Paul Ackerman
Paul Ackerman, né le à Iași (Roumanie) et mort à Paris le , est un peintre, lithographe, sculpteur et décorateur de théâtre roumain naturalisé français.
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(à 72 ans) Paris |
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Vivant en France depuis 1912, il appartient à l'École de Paris.
Biographie
modifierPaul Ackerman a quatre ans lorsque, en 1912, son père, administrateur de société et grand amateur d'art, décide, par contrainte face à « l'antisémitisme qui est une dure réalité en Roumanie »[1], de venir s'installer à Paris[2], dans une grande villa face au bois de Vincennes. Il fait ses études secondaires au lycée Charlemagne — où il se lie d'une amitié durable avec Gabriel Arout, futur auteur de théâtre pour qui, plus tard, il réalisera les décors —, puis à l'École alsacienne. À partir de 1925, Ackerman étudie le droit et les lettres à la Sorbonne[3], mais, fréquentant assidûment le musée du Louvre, il sait que sa vocation est ailleurs.
En 1933, Paul Ackerman fait la connaissance de Simone Laverrière, originaire de Royan, qu'il épouse en 1935. En 1936, dans son atelier du 100, rue du Faubourg-Saint-Honoré, il dessine des projets d'affiches, de tissus et de bijoux pour Elsa Schiaparelli et Marcel Rochas tout en fréquentant l'atelier de Fernand Léger.
En 1939, durant la Seconde Guerre mondiale, Paul Ackerman est mobilisé, fait prisonnier puis, libéré, retrouve son épouse Simone à Vichy d'où, expulsé comme Juif, il part à Saint-Tropez. Il mène alors dans le sud de la France un vie cloîtrée, faite de petits moyens (peinture sur papier journal), mais aussi d'une grande amitié, celle de Pierre Bonnard[4]. De 1942 à 1945, il poursuit cette vie cloîtrée à Chindrieux, y peignant des paysages de Savoie, des nus, des natures mortes et des autoportraits.
À la Libération, Paul Ackerman retrouve à partir de 1945 son atelier parisien, effectuant toutefois des retours à Saint-Tropez, retrouvant Pierre Bonnard et fréquentant Pablo Picasso. À Paris, ses grandes rencontres sont alors Jean-Michel Atlan, Jean Dubuffet, Serge Poliakoff et surtout Alexandre Garbell dont il devient l'ami. Suivent rapidement la première exposition chez Raymond Creuze en 1947, le prix Pacquement en 1950.
Œuvre
modifierL’œuvre de Paul Ackerman se caractérise par sa polyvalence, ses variations, ses mutations, ses étapes, ses périodes, ses cycles, ses virages, ses métamorphoses, et même ses contradictions. N'ayant jamais été prisonnier d'un style, il est à la fois l'un des peintres les plus secrets de son temps et l'un de ceux qui en portent témoignage. Si dans les années 1950 l'aspect formel de son œuvre le range dans la peinture abstraite, un regard plus appuyé ne tarde pas à identifier la réalité concrète inspiratrice.
Après un virage à 180°, Ackerman revient résolument à la figuration dans ses grands cycles Rembrandt, Vivaldi, Dickens. On devine dès l'abord en filigrane de son œuvre la lecture de certains auteurs ésotériques (René Guénon notamment), ce que confirment ses notes manuscrites de réflexions personnelles[5], mais ce que contredit l'affirmation de l'artiste : « Je n'étais guidé par rien, je ne sais d'où ces images ont surgi, ni pourquoi je les ai faites »[6].
La propension de Paul Ackerman à l'ésotérisme s'est confirmée en 1965 avec L'Agartha, définie par René Guénon[7] comme « un monde souterrain étendant ses ramifications partout sous les continents ». Ackerman se sent poussé à rendre visible ce monde invisible. Son œuvre, et c'est ce qui fait son unité dans sa pluralité, relève donc d'une métaphysique où tout revêt un sens symbolique ou cosmogonique.
« Ou le temps sera clément avec mon travail », écrit Paul Ackerman dans ses notes, « et lui donnera cette valeur indispensable qui sensibilise une œuvre pour les générations à venir, et dans ce cas j'aurai été un vivant, ou le temps effacera ce que j'ai fait et dans ce cas je n'aurai jamais été qu'un peu de poussière[8] ».
Il meurt en 1981 et repose au cimetière parisien de Bagneux (4e division)[9].
Thèmes dans l’œuvre d'Ackerman
modifier- Ombres et Lumières, 1926-1964.
- Peintures sur papier journal, 1942.
- La leçon cubiste, de Paul Cézanne à Jacques Villon, 1946.
- Les Roseaux, 1949-1953.
- Les Soleils, 1950.
- Calligraphie, 1952.
- Thèmes bibliques et série Les Chinois, 1953.
- Tabula Rasa, 1956.
- Peintures en relief sur polyester, 1957.
- Clairs Obscurs, 1960-63.
- Rembrandt, 1964.
- L'Agartha, 1966-70.
- Voyage de Bruegel, 1967.
- Vivaldi, Dickens, 1970.
- Portraits dans un miroir, 1975-1977.
- Au-delà du réel, 1979.
Expositions
modifierExpositions personnelles
modifier- Galerie Raymond Creuze, Paris, 1947, 1954 et [10].
- Galerie du Siècle, Paris, 1950, catalogue préfacé par Loys Masson.
- Galerie Royale, Paris, 1955.
- Galleria del Grattacielo, Milan, 1956.
- Galerie Motte, Paris, 1962.
- Approches de Rembrandt, galerie Max Kaganovitch, Paris, 1964.
- Hommage à Rembrandt, galerie Max Kaganovitch, Paris, 1966[11].
- Leicester Gallery, Londres, 1967.
- Frankfurter Cabinet, Francfort-sur-le-Main, 1968.
- Musée de Cassel (Hesse), 1968.
- Galerie Dresdener, Montréal et Québec, 1968.
- Rétrospective Paul Ackerman, musée Galliera, Paris, 1970.
- Approche de l'Agartha, galerie Kriegel, Paris, 1970, avec les sculptures d'Irène Zack.
- Portraits dans un miroir, Uppsala (Suède), 1975.
- Le voyage de Bruegel, abbaye de Commelles (Oise), 1977.
- Eurpean Art Gallery, Bucarest, juin-[12].
Expositions collectives
modifier- Le Monde intérieur, Marseille, 1953.
- Le jardin, palais du Luxembourg, Paris, 1954.
- Les trente ans de la galerie, galerie Max Kaganovitch, Paris, 1966.
- Dessins, galerie Kriegel, Paris, 1967.
- Seize peintres abstraits, galerie Max Kaganovitch, Paris, 1968. Exposition organisée par l'historien de l'art Jean-Jacques Lévêque (1931-2011) et réunissant Paul Ackerman, Jean Messagier, Zoran Mušič, Olivier Debré, Paul Rebeyrolle, Key Sato, Zao Wou-Ki, Léon Zack, Árpád Szenes.
- From private collections in France, Royal Academy of Arts, Burlington House, Londres, 1969.
- Hommage à Max Kaganovitch, galerie Madeleine Kaganovitch, Paris, 1979. Exposition réunissant Paul Ackerman, Bill Parker, Anita de Caro, Jacques Boussard, Michel Cadoret et Isaac Païles. Catalogue préfacé par Gaston Palewski.
- Groupe Expo : peintures, sculptures, dessins, collages. Œuvres des années 1950-1970, La Capitale Galerie, Paris, de à .
Œuvres
modifierDécors pour le théâtre
modifier- La dame de trèfle de Gabriel Arout, théâtre Saint-Georges, avec Madeleine Robinson, 1952.
- Une femme trop honnête d'Armand Salacrou, théâtre Édouard-VII (Paris), mise-en-scène de Georges Vitaly, avec Sophie Desmarets, Jacques Jouanneau et Marthe Mercadier, 1957.
- Patate de Marcel Achard, théâtre Saint-Georges (Paris), mise-en-scène de Pierre Dux, avec Pierre Dux, Maurice Teynac et Sophie Daumier, 1957.
- L'an 2200, théâtre Saint-Georges (Paris), 1964.
Contributions bibliophiliques
modifier- Jean-François Chabrun, Descriptions, poésies accompagnées de trente lithographies de Paul Ackerman, Paris, Éditions Hors Mesure, 1968.
Réception critique
modifier- « Ackerman est passé à l'abstrait, ou, du moins, en donne l'impression : un ensemble informel qui traduit merveilleusement des pensées secrètes, une vision intérieure s'exprimant par des superpositions, des oppositions de taches colorées. On le devine passionné de peinture et de couleur mais dédaigneux de ce qu'il appelle les conventions, emporté chaque fois dans des rêves bien en lui vers des formes irréelles qu'essaie de fixer son pinceau. » - Jean Jacquinot[10]
- « L'œuvre de ce roumain naturalisé français reflète dans son évolution la plupart des mouvements picturaux qui se sont succédé depuis les années 1930. Pourtant, une sorte d'unité paradoxale, un même esprit prédominent au cours de ces différentes phases de création : les œuvres d'Ackerman se gardent de justesse du décoratif par un sens poétique parfois ésotérique. » — Gérald Schurr[13]
Récompense
modifier- Prix Charles Pacquement, 1950.
Collections publiques
modifierAllemagne
modifier- Musée de Cassel (Hesse).
États-Unis
modifierFrance
modifier- Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
- Paris :
- Chapelle de Boncourt (Eure-et-Loir) : peinture sur toile et châssis représentant la Passion du Christ. Il s'agit d'une œuvre d'envergure en noir gris et banc dont les scènes successives se succèdent en entourant la totalité de l'abside de l'église.
Collections privées
modifier- Michel Seguin[14].
Notes et références
modifier- Limone Yagil, « Paul Ackerman », dans Au nom de l'art, 1933-1945. Exils, solidarités, engagements, Librairie Arthème Fayard, 2015.
- Jean-Yves Conrad, Roumanie, capitale…Paris, Oxus, Collection Les Roumains de Paris, 2006, p. 353.
- Jean-Yves Conrad, Roumanie, capitale… Paris, Oxus, Collection « Les Roumains de Paris », 2006, p. 349.
- Claude Robert, Vente de l'atelier Paul Ackerman, hôtel Drouot. En page 17 du catalogue du , fac-similé d'un manuscrit de Pierre Bonnard (Le Cannet, ) évoquant une étroite collaboration entre les deux artistes et disant déjà l'œuvre d'Ackerman « importante ».
- Claude Robert a largement reproduit ces notes en fac-similés dans les huit catalogues de ventes d'atelier.
- Cité dans « Paul Ackerman », in Dictionnaire Bénézit.
- René Guénon, Le Roi du monde, Gallimard, 1958.
- Cité par Françoise de Perthuis, in « Paul Ackerman », La Gazette de l'Hôtel Drouot, 27 avril 1984.
- Le cimetière de Bagneux, personnalités y reposant, voir 4e division.
- Jean Jacquinot, « Ackerman », Journal de l'amateur d'art, no 193, 10 juin 1957, p. 7.
- Paul Ackerman, « Interview à propos de son exposition à la Galerie Max Kaganovitch », émission Arts d'aujourd'hui, France Culture, 3 décembre 1966.
- Victoria Anghelescu, « Paul Ackerman, l'artiste de toutes les avant-gardes », Cotidianul, Bucarest, 20 juillet 2014.
- Gérald Schurr, Le guidargus de la peinture, Les éditions de l'amateur, 1993.
- Mathias & Oger-Blanchet SVV, Paris, catalogue de la collection Michel Seguin, 7 mai 2021
Annexes
modifierBibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (de) « Malerische Variationen », Frankfurter Neue Presse, . À propos de Paul Ackerman.
- Michel Seuphor, Dictionnaire de la peinture abstraite, Éditions Fernand Hazan, Paris, 1957. Voir page 117.
- Raymond Cogniat, Paul Ackerman, Éditions Fernand Hazan, 1963.
- Jean-François Chabrun, Ackerman, Éditions du Musée Galliera, 1970.
- Gérald Schurr, Le Guidargus de la peinture, Éditions de l'amateur, 1983. Voir page 20.
- Françoise de Perthuis, La Gazette de l'Hôtel Drouot : « Paul Ackerman », ) ; « Un des artistes les plus inventifs du XXe siècle : Ackerman », ; « Un créateur des années 50 : Ackerman », ; « Paul Ackerman », ; « La montée irrésistible de Paul Ackerman », ; « L'aventure de Paul Ackerman », .
- Claude Robert, commissaire-priseur, 5 avenue d'Eylau à Paris, Vente de l'atelier Paul Ackerman, hôtel Drouot, huit catalogues, tous largement biographiques et datés des ; ; ; ; ; ; ; .
- Bertrand Galimard-Flavigny, « Paul Ackerman », Les petites affiches, no 119, .
- « Une vente d'Ackerman », Sélection du Reader's Digest, no 469, .
- (en) « Ackerman's talent appreciated at the final studio sale », Antiques Trade Gazette, Londres, .
- Ouvrage monographique collectif sous la direction d'André Parinaud et Simone Ackerman, Ackerman, Éditions Mayer, 1987.
- Lydia Harambourg, Dictionnaire des peintres, École de Paris 1945-1965, Neuchârel, Ides et Calendes, 1993.
- Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, tome 1,, Gründ, 1999, p. 49-50.
- Jean-Pierre Delarge: Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains, Gründ, 2001, p. 13 (lire en ligne).
- Adrian Darmon, Autour de l'art juif. Encyclopédie des peintres, photographes et sculpteurs, Éditions Carnot, 2003, p. 34.
- André Parinaud, Paul Ackerman, 1908-1981 - Une voie royale, Éditions Van Wilder, 2005.
- Radu Boroianu (ro), Paul Ackerman, Bucarest, Éditions European Art Gallery, 2014 (langue roumaine) (extrait en ligne).
- Limore Yagil, Au nom de l'art, 1933-1945. Exils, solidarités, engagements, Librairie Arthème Fayard, 2015.
Émission radiophonique
modifier- Radioscopie, par Jacques Chancel avec Paul Ackerman, France Inter, 1970.
Liens externes
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- Ressources relatives aux beaux-arts :
- [vidéo] « Ines Vigo, Paul Ackerman, film (durée : 7 min 22 s) », sur YouTube.