Nord-Sud (revue)
Nord-Sud est une revue française de poésie dirigée par le poète Pierre Reverdy. Apparue en mars 1917, elle a compté seize numéros en quatorze livraisons, avant de disparaitre en 1918. Elle est tirée modestement entre 100 et 200 exemplaires.
Dès l'éditorial du premier numéro, Reverdy place la revue sous le patronage d'Apollinaire, écrivant « Naguère les jeunes poètes allèrent trouver Verlaine pour le tirer de l'obscurité. Quoi d'étonnant que nous ayons jugé le moment venu de nous grouper autour de Guillaume Apollinaire ? »
Titre
modifierLe titre Nord-Sud fait référence à la compagnie de métropolitain reliant Montmartre, au nord de Paris, à Montparnasse, au sud. La revue se propose ainsi de relier les deux foyers artistiques de l’époque[1],[2].
Histoire
modifierPierre Reverdy conçoit ce projet à la fin de 1916, alors que la vie artistique est toujours anesthésiée par la Grande Guerre, pour montrer les parallélismes entre les théories poétiques de Guillaume Apollinaire, de Max Jacob et de lui-même, marquant ainsi le début d'une époque nouvelle pour la poésie et la réflexion artistique. Reverdy y expose ses théories littéraires, ainsi que de nombreuses réflexions sur le cubisme, notamment sur ses amis Pablo Picasso et Georges Braque[3]. Joan Miró représente la revue dans un tableau qui porte son nom, Nord-Sud (1916-1917), en hommage au poète et aux artistes qu'il admire.
Ligne éditoriale
modifierRassemblant les poètes associés à l'esthétique du « cubisme littéraire », la revue a également accueilli les textes des futurs dadaïstes. C'est dans ses pages que Tristan Tzara trouve l'occasion d'une première publication en France, en dépit d'une certaine méfiance de Reverdy à son égard[4].
L'esthétique de Nord-Sud se nourrit des poétiques d'Poe, Baudelaire et Mallarmé, ainsi que des réflexions « entourant le cubisme » et « certaines intuitions d'Apollinaire ». Elle est en revanche indifférente aux expérimentations littéraires d'avant-guerre comme l'unanimisme, aux écrivains de la NRF, et refuse le terme d'« avant-garde »[5].
Forme
modifierNord-Sud est caractérisée dans sa forme par une « harmonie sobre »[2]. Sa page de titre, uniquement typographique, a été conçue avec le concours de Juan Gris[2]. Cette sobriété distingue la revue de ses consœurs d'avant-garde. Dans une lettre à Jacques Doucet de 1917, Max Jacob explique que Reverdy « rugit devant les fantaisies typographiques de l'Élan et de Sic »[5].
Diffusion et financement
modifierLa revue ne jouit que d'un tirage faible, sans doute d'environ 100 exemplaires par livraison et d'une diffusion artisanale, reposant principalement sur les dépôts en librairies et galeries d'arts[6].
Elle a été financée par deux mécènes : le poète Vicente Huidobro, que Reverdy rencontre par l'intermédiaire de Pierre Albert-Birot et surtout Jacques Doucet[6].
Liste exhaustive des auteurs publiés
modifier- Guillaume Apollinaire
- Louis Aragon
- Georges Braque
- André Breton
- Paul Dermée
- Vincent Huidobro
- Max Jacob
- Clément Milart
- Hélène Oettingen (sous les pseudonymes Roch Grey et Léonard Pieux)
- Jean Paulhan
- Pierre Reverdy
- Léonce A. Rosenberg
- Justin-Frantz Simon
- Philippe Soupault
- Tristan Tzara
Notes et références
modifier- Béhar 2007.
- Alain-Hubert 1980, p. xiii.
- Étienne-Alain Hubert, note au tome 1 des Œuvres complètes de Pierre Reverdy, Flammarion, p. 1298.
- Tristan Tzara rapporte une anecdote qu'il nomme lui-même « scène comique » et qui peut donner à comprendre le climat de suspicion dont il faisait alors l'objet : « Guillaume Apollinaire, que j'avais connu avant la guerre, me demanda des poèmes pour une revue qu'il voulait fonder. Il les remit à Reverdy qui m'écrit pour avoir ma permission de les faire paraître dans Nord-Sud. Ma réponse fut interceptée par la censure, et ce n'est que trois mois après que j'ai pu lui écrire. P. A.-Birot me demanda aussi de la part d'Apollinaire des poèmes pour Sic J'ai appris après l'armistice — Apollinaire était mort — qu'une scène assez comique eut lieu entre Reverdy et Apollinaire à propos de ces poèmes. Le bruit s’était répandu à Paris que j’étais sur la liste noire (vendu aux Allemands, espion que sais-je…) Apollinaire et Reverdy qui avaient peur s’accusèrent réciproquement et dans des termes violents de m’avoir demandé ma collaboration pour Nord-Sud. », Lettre de Tristan Tzara à Jacques Doucet, datée du 30 octobre 1922, reproduite dans Sanouillet 2005, p. 566.
- Alain-Hubert 1980, p. x.
- Alain-Hubert 1980, p. xii.
Bibliographie
modifierSources primaires
modifier- Pierre Reverdy, Nord-Sud, 1917-1918, 16 numéros, accessibles en ligne sur Scopalto
- Pierre Reverdy, Nord-Sud 1917-1918, revue littéraire : collection complète, Paris, Nouvelle éditions Place, (ISBN 978-2-85893-034-0)Réédition reliée des 16 numéros de la revue.
Sources critiques
modifier- [Alain-Hubert 1980] Étienne Alain-Hubert, « Préface », dans Nord-Sud, revue littéraire, collection complète, Jean-Michel Place, (ISBN 2-85893-034-1), p. I-XVII
- [Béhar 2007] Henri Béhar, « Pierre Reverdy et Nord-Sud », Histoires littéraires, no 30, , p. 6-15 (lire en ligne). .
- [Breuil 2014] Eddie Breuil, « Nord-Sud », dans Dictionnaire des revues littéraires au XXe siècle: Domaine français, Honoré Champion, (ISBN 978-2-7453-2756-7 et 978-2-7453-3717-7, DOI 10.14375/np.9782745337177, lire en ligne), p. 1003-1006
- [Sanouillet 2005] Michel Sanouillet, Dada à Paris, Paris, CNRS Éditions, (1re éd. 1965) (ISBN 2-271-06337-X, DOI 10.4000/books.editionscnrs.8805), p. 52-55.
- [Sebbag 1997] Georges Sebbag, « SIC, Nord-Sud et Littérature », dans Madeleine Renouard, Pierre Albert-Birot, Laboratoire de modernité, Paris, Jean-Michel Place, (ISBN 285 893 299-9), p. 53-63
- [Suter 2017] Patrick Suter, « Les revues littéraires en 1917 », Littérature, no 188, , p. 61-73 (DOI 10.3917/litt.188.0061, lire en ligne)
Liens externes
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