Modèle de l'oracle aléatoire
En cryptologie, le modèle de l'oracle aléatoire[Note 1] est un cadre théorique idéalisé dans lequel on peut prouver la sécurité de certains algorithmes cryptographiques, en particulier les signatures numériques. Il postule l'existence d'un oracle, c'est-à-dire d'une boîte noire, qu'un adversaire peut interroger et qui fournit une réponse « aléatoire », dans un sens précisé plus bas. Ce modèle essaie de capturer le comportement idéal d'une fonction de hachage cryptographique.
Le modèle de l'oracle aléatoire a été introduit en 1993 par les cryptologues Mihir Bellare et Phillip Rogaway[1].
Un des intérêts du modèle de l'oracle aléatoire est qu'il permet de construire des preuves de sécurité pour les algorithmes utilisant des fonctions de hachage, sans avoir besoin de rentrer dans les détails d'implémentation de ces dernières. Toutefois, on sait qu'il existe des algorithmes prouvés sûrs dans le modèle de l'oracle aléatoire, qui sont complètement cassés si on remplace l'oracle par n'importe quelle fonction de hachage réelle[2], ce qui a initialement causé des doutes quant à la pertinence des preuves dans ce modèle[3],[4],[5],[6],[7],[8]. Pire, il n'est possible de prouver la sécurité de certains algorithmes, tel que FDH, que dans le modèle de l'oracle aléatoire[9].
Si les preuves dans le modèle standard restent préférables, les réticences face au modèle de l'oracle aléatoire sont aujourd'hui modérées[3],[10]. Qui plus est, des modèles a priori différents tels que le modèle du chiffre idéal se sont en fait avérés équivalents au modèle de l'oracle aléatoire[11]. Pour ces raisons une preuve dans le modèle de l'oracle aléatoire a surtout une valeur heuristique[3],[Note 2].
Exemples importants
modifier- La sécurité du schéma de signature de Schnorr et de celui d'ElGamal ont été réduites à la difficulté du logarithme discret dans le modèle de l'oracle aléatoire[12]. Il est cependant vraisemblable qu'une preuve sans l'oracle aléatoire est hors d'atteinte[13],[14].
- La sécurité du chiffrement RSA avec OAEP[15] comme avec PSS (en)[16] est réduite à la difficulté du problème RSA dans le modèle de l'oracle aléatoire.
- La sécurité de la signature Full Domain Hash est réduite à la difficulté du problème RSA dans le modèle de l'oracle aléatoire[1]. Cependant on sait qu'il n'existe de preuve que dans ce modèle[9].
- La sécurité du chiffrement basé sur l'identité de Boneh-Franklin est réduite à une variante du problème de Diffie-Hellman calculatoire dans le modèle de l'oracle aléatoire[17].
Définition
modifierDans le modèle de l'oracle aléatoire, les participants ont accès à un oracle qui répond à un nombre polynomial de requêtes de la manière suivante :
- Pour une requête jamais formulée auparavant, l'oracle répond une chaîne de bits choisie uniformément au hasard.
- Pour une requête déjà reçue, l'oracle renvoie .
Comme souvent en informatique théorique, la notion de choix aléatoire peut se formaliser au moyen d'une « bande aléatoire[Note 3] » . La capacité pour le cryptologue de rembobiner cette bande est au cœur de nombreuses preuves de sécurité dans ce modèle, au moyen du forking lemma[12].
Dans la mesure où est choisi de manière qui ne peut être distinguée d'un véritable choix uniforme, il est possible de le générer d'une manière inconnue de l'adversaire. Ce modèle, dit « de l'oracle aléatoire programmable » permet de contraindre l'adversaire dans une preuve par réduction à casser une hypothèse calculatoire.
Voir aussi
modifierNotes et références
modifierNotes
modifier- Souvent abrégé ROM pour l'anglais random oracle model.
- (Koblitz et Menezes 2005) notent toutefois qu'aucun système « réel » prouvé sûr dans le modèle de l'oracle aléatoire n'a été attaqué avec succès ; que les limitations mentionnées s'appliquent à des exemples artificiels et que l'absence d'exemples convaincants est en soi un argument en faveur du modèle.
- Au sens d'une bande d'une machine de Turing, utilisée par l'algorithme comme source d'entropie.
Références
modifier- (en) Mihir Bellare et Phillip Rogaway, « Random oracles are practical: a paradigm for designing efficient protocols », CCS '93 Proceedings of the 1st ACM conference on Computer and communications security, ACM, , p. 62–73 (ISBN 0897916298, DOI 10.1145/168588.168596, lire en ligne, consulté le )
- (en) Ran Canetti, Oded Goldreich et Shai Halevi, « The random oracle methodology, revisited », Journal of the ACM (JACM), vol. 51, no 4, , p. 557–594 (ISSN 0004-5411, DOI 10.1145/1008731.1008734, lire en ligne, consulté le )
- (en) Neal Koblitz et Alfred J. Menezes, « Another Look at "Provable Security" », Journal of Cryptology, vol. 20, no 1, , p. 3–37 (ISSN 0933-2790 et 1432-1378, DOI 10.1007/s00145-005-0432-z, lire en ligne, consulté le )
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- (en) Mihir Bellare, Alexandra Boldyreva et Adriana Palacio, « An Uninstantiable Random-Oracle-Model Scheme for a Hybrid-Encryption Problem », dans Advances in Cryptology - EUROCRYPT 2004, Springer Berlin Heidelberg, (ISBN 9783540219354, DOI 10.1007/978-3-540-24676-3_11, lire en ligne), p. 171–188
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