Maoz Tsour
Ma'oz Tsour (hébreu : מעוז צור, « Rocher puissant ») est un poème liturgique hébraïque, traditionnellement chanté lors de la fête de Hanoucca, après l'allumage des bougies.
Fort populaire dans les foyers comme dans les synagogues, le chant a été adapté en allemand par Leopold Stein puis en anglais par Marcus Jastrow et Gustav Gottheil[1].
Contenu
modifierL'hymne est nommé d'après ses deux premiers mots en hébreu, qui signifient "Roc de puissance", employé comme nom ou épithète de Dieu.
Selon Zunz ("Literaturgesch. " p. 580), Maoz Tsour aurait été écrit au milieu du XIIIe siècle, au temps des Croisades. Les premières lettres des cinq premières stances forment en acrostiche un nom, probablement celui du compositeur, Mordekhaï (מרדכי). Il pourrait s'agir de Mordecaï ben Isaac ha-Levi, l'auteur du piyyout pour la table de Shabbat "Mah Yafit", voire du savant évoqué par les Tossefot de Nidda 36a. D'après le message de la stance finale, il pourrait s'agir du Mordecaï dont le beau-père subit le martyre à Magenza (Mayence) en 1096. Un autre acrostiche est trouvé dans les premières lettres des mots ouvrant la dernière stance. Comme dans le cas de nombreux piyyoutim, ils congratulent le poète par le mot hazaq (signifiant "[puisses-tu être] fort").
La première stance et la dernière sont écrites au présent, les autres au passé. Dans la première stance s'exprime l'espoir de la reconstruction du Temple et la défaite des ennemis, évoqués en termes canins (menabe'a'h, aboyant). Dans les stances intermédiaires, le poème rappelle les nombreuses occasions au cours desquelles les communautés juives furent sauvées des peuples oppresseurs qui les environnaient dans l'ordre chronologique. La seconde stance évoque l'Exode d'Égypte, la troisième la fin de la captivité babylonienne, la quatrième le miracle de Pourim, et la cinquième la victoire des Hasmonéens, période dans laquelle s'inscrit Hanoucca. La stance finale appelle à un soulèvement contre les ennemis du peuple Juif. Au vu de l'agencement du poème, certains pensent que le terme "Admon", signifiant "le rouge", bien que pouvant être compris comme une métaphore d'Édom, évoquait plus précisément l'empereur Friedrich Barbarossa (Frédéric Barberousse). Cette stance fut oblitérée de nombreuses versions imprimées du poème, sans doute par crainte de représailles chrétiennes.
Dans son livre VeHigadeta Lebanekha ("Et tu diras à tes enfants"), Mikhal Gour-Arie explique que "Ma'oz Tsour" est chanté à Hanoucca plutôt qu'à Pourim ou Pessa'h, également évoqués dans le poème car :
« Pour Pessa'h, nous lisons dans la Haggada : "À chaque génération, certains se lèvent pour nous anéantir, mais le Saint, béni soit-Il, nous sauve de leurs mains. " À Pourim, après la lecture de la Meguila, nous disons la bénédiction "Béni sois Tu... Qui défends notre cause, ...et S'est dressé contre ceux qui se sont dressés contre nous...." Il n'est pas besoin de dire le "Ma'oz Tsour", sauf à Hanoucca. »
Dans cette optique, le "Ma'oz Tsour" fait office de relation rituelle des faits, les Juifs ne considérant pas les Livres des Macchabées comme "canoniques".
Mélodie
modifierLa mélodie habituellement associée à Maoz Tsour et qui est reprise un peu partout dans le monde est également utilisée pour d'autres chants (ex : Hallel). D'autres airs existent. L'air actuel a été transcris par le Cantor Birnbaum de Königsberg dans le Israelitische Wochenschrift (1878, No. 51).
Selon ce même Birnbaum, cet air est une adaptation d'un ancien air populaire allemand So weiss ich eins, dass mich erfreut, das pluemlein auff preiter heyde, produit dans Altdeutsches Liederbuch de Böhme(No. 635) ; ce chant était semble-t-il largement répandu parmi les juifs allemands aux alentours de 1450. Par une étrange coïncidence, ce même air a été utilisé par Luther lors de chorales en allemand. Il était utilisé, par exemple, pour le chant Nun freut euch lieben Christen gmein (comp. Julian, Dictionary of Hymnology). Cet air est aussi familier parmi les anglophones comme l'air de la traduction par F. E.Cox de l'hymne Sei lob und ehr dem höchsten gut, de J. J. Schütz (1640-1730), sous le titre de Erk.
La première forme de l'adaptation en hébreu est due à Isaac Nathan, qui l'a utilisé pour le psaume Sur les rives de Babylone (cf. Mélodies hébraïques de Byron, 1815). De nombreuses transcriptions suivirent, et l'air trouve désormais sa place dans chaque compilation de mélodies juives.
Paroles
modifierHébreu | Phonétique | Traduction |
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מָעוֹז צוּר יְשׁוּעָתִי, לְךָ נָאֶה לְשַׁבֵּחַ |
Ma'oz Tzur Yeshu'ati, lekha na'eh leshabe'ah.
Tikon beit tefilati, vesham toda nezabe'ah. |
Rocher puissant de ma délivrance, il me plait de chanter tes louanges
Que soit reconstruite la maison de ma prière, et je t'y remercierai |
רָעוֹת שָׂבְעָה נַפְשִׁי, בְּיָגוֹן כֹּחִי כָּלָה |
Ra'ot save'ah nafshi, beyagon kohi kala.
Hayyai mareru vekoshi, beshi'abud malkhut egla. |
De malheurs mon âme est repue, la peine a épuisé ma puissance
Ma vie est amère de dureté, sous l'esclavage du royaume du veau (l'esclavage en Égypte) |
דְּבִיר קָדְשׁוֹ הֱבִיאַנִי, וְגַם שָׁם לֹא שָׁקַטְתִּי |
Dvir kodsho hevi'ani, vegam sham lo shakateti.
Uva noges vehiglani, ki zarim avadti. |
Il m'a conduit dans le Saint des saints, et même là je n'ai pu me calmer
Là-bas même l'oppresseur est venu m'exiler, car j'ai servi des dieux étrangers |
כְּרוֹת קוֹמַת בְּרוֹשׁ, בִּקֵּשׁ אֲגָגִי בֶּן הַמְּדָתָא |
Kerot komat berosh bikesh, Agagi ben Hamdatah.
veniheyata lo lefah ulemokesh, vega'avato nishbata. |
Couper la cime du cyprès, tel fut le souhait du fils de Hammedata, Agagui(Hamman)
Il fut pris au piège, et son orgueil le trahit |
יְוָנִים נִקְבְּצוּ עָלַי, אֲזַי בִּימֵי חַשְׁמַנִּים |
Yevanim nikbetzu alai, azai bimei Hashmanim.
Ufartzu homot migdalai, vetim'u kol hashemanim. |
Les grecs se sont groupés contre moi, au temps des Hasmonéens
Ils ébréchèrent les murailles de mes tours, et souillèrent toutes les essences |
חֲשׂוֹף זְרוֹעַ קָדְשֶׁךָ וְקָרֵב קֵץ הַיְשׁוּעָה |
Hasof zroa kodshekha, vekarev ketz hayeshu'a.
Nkom nikmat dam avadeikha me'uma haresha'a. |
Découvre le bras de ta sainteté et rapproche le temps de la délivrance
Venge ton serviteur contre la vile nation |
Sources d'inspiration moderne
modifierCe piyyout inspira la chanteuse et compositrice israélienne Naomi Shemer son Shiv'hei Ma'oz (« Louanges de la Forteresse »), qui fut jouée par l'orchestre Pikoud Darom en 1969. Cependant, si elle emprunte au Maoz Tsour ses deux premiers vers, elle en change la portée, car elle ne s'adresse pas à la Forteresse (Dieu) mais aux places-fortes de Tsahal qui avaient été attaquées à l'époque, lors de la guerre d'usure avec l'Égypte.
En 2006, le groupe folk rock Blackmore's Night adapte le poème sous le titre Ma-O-Tzur de son album de chants de Noël Winter Carols.
Notes et références
modifier- « Jewish Heritage Online Magazine » , sur www.jhom.com (consulté le )
Sources
modifier- Cet article contient des extraits de l'article « Maoz Tsur » par Cyrus Adler & Francis L. Cohen de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906 dont le contenu se trouve dans le domaine public.
- Cet article provient en grande partie des versions hébraïcophones et anglophones, qui citent les références suivantes :
- Sarah Friedlander Ben-Arie, Ma'oz tzur, a study in piyyut (en hébreu)
- Diverses interprétations du Ma'oz tsour (en hébreu)
- Rabbi David Haï Ha-Kohen, Ma'oz tzur (en hébreu)
- Yosef Rot Rottem, Thoughts for Hannukah on "Ma oz" tzur (en hébreu ; jeu de mots entre Maoz-forteresse et Ma oz "quelle est la puissance [du Rocher]")
Liens externes
modifier- Maoz Tzur, une traduction anglaise littérale du site de l'Union orthodoxe.
- Irwin Oppenheim, "Chanukah Songs" sur le site Chazzanut Online. Cette page inclut des versions MIDI audio des mélodies allemandes et italiennes de Maoz Tsour et de l'air néerlandais de Shene Zetim.
- le chant du Maoz Tsour selon le rite nord Africain par le Rav Zécharia Zermati du site Torat Emet
Maoz Tsour est également visible via cette vidéo disponible sur www. menahemhouri.com