Ouvrage de la Croupe-du-Réservoir

L'ouvrage de la Croupe-du-Réservoir est une fortification faisant partie de la ligne Maginot, située sur la commune de Roquebrune-Cap-Martin, dans le département des Alpes-Maritimes.

Ouvrage de la Croupe-du-Réservoir
Type d'ouvrage Petit ouvrage d'infanterie
Secteur
└─ sous-secteur
secteur fortifié des Alpes-Maritimes
└─ sous-secteur des Corniches,
quartier Menton
Numéro d'ouvrage EO 14
Année de construction 1931-1934
Régiment 96e BAF
Nombre de blocs 2
Type d'entrée(s) Entrée des hommes (EH)
Effectifs 59 hommes et un officier
Coordonnées 43° 45′ 52″ nord, 7° 27′ 25″ est

Il s'agit d'un petit ouvrage[n 1] de deux blocs servant d'abri actif : il avait pour mission non seulement de protéger une section d'infanterie, mais aussi de renforcer la ligne de fortifications grâce à son armement sous cloche. Construit pendant les années 1930, il fut utilisé par l'Armée française d' à , puis par les Allemands en 1944.

Description

modifier

Ce petit ouvrage se situe en retrait de la ligne principale de résistance, à l'ouest de l'ancien village perché de Roquebrune (l'ouvrage de Roquebrune se trouvant au nord-est de ce village), juste en dessous du réservoir d'eau municipal. Il est donc construit sur une croupe s'avançant vers le sud, à environ 150 mètres d'altitude, dominant la gare de Roquebrune-Cap-Martin.

Position sur la ligne

modifier

L'ouvrage a pour but de participer à la défense du territoire français contre l'armée italienne, débouchant de Menton. La partie la plus méridionale de la ligne Maginot, le secteur fortifié des Alpes-Maritimes, était subdivisée en cinq sous-secteurs : l'ouvrage de la Croupe-du-Réservoir se trouve dans celui le plus au sud, le « sous-secteur des Corniches », qui comprenait deux lignes successives de fortifications.

La plus puissante est appelée la « ligne principale de résistance ». Dans le sous-secteur des Corniches, elle se situe en retrait à cinq kilomètres de la frontière franco-italienne, le long des hauteurs bordant à l'ouest de la vallée du Careï, avec un succession d'ouvrages bétonnés, s'appuyant mutuellement avec des mitrailleuses et de l'artillerie sous casemates : les ouvrages du Col-des-Banquettes (EO 7), de Castillon (EO 8), de Sainte-Agnès (EO 9), du Col-de-Garde (EO 10), du Mont-Agel (EO 11), de Roquebrune (EO 13), de la Croupe-du-Réservoir (EO 14) et de Cap-Martin (EO 15).

La mission de l'ouvrage de la Croupe-du-Réservoir est d'abriter une section d'infanterie destinée à intervenir en cas d'infiltration adverse, pour interdire le passage par la route de la corniche et empêcher un éventuel débarquement sur les plages du cap.

En avant de cette ligne principale, une seconde ligne a été construite pour donner l'alerte, retarder au maximum une attaque brusquée et couvrir un peu les trois communes se trouvant à l'est des ouvrages (du nord au sud Castillon, Castellar et Menton). Cette ligne est composée d'« avant-postes », qui sont beaucoup plus petits (et beaucoup moins chers) que les ouvrages de la ligne principale ; sur les 29 avant-postes alpins (AP), sept ont été construits dans le sous-secteur des Corniches. Six de ces avant-postes barrent les différents chemins descendant de la ligne de crêtes marquant la frontière : du nord au sud l'AP de la Baisse-de-Scuvion (à 1 154 m d'altitude, sous le mont Roulabre), l'AP de Pierre-Pointue (à 1 156 m), l'AP de Fascia-Founda (dans la Baisse de Faïche-Fonda, à environ 1 000 m d'altitude), l'AP de la Péna (sur le rocher de la Penna, à 727 m), l'AP de La Colletta (sur le chemin de l'Orméa, à 466 m), l'AP du Collet-du-Pillon (sur le chemin des Granges de Saint-Paul, à 400 m, aujourd'hui sous les remblais d'un terrain de sport) et l'AP de Pont-Saint-Louis (barrant la route littorale).

Souterrains et blocs

modifier

Comme tous les autres ouvrages de la ligne Maginot, celui de la Croupe-du-Réservoir est conçu pour résister à un bombardement d'obus de gros calibre. Les organes de soutien sont donc aménagés en souterrain, creusés au minimum sous douze mètres de roche, tandis que les organes de combat, dispersés en surface sous forme de blocs, sont protégés par d'épais cuirassements en acier et des couches de béton armé. Les installations souterraines abritent un casernement pour l'équipage, un système de ventilation et de filtration de l'air, une cuisine, un poste de secours, des latrines, des lavabos, un petit stock de munitions, un stock de vivres, une usine, des réservoirs de gazole et d'eau, ces derniers alimentés grâce à un puits et une pompe électrique.

L'énergie est fournie par deux groupes électrogènes, composés chacun d'un moteur Diesel Baudouin type DB 2 à deux cylindres de 24 ch (à 750 tours par minute) couplé à un alternateur, complétés par un petit groupe auxiliaire (un moteur CLM 1 PJ 65, de 8 ch à 1 000 tr/min)[n 2] servant à l'éclairage d'urgence de l'usine et au démarrage pneumatique des gros moteurs. Le refroidissement des moteurs se fait par circulation d'eau.

L'ouvrage est en fait un abri-caverne sur lequel a été greffé une casemate (d'où l'expression d'« abri actif ») : il est composé en surface de deux blocs, reliés par la galerie souterraine. Le premier bloc sert d'entrée à l'ouvrage, défendu par un créneau pour fusil-mitrailleur sous béton, dans l'axe du chemin d'accès, un autre créneau à travers la porte blindée et par un petit fossé diamant lui-même défendu par une goulotte lance-grenades.

Le petit bloc 2 est surmonté d'une cloche GFM (pour guetteur et fusil mitrailleur).

Les fusils mitrailleurs (FM) de l'ouvrage étaient chacun protégés par une trémie blindée et étanche (pour la protection contre les gaz de combat). Ils tirent la même cartouche de 7,5 mm à balle lourde (modèle 1933 D de 12,35 g au lieu de 9 g pour la modèle 1929 C)[2]. Ces FM étaient des MAC modèle 1924/1929 D, dont la portée maximale est de 3 000 mètres, avec une portée pratique de l'ordre de 600 mètres[3]. L'alimentation du FM se fait par chargeurs droits de 25 cartouches, avec un stock de 14 000 pour la cloche GFM et 7 000 pour le FM de l'entrée[4]. La cadence de tir maximale est de 500 coups par minute, mais elle est normalement de 200 à 140 coups par minute[5],[6].

Histoire

modifier

Construction

modifier

L'ouvrage fut construit par la main-d'œuvre militaire (MOM) entre le et le , pour un coût total de 1 627 000 francs[7] (valeur de )[n 3].

La construction d'une entrée de secours a été repoussée faute de crédits, puis jamais construite.

L'ouvrage n'a jamais eu à se battre.

Occupation et libération

modifier

L'ouvrage fut, comme tous les ouvrages voisins, évacué et désarmé par son équipage, pour passer dans la zone démilitarisée bordant la zone d'occupation italienne. Les Allemands le réarmèrent.

État actuel

modifier

Actuellement en restauration, il appartient encore à l'armée comme quelques autres ouvrages (ouvrages du Mont-Agel et du Barbonnet). Il est très difficile d’accès.

Notes et références

modifier
  1. L'appellation d'« ouvrages » pour désigner les abris actifs est sujet à débats. Selon Philippe Truttmann, « les abris-actifs jouent, dans le Sud-Est, le rôle dévolu aux ouvrages d'infanterie ; ils s'appellent d'ailleurs parfois petits ouvrages »[1].
  2. Le nom du petit moteur Diesel CLM 1 PJ 65 correspond au fabricant (la Compagnie lilloise de moteurs, installée à Fives-Lille), au nombre de cylindre (un seul fonctionnant en deux temps, mais avec deux pistons en opposition), au modèle (PJ pour « type Peugeot fabriqué sous licence Junkers ») et à son alésage (65 mm de diamètre, soit 700 cm3 de cylindrée).
  3. Pour une conversion d'une somme en anciens francs de 1936 en euros, cf. « Convertisseur franc-euro : pouvoir d'achat de l'euro et du franc », sur insee.fr.

Références

modifier
  1. Truttmann 2009, p. 235.
  2. « Munitions utilisées dans la fortification », sur wikimaginot.eu.
  3. « Armement d'infanterie des fortifications Maginot », sur maginot.org.
  4. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 58.
  5. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 107.
  6. Truttmann 2009, p. 374.
  7. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 29.

Voir aussi

modifier

Bibliographie

modifier
  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française » (no 2) :
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquête, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).
  • Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X).

Articles connexes

modifier