Peter Aufschnaiter
Peter Aufschnaiter, né le à Kitzbühel et mort le à Innsbruck[1], est un alpiniste et cartographe autrichien. Son nom est lié à celui de son compatriote Heinrich Harrer, avec qui il s'échappe du camp britannique de Dehradun en Inde du Nord en 1944 pour se réfugier au Tibet, où il séjourna jusqu'en .
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Pema Lhaki |
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Escalade sur rochers (en) |
Jeunes années et études
modifierPeter Aufschnaiter était originaire de Kitzbühel dans le Tyrol, une station de sports d'hiver renommée située au pied du Kaisergebirge. Son père y était charpentier[2].
Ses études au lycée de Kufstein sont interrompues par sa mobilisation en 1917 lors la Première Guerre mondiale. Il prend part aux combats dans les Dolomites[3]. Démobilisé, il finit le lycée en 1918 et gagne Munich, en Allemagne, pour faire des études d'agronomie[4].
Expéditions dans l'Himalaya
modifierEn 1929 et 1931, il participe aux expéditions allemandes du Kangchenjunga au Sikkim. Au cours de ces expéditions, il a un premier contact avec des Tibétains et la langue tibétaine.
Le , après la prise de pouvoir par les nazis, il devient membre du NSDAP[5],[6].
À Munich, il fait la connaissance de plusieurs alpinistes allemands. De 1936 à 1939, il est secrétaire général de la Fondation allemande pour l'Himalaya, exploitée par les nazis pour leurs objectifs. Il était un proche confident et ami de Paul Bauer, le fondateur et directeur de la fondation.
En 1939, il conduit la troisième expédition allemande au Nanga Parbat, à laquelle participe également Heinrich Harrer[7],[8]. Elle est chargée par Himmler de faire du repérage en vue de l'ascension de la face nord-ouest du Nanga Parbat (« la Montagne Nue »), le 9e plus haut sommet du monde (8 126 m)[9], aujourd'hui au Pakistan et à l'époque aux Indes britanniques. Après l'échec de plusieurs expéditions (10 morts en 1934, 16 morts en 1937), « la Montagne Noire » est devenue pour l'alpinisme allemand une obsession[10].
Le , cinq minutes après la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, les membres de l'expédition sont arrêtés par les autorités indo-britanniques au moment où ils s'apprêtent à gagner l'Iran faute d'avoir trouvé à Karachi le cargo censé les ramener au pays[11].
Pendant son incarcération comme prisonnier de guerre dans les camps britanniques du Nord de l'Inde, Aufschnaiter, qui parle déjà l'hindoustani, apprend le tibétain dans l'ouvrage de Charles Alfred Bell Manual of Colloquial Tibetan[12],[13]. Le , en compagnie de Harrer et de cinq autres prisonniers, il parvient à s'échapper du camp de Dehra Dun situé au pied de l'Himalaya, à 190 km de la frontière tibétaine[14]. Après un périple de près de deux ans, Aufschnaiter et Harrer parviennent à Lhassa le [15],[16].
Séjour à Lhassa
modifierLes deux Européens séjournent à Lhassa pendant cinq ans. Sur place, leur situation administrative évolue. Le gouvernement tibétain souhaite les expulser et le gouvernement britannique fait aussi pression en ce sens, mais le représentant politique de l'Inde britannique au Sikkim Arthur Hopkinson prend leur défense, leur permettant de rester à Lhassa[17]. Après avoir obtenu le statut de résidents permanents, ils sont nommés fonctionnaires du gouvernement, avec maison, écurie et domestiques[18].
Aufschnaiter, qui est ingénieur agronome de formation, donne aux Tibétains des conseils sur la façon d'améliorer les semences et réalise à la demande des autorités un canal d'irrigation des champs autour de Lhassa. Il conçoit un barrage sur la rivière Kyi chu pour protéger le palais de Norbulingka des inondations, ainsi qu'un canal d'amenée d'eau à Lhassa[19]. Harrer surveille la réalisation des travaux.
Par la suite, les deux Autrichiens établissent une carte de Lhassa et des environs[20] en vue de concevoir un réseau d'égouts.
Aufschnaiter se penche également sur les moyens d'améliorer le fonctionnement de la petite centrale électrique de Lhassa, laissée sans entretien et tombant en décrépitude depuis la mort de son constructeur, Ringang, un des quatre garçons de Rugby, et qui ne produit que l'alimentation électrique des machines de la Monnaie quand Robert W. Ford se trouve à Lhassa. Avec l'aide de Reginald Fox, un opérateur radio britannique qui en conçoit les plans, il construit une nouvelle centrale électrique beaucoup plus performante[21].
En raison de ses activités, Aufschnaiter est très connu des habitants de Lhassa, il est même encore plus apprécié que son compatriote Heinrich Harrer, selon Hisao Kimura, un ex-agent secret japonais qui a l'occasion de les rencontrer en 1948[22].
En 1950, quand le gouvernement chinois occupe le Tibet, Aufschnaiter quitte Lhassa, séjournant d'abord à Kyirong avant de rejoindre Katmandou au Népal en [23].
Il travaille comme cartographe au Népal, puis en Inde, à New Delhi pour le compte de l'armée indienne. Il finit par obtenir un passeport népalais qui lui permet de gagner des zones interdites où il découvre des fresques bouddhistes très anciennes. Selon Jeremy Bernstein qui le rencontre au Népal en 1967, il s'établit dans le pays où il travaille comme ingénieur agronome pour le compte de différentes organisations, dont la Swiss Technical Aid, et épouse une Tibétaine, Pema Lhaki[24]. Il passe trois mois à l'ouest du Népal avec deux géologues, le Suisse Toni Hagen (en) et le Français Pierre Bordet[25]. À partir de 1956, il travaille à Katmandou comme expert agronome pour l'ONU. Tous les trois ans, il retourne en Europe faire de l'alpinisme[26].
Dernières années
modifierÀ la fin de sa vie, il rentre définitivement en Autriche. Victime d'ennuis de santé hérités d'une vie passée à la dure[27], il meurt en 1973 à Innsbruck, à l'âge de 73 ans.
Interrogé, avant sa mort, sur ce qu'il considérait être son meilleur souvenir, Aufschnaiter confia que c'était de « parcourir, seul, les étendues montagneuses du Tibet »[28].
Le récit du séjour d'Aufschnaiter au Tibet a fait l'objet, en 1983, d'un livre mis en forme par le tibétologue suisse Martin Brauen à partir des notes laissées par l'alpiniste. Titre : Peter Aufschnaiter. Sein Leben in Tibet.
Le film Sept Ans au Tibet, réalisé en 1997 par Jean-Jacques Annaud, s'inspire librement du livre autobiographique de Heinrich Harrer, Sept ans d'aventures au Tibet. Le rôle de Peter Aufschnaiter y est interprété par l'acteur David Thewlis. Dans le film, ce dernier et Aufschnaiter font les yeux doux à une couturière tibétaine, alors que le livre reste muet sur ce point[29]. Dans l'ouvrage publié par Martin Brauen, Pema, le nom de la compagne de Peter Aufschnaiter, est mentionné lors de son séjour au Tibet[30].
Œuvres
modifierN'ayant pas les prédispositions littéraires de Heinrich Harrer, Peter Aufschnaiter est moins connu que lui, mais il est l'auteur de mémoires posthumes et d'articles de revues[31] :
- (en) Diamir Side of Nanga Parbat, Reconnaissance 1939, in Himalayan Journal, 14, 1947, p. 110–115.
- (en) Escape to Lhasa 1944-1945, in Himalayan Journal, 14, 1947, p. 116–120.
- (en) Prehistoric Sites Discovered in Inhabited Regions of Tibet, in East and West, 7, 1956, S. 74-88.
- (en) Lands and Places of Milarepa, in East and West, N. S., 26, 1976, S. 175-189.
- (de) avec Martin Brauen (Hrsg.), Peter Aufschnaiter. Sein Leben in Tibet, 2, Auflage, Steiger Verlag, Innsbruck, 1988 (ISBN 3-85423-016-8) (ouvrage posthume) - (en) Peter Aufschnaiter's Eight Years in Tibet, Orchid Press, 2002, 208 p.
Références
modifier- (en) « Peter Aufschnaiter », sur harrerportfolio.com, Heinrich Harrer Limited Edition Portfolio : « Peter Aufschnaiter died in Innsbruck in 1973 at the age of 73. »
- (en) Heinrich Harrer, Peter Aufschnaiter, The Himalayan Journal, 33 (Obituaries published in 1973-74) : « Peter Aufschnaiter came from Kitzbuhel in Tirol, a famous winter sport resort at the feet of the “wild Kaiser”, where his father was a distinguished carpenter. »
- Heinrich Harrer, Peter Aufschnaiter, op. cit. : « Aufschnaiter who as a young man took part in the First World War in the Dolomites. »
- Heinrich Harrer, Peter Aufschnaiter, op. cit. : « Attending a grammar school in Kufstein and training in Munich as Agricultural Engineer formed the basis of his activity. »
- (en) Gerald Lehner, Tilman Müller, Dalai Lama's Friend, Hitler's Champion, site The Himal Magazine : « Peter Aufschneiter (who had joined NSDAP, the Nazi party, in 1933). »
- Charlie Buffet, « Polémique autour du héros du film de Jean-Jacques Annaud. Un nazi au Tibet. », sur www.liberation.fr, (consulté le ) : « […] il (Heinrich Harrer) obtient du Reichsführer SS Heinrich Himmler de participer à la quatrième expédition que le Reich envoie à l'assaut du Nanga Parbat (au Cachemire), sous la conduite de Peter Aufschnaiter, membre du NSDAP. »
- Peters 2004 : « The second world war interrupted an expedition that the expert Tyrolean alpinist Aufschnaiter was leading on behalf of the German Himalayan Foundation. »
- (en) Roger Croston, « Prisoners of the Raj », Alpine Journal, , p. 211-224 (lire en ligne) : « Aufschnaiter and Harrer had been together on the 1939 reconnaissance of Nanga Parbat. »
- Croston 2006, p. 213 : « Nanga Parbat, at 8126m the world's ninth highest peak »
- Michel Mestre, L'idée nationale en montagne et dans l'alpinisme : le cas du club alpin austro-allemand (DOÖAV), dans Amnis, revue de civilisation contemporaine de l'Université de Bretagne occidentale, mai 2002.
- (en) Heinrich Harrer, Seven years in Tibet, translated from the German by Richard Graves; with an introduction by Peter Fleming; foreword by the Dalai Lama, E. P. Dutton, 1954 (ISBN 0874778883) : « By the end of August 1939, we had completed our reconnaissance […] and were now waiting in Karachi for the freighter that was to take us back to Europe. Our ship was long overdue, and the war clouds were growing even denser. […] Only Aufschnaiter was for staying in Karachi. […] The rest of us planned to break through to Persia and find our way home from there. […] we managed to reach Las Bela, a little principality to the northwest of Karachi. But […] we suddenly found ourselves taken in charge by eight soldiers, on the grounds that we needed personal protection. We were, in fact, under arrest. »
- Croston 2006, p. 216 : « The censor returned Aufschneiter's maps and books, including Bell's Colloquial Tibetan as being close to Bombay these were thought to be harmless, little realising the prisoners would later end up near the Himalayas. »
- Peters 2004 : « He spent the next four years learning Tibetan. »
- Croston 2006, p. 216 : « Premnagar, Dehra Dun, Mussoorie, 120 miles from the Tibetan border. »
- (en) Colin Wells, Heinrich Harrer 1912-2006. Last of the Eigerwanderers, Climb Magazine, avril 2006 : « Imprisoned at the internment camp of Dehra Dun on the edge of India's Garhwal Himalaya, Harrer made two escape attempts over five years before successfully breaking free with Aufschnaiter and fleeing over the border into neutral Tibet. »
- (en) Heinrich Harrer, The Telegraph, 16 novembre 2006 : « they reached Lhasa after a bleak journey across the Changtang plateau in January 1946. »
- Robert Ford, in Fabrice Midal, Un simple moine, Presses du Châtelet, 2006 (ISBN 978-2-8459-2529-8), p. 79
- (en) Douglas Martin, Heinrich Harrer, 93, Explorer of Tibet, Dies, The New York Times, 10 janvier 2006
- Peters 2004 : « Aufschnaiter - an agricultural chemist by trade - plunged into helping develop the country as best he could. Granted a small stipend by the government, he advised on how to improve seed stocks, supervised the construction of Tibet's first irrigation canal, started archaeological digs and devised ways to improve Lhasa's tiny electric power station. He also drew up a plan of the town. »
- Heinrich Harrer Limited Edition Portfolio : « Our most interesting work together was drawing up a map of Lhasa based on our survey. »
- Robert W. Ford, Tibet Rouge. Capturé par l’armée chinoise au Kham, Olizane, 1999 (édition originale en 1957) (ISBN 2-88086-241-8), p. 23, 100, 117.
- (en) Hisao Kimura, Japanese agent in Tibet : my ten years of travel in disguise, as told to Scott Berry, Serindia Publications, Inc., (ISBN 0-906026-24-5) p. 196 : « (Harrer's) companion was, if anything, even more widely-known and liked among the Tibetans. »
- Peters 2004 : « In 1950, when the Chinese government occupied Tibet, Aufschnalter left Lhasa on a tour of the country that took him further south. By January 1952, he had settled once again in the Himalayas, but this time in Kathmandu, Nepal. »
- (en) Jeremy Bernstein, Quantum Leaps, Harvard University Press, 2009 (ISBN 0674035410 et 9780674035416), 230 p., p. 36-39 : « after the Chinese invasion in 1950, both men left the country, Harrer for Austria, Aufschnaiter for Nepal, where he married a Tibetan woman. »
- Martin Brauen, Peter Aufschnaiter's eight years in Tibet, 2002, p. 17 « Before taking up his post with the FAO, he spent three months in West Nepal with Dr Toni Hagen, a Swiss geologist, and the French Abbé Bordet, who was also a geologist. »
- Heinrich Harrer Limited Edition Portfolio : « Aufschnaiter spent most of his remaining years in Nepal, working as an agricultural engineer, first for Swiss Technical Aid and later for the Food and Agricultural Organization of the United Nations. Every three years he came on leave to Europe, where we went mountaineering together. »
- Peters 2004 : « Towards the end of his life Aufschnaiter suffered worsening ill health-a legacy of roughing it for decades. »
- Peters 2004 : « Asked about his fondest memories before he died, Aufschnaiter said they were of “walking alone among the hilly expanses of Tibet”. »
- (en) Jigme Duntak, My Recollections on Seven Years in Tibet, blog Tibet Talk WordPress, : « some parts of the movie are completely outright fabricated.
- In the book Harrer never mentions anything about his relations with his wife back in Austria, nor does he mention anything about any love interests or competition between he and Aufschnaiter for the Tibetan seamstress depicted in the movie. » - (en) Martin Brauen, Peter Aufschnaiter, Peter Aufschnaiter's Eight Years in Tibet, Orchid Press, 2002 (ISBN 9745240125 et 9789745240124)
- Kimura 1990, p. 196 : « lacking Harrer's literary bent his name is less widely known. »
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- (de) Peter Aufschnaiter, Martin Brauen, Peter Aufschnaiter. Sein Leben in Tibet., Steiger, Innsbruck, 1983 (ISBN 3-85423-016-8) (publié en anglais en 2002 sous le titre Peter Aufschnaiter's Eight Years in Tibet, Orchid Press, Bangkok)
- (en) Ed Peters, « Book review of Peter Aufschnaiter's Eight Years in Tibet », The South China Morning Post, (lire en ligne)
- (fr) Lhassa : le Tibet disparu, texte et photographie de Heinrich Harrer, Édition de La Martinière, 1997 (ISBN 2-7324-2350-5) ; publié pour la première fois en 1992 par Harry N. Abrams sous le titre de Lost Lhasa
- (de) Bruno J. Richtsfeld (Bearb., Hrsg.), « Peter Aufschnaiters nachgelassene Aufzeichnungen über seine Reise durch Nordwestnepal nach Khochar in Tibet im Jahre 1971. Ergänzt durch Giuseppe Tuccis Schilderung seines Besuches in Khochar 1935 und Swami Pranavânandas Beschreibung des Klosters von Khochar 1939 », in Münchner Beiträge zur Völkerkunde, Jahrbuch des Staatlichen Museums für Völkerkunde München 10/2006, Verlag des Staatlichen Museums für Völkerkunde München, Munich, 2006 (ISBN 978-3-927270-50-3), p. 183–232
Lien externe
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- Ressource relative à la vie publique :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :