Pierrot (Watteau)

tableau d'Antoine Watteau

Pierrot est un tableau attribué à Antoine Watteau, qui aurait été peint en 1718-1719 et est exposé aujourd'hui au Louvre. Il a longtemps été appelé Gilles d'après le personnage éponyme.

Pierrot
Pierrot.
Artiste
Date
Vers 1718 - 1719
Type
Matériau
Dimensions (H × L)
185 × 150 cm
Mouvement
Propriétaire
No d’inventaire
MI 1121
Localisation

Historique

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Bien que ce soit une œuvre majeure du peintre, on ignore tout des circonstances et des conditions de la réalisation de ce tableau au format monumental (184 cm de haut et 149 cm de large)[1].

Ce tableau est découvert sous Napoléon Ier par le marchand de tableaux Meunier ou Meuniez. Dominique Vivant Denon l'achète en 1806 pour 150 francs[2] À la vente posthume de la collection de Vivant Denon, en avril-mai 1826, le tableau est acquis par son neveu Brunet-Denont pour 650 francs. Il le cède, pour 2 000 francs, à Casimir Perrin, marquis de Cypierre, le qui le vend, avant 1845, pour 16 000 francs, à Louis La Caze. Ce dernier lègue le tableau au musée du Louvre, en 1869[3].

Le tableau a fait l’objet d’une restauration, en 2024.

Description

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Le blanc de céruse utilisé en abondance dans la toile a conduit le spécialiste madrilène, le Dr Ismael Torrecilla, à avancer que Watteau serait mort non pas de phtisie mais empoisonné par ce produit toxique[4].

Le Pierrot est un des plus célèbres personnages de la comédie italienne. Le thème de ce tableau pourrait venir de l’expérience de Watteau en tant qu'élève de Claude Gillot, qui peignait entre autres de nombreux décors de théâtre.

Une explication actuelle est que le grand format du tableau a été émise par Hélène Adhémar à partir d'un passage du livre de François et Claude Parfaict, Mémoires pour servir à l'histoire des spectacles de la foire par un acteur forain, t. 1, Paris, Chez Briasson, (lire en ligne), p. 36-38 dans lequel il cite un comédien italien appelé Belloni « Pierrot... applaudi de tout le public » qui avait ouvert un café après s'être retiré du théâtre avant 1718 et avait installé une enseigne le représentant en Pierrot[5].

 
Le Tombeau de Maître André

À son arrivée à Paris, Antoine Watteau a travaillé avec le peintre Claude Gillot qui s'était spécialisé dans les peintures de représentetion de pièces données par la « Comédie-Italienne ». Dans le « Tombeau de Maître André » (vers 1709/1712), on voit Arlequin, le valet rusé au costume bariolé, Mezzetin, à gauche, et Scaramouche, à droite. Pierrot, en costume blanc, sépare les adversaires. Antoine Watteau a peint le personnage de Pierrot dans quatre autres tableaux : « Pierrot Content » (1712), « La Partie quarrée » (vers 1713/1714) et deux tableaux « Les Comédiens italiens » peints pendant son séjour à Londres (1719-1720).

Une autre hypothèse est avancée. En 1719, la Comédie-Française fait interdire toute représentation publique du théâtre de la Foire, dont Pierrot est le personnage principal. Il apparaît, sur le tableau, figé et muet tandis que Crispin, personnage vedette de la Comédie-Française, semble ricaner de son immobilité. Watteau, qui est, semble-t-il représenté sous les traits de Crispin, aurait alors signifié le ridicule de la querelle des théâtres[6].

Le décentrement du personnage principal, considéré comme une audace pour l’époque, n'est en fait pas la composition initiale du tableau. Son observation en lumière rasante met en évidence d'anciennes traces d'un châssis qui était pratiquement au centre de la figure de Pierrot, le tableau ayant été par la suite coupé[7].

Notes et références

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  1. François Joseph Moreau, Margaret Morgan Graselli, Antoine Watteau (1684-1721) : le peintre, son temps et sa légende, Champion-Slatkine, , p. 38.
  2. Dans une note, Vivant Denon écrit : « Watteau est un des premiers coloristes de l'école française ; il dessinait avec l'élégance du Parmesan : il avait la fraîcheur du coloris de Van Dyck, la composition facile de Rubens, la manière du Corrège, et quelquefois naïveté du Georgione, avec l'harmonie vraie de toute l'école vénitienne. Tant d'éminentes qualités furent ternies par un seul défaut, que l'on doit attribuer à une seule circonstance de sa vie ; ce fut de s'être laissé aller à la manière où tendait l'école de l'époque où il naquit, et où l'a fait tomber la facilité de ses moyens. Né sans fortune, il travaillait pour les marchands de tableaux, qui ne lui ordonnaient que ce qui se vendait alors, et dans les boutiques desquels ses petits chefs-d'œuvre ne faisaient que paraître et étaient renouvelés aussitôt. Le hasard lui fit connaître les acteurs de la Comédie Italienne que le gouvernement venait de faire venir d'Italie. Il en fit sa société intime, et dès-lors il ne fit plus que des arlequins, des colombines, des docteurs et des gilles ; ce qui fait que que la plupart de ses délicieuses productions sont devenues comme mauvaise compagnie pour les cabinets où règne la gravité de style des écoles d'Italie. Mais lorsqu'il sort de son théâtre bouffon, et qu'il s'élève jusqu'aux scènes du grand Opéra, et tout ce que la poésie a de magie et de grâce se trouve réuni dans ses compositions ; témoin son tableau du départ pour l'île de Cythère, où l'empire de l'Amour s'exerce sur tous les caractères, ... Je possède encore un tableau à personnages plus grands que nature, dans lequel il fait le portrait de ses amis, et par lequel on peut juger combien il conservait de couleur et de vérité dans une dimension qui lui était étrangère » (Dominique Vivant Denon et Amaury Duval, Monuments des arts du dessin chez les peuples tant anciens que modernes, t. 4, Paris, Chez Brunet Denon, (lire en ligne), Planche CCC. Note 1)
  3. Catalogue d'exposition Watteau 1984, p. 434. Provenance
  4. Jean Ferré et Raoul Brié, Watteau, Athéna, , p. 317.
  5. Pierrot, dit autrefois "Gilles".
  6. « Le Pierrot de Watteau, une captivante énigme », Grande Galerie - Le journal du Louvre, no 68,‎ .
  7. Juliette Garcias, Stan Neumann, documentaire La vie cachée des œuvres - Watteau, Arte, 2010.

Annexes

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Bibliographie

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  • « Pierrot, dit autrefois Gilles », dans Watteau. 1684 1721. Catalogue d'exposition, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, (ISBN 2-7118-0281-7), p. 430-436
  • Guillaume Faroult, « Le format perdu du Pierrot de Watteau », Grande Galerie. Le Journal du Louvre, no 62,‎ , p. 50-51
  • Guillaume Faroult, « Le Pierrot de Watteau, une captivant énigme », Grande Galerie. Le Journal du Louvre, no 68,‎ , p. 60-65
  • Guillaume Faroult, « Pierrot » dit le « Gilles » de Watteau. Un comédien sans réplique, Musée du Louvre/Lenart éditions, , 240 p. (ISBN 978-2-35906-447-6)

Liens externes

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