Nicolas Cirier

pamphlétaire français

Nicolas Cirier, né le à Dun-sur-Meuse (Meuse) et mort le à Paris 5e, est un typographe et pamphlétaire français.

Nicolas Cirier
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Marie Nicolas Louis Dominique CirierVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activité

Ressuscité de l'oubli par Raymond Queneau[a] et surnommé « le typographe fou », il est l'auteur, entre autres, de L'Œil typographique et de L'Apprentif Administrateur, où un discours excentrique se mêle à d'étonnantes trouvailles typographiques.

Le typographe fou

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Nicolas Louis Marie Dominique Cirier naît le à Dun-sur-Meuse[1]. Il est le fils de Jean-Baptiste Cirier et de son épouse, Marie-Louise Tourment. Son père, professeur de littérature classique et directeur de pension[2], émigre en Pologne pendant la Terreur.

Nicolas Cirier fait ses études au collège de Reims. Il fait deux autres années d'étude comme séminariste. Il devient apprenti typographe. Il exerce le métier de correcteur, de compositeur et de prote, à Château-Thierry, à Paris et à Reims, entre 1814 et 1827. De retour à Paris, il réussit le concours d'entrée à l'Imprimerie royale.

Admis comme correcteur de seconde classe, il se dévoue tout entier à sa tâche :

« Mon admission par voie de concours, en 1828, à l'I. R., avait eu pour condition, entre autres, les connaissances des langues française, latine et grecque. Possédant assez bien le latin dès lors, et passant même pour l'écrire avec quelque facilité, je me suis, dès mon entrée, particulièrement attaché à cultiver le grec. [...] La variété des idiomes offerts à ma curiosité dans l'exercice de ma profession à l’I. R. a dû me porter à reprendre l'étude de ceux de ces idiomes que j'avais pu attaquer déjà antérieurement : l'hébreu, l'italien et l'allemand, et m'inspirer le désir d'en connaître quelques autres : l'anglais, l'espagnol, le chinois et l'arabe[3]. »

 
Page de L'Œil typographique de Nicolas Cirier avec texte en français, latin, grec et arabe.

Il raconte combien sa connaissance des langues lui est précieuse dans l'exercice de son métier quand il doit, par exemple, corriger les épreuves du Journal asiatique.

Le directeur de l'Imprimerie royale, l'académicien Pierre-Antoine Lebrun, supprime l'admission sur concours et nomme un autre typographe, un certain Audiguier, au grade de correcteur de première classe en 1831. Ce poste est supprimé deux ans plus tard, et Audiguier est nommé correcteur en chef.

Se disant victime d’« un étonnant, un étrange, un risible, un infâme passe-droit[4] », il comprend que toute promotion lui est interdite, il propose sa démission en 1836. Elle est aussitôt acceptée.

Cirier entame une campagne pour obtenir sa réinstauration. En 1839, il envoie à Lebrun une première lettre, imprimée en cent exemplaires, et publie deux pamphlets, L'Œil typographique et L'Apprentif Administrateur. Il y réclame véhémentement que justice lui soit faite. Trois ans plus tard, il provoque son ancien chef en duel. Lebrun ne donne pas suite. Lebrun quitte l'Imprimerie royale en 1848. Cirier se tourne vers de nouvelles causes.

Il rédige en 1850 un article intitulé « L'Horthographe rhendhue phacilhe ». Il plaide, non pas pour la réduction, mais au contraire pour la multiplication du nombre de lettres dans un mot. Ainsi, pour bien faire sonner les r et les l dans horrible allusion, on écrira horrrrible allllusion.

Un autre pamphlet, Hommage à M. l'A B X, paru en 1857, fustige « la dureté, la grossièreté, la vanité, la jactance et l'injuriosité du moral » du prolixe éditeur d’ouvrages religieux, l'abbé Migne.

Un autre encore, La Brisséide, sous-titré « Boutades iambico-philantropico-gatronomico-copronymiques : suite et supplément aux vingt aphorismes de Brillat-Savarin », publié en 1867, s'en prend aux « casseroles compromettantes » du baron gastronome Léon Brisse.

Il bourlingue d'imprimerie en imprimerie à Paris et en province. Il meurt le 28 octobre 1869 à Paris[5], à l'âge de 77 ans, aux côtés de son chien, Boute-en-train, avec lequel il partage son modeste cercueil.

L'apprentif administrateur

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Ce pamphlet « littérario-typographico-bureaucratique » de soixante-douze pages, comprend « pas moins de trente-deux papillons, dépliants ou feuillets intercalaires de différentes couleurs[6] ». De nombreuses singularités valent à son auteur de figurer en bonne place parmi les fous littéraires recensés par André Blavier.

Publications

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  • Lettre de M. Cirier à M. L., 1839.
  • L’Œil typographique : offert aux hommes de lettres de l’un et de l’autre sexe, notamment à MM. les correcteurs, protes, sous-protes, etc., Paris, (réimpr. Éditions des Cendres, Paris, 2004) (lire en ligne sur Gallica).
  • L’Apprentif Administrateur, pamphlet pittoresque (!), littérario-typographico-bureaucratique, pouvant intéresser toute personne employée, employable, ex-employée, par quelqu’un de cette dernière catégorie, Paris, , iv-24-72, ill. ; in-8º (lire en ligne sur Gallica).
  • Sur la tombe de P.-L. Jamais, mort subitement, le A. D. 1840, 1840.
  • Propagande philanthropique. À MM. les typographes, ouvriers à la casse et à la presse, protes et correcteurs de Paris et de la banlieue, 1841.
  • Justice ! (1842). Réédition : Éditions des Cendres, Paris, 2004.
  • Le plus étonnant des catalogues (1842). Réédition : Éditions des Cendres, Paris, 2004.
  • Fraternité ! Fraternité !, 1846.
  • Électeurs ! Prrrrrenez garde à vous ! . Liste, par ordre alphabétique, des candidats à l'assemblée législative, votée par le comité démocratique-socialiste des élections, 1849.
  • Ne lisez pas ceci, ennemis de la république : ça vous ferait mal... c'est votre arrêt de mort (civile). Le génie de la France m'est apparu cette nuit, armé de pied en cap. Il a ouvert devant moi sa giberne, j'ai vu et touché 28 cartouches qui vont blesser mortellement le monstre hideux et nauséabond de la réaction. De profundis, 1849.
  • Tirelire électorale, 1849.
  • L'Orthographe rendue facile, 1850.
  • Scène amphibolo-térotorthographicologique, 1850.
  • Desideratum. À l'auteur du livre intitulé « Congrès linguistique. Les Révolutionnaires de l'A-B-C. » À M. Alexandre Erdan et Cie., 1854.
  • Pitié ! Pitié ! À Madame Veuve de Mouzay, 1856.
  • Hommage à M. l'A B X. Démonstration A + B...= A B, apparemment ?. Pas du tout ! A B. (1857). Réédition : Éditions des Cendres, Paris, 2004.
  • Élégie anatomique, 1858.
  • Au Roi du jour, 1858.
  • Fables nouvelles, 1858.
  • Inanité ! Inanité !, 1860.
  • La Brisséide (1867). Réédition : Éditions des Cendres, Paris, 2004.
  • Candidature d'un ouvrier typographe (s.d.)
  • Soldats !... Je suis content de vous (s.d.)
  • Lettre supplique au sujet du cran, inédit de son vivant ; Fornax, 2012.

Bibliographie

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  • Louis Barnier, Hommage à Nicolas Cirier typographe, 1792-1869, présentation de Louis Barnier, Imprimerie Union, Paris, 1981.
  • Didier Barrière, Un Correcteur fou à l'Imprimerie royale, Nicolas Cirier, 1792-1869, introduction, choix de textes et bibliographie par Didier Barrière, Éditions des Cendres, Paris, 1987.
  • Nicolas Galaud et Delphine Quéreux-Sbaï, Nicolas Cirier : typographe pamphlétaire, Bibliothèque municipale de Reims, Reims, 2000.

Notes et références

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  1. Raymond Queneau a parlé pour la première fois de Nicolas Cirier au chapitre CXL de son roman Les Enfants du limon, Paris, Gallimard, 1938.

Références

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  1. Registre des naissances, mariages, décès de la commune de Dun-sur-Meuse (1792-1797), cote 2 E 171 (3) (Acte de baptême de Nicolas Cirier), Archives départementales de la Meuse, 288 p. (lire en ligne), p. 7
  2. Éléments biographiques d'après Sophie Aouillé, « Tenir la lettre », Essaim, Paris, no 7,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Nicolas Cirier, L'Apprentif Administrateur, 1840, p. 41.
  4. Ibid., p. 20.
  5. Registre des décès de la mairie du 5e arrondissement de Paris (14 octobre 1869 (acte n° 2767)-8 novembre 1869 (acte n° 3007)), cote V4E 613 (Acte de décès de Nicolas Cirier), Archives de Paris, 31 p. (lire en ligne), p. 16
  6. Raymond Queneau, Bâtons, chiffres et lettres, Paris, Gallimard, 1965, p. 289.

Liens externes

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