Pierre Seel

écrivain français

Pierre Seel, né le à Haguenau et mort le à Toulouse, est la seule personnalité homosexuelle française à avoir témoigné à visage découvert de sa déportation durant la Seconde Guerre mondiale pour motif d'homosexualité. Il est l'écrivain de Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, un récit autobiographique racontant l'histoire de cette déportation.

Pierre Seel
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 82 ans)
ToulouseVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nationalité
Activité
Autres informations
Conflit
Plaque mémorielle sur une façade du théâtre de Mulhouse.
Sépulture de Pierre Seel, située au nouveau cimetière de Bram.

Biographie

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Jeunesse

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En 1940, à dix-sept ans à peine, Pierre Seel se fait voler sa montre dans un parc de Mulhouse, connu comme lieu de rencontres d'homosexuels. Il va porter plainte au commissariat. À son insu, son nom a été inscrit[pas clair] dans le fichier des homosexuels du commissariat.

Il est convoqué le 3 mai 1941 dans les locaux de la Gestapo à Mulhouse. Il est arrêté, interrogé, torturé et violé pendant deux semaines comme le sont en même temps que lui plusieurs autres arrêtés pour homosexualité.

« Excédés par notre résistance, les SS commencèrent à arracher les ongles de certains d’entre nous. De rage, ils brisèrent les règles sur lesquelles nous étions agenouillés et s’en servirent pour nous violer. Nos intestins furent perforés. Le sang giclait de partout. » (Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, p. 39)

Puis il est déporté le 13 mai 1941 au camp de sûreté et de redressement de Schirmeck-Vorbruck, proche du camp de concentration de Natzweiler-Struthof nouvellement créé sur le ban de la commune de Natzwiller. Il y souffre notamment de la faim « qui rendit fous certains d’entre [eux] » (p. 57), de rhumatismes et contracte la dysenterie. Comme de nombreux détenus déportés pour homosexualité dans les camps nazis, Pierre Seel subit des expérimentations et témoigne de séances de torture où des infirmiers nazis jouaient aux fléchettes avec des seringues sur des détenus :

« Nous étions une demi-douzaine, torse nu et alignés contre le mur. Pour réaliser leurs injections, ils aimaient lancer en notre direction leurs seringues comme on lance des fléchettes à la foire. » (Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, p. 56)

Un jeune homme qu'il désigne comme "Jo" et avec qui il a entretenu une relation amoureuse à Mulhouse est également déporté à Schirmeck-Vorbruck. Pierre Seel l'apprend le jour où, réunis par les SS avec les autres détenus dans la cour du camp, Jo est amené nu avant que les SS le fasse dévorer vivant par leurs bergers allemands :

« Ils lui enfoncèrent violemment sur la tête un seau en fer blanc. Ils lâchèrent sur lui les féroces chiens de garde du camp, des bergers allemands qui le mordirent d'abord au bas-ventre et aux cuisses avant de le dévorer sous nos yeux. Ses hurlements de douleur étaient amplifiés et distordus par le seau sous lequel sa tête demeurait prise. Raide et chancelant, les yeux écarquillés par tant d'horreur, des larmes coulant sur mes joues, je priai ardemment pour qu'il perde très vite connaissance. (…) Depuis, il m'arrive encore souvent de me réveiller la nuit en hurlant. (...) Je n'oublierai jamais cet assassinat barbare de mon amour.

Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, p. 59-60 »

En il est libéré mais, à 18 ans, en , comme tous les Alsaciens et les Mosellans de son âge, il est incorporé de force dans l’armée allemande et doit aller se battre sur le front russe[1]. À la Libération, si comme la plupart des déportés, il ne s’étend pas publiquement sur l’enfer qui fut aussi le lot de tant d’autres, il le peut d’autant moins que la révélation de la cause spécifique de cette déportation, son homosexualité, était à l’époque impensable, et l’aurait condamné à un rejet total, y compris de la part des déportés politiques et résistants. L'armée allemande en avait fait, de plus, un de ces « malgré-nous » alors souvent mal vus. À l’enfer dont il réchappait à vingt-deux ans, s’ajoutera celui de devoir se taire pour pouvoir se réadapter en se coulant dans son milieu familial de bourgeoisie établie et pour préserver les siens pendant trente ans — ce sera un souci constant douloureusement assumé — contre une opinion alors totalement intolérante envers tout soupçon d’homosexualité. Ce n’est qu’après avoir élevé ses trois enfants, pris sa retraite et, en 1978, s'être séparé d’avec son épouse qu’il s'estimera en mesure de témoigner publiquement.

Militantisme

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En 1982, resté catholique de foi, il est révolté par des propos homophobes de l’évêque de Strasbourg, Mgr Léon-Arthur Elchinger. Il sort du silence, quarante ans après sa déportation et témoigne de ce qu'il a vécu dans une lettre ouverte. Les 2 et , Pierre Seel livre son bouleversant témoignage dans l'émission de Daniel Mermet, Là-bas si j'y suis[2], diffusée sur France Inter. À la suite de cette émission en 1994, il écrit un livre avec Jean Le Bitoux Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel. Grâce à lui et au soutien de quelques militants, la reconnaissance de la déportation homosexuelle se fait enfin, lentement et surtout très tardivement. Lionel Jospin, alors Premier ministre, l'évoque en 2001. Puis en avril 2005, le président de la République, Jacques Chirac, en parle à l'occasion de la Journée nationale du souvenir de la déportation du  :

« En Allemagne, mais aussi sur notre territoire, celles et ceux que leur vie personnelle distinguait — je pense aux homosexuels — étaient poursuivis, arrêtés et déportés. »

À la suite de ses révélations, une partie de sa famille rompt avec lui[3].

Dès 1995, Pierre Seel est invité à apporter son témoignage au public, dans plusieurs villes (Lille, Besançon, Marseille…) et sur la fréquence Radio Campus. Pierre Seel est interviewé en 1998 par l'USC Shoah Foundation Institute créé par Steven Spielberg[4].

Son témoignage apparaît également dans le documentaire sur la déportation homosexuelle, Paragraphe 175 (2000) réalisé par Rob Epstein et Jeffrey Friedman.

Le film documentaire Amants des hommes[5] d'Isabelle Darmengeat sur la déportation homosexuelle en France reprend et utilise des extraits lus de l'autobiographie, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel[6].

Décès

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Pierre Seel meurt le . Ses obsèques religieuses ont lieu dans l'intimité trois jours plus tard à Toulouse où il vécut sa vie professionnelle et sa retraite pendant les trente-sept dernières années de sa vie. Il est aujourd'hui inhumé dans le nouveau cimetière de Bram, dans l'Aude[7],[8].

Bibliographie

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Hommages posthumes

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Municipaux

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Les plaques de la rue Pierre Seel, à Toulouse.
 
Plaque de la rue Pierre-Seel, à Paris.

Le , la ville de Toulouse annonce qu'elle engage une procédure afin de baptiser une rue du centre ville du nom de Pierre Seel[9],[10]. À l’unanimité du conseil municipal du , la décision est entérinée.

La nouvelle rue, qui donne sur le port Saint-Sauveur, est inaugurée le par le maire de Toulouse. La plaque de rue porte l'inscription : « Rue Pierre-Seel - Déporté français pour homosexualité (1923-2005) » et « Carrièra Pierre Seel Deportat francés per omosexualitat » (en occitan)[11],[12],[13].

Le , le maire de Mulhouse Jean-Marie Bockel donne son accord de principe à l'apposition d'une plaque commémorative à Pierre Seel sur l'immeuble où se situait la maison de ses parents[14]. Un an plus tard, face au refus émanant du nouveau propriétaire des lieux, la municipalité donne son aval à une solution englobant aussi d'autres déportés pour motif d'homosexualité[15]. Ainsi, 65 ans après la fin du dernier conflit mondial, une plaque mémorielle a été apposée sur une façade du théâtre municipal, celle qui donne sur le Square Steinbach. Son inauguration a eu lieu le , en présence de Jean-Marie Bockel, alors secrétaire d’État à la Justice, de Rudolf Brazda ainsi que de représentants de l'association Les « Oublié(e)s » de la Mémoire[16] qui ont porté le projet, soutenus par les associations gaies et lesbiennes locales.

Le , un hommage lui a été rendu à l'occasion du 10e anniversaire de sa mort : sur sa tombe en présence de Claudie Mejean, maire (PS) de Bram et Danièle Mouchague, conseillère régionale (PS) du Languedoc-Roussillon. Une seconde gerbe a été déposée à Toulouse, rue Pierre-Seel[17],[18],[19].

Le , une rue Pierre-Seel est inaugurée à Paris dans le 4e arrondissement, entre la rue de Rivoli et la Rue du Roi-de-Sicile[20].

Cinéma

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Notes et références

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  1. Pascal Nivelle, « Pierre Seel : sa gay pride » dans Libération du samedi 8 décembre 2001.
  2. Pierre Seel, homosexuel déporté, entretien avec Daniel Mermet, émission Là-bas si j'y suis, 1993.
  3. Jean Delaunay, « En souvenir de Pierre Seel, le survivant gay français de l’Holocauste et pionnier LGBTQ », sur observatoiredeleurope.com, (consulté le ).
  4. Témoignage 20395 du catalogue, 90 min
  5. « Amants des hommes » (présentation de l'œuvre), sur l'Internet Movie Database
  6. Laure Célérier, « Isabelle Darmengeat, Amants des hommes », Lectures,‎ (ISSN 2116-5289, DOI 10.4000/lectures.1290, lire en ligne, consulté le )
  7. Ville de Bram - Magazine Regards n°57, « Moi Pierre Sell, déporté homosexuel », sur calameo.com, (consulté le ).
  8. Philippe Landru, « Pierre Sell (1923-2005). Cimetière de Bram », sur landrucimetieres.fr, (consulté le ).
  9. La mairie de Toulouse engage le processus pour une «rue Pierre Seel», tetu.com, 26 novembre 2007
  10. Message du maire de Toulouse
  11. La France a enfin son premier lieu de mémoire
  12. Toulouse: la rue Pierre Seel inaugurée , tetu.com, 25 février 2008.
  13. Hommage. Pierre Seel : le combat d'un juste, La Dépêche, édition du 25 février 2008
  14. Après Toulouse, Mulhouse va honorer la mémoire de Pierre Seel
  15. Mulhouse va honorer la mémoire des déportés pour homosexualité
  16. « - Les "Oublié-e-s" de la Mémoire », sur Les "Oublié-e-s" de la Mémoire (consulté le ).
  17. Hommage à Pierre Seel
  18. « Déportation homosexuelle, Pierre Seel,10è anniversaire de sa mort. Bram novembre 2015 », sur memoire-sexualites.org, (consulté le ).
  19. « Hommage à Pierre Seel », sur ladepeche.fr, (consulté le ).
  20. « Des places et des rues en hommage aux militants LGBTQI+ », sur paris.fr (consulté le ).
  21. Cécile Marchand-Ménard, « Se souvenir des triangles roses »  , sur telerama.fr, (consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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