monuments de Rome (entre juin et juillet) ;
- des « fables poétiques » (non conservé) ;
- abrégé de l'histoire romaine (entre août et septembre) ;
- liste de verbes désignant des cris d'animaux (à l'origine sans doute entre septembre et octobre, dans le manuscrit entre novembre et décembre) ;
- liste des poids et mesures (à l'origine sans doute entre octobre et novembre, dans le manuscrit après décembre) ;
- liste des mètres utilisés en poésie (non conservé) ;
- liste des écoles philosophiques (non conservé).
La liste des empereurs, dont les deux derniers mentionnés sont Théodose II, « præsens Augustus », et Valentinien III, est close par la formule « quod Postumiano et Zenone viris clarissimis consulibus adnotavi ». Le consulat de Postumien et de Zénon correspond à l'année 448.
Le calendrier de Polemius Silvius est le seul, avec les Fastes d'Ovide, à dater la disparition de Romulus des Quirinalia () au lieu des Nonae Caprotinae ()[2],[3],[4].
Une liste qui a particulièrement retenu l'attention est celle des animaux : 480 mots, dont certains encore inexpliqués. Certains de ces mots fournissent l'étymologie de mots français, provençaux ou italiens encore vivants : anabulio (« anvot, angot, anvain ») [5] ; camox (« chamois »)[6] ; darpus (« taupe », dans les parlers du sud-est de la France « darbon ») ; taxo (« blaireau », dit aussi « taisson » dans certaines régions) ; sofia (« ablette », appelée « soife » dans le Lyonnais, « sofi » en Provence) ; gaius (« geai ») ; plumbio (« plongeon »), lacrimusa (« larmuse, lézard gris », « lagremuso » ou « larmuso » en provençal)[7] ; levaricinus (« lavaret »)[8] ; marisopa (« marsouin », « marsoupe » en dialecte poitevin) ; tecco (« tacon, jeune saumon »)[9] ; etc. La liste des cris d'animaux donne 24 verbes les désignant.
Le calendrier de Polemius Silvius a été publié deux fois par Theodor Mommsen : une fois en 1857, une autre en 1892 (dans le tome I des Chronica minora, sæc. IV. V. VI. VII. de la coll. Monumenta Germaniæ Historia, p. 511-551).
Notes et références
modifier- Catherine Santschi, « Les premiers évêques du Valais et leur siège épiscopal », Vallesia, , p. 1-26 (lire en ligne).
- Georges Dumézil, La religion romaine archaïque : avec un appendice sur la religion des Étrusques, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », , 2e éd. (1re éd. 1966), 1 vol., 700, 14 × 22,5 (EAN 9782228026215, OCLC 461461502, BNF 34562902, SUDOC 000056049), p. 170, n. 1.
- Patrick Marchetti, « Autour de Romulus et des Lupercalia : une exploration préliminaire », Les Études classiques, vol. 70, nos 1-2, , p. 77-92 (résumé, lire en ligne).
- Robert Schilling, Les Fastes, t. 1 : Livres I-III, les Belles Lettres, coll. « CUF / latine » (no 302), , 2e éd. (1re éd. 1992) (ISBN 2-251-01359-1 (édité erroné) et 978-2-251-01359-6, EAN 9782251013596, OCLC 464070519, BNF 35608200, SUDOC 003036685, présentation en ligne), p. 128, n. 118.
- TLFI, s.v.anvot, angot, anvain.
- TLFI, s.v.chamois.
- TLFI, s.v.larmuse.
- TLFI, s.v.lavaret.
- TLFI, s.v.tacon1.
Voir aussi
modifierÉditions
modifier- (la) « Polemei Siluij Laterculus », Acta Sanctorum, t. Ier, , p. XLIII-XLIV (lire en ligne).
- [Mommsen 1857] Theodor Mommsen, « Polemii Silvii Laterculus », Abhandlungen der philologisch-historischen Classe der königlich. Sächsischen Gesellschaft der Wissenschaften, , p. 233-277 (BNF 31130230, SUDOC 171009029).
- [Mommsen 1892] (la) Theodor Mommsen (éd.), Chronica minora saec. IV, V, VI, VII, Berlin, Weidmann, coll. « Monumenta Germaniae historica / Auctores antiquissimi » (no 9), , 1re éd., 1 vol., XII-756, in-4o (OCLC 458036282, BNF 30961362, SUDOC 194086976, lire en ligne).
- [Paniagua 2018] (la + it) David Paniagua (éd.), Polemii Silvii Laterculus [« Le Laterculus de Polemius Silvius »], Rome, Istituto storico italiano per il Medio Evo, coll. « Fonti per la storia dell'Italia medievale / Antiquitates » (no 51), , 1re éd., 1 vol., VI-315, 26 cm (ISBN 978-88-98079-84-1, EAN 9788898079841, OCLC 1109738229, BNF 45768858, SUDOC 236894412, présentation en ligne).
Bibliographie
modifier- [Castagnol 1955] André Chastagnol, « Notes chronologiques sur l'Histoire Auguste et le Laterculus de Polemius Silvius », Historia, t. IV, nos 2-3, , p. 173-188 (OCLC 5546790454, BNF 31933588, JSTOR 4434449), réimpr. dans :
- [Chastagnol 1994] André Chastagnol, Aspects de l'Antiquité tardive, Rome, L'Erma di Bretschneider, coll. « Saggi di storia antica » (no 6), , 1re éd., 1 vol., 395-[8], 13 × 20 cm (EAN 9788870628623, OCLC 191857906, BNF 37668772, SUDOC 003637581, présentation en ligne, lire en ligne), p. 179-198.
- [Mommsen 1867] Theodor Mommsen (trad. de l'allemand par Émile Picot), « Mémoire sur la liste de Polemius Silvius », dans Mémoires sur les provinces romaines et sur les listes qui nous en sont parvenues depuis la division faite par Dioclétien jusqu'au commencement du Ve siècle, Paris, Librairie académie – Didier, , 1re éd., 1 vol., 67-[1], in-8o (24 cm) (OCLC 458036003, BNF 30961318, SUDOC 108330680, lire en ligne), 1re part., p. 1-23.
- [Nicholson 2018] (en) Oliver Nicholson (éd.), The Oxford Dictionary of Late Antiquity [« Le dictionnaire d'Oxford de l'Antiquité tardive »], t. 2 : J – Z, Oxford, Oxford University Press, , 1re éd. (ISBN 978-0-19-866277-8, EAN 9780198662778, OCLC 1030905378, BNF b45508873c, DOI 10.1093/acref/9780198662778.001.0001, SUDOC 226947475, présentation en ligne, lire en ligne), s.v.Polemius Silvius, p. 1206, col. 1-2 (lire en ligne).
- [Pietri et Heijmans 2013] Luce Pietri et Marc Heijmans (dir.), Prosopographie de la Gaule chrétienne : -, t. 2 : I – Z et fragments, Paris, Association des amis du Centre d'histoire et civilisation de Byzance, coll. « Prosopographie chrétienne du Bas-Empire » (no 4, 2), , 1re éd., 1 vol., p. 1033-2067, 25 cm (ISBN 978-2-916716-43-5, EAN 9782916716435, OCLC 875135523, BNF 43722410, SUDOC 177245530), s.v.Polemius Silvius2, p. 1812.
- [Thomas 1906a] Antoine Thomas, « Liste de noms d'animaux due à Polemius Silvius », Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, no 1, , séance du , p. 9 (DOI 10.3406/crai.1906.71734, lire en ligne).
- [Thomas 1906b] Antoine Thomas, « Le Laterculus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique roman », Romania, t. XXXV, no 138, , p. 161-197 (OCLC 491738814, BNF 31459862, DOI 10.3406/roma.1906.4880, JSTOR 45043696, SUDOC 085369284, lire en ligne).
Liens externes
modifier- Laterculus Polemii Silvii
- [Eigler 2006a] (de) Ulrich Eigler, « Polemius Silvius », sur Der Neue Pauly Online, (DOI 10.1163/1574-9347_dnp_e1000140), trad. en anglais :
- [Eigler 2006b] (en) Ulrich Eigler, « Polemius Silvius », sur Brill's New Pauly Online, (DOI 10.1163/1574-9347_bnp_e1000140).
- [TLFI] Trésor de la langue française informatisé, s.v.anvot, angot, anvain, chamois, larmuse, lavaret, marmotte, omble et tacon1.